ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

RECHERCHE Accueil Mises en garde Documentation ATILF ARTFL Courriel

Previous page

CITRONNIER (Page 3:489)

CITRONNIER. s. m. citreum, (Hist. nat. bot.) genre de plante à fleur en rose. Le pistil sort du calice, & devient dans la suite un fruit ordinairement oblong, qui a une chair ferme qui est divisée en plusieurs loges remplies de suc & de vésicules. Ces cellules renferment aussi des semences calleuses: ajoûtez au caractere de ce genre, que les feuilles sont simples. Tournefort, inst. rei herb. V. Plante. (I)

Citronnier, (Page 3:489)

Citronnier, (Jardin.) du Latin citreum, citrum, malus medica. Plin. Virgil.

Définition. Illasum retinet citrus aurea frondis honorem, Malaque floriferis harent pendentia ramis, Veris & autumni pulcherrima dona. [p. 490]

C'est en effet cet arbre admirable, toûjours verd, que le printems confondu pour ainsi dire avec l'automne, présente à nos yeux chargé de fleurs & de fruits, dont les uns tombent par la maturité, tandis que d'autres commencent à mûrir, & d'autres commencent seulement à paroître. Rival de l'oranger, & méritant peut - être la préférence, il n'en differe que par son fruit & par ses feuilles qui sont larges & roides comme celles du laurier, mais sans talon.

Ipsa ingens arbos, faciemque simillima lauro: Et si non alium latè jactaret odorem, Laurus erat: folia haud ullis labentia ventis: Flos apprimè tenax: animas, & olentia Medi Ora fovent illo, & senibus medicantur anhelis. Virg. II. Georg. v. 131.

« L'arbre dont je parle, originaire de la Médie, s'éleve fort haut, & ressemble au laurier. Si l'odeur qu'il répand n'étoit pas différente, on pourroit aisément le confondre avec le laurier. Ses feuilles résistent au souffle des aquilons, & sa fleur est fort adhérente aux branches où elle est attachée. Les Medes s'en servent pour mettre dans la bouche une odeur agréable, & pour fortifier les vieillards asthmatiques ».

Sa description. (Geoffroi, mat. med.) Il est médiocrement haut dans nos jardins. Sa racine est branchue, & s'étend en tous sens: elle est ligneuse, & couverte d'une écorce jaune en - dehors, blanche en - dedans. Son tronc n'est pas fort gros; son bois est blanc & dur; son écorce est d'un verd pâle. Ses branches sont nombreuses, longues, grêles, & fort pliantes; les plus vieilles sont d'une couleur verte jaunâtre, & garnies de pointes blanchâtres: celles qui sont jeunes, sont d'un beau verd gai; l'extrémité des branches & des feuilles est fort tendre, & d'un rouge brun.

Ses feuilles approchent de la grandeur de celles du noyer; elles sont souvent mousses, quelquefois pointues, & presque trois fois plus longues que larges; plus vertes en - dessus qu'en - dessous, legerement dentelées en leur bord, garnies de veines qui viennent de la côte épaisse qui est dans le milieu, quelquefois ridées & comme bosselées; elles sont en grand nombre, & durent pendant tout l'hyver, d'une bonne odeur, ameres: elles paroissent percées de trous, ou plûtôt parsemées de points transparens, quand on les regarde au soleil, de même que celles du millepertuis. La plûpart des feuilles ont une épine contiguë à la partie supérieure, & voisine du bourgeon: la pointe de cette épine est rougeâtre, verte dans le reste, fort roide, & assez longue.

Ses fleurs sont en grand nombre au sommet des rameaux, où elles forment comme un bouquet; elles sont en rose, composées le plus souvent de cinq pétales charnus, disposés en rond & refléchis, parsemés de rouge en - dehors, blancs dans tout le reste; soûtenus par un petit calice verd, découpé en cinq quartiers, renfermant beaucoup de filets d'étamines blanchâtres, & surmontés d'un sommet jaune. Ces fleurs ont une odeur foible, & sont d'abord douçâtres, ensuite ameres: les unes sont fertiles, ayant au milieu des étamines un pistil longuet, qui est l'embryon du fruit; & les autres sont stériles, étant sans pistils: celles - ci tombent bientôt, & les autres subsistent.

Ses fruits sont souvent oblongs, quelquefois sphériques, d'autrefois pointus à leur sommet, quelquefois mousses; leur superficie est ridée & parsemée de tubercules: souvent ils ont neuf pouces de longueur, & quelquefois davantage; car ils varient en grandeur & en pesanteur. Quelques - uns pesent jusqu'à six liv.

Leur écorce extéieure est comme du cuir, mince, amere, échauffante, verte dans le commence<cb-> ment, de couleur d'or dans la maturité, d'une odeur pénétrante. Leur écorce intérieure ou la chair, est épaisse & comme cartilagineuse, ferme, blanche, douçâtre, un peu acide, & légerement odorante, partagée intérieurement en plusieurs loges pleines d'un suc acide contenu dans des vésicules membraneuses.

Enfin chaque fruit contient beaucoup de graines. Quelques - uns en ont plus de cent cinquante, renfermées dans la moelle vésiculaire. Elles sont oblongues, d'un demi - pouce de longueur, ordinairement pointues des deux côtés, couvertes d'une peau un peu dure & membraneuse, amere, jaune en - dehors, cannelée, & renfermant une amande blanche, mêlée d'amertume & de douceur.

Son origine. Le citronnier, comme le prouvent ses noms latins, a été d'abord apporté de l'Assyrie & de la Médie en Grece, de - là en Italie & dans les provinces méridionales de l'Europe. On le cultive en Sicile, en Portugal, en Espagne, en Piémont, en Provence, & même dans quelques jardins du nord, où il donne des fruits, mais bien inférieurs à ceux des climats chauds. On cultive encore cet arbre à la Chine, aux Indes orientales & occidentales, & en Amérique, au rapport du chevalier Hans - Sloane. Voyag. à la Jam. tom. II. pag. 176.

Ses especes. Les Botanistes en distinguent une dixaine d'especes principales, quoiqu'ils n'ignorent pas que les jardiniers de Genes, qui en est la grande pepiniere pour l'Europe, sont si curieux d'étendre certe variété, qu'ils l'augmentent tous les jours.

L'espece de citronnier la plus estimée est celle de Florence, dont chaque citron se vend à Florence même cinquante sous de notre monnoie: on en envoye en présent dans les différentes cours de l'Europe. Cette espece particuliere ne peut venir dans sa perfection, que dans la plaine qui est entre Pise & Livourne; & quoiqu'on ait transporté ces sortes de citronniers du lieu même en divers autres endroits choisis d'Italie, ils perdent toûjours infiniment de cet aromate, de cette finesse de goût que leur donne le terroir de ces plaines.

Son usage chez les Romains. On ne mangeoit point encore de citron du tems de Pline; & Plutarque rapporte qu'il n'y avoit pas long - tems qu'on en faisoit usage en qualité d'aliment lorsqu'il vint au monde. Au rapport d'Athenée, on regardoit alors les citrons comme une chose d'un très - grand prix; on en enfermoit avec des hardes pour les garantir des teignes, & leur donner en même tems une odeur agréable: c'est de - là sans doute que vient le nom de vestis citrosa. On mangeoit déjà le citron du tems de Galien, & Apicius nous a conservé la maniere dont on l'accommodoit.

Comme le citronnier est ensuite par - tout devenu très - commun, on trouve dans les ouvrages des modernes un nombre immense d'observations sur les vertus de cet arbre & de son fruit, dont plusieurs parties sont d'usage en medecine. Voyez Citron (Chimie.)

Il y a des citrons qui sont en même tems oranges, c'est - à - dire que certain nombre de côtes ou plûtôt de coins solides, continués jusqu'à l'axe du fruit, sont d'orange, & les autres de citron: ce nombre de côtes est non - seulement différent, mais quelquefois différemment mêlé en différens fruits. Est - ce un effet de l'art, ou sont - ce des especes particulieres (Hist. de l'acad. des Sc. 1711. & 1712.)? Si c'est un effet de l'art, seroit - ce par des poussieres appliquées à des pistils étrangers que cette merveille arrive? On pourroit le soupçonner sur des exemples approchans qui s'en trouvent chez quelques animaux, si l'analogie du regne animal au végétal étoit recevable en Physique. Ce seroit bien - là une maniere élé<pb-> [p. 491] gante d'avoir de nouvelles especes de fruit; mais il faut attendre les expériences avant que de prononcer.

Il est parlé dans les éphémerides d'Allemagne (Ephem. N. C. dec. 1. ann. 9. obs. 3. dec. 2. ann. 2. obs. 11.) de citrons monstrueux en forme de main; & le P. Dentrecolle (Lete. difiantes, tom. XX. pag. 301.) a envoyé de la Chine la figure d'un citron nommé main de Dieu par les Chinois, & dont ils font grand cas pour sa beauté & pour son odeur. Ce fruit est tel par sa forme, qu'on croit voir les doigts d'une main qui se ferme; & sa rareté a engagé les ouvriers Chinois à imiter ce fruit avec la moëlle du tong - stao, qu'ils tiennent en raison par divers fils de fer qui figurent les doigts. Le citron des curieux d'Allemagne venoit - il des semences de celui de la Chine, ou sa forme venoit elle de causes particulieres qui avoient changé son espece?

Voici une autre singularité, ou plûtôt monstruosité bien plus étrange, dont parlent quelques auteurs. G'est d'un citron qui naît enfermé dans un autre, citrum in citro: mais d'abord il faudroit l'avoir vû; & peut - être quand on l'auroit vû, en abandonner l'explication: car il ne s'agit pas dans le fait d'un fruit double ou gemeau, & qui se forme accouplé, lorsque deux boutons naissent d'une même queue si près l'un de l'autre, que les chairs se confondent à cause de leur trop grande proximité. C'est ici, dit - on, un citron qui sort du centre de l'autre, ou plûtôt c'est ici peut - être un fait mal vû & mal rapporté. Ceux qui en donnent l'explication par l'abondance de la séve, n'expliquent point le phénomene, parce qu'on ne comprend pas que la force & la fécondité de la seve produisent de soi un citron contenu dans un autre, sans l'entremise de sa queue, de sa fleur, & de tous les organes dans lesquels la matiere de la production crdinaire du fruit est préparée.

Du bois de citronnier des anciens. Il me reste à parler du bois de citronnier des anciens, qui étoit très - rare & très - estimé à Rome. Il falloit être extrèmement riche & magnifique pour en avoir seulement des lits, des portes, ou des tables; c'est pourquoi Pline a écrit: on employe rarement le bois de cet arbre pour les meubles, même des plus grands seigneurs. Cicéron en avoit une table, qui avoit coûté deux mille écus. Asinius Pollio en avoit acheté une trente mille livres; & il y en avoit de plus de quarante mille écus: ce qui faisoit cette différence de prix, c'étoit ou la grandeur des tables, ou la beauté des ondes & des noeuds. Les plus estimées étoient d'un seul noeud de racine.

La promesse qu'Horace fait à Venus de la part de aximus, Lib. IV. od. j.

Albanos prope te lacus Ponet marmoream sub irabe citrea;

« il vous dressera une statue de marbre dans un temple de bois de citronnier près du lac d'Albe »: cette promesse, dis - je, n'est pas peu considérable: car un temple boisé de citronnier, devoit être d'une prodigieuse dépense. Ce temple de Vénus n'auroit pourtant pas été le premier où l'on auroit employé de ce bois: on n'a qu'à lire pour s'en convaincre Théophraste, L. V. ch. v. & Pline, L. XII. ch. 16.

Nous voyons par ce détail que je dois au P. Sanadon, qu'il ne s'agit pas ici du bois de notre citronnier; mais nous ignorons quel arbre étoit le citrea d'Horace, nous ne le connoissons plus.

Il est parlé dans l'Ecriture du bois almugim (III. liv. des Rois, ch. x. v. xj.), qui a aussi exercé tous les savans; les uns prétendent que c'est le sabinier, d'autres l'acacia, & d'autres enfin entendent par almugim, des bois gras & gommeux: mais puisque c'étoit un bois rare que la flotte d'Hiram apporta d'Ophir, & qu'on n'avoit jamais vû jusqu'à ce jour - là, l'opinion la plus vraissemblable est que c'étoit du bois de thuya, comme l'a traduit la vulgate, c'est - à - dire du bois de cedre d'Afrique; parce que suivant toute apparence, le pays d'Ophir étoit la côte de Sophala en Afrique. Ainsi peut - être que le bois almugim ou le cedre d'Afrique, pourroit bien être le bois de citre d'Horace, si rare, si recherché par sa bonne odeur, ses belles veines, & sa durée.

Auteurs anciens. Les littérateurs peuvent consulter ici Dioscor. liv. I. c. cxxxj. Théophr. hist. plant. liv. IV. ch. jv. Athenée, liv. III. ch. vij. vilj. Pall. R. R. liv. IV. tit. x. liv. VIII. tit. iij. Plin. XII. iij. XV. xjv. xxviij. XVI. xxvj. XVII. x. XVIII. vj. Geop. liv. X. c. vij. viij. jx. Macrob. II. saturn. xv. Paulus, lib. I. c. viij. l. VII. c. iij. v. Solin. c. xlvj. salmasii exercit. Plin. 666. Apicius, l. I. c. xxj.

Auteurs modernes. Et parmi les modernes, Commelinus (Joh.), in Hesperidibus Belgicis. August - Vindel. 1676. fol. en Hollandois.

Ferrarius (Joh. Bapt.), Hesperides. Roma, 1646. fol. cum fig. belle impression; figures encore plus belles; ouvrage excellent; édition originale.

Geoffroi, Mat. med. tom. VI. très - bon.

Grube (Herman), analysis mali citrei. Hafnia, 1668. in - 8°. Ham. 1674. in - 4°. compilation des plus médiocres.

Jovianus (Joh.), horti hesperidum, lib. II. Basilea, 1538. in - 8°.

Lanzonus (Joseph), citrologia. Ferraria, 1690. in<-> 12. Ce petit traité se retrouve dans le recueil de ses ouvrages.

Nati (Petri), observatio de malo limonia citratâ aurantiâ, vulgò la bisarria dicta. Florent. 1674. in - 4°. figur.

Steerbeek (Franc.), citri cultura. Antuerp. 1682<-> in - 4°. en Flamand, avec de belles figures.

Wolchammer (Jos. Christop.) hesperidum moriblib. IV. Noriberg. 1713. in - fol. C'est ici la traduction latine de l'ouvrage de cet auteur, qui fut d'abord publié en Allemand, & imprimé à Nuremb. en 1708. in - fol. bon.

On peut consulter Hoffman (Frider.), dans ses ouvrages sur l'utilité du citron en santé & en maladie.

Ferrari, entr'autres bonnes choses, a traité avec beaucoup d'érudition & de connoissances, de la culture du citronnier, qui intéresse la Botanique pratique. Cette culture demande à - peu - près les mêmes soins & la même méthode que celle de l'oranger, comme le remarque Miller. Voyez Oranger.

Nebelius a donné l'anatomie du citron; & Seba, le squelette de la feuille de l'arbre. Ther. t. I. pl. 4. D'un autre côté M. Geoffroi, maître dans son art, a enseigné le procedé de tirer le sel essentiel du citron, en faisant évaporer le suc jusqu'à consistance de syrop clair. Il a aussi trouvé une troisieme maniere de tirer l'huile essentielle du citron, qu'il met au - dessus des deux méthodes dont nous avons parlé. Voyez les Mém. de l'acad. des Scienc. ann. 1721 & 1738. Art. de M. le Chevalier de Jaucourt.

Citronnier, (Page 3:491)

Citronnier, (Chim. Diete. Mat. med. Pharmac.) la pulpe ou la chair & le suc du citron, ses pepins & son écorce, fournissent différens remedes à la Medecine.

Le suc de citron doit être rapporté à la classe des substances végétales, muqueuses, & au genre de ces substances qui contiennent un excès d'acide qui les rend peu propres à subir la fermentation vineuse lorsqu'on les y expose sans mêlange, mais qui peuvent servir très - utilement à corriger des substances de la même classe, qui pechent au contraire relativement à l'aptitude à la fermentation vineuse par un défaut d'acide le suc de citron est même un extrè [p. 492] me dans cette espece. Voyez Muqueux, Vin, & Zimothecnie.

Le suc de citron est employé à titre d'acide & comme précipitant dans certaines teintures; par exemple, dans celle qui est faite avec le safranum, dont la partie colorante est extraite par un alkali fixe. Le suc de citron sert encore dans le même art à aviver ou exalter certaines couleurs. Voy. Teinture.

Ce suc a des usages plus étendus à titre d'aliment & de médicament; il fournit un assaisonnement salutaire & fort agréable, que les Allemands sur - tout employent dans presque tous leurs mets, soit exprimé, soit plus ordinairement avec la pulpe qui le contient, & même avec l'écorce, & dont l'emploi est beaucoup plus rare dans notre cuisine.

C'est avec le suc de ce fruit étendu dans une suffisante quantité d'eau, & édulcoré avec le suc, qu'on prépare cette boisson si connue sous le nom de limonade, qui est sans contredit de toutes les boissons agréables celle qui peut être regardée comme la plus généralement salutaire. Voyez Limonade.

Le suc de citron est rafraîchissant, diurétique, stomachique, antiputride, antiphlogistique, regardé comme très - propre à préserver des maladies contagieuses, ; quoiqu'il faille avouer qu'à ce dernier titre il est moins recommandé que le citron entier, qui est censé opérer par son parfum. L'utilité medicinale la plus évidente du suc de citron con siste à prévenir les inconvéniens de la chaleur extérieure dépendante des climats ou des saisons. Les habitans des pays très chauds retirent de son usage des avantages constans, qui fournissent une observation non équivoque en faveur de cette propriété: celle de calmer efficacement les fievres inflammatoires & putrides n'est pas si constatée à beaucoup près. Voyez Fievre.

Le scorbut appellé scorbut de mer, est guéri très promptement par l'usage des citrons: toutes les relations de voyages de long cours donnent pour un fait constant la guérison prompte & infaillible des matelots attaqués de cette maladie, même au dernier degré, dès qu'ils peuvent toucher à un pays où ils trouvent abondamment des citrons, ou autres fruits acides de ce genre, comme oranges, &c. Mais jusqu'à quel point cet aliment medicamenteux opere t - il dans cette guérison? Ne pourroit - on pas l'attribuer à plus juste titre aux viandes fraîches, & à toutes les autres commodités que ces malades trouvent à terre, à l'air de terre, & ses exhalaisons même, selon la prétention de quelques observateurs? Tout cela ne paroît pas assez décidé. Voyez Scorbut.

Les Apothicaires gardent ordinairement du suc de citron dans les provinces où ils ne peuvent pas avoir commodément des citrons dans tous les tems de l'année. Ce suc se conserve fort bien sous l'huile, étant tenu dans un lieu frais: il subit pourtant une legere fermentation qui le dépure & le rend très clair, mais qui altere un peu son goût; ce qui est évident par l'impossibilité de préparer avec ce suc ainsi dépuré une limonade aussi agréable que celle qu'on prépare avec le suc de citron récemment exprimé.

C'est avec le suc de citron dépuré qu'on prépare le syrop appellé syrop de limon; car on ne distingue pas le citron du limon dans les usages pharmaceutiques; on se sert même plus ordinairement du premier, parce qu'il est plus commun.

Pour faire le syrop de limon, on prend une partie de suc de citron dépuré par le leger mouvement de fermentation dont nous venons de parler, & deux parties de beau sucre blanc qu'on fait fondre dans ce suc, à l'aide d'une chaleur legere, au bainmarie, par exemple, dans un vaisseau de fayance ou de porcelaine. N. B. 1°. qu'on peut employer un peu moins de sucre, parce que la consistance exactement syrupeuse n'est pas nécessaire pour la conservation des sues acides des fiuits, & que cette moindre dose fournit la commodité de faire fondre plus aisément le sucre sans le secours de la chaleur; avantage qui n'est pas à négliger pour la perfection du syrop: 2°. qu'on gagneroit encore du côté de cette perfection, pour ne perdre que du côté de l'élégance de la préparation, si l'on employoit du suc non dépuré & récemment exprimé, au lieu du suc dépuré qui ne peut être récent.

Les medecins Allemands & les medecins Anglois employent assez communément l'acide du citron combiné avec différentes matieres alkalines: les yeux d'écrevisses citrés, les alkalis fixes saoulés de suc de citron, sont des préparations de cette espece. Mais nous ne connoissons par aucune observation suffisante les vertus particulieres de ces sels neutres, qui ne sont d'aucun usage dans la Medecine Françoise: le premier paroît fort analogue au sel de corail, quoiqu'il ne faille pas absolument confondre l'acide végétal fermenté avec l'acide végétal naturel; & le second a précisément le même degré d'analogie avec la terre foliée de tartre.

Le medecin en prescrivant le iuc ou le syrop de citron dans des mêlanges, ne doit pas perdre de vûe sa qualité acide, qui le rend propre à se combiner avec les matieres alkalines, soit terreuses soit salines, & à coaguler le lait & les émulsions; il doit se souvenir encore que les chaux d'antimoine, l'antimoine diaphorétique lui - même, sont rendus émétiques par l'addition des acides végétaux.

Meuder recommande, dans son traité des teintures antimoniales, celle de ces teintures qu'il appelle vraies, qu'on peut tirer de ce demi - métal par le moyen des acides végétaux, & particulierement celles qu'on prépare avec le suc de citron. Voy. Antimoine.

L'écorce jaune de citron a un goût amer, vif, & piquant, dépendant principalement de la grande quantité d'huile essentielle qu'elle contient dans de petites vésicules très - sensibles, & en partie aussi d'une matiere extractive soluble par l'eau. Cette écorce, soit fraiche, soit séchée, ou confite, est cordiale, stomachique, antihystérique, carminative, vermifuge, &c. on en fait un syrop connu dans les boutiques sous le nom de syrupus flavedinum citrer. En voici la préparation.

Prenez des zestes de citron ou de limon, cinq onces; de l'eau bouillante, une livre: faites macérer pendant douze heures au bain - marie dans un vaisseau fermé, & ajoûtez à la colature le double de sucre fin, sur lequel on prendra environ une once pour en faire un eleosaccharum avec l'huile essentielle de citron; eleosaccharum qu'on fera fondre au bainmarie avec le reste du sucre, & votre syrop sera fait.

Ge syrop ne participe que bien foiblement de 12 vertu de l'écorce jaune de citron.

On tire l'huile essentielle de citron par des procédés fort simples, & par - là même fort ingénieux. Voy. Huile essentielle.

L'huile essentielle de citron possede éminemment les vertus que nous avons attribuées à son écorce. La plûpart de ces propriétés sont communes à toutes les huiles essentielles; mais celle - ci par la douceur & le gracieux de son parfum, fournit à la Pharmacie une matiere très - propre à aromatiser certains medicamens. On l'employe dans cette derniere vûe sous la forme d'un eleosaccharum. Voyez Eleosaccharum.

Boerhaave dit qu'on employe avec beaucoup de succès l'huile des écorces de citron dans les palpitations du coeur, qui dépendent d'une humeur aqueus [p. 493] sroide, & d'un muqueux inactif, ab aquoso frigido, & inerti mucoso; causes qui figurent on ne peut pas mieux, pour l'observer en passant, avec le visqueux, ou l'alkali spontané, l'acrimonie méchanique, &c. Le même auteur célebre beaucoup aussi l'cau retirée par la cohobation des écorces de citron, contre les vents, les syncopes, les langueurs, & les mouvemens irréguliers du coeur.

On tire aussi des zestes de citron, par le moyen de la distillation, une eau simple & une eau spiritueuse, connue sous le nom d'esprit de citron. Voyez Eau distillée; voyez aussi Esprit.

Cette eau aromatique spiritueuse si connue sous le nom d'eau sans pareille, n'est autre chose que de l'esprit de vin chargé d'une petite quantité d'huile essentielle de citron, que l'on dissout goutte à goutte & en tâtonnant, jusqu'à ce qu'on ait atteint au degré de parfum le plus agréable.

L'autre partie de l'écorce de citron qui est connue sous le nom d'écorce blanche, passe pour vermifuge & lithontriptique; mais l'on peut douter de ces deux propriétés, sur - tout de la derniere.

Voici ce qu'on trouve sur les graines de citron, dans la matiere medicale de M. Geoffroi. « On croit que les graines de citron sont alexipharmaques: on les employe dans quelques confections alexitaires: elles font mourir les vers de l'estomac & des intestins; elles excitent les regles, dissipent les vents, atténuent & divisent les humeurs visque<-> ses. On en fait des émulsions vermifuges & cordiales, dans les maladies d'un mauvais caractere, & pestilentielles ».

On fait entrer ordinairement le citron entier coupé par tranches dans les infusions purgatives, connues dans les boutiques sous le nom de tisannes royales. Voyez Purgatif.

« Or vante beaucoup, dit M. Geoffroi, les citrons dans la peste & les maladies contagieuses, pour détourner la contagion; on porte continuellement dans ses mains un citron seul, ou percé de clous de girofle, on le flaire & on le mord de tems en tems: mais il faut avouer, ajoûte cet auteur, qu'on ne détourne pas tant la contagion par ce moyen, qu'on appaise les nausées & les envies de vomir qui viennent des mauvaises exhalaisons des malades, ou de l'imagination qui est blessée; ce qui affoiblit l'estomac, & corrompt la digestion ».

Les différentes confitures de citron, telles que les petits citrons entiers, les zestes, & l'écorce entiere, sont d'assez bons analeptiques, ou des alimens legers, stomachiques, & cordiaux, que l'on peut donner avec succès aux convalescens & aux personnes qui ont l'estomac foible, languissant, & en même tems peu sensible. Il faut observer pourtant que cette écorce de citron verte, très - epaisse, qu'on nous apporte toute confite de nos îles, doit être regardée non - seulement comme possédant à un degré très - inférieur les qualités que nous venons d'attribuer aux autres confitures de citron, qui sont plus aromatiques que celles - ci, mais même comme fort indigeste, au moins pour les estomacs foibles.

On trouve dans les boutiques des A pothicaires un électuaire solide, connu sous le nom d'électuaire ou de tablettes purgatives de citron. Voici comme elles sont décrites dans la Pharmacopée de Paris.

Prenez écorce de citron confite, conserve de fleurs de violette, de buglose, de chaque demi - once; de la poudre diatragaganthe froide nouvellement préparée, de la scammonée choisie, de chaque demi - once; du turbith, cinq gros; du gingembre, un demi-gros; des feuilles de senué, six gros; de la rhubarbe choisie, deux gros & demi; des girofles, du santal citrin, de chaque un scrupule: faites du tout une poudre selon l'art; après quoi vous ferez cuire dans de l'eau de roses dix onces de beau sucre en consistance requise pour former avec les conserves & la poudre, des tablettes que l'on conservera dans un lieu sec, parce qu'elles sont sujettes à attirer l'humidité de l'air, à se moisir.

Ces tablettes purgent assez bien à la dose d'une demi - once; on peut même en donner six gros aux personnes robustes. Mais l'usage de ce purgatif a été abandonné, apparemment parce qu'il est fort dégoûtant, comme toute préparation pharmaceuti, que qui contient beaucoup de poudres, & qu'on ne peut faire prendre que délayée dans de l'eau; mais on devroit au moins le prescrire aux personnes à qui leur fortune ne permet pas d'être si difficiles; car ce remede coûte très - peu, il purge très - bien, & avec aussi peu de danger que les medecines magistrales un peu actives.

Le citron entier, son écorce jaune, son suc, sa pulpe, ses graines, son eau distillée, son esprit, &c. entrent dans un grand nombre de préparations pharmaceutiques officinales. (b)

Next page


The Project for American and French Research on the Treasury of the French Language (ARTFL) is a cooperative enterprise of Analyse et Traitement Informatique de la Langue Française (ATILF) of the Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), the Division of the Humanities, the Division of the Social Sciences, and Electronic Text Services (ETS) of the University of Chicago.

PhiloLogic Software, Copyright © 2001 The University of Chicago.