ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"136"> stantif est si peu indifférente qu'elle change quelquefois entierement la valeur du substantif: en voici des exemples bien sensibles.

C'est une nouvelle certaine, c'est une chose certaine, c'est - à - dire, assûrée, véritable, constante. J'ai appris certaine nouvelle ou certaines choses; alors certaine répond au quidam des Latins, & fait prendre le substantif dans un sens vague & indéterminé.

Un honnête - homme est un homme qui a des moeurs, de la probité & de la droiture. Un homme honnête est un homme poli, qui a envie de plaire: les honnêtes gens d'une ville, ce sont les personnes de la ville qui sont au - dessus du peuple, qui ont du bien, une réputation integre, une naissance honnête, & qui ont eu de l'éducation: ce sont ceux dont Horace dit, quibus est equus & pater & res.

Une sage - femme est une femme qui est appellée pour assister les femmes qui sont en travail d'enfant. Une femme sage est une femme qui a de la vertu & de la conduite.

Vrai a un sens différent, selon qu'il est placé, avant ou après un substantif: Gilles est un vrai charlatan, c'est - à - dire qu'il est réellement charlatan; c'est un homme vrai, c'est - à - dire véridique; c'est une nouvelle vraie, c'est - à - dire véritable.

Gentilhomme est un homme d'extraction noble; un homme gentil est un homme gai, vif, joli, mignon.

Petit - maître, n'est pas un maître petit; c'est un pauvre homme, se dit par mépris d'un homme qui n'a pas une sorte de mérite, d'un homme qui néglige ou qui est incapable de faire ce qu'on attend de lui, & ce pauvre homme peut être riche; au lieu qu'un homme pauvre est un homme sans bien.

Un homme galant n'est pas toujours un galant - homme: le premier est un homme qui cherche à plaire aux dames, qui leur rend de petits soins; au lieu qu'un galant - homme est un honnête - homme, qui n'a que des procédés simples.

Un homme plaisant est un homme enjoüé, folatre, qui fait rire; un plaisant homme se prend toûjours en mauvaise part; c'est un homme ridicule, bisarre, singulier, digne de mépris. Une femme grosse, c'est une femme qui est enceinte. Une grosse femme est celle dont le corps occupe un grand volume, qui est grasse & replete. Il ne seroit pas difficile de trouver encore de pareils exemples.

A l'égard du genre, il faut observer qu'en Grec & en Latin, il y a des adjectifs qui ont au nominatif trois terminaisons, XALO, XALH, XALON, bonus, bona, bonum; d'autres n'ont que deux terminaisons dont la premiere sert pour le masculin & le féminin, & la seconde est consacrée au genre neutre, O XAI\ H E'UDAIMWN, TO\ E'UDAIMON, heureux; & en latin hic & hoec fortis & hoc forte, fort. Clenard & le commun des Grammairiens Grecs disent qu'il y a aussi en Grec des adjectifs qui n'ont qu'une terminaison pour les trois genres: mais la savante méthode Greque de P. R. assure que les Grecs n'ont point de ces adjectifs, liv. I. ch. ix. regle XIX. avertissement. Les Latins en ont un grand nombre, prudens, felix, ferax, tenax, &c.

En François nos adjectifs sont terminés: 1°. ou par un e muet, comme sage, fidele, utile, facile, habile, timide, riche, aimable, volage, troisieme, quatrieme, &c. alors l'adjectif sert également pour le masculin & pour le féminin; un amant fidele, une femme fidele. Ceux qui écrivent fidel, util, font la même faute que s'ils écrivoient sag au lieu de sage, qui se dit également pour les deux genres.

2°. Si l'adjectif est terminé dans sa premiere dénomination par quelqu'autre lettre que par un e muet, alors cette premiere terminaison sert pour le genre masculin: pur, dur, brun, savant, fort, bon.

A l'égard du genre féminin, il faut distinguer: ou l'adjectif finit au masculin par une voyelle, ou il est terminé par une consonne.

Si l'adjectif masculin finit par toute autre voyelle que par un e muet, ajoûtez seulement l'e muet après cette voyelle, vous aurez la terminaison féminine de l'adjectif: sensé, sensée; joli, jolie; bourru, bourrue.

Si l'adjectif masculin finit par une consonne, détachez cette consonne de la lettre qui la précede, & ajoûtez un e muet à cette consonne détachée, vous aurez la terminaison féminine de l'adjectif: pur, pu - re; saint, sain - te; sain, sai - ne; grand, grande; sot, so - te; bon, bo - ne.

Je sai bien que les Maîtres à écrire, pour multiplier les jambages dont la suite rend l'écriture plus unie & plus agréable à la vûe, ont introduit une seconde n dans bo - ne, comme ils ont introduit une m dans ho - me: ainsi on écrit communément bonne, homme, honneur, &c. mais ces lettres redoublées sont contraires à l'analogie, & ne servent qu'à multiplier les difficultés pour les étrangers & pour les gens qui apprennent à lire.

Il y a quelques adjectifs qui s'écartent de la regle: en voici le détail.

On disoit autrefois au masculin bel, nouvel, sol, mol, & au féminin selon la regle, belle, nouvelle, folle, molle; ces féminins se sont conservés: mais les masculins ne sont en usage que devant une voyelle; un bel homme, un nouvel amant, un fol amour: ainsi beau, nouveau, fou, mou, ne forment point de féminin: mais Espagnol est en usage, d'où vient Espagnole; selon la regle générale, blanc fait blanche; franc, franche; long fait longue; ce qui fait voir que le g de long est le g fort que les Modernes appellent gue: il est bon dans ces occasions d'avoir recours à l'analogie qu'il y a entre l'adjectif & le substantif abstrait: par exemple, longueur, long, longue; douceur, doux, douce; jalousie, jaloux, jalouse; fraîcheur, frais, fraîche; sécheresse, sec, seche.

Le f & le v sont au fond la même lettre divisée en forte & en foible; le f est la forte, & le v est la foible: de - là naïf, naive; abusis, abusive; chétif, chétive; défensis, défensive; passis, passive; négatif, negative; purgatif, purgative, &c.

On dit mon, ma; ton, ta; son, sa: mais devant une voyelle on dit également au féminin mon, ton, son; mon ame, ton ardeur, son épée: ce que le méchanisme des organes de la parole a introduit pour éviter le bâillement qui se feroit à la rencontre des deux voyelles, ma ame, ta épée, sa épouse; en ces occasions, son, ton, mon, sont féminins, de la même maniere que mes, tes, ses, les, le sont au plurier, quand on dit, mes filles, les femmes, &c.

Nous avons dit que l'adjectif doit avoir la terminaison qui convient au genre que l'usage a donné au substantif: sur quoi on doit faire une remarque singuliere, sur le mot gens; on donne la terminaison féminine à l'adjectif qui précede ce mot, & la masculine à celle qui le suit, fût - ce dans la même phrase: il y a de certaines gens qui sont bien sots.

A l'égard de la formation du plurier, nos anciens Grammairiens disent qu'ajoûtant s au singulier, nous formons le plurier, bon, bons. (Acheminement à la Langue Françoise par Jean Masset.) Le même Auteur observe que les noms de nombre qui marquent pluralité, tels que quatre, cinq, six, sept, &c. ne reçoivent point s, excepté vingt & cent, qui ont un plurier: quatre - vingts ans, quatre cens hommes.

Telle est aussi la regle de nos Modernes: ainsi on écrit au singu er bon, & au plurier bons; fort au singulier, forts au plurier; par conséquent puisqu'on écrit au singulier gâté, gâtée, on doit écrire au plurier gâtés, gâtées, ajoûtant simplement l's au plurier [p. 137] masculin, comme on l'ajoûte au féminin. Cela me paroît plus analogue que d'ôter l'accent aigu au masculin, & ajoûter un z, gâtez: je ne vois pas que le z ait plûtôt que l's le privilége de marquer que l'e qui le précede est un e fermé: pour moi je ne fais usage du z aprés l'e fermé, que pour la seconde personne plurielle du verbe, vous aimez, ce qui distingue le verbe du participe & de l'adjectif; vous êtes aimés, les perdreaux sont gâtés, vous gâtez ce Livre.

Les adjectifs terminés au singulier par une s, servent aux deux nombres: il est gros & gras; ils sont gros & gras.

Il y a quelques adjectifs qu'il a plû aux Maîtres à écrire de terminer par un x au lieu de s, qui finissant en dedans ne donnent pas à la main la liberté de faire de ces figures inutiles qu'ils appellent traits; il faut regarder cet x comme une véritable s; ainsi on dit: il est jaloux, & ils sont jaloux; il est doux, & ils sont doux; l'époux, les époux, &c. L'l final se change en aux, qu'on feroit mieux d'écrire aus: égal, égaus; verbal, verbaus; féodal, féodaus; nuptial, nuptiaus, &c.

A l'égard des adjectifs qui finissent par ent ou ant au smgulier, on forme leur plurier en ajoûtant s, selon la regle générale, & alors on peut laisser ou rejetter le t: cependant lorsque le t sert au féminin, l'analogie demande qu'on le garde: excellent, excellente; excellents, excellentes.

Outre le genre, le nombre, & le cas, dont nous venons de parler, les adjectifs sont encore sujets à un autre accident, qu'on appelle les degrés de comparaison, & qu'on devroit plûtôt appeller degrés de qualification, car la qualification est susceptible de plus & de moins: bon, meilleur, excellent; savant, plus savant, très - savant. Le premier de ces degrés est appellé positif, le second comparatif, & le troisieme superlatif: nous en parlerons en leur lieu.

Il ne sera pas inutile d'ajoûter ici deux observations: la premiere, c'est que les adjectifs se prennent souvent adverbialement. Facile & difficile, dit Donat, quoe adverbia ponuntur, nomina potiùs dicenda sunt, pro adverbüs posita: ut est, torvùm clamat; horrendùm resonat; & dans Horace, turbidùm latatur: (Liv. Il. Od. XIX. v. 6.) se réjoüit tumultueusement, ressent les saillies d'une joie agitée & confuse: perfidùm ridens Venus; (Liv. III. Od. XXVII. v. 67.) Venus avec un soürire malin. Et même primò, secundò, tertiò, postremò, serò, optatò, ne sont que des adjectifs pris adverbialement. Il est vrai qu'au fond l'adjectif conserve toûjours sa nature, & qu'en ces occasions même il faut toûjours sousentendre une préposition & un nom substantif, à quoi tout adverbe est réductible: ainsi, turbidùm latatur, id est, loetatur juxta negotium ou modum turbidum: primò, secundò, id est, in primo vel secundo loco; optatò advenis, id est, in tempore optato, &c.

A l'imitation de cette façon de parler latine, nos adjectifs sont souvent pris adverbialement; parler haut, parler bas, sentir mauvais, voir clair, chanter faux, chanter juste, &c. on peut en ces occasions sousentendre une préposition & un nom substantif: parler d'un ton haut, sentir un mauvais goût, voir d'un oeil clair, chanter d'un ton faux: mais quand il seroit vrai qu'on ne pourroit point trouver de nom substantif convenable & usité, la façon de parler n'en seroit pas moins elliptique; on y sousentendroit l'idée de chose ou d'ètre, dans un sens neutre. V. Ellipse.

La seconde remarque, c'est qu'il ne faut pas confondre l'adjectif avec le nom substantif qui énonce une qualité, comme blancheur, étendue; l'adjectif qualisie un substantif; c'est le substantif même considéré comme étant tel, Magistrat équitable; ainsi l'adjectif n'existe dans le discours que relativement au substantif qui en est le suppôt, & auquel il se rapporte par l'identité; au lieu que le substantif qui exprime une qualité, est un terme abstrait & métaphysique, qui énonce un concept particulier de l'esprit, qui considere la qualité indépendamment de toute application particuliere, & comme si le mot étoit le nom d'un être réel & subsistant par lui - même: tels sont couleur, étendue, équité, &c. ce sont des noms substantifs par imitation. Voyez Abstraction.

Au reste les adjectifs sont d'un grand usage, surtout en Poësie, où ils servent à faire des images & à donner de l'énergie: mais il faut toûjours que l'Orateur ou le Poëte ayent l'art d'en user à propos, & que l'adjectif n'ajoûte jamais au substantif une idée accessoire, inutile, vaine ou déplacée. (F)

Adjectifs (Page 1:137)

Adjectifs (Logique.) Les adjectifs étant destinés par leur nature à qualifier les dénominations, on en peut distinguer principalement de quatre sortes; savoir les nominaux, les verbaux, les numéraux, & les pronominaux.

Les adjectifs nominaux sont ceux qui qualifient par un attribut d'espece, c'est - à - dire, par une qualité inhérente & permanente, soit qu'elle naisse de la nature de la chose, de sa forme, de sa situation ou de son état; tels que bon, noir, simple, beau, rond, externe, autre, pareil, semblable.

Les adjectifs verbaux qualifient par un attribut d'évenement, c'est - à - dire, par une qualité accidentelle & survenue, qui paroît être l'effet d'une action qui se passe ou qui s'est passée dans la chose; tels sont rampant, dominant, liant, caressant, bonifié, simplifié, noirci, embelli. Ils tirent leur origine des verbes, les uns du gérondif, & les autres du participe: mais il ne faut pas les confondre avec les participes & les gérondifs dont ils sont tirés. Ce qui constitue la nature des adjectifs, c'est de qualifier les dénominations; au lieu que celle des participes & des gérondifs consiste dans une certaine maniere de représenter l'action & l'évenement. Par conséquent lorsqu'on voit le mot qui est participe, être dans une autre occasion simplement employé à qualifier, il faut conclurre que c'est ou par transport de service, ou par voie de formation & de dérivation, dont les Langues se servent pour tirer d'une espece les mots dont elles ont besoin dans une autre où elles les placent, & dès - lors en établissent la différence. Au reste il n'importe pas que dans la maniere de les tirer de leur source, il n'y ait aucun changement quant au matériel: les mots formés n'en seront pas moins distingués de ceux à qui ils doivent leur origine. Ces différences vont devenir sensibles dans les exemples que je vais citer.

Un esprit rampant ne parvient jamais au sublime. Tels vont rampant devant les Grands pour devenir insolens avec leurs égaux. Une personne obligeante se fai aimer de tous ceux qui la connoissent. Cette dame est bonne, obligeant toûjours quand elle le peut. L'ame n'a guere de vigueur dans un corps fatigué. Il est juste de se reposer après avoir fatigué.

Qui ne voit que rampant dans le premier exemple est une simple qualification, & que dans le second il représente une action? Je dis la même chose des mots obligeante & obligeant, & de ceux - ci, un corps fatigué, & avoir fatigué.

Les adjectiss numéraux sont, comme leur nom le déclare, ceux qui qualifient par un attribut d'ordre numéral, tels que premier, dernier, second, deuxieme, troisieme, cinquieme.

Les adjectifs pronominaux qualifient par un attribut de désignation individuelle, c'est - à - dire par une qualité qui ne tenant ni de l'espece ni de l'action, ni de l'arrangement, n'est qu'une pure indication de certains individus; ces adjectifs sont, ou une qualification de rapport personnel, comme mon, ma, ton; notre, voe, son, leur, mien, tien, sien;

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