ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

RECHERCHE Accueil Mises en garde Documentation ATILF ARTFL Courriel

Previous page

"106"> blie depuis le tems de Gustave Adolphe. Il y a deux fourneaux: ils sont si grands qu'un homme y peut tenir de toute sa hauteur: ni les murs ni le fond ne sont point revêtus de lames de fer; c'est une pierre qui approche du talc qui les garantit. On jette chaque fois dans le feu dix grandes livres de fer. Le fer s'y cuit bien, & comme dans les forges. Il en faut souvent tirer les scories, afin que la masse fonde seche. Lorsque le fer est en fonte, on jette dessus des cendres mêlées de vitriol & d'alun. On estime que cette mixtion ajoûte à la qualité.

Quand le fer est fondu, il est porté & divisé sous un marteau, & les fragmens mis en barres; les barres partagées en moindre parties, sont mises à chauffer, disposées en grillages; chaudes, on les étend de nouveau; & l'on réitere cette manoeuvre jusqu'à ce qu'on ait un bon acier.

L'acier en baril de Suede est fait avec celui dont nous venons de donner la fabrication: on se contente après son premier recuit de le mettre en barres & de le tremper. L'acier pour les épées, qui est celui dont la qualité est exactement au - dessus de l'acier en baril, est mis quatre fois en lames, autant de fois chauffé au grillage, & mis autant de fois sous le marteau. L'acier excellent, ou celui qui est au - dessus du précédent, est façonné & trempé huit fois.

On met des marques à l'acier pour distinguer de quel genre il est: mais les habiles ouvriers ne se trompent pas au grain.

On fait chaque semaine quatorze cens pesant d'acier en baril, douze cens d'acier à épées, & huit cens d'acier à ressorts. Le cent pesant est de huit grandes barres de Suede, ou de cent soixante petites livres du même pays.

Pour le cent pesant du meilleur acier, de l'acier à ressorts, il faut treize grandes livres & demie de fer crud, & vingt - six tonnes de charbon: dix grandes livres de fer crud, & 24 tonnes de charbon pour l'acier à épées; & la même quantité de fer crud & neuf tonnes de charbon pour l'acier en baril.

Lorsque la mine de fer est mise pour la premiere fois en fusion dans les fourneaux à fondre & destinés au fer forgé, on lui voit quelquefois surnager de petites masses ou morceaux d'acier qui ne vont point dans les angles, & qui ne se précipitent point au fond, mais qui tiennent le milieu du bain. Leur superficie extérieure est inégale & informe; celle qui est enfoncée dans la matiere fluide est ronde: c'est du véritable acier qui ne se mêlera avec le reste que par la violence du vent. Ces masses donnent depuis six jusqu'à dix & quinze livres d'acier. Les ouvriers Suédois qui ont soin de recueillir cet acier qu'ils estiment, disent que le reste de la fonte n'y perd ni n'y gagne.

Dans la Dalecarlie on tire encore d'une mine marécageuse un fer, qu'on transforme de la maniere suivante en un acier qu'on emploie aux ouvrages qui n'ont pas besoin d'être retrempés: on tient ce fer au - dessus d'une flamme vive jusqu'à ce qu'il fonde & qu'il coule au fond du creuset: quand il est bien liquide, on redouble le feu; on retire ensuite les charbons, & on le laisse refroidir: on met cette matiere froide en morceaux; on prend les parties du centre, & l'on rejette celles qui sont à la circonférence: on les remet plusieurs fois au feu. On commence par un feu qui ne soit pas de fonte: quand cela arrive, on arrête le vent, & on donne le tems à la matiere fondue de s'épaissir. On jette dessus des scories; on la remet en fusion, & l'on en sépare l'acier. Toute cette manoeuvre mériteroit bien un plus long détail: mais outre qu'il nous manque, il allongeroit trop cet article. Si le fer de marais ne se fond pas, & qu'il reste gras & épais, on le retourne, & on l'expose au feu de l'autre face.

Dans le Dauphiné, près de d'Allévard & de la montagne de Vanche, il y a des mines de fer. Le fer crud qui en vient est porté dans un feu qu'on appelle l'affinerie. Le vent des soufflets donne sur la masse, qui se fond par ce moyen peu à peu. Le foyer du creuset est garni de lames de fer; il est très - profond. On laisse ici le bain tranquille jusqu'à ce que le creuset soit plein; alors on arrête le vent, & on débouche le trou; la fonte coule dans des moules où elle se met en petites masses. On enleve de la surface de ces masses, des scories qui cachent le fer. On porte le reste sous le marteau, & on le met en barres. On porte ces barres dans un feu voisin qu'on appelle chaufferie: là, on les pousse jusqu'au blanc. On les roule dans le sable pour tempérer la chaleur, & on les forge pour les durcir & convertir en acier. Mais il faut observer qu'entre ces deux opérations, après l'avoir poussé jusqu'au rouge blanc, on le trempe.

A Saltzbourg, on choisit les meilleures veines: ce sont les brunes & jaunes. On calcine; on fond; on met en masses, qui pesent jusqu'à quatre cens dans la premiere fonte. On tient la matiere en fusion pendant douze heures; on retire les crasses; on remue; on laisse figer; on met en morceaux; on plonge dans l'eau chaque morceau encore chaud: on le remet au feu; on l'y laisse pendant six heures qu'on pousse le feu avec la derniere violence: on ôte les scories; on refend & l'on trempe. Ces opérations réitérées donnent à l'acier une grande dureté: cependant on y revient une troisieme fois; on remet les morceaux au feu pendant six heures; on les forme en barres que l'on trempe. Ces barres plus épaisses que les premieres sont remises en morceaux, & forgées en petites barres quarrées d'un demi - doigt d'équarrissage. A chaque fois qu'on les trempe, on a soin qu'elles soient chaudes jusqu'au blanc, & l'on met du sel marin dans l'eau pour rendre la fraîcheur plus vive. Cet acier est extrèmement estimé. On en fait des paquets qui pesent vingt - cinq livres. Cet acier s'appelle bisson.

De quatre cens pesant de fer crud, on tire environ deux cens livres & demie de bisson: le reste s'en va en scories, crasses & fumées. On y emploie moitié charbons mous, moitié charbons durs. On en consomme à recuire six sacs. Trois hommes peuvent faire quinze à seize cens de cet acier par semaine. L'acier qui porte le nom de Stirie, se fait en Carinthie suivant cette méthode.

Il y a dans la Carinthie, la Stirie & le Tirol, des forges de fer & d'acier. Leurs fourneaux sont construits comme en Saxe; la tuyere entre assez avant dans le creuset. Ils fondent quatre cens & demie à chaque fonte. On tient la matiere en fusion pendant trois ou quatre heures: pendant ce tems on ne cesse de l'agiter avec des ringards; & à chaque renouvellement de matiere, on jette dessus de la pierre à fusil calcinée & pulvérisée. On dit que cette poudre aide les scories à se détacher. Lorsque la matiere a été en fusion pendant quatre heures, on retire les scories: on en laisse cependant quelquesunes qu'on a reconnues pour une matiere ferrugineuse. On enleve cette matiere en lames; on la forge en barres, & l'on a du fer forgé. Quant au reste de la matiere en fusion, on le retire. On le porte sous le marteau, on le partage en quatre parties qu'on jette dans l'eau froide. On refond de nouveau comme auparavant: on réitere ces opérations trois ou quatre fois, selon la nature de la matiere. Quand on est assûré qu'elle est convertie en bon acier, on l'étend sous le marteau en barres de la longueur de trois piés. On la trempe à chaque barre dans une eau où l'on a fait dissoudre de l'argile; puis on en fait des tonneaux de deux cens & demi pesant. [p. 107]

De quatre cens & demi de fer, on retire un demi cent de fer pur, le reste est acier. Trois hommes font un millier par semaine.

On suit presque cette méthode de faire l'acier en Champagne, dans le Nivernois, la Franche - Comté, le Dauphiné, le Limosin, le Périgord, & même la Normandie.

Enfin à Fordinberg & autres lieux, dans le Roussillon & le pays de Foix, on fond la mine de fer dans un fourneau; on lui laisse prendre la forme d'un creuset ou d'un pain rond par - dessous, & plat dessus, qu'on appelle un masset. Cette masse tirée du feu se divise en cinq ou six parties qu'on remet au feu, & qu'on allonge ensuite en barres. Un côté de ces barres est quelquefois fer, & l'autre acier.

Il suit de tout ce qui précede, qu'il ne faut point supposer que les étrangers aient des méthodes de convertir le fer en acier dont ils fassent des secrets: que le seul moyen de faire d'excellent acier naturel, c'est d'avoir une mine que la nature ait formée pour cela, & que quant à la maniere d'obtenir de l'autre mine un acier artificiel, si celle de M. de Réaumur n'est pas la vraie, elle reste encore à trouver.

L'acier mis sur un petit feu de charbon, prend différentes couleurs. Une lame prend d'abord du blanc; 2°. un jaune léger comme un nuage; 3°. ce jaune augmente jusqu'à la couleur d'or; 4°. la couleur d'or disparoît, & le pourpre lui succede; 5°. le pourpre se cache comme dans un nuage, & se change en violet; 6°. le violet se change en un bleu élevé; 7°. le bleu se dissipe & s'éclaircit; 8°. les restes de toutes ces couleurs se dissipent, & font place à la couleur d'eau. On prétend que pour que ces couleurs soient bien sensibles, il faut que l'acier mis sur les charbons ait été bien poli, & graissé d'huile ou de suif.

Nos meilleurs aciers se tirent d'Allemagne & d'Angleterre. Celui d'Angleterre est le plus estimé, par sa finesse de grain & sa netteté: on lui trouve rarement des veines & des pailles. L'acier est pailleux quand il a été mal soudé; les pailles paroissent en écailles à sa surface: les veines sont de simples traces longitudinales. L'acier d'Allemagne au contraire est veineux, pailleux, cendreux, & piqué de nuances pâles qu'on apperçoit quand il est émoulu & poli. Les cendrures sont de petites veines tortueuses: mais les piquûres sont de petits trous vuides que les particules d'acier laissent entr'elles quand leur tissu n'est pas assez compact.

Les pailles & les veines rendent l'ouvrage malpropre, & le tranchant des instrumens inégal, foible, mou. Les cendrures & les piquûres le mettent en scie.

Pour distinguer le bon acier du mauvais, prenez le morceau que vous destinez à l'ouvrage dans des tenailles, mettez - le dans un feu de terre ou de charbon, selon le pays; faites - le chauffer doucement, comme si vous vous proposiez de le souder: prenez garde de le surchauffer; il vaut mieux lui donner deux chaudes qu'une; l'acier surchauffé se pique, & le tranchant qu'on en fait est en scie, & par conséquent rude à la coupe; ne surchauffez donc pas. Quand votre acier sera suffisamment chaud, portez - le sur l'enclume; prenez - un marteau proportionné au morceau d'acier que vous éprouvez; un marteau trop gros écrasera, & empêchera de souder: trop petit, il ne fera souder qu'à la surface, & laissera le coeur intact; le grain sera donc inégal: frappez doucement votre morceau d'acier, jusqu'à ce qu'il ait perdu la couleur de cerise; remettez - le au feu: faites - le rougir un peu plus que cerise; plongez - le dans l'eau fraîche; laissez - le réfroidir; émoulez - le & le polissez; essayez - le ensuite & le considérez: s'il a des pailles, des cendrures, des veines, des piquûres, vousles appercevrez. Il arrivera quelquefois qu'un, deux, trois, ou même tous les côtés du morceau éprouvé seront parfaits: s'il n'y en a qu'un de bon, faites - en le tranchant de votre ouvrage; par ce moyen, les imperfections de l'acier se trouveront au dos de la piece: mais il y a des pieces à deux tranchans. L'acier ne sauroit alors être trop bon ni trop scrupuleusement choisi: il faut qu'il soit pur & net par ses quatre faces & au coeur.

L'acier d'Allemagne vient en barils d'environ deux piés de haut, & du poids de cent cinquante livres. Il étoit autrefois très - bon: mais il a dégénéré.

L'étoffe de Pont vient en barres de différentes grosseurs: c'est le meilleur acier pour les gros instrumens, comme ciseaux, forces, serpes, haches, &c. pour aciérer les enclumes, les bigornes, &c.

L'acier de Hongrie est à peu près de la même qualité que l'étoffe de Pont, & on peut l'employer aux mêmes usages.

L'acier de rive se fait aux environs de Lyon, & n'est pas mauvais: mais il veut être choisi par un connoisseur, & n'est propre qu'à de gros tranchans; encore lui préfere - t - on l'étoffe de Pont, & l'on a raison. C'est cependant le seul qu'on emploie à Saint - Etienne & à Thiers.

L'acier de Nevers est très - inférieur à l'acier de rive: il n'est bon pour aucun tranchant: on n'en peut faire que des socs de charrue.

Mais le bon acier est propre à toutes sortes d'ouvrages entre les mains d'un ouvrier qui sait l'employer. On fait tout ce qu'on veut avec l'acier d'Angleterre. Il est étonnant qu'en France, ajoûte l'Artiste de qui je tiens les jugemens qui précedent sur la qualité des aciers, (c'est M. Foucou, ci - devant Coutelier) on ne soit pas encore parvenu à faire de bon acier, quoique ce Royaume soit le plus riche en fer, & en habiles ouvriers. J'ai bien de la peine à croire que ce ne soit pas plûtôt défaut d'intelligence dans ceux qui conduent ces manufactures, que défaut dans les matieres & mines qu'ilsont à travailler. Il sort du Royaume près de trois millions par an pour l'acier qui y entre. Cet objet est assez considérable pour qu'on y fît plus d'attention, qu'on éprouvât nos fers avec plus de soin, & qu'on tâchât enfin d'en obtenir, ou de l'acier naturel, ou de l'acier artificiel, qui nous dispensât de nous en fournir auprès de l'étranger. Mais pour réussir dans cet examen, des Chimistes, sur - tout en petit, des contemplatifs systématiques ne suffisent pas: il faut des ouvriers, & des gens pourvùs d'un grand nombre de connoissances expérimentales sur les mines avant que de les mettre en fer, & sur l'emploi du fer au sortir des forges. Il faut des hommes de forges intelligens qui aient opéré, mais qui n'aient pas opéré comme des automates, & qui aient eu pendant vingt à trente ans le marteau à la main. Mais on ne fait pas assez de cas de ces hommes pour les employer: cependant ils sont rares, & ce sont peut - être les seuls dont on puisse attendre quelque découverte solide.

Outre les aciers dont nous avons fait mention, il y a encore les aciers de Piémont, de Clamecy, l'acier de Carme, qui vient de Kernant en Allemagne; on l'appelle aussi acier à la double marque; il est assez bon. L'acier à la rose, ainsi nommé d'une tache qu'on voit au coeur quand on le casse. L'acier de grain de Motte, de Mondragon, qui vient d'Espagne; il est en masses ou pains plats de dix - huit pouces de diametre, sur deux, trois, quatre, cinq d'épaisseur. Il ne faut pas oublier l'acier de Damas, si vanté par les sabres qu'on en faisoit: mais il est inutile de s'étendre sur ces aciers, dont l'usage est moins ordinaire ici.

On a trouvé depuis quelques années une maniere particuliere d'aimanter l'acier. Voyez là - dessus l'article Aimant. Voyez aussi l'article Fer sur les proprié<pb->

Next page


The Project for American and French Research on the Treasury of the French Language (ARTFL) is a cooperative enterprise of Analyse et Traitement Informatique de la Langue Française (ATILF) of the Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), the Division of the Humanities, the Division of the Social Sciences, and Electronic Text Services (ETS) of the University of Chicago.

PhiloLogic Software, Copyright © 2001 The University of Chicago.