ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"436"> vitriol. Nous pouvons observer à - propos de ce fait même, qui est un des plus intéressans de tous ceux qui sont rapportés dans ce traité, que Boyle est fort peu circonspect à conclure de ses expériences chimiques; car celle - ci ne présentant, selon lui - même, qu'une extraction ou une séparation du soufre, ne fait rien, ce semble, à l'établissement de sa prétention, que le soufre est réellement producible; car il a bien défini la producibilité, & l'a essentiellement distinguée de la séparation.

Ses essais physiologiques contiennent quelques avis aux Chimistes qui sont réellement utiles, mais point neufs, d'ailleurs rien que des observations & des considérations communes & de peu d'importance.

Ses expériences sur la pondérabilité de la flamme sont faites avec peu d'exactitude & mal comprises, male intellecta; l'auteur n'a connu la nature de pas un des matériaux qu'il a employés, & n'a point du tout entendu les changemens qu'ils subissoient; la combinaison réelle du feu ou de la flamme, qu'il a très - distinctement articulée, est pourtant très - chimique: quelque peu précise que soit cette assertion, on ne sauroit refuser à l'illustre physicien l'éloge qu'il mérite pour cette connoissance, toute particuliere & absolument isolée qu'elle soit restée chez lui.

Quant à la doctrine que Boyle a voulu substituer à celle qu'il a combattue avec une espece d'acharnement & de haine trop peu philosophique, j'ai déjà observé que c'étoit précisément celle que j'ai mise en opposition avec la doctrine que j'ai appellée chimique: elle est éparse, cette doctrine chimico - méchanique, dans tous ses ouvrages chimiques; & l'auteur avoit commencé en 1664 de la rédiger en un corps sous le titre de Chimie philosophique, dans le tems que Becherachevoit la sienne, (sa physique soûterraine). Outre le motif de consolation sur l'inexécution de ce projet, que nous fournit la physique soûterraine de Becher, nous pouvons en trouver encore un plus direct dans les expériences & les remarques de Boyle, sur l'origine & la production méchanique de la fixité, de la volatilité, de la corrosivité, &c. qu'on peut regarder comme un échantillon de cette Chimie philosophique.

Pour toutes ces raisons, en rendant à Boyle toute la justice qu'il mérite, comme un illustre propagateur, à même comme le pere de la physique expérimentale; comme s'étant exercé lui - même avec un zele infatigable, une industrie, & une sagacité peu communes sur plusieurs branches importantes de cette science; comme en ayant d'ailleurs bien mérité, en encourageant & en aidant même le talent des travailleurs indigens, &c. En reconnoissant, dis - je, toutes ces obligations que lui a la Physique, l'intérêt de la vérité & le bien même de la ose exigent que nous déclarions que Boyle ne sauroit avoir un rang parmi les Chimistes, mais seulement parmi les Physiciens verba nostra conati.

Jean Kunckel, contemporain de Boyle & de Becher, fut un travailleur très - appliqué, & un observateur sur la sagacité & sur la sincérité duquel on peut compter. Il fut long - tems à la tête d'une verrerie; ce qui lui fournit non - seulement la commodité d'ajoûter au traité de Néri les remarques qui ont fait de cet ouvrage un corps complet de verrerie, mais même de profiter du feu continuel qu'il avoit sous la main, pour faire plusieurs expériences des plus curieuses, principalement sur les métaux parfaits. Voyez Substances Métalliques, & Calcination. Kunckel s'étoit fait sur le feu & sur les matieres inflammables, une théorie aussi ridicule que sont précieux les faits qu'elle noye dans son laboratorium experimentale, où elle est principalement mise en oeuvre. M. Stahl s'est donné la peine de la refuter dans son traité du soufre, dont cette réfutation forme une grande partie.

Enfin immédiatement après les trois derniers auteurs que nous venons de nommer, parut le grand George Ernest Stahl, né à Anspach en 1660, premier medecin du duc de Saxe Weymar en 1687, professeur en Medecine dans l'université de Hall en 1694, où il se fit une très - grande réputation, & professa jusqu'à l'année 1716, qu'il alla à Berlin où le roi de Prusse l'avoit appellé pour être son premier medecin, poste qu'il a rempli jusqu'en 1734, année de sa mort. Génie vaste, pénétrant, précis, enrichi par les connoissances élémentaires de toute espece; tout ce qu'il a écrit est marqué au coin du grand, & fourmille en ce genre d'images qui s'étendent au - delà de l'objet sensible, & qui finissent, pour ainsi dire, par un long sillon de lumiere qui brille aussi loin que la vûe de l'esprit peut le suivre. Il a marché en Medecine dans une carriere nouvelle (Voyez Medfcine), & il a porté la doctrine chimique au point où elle est aujourd'hui, & j'ose dire à un état de perfection, où maniée par d'habiles mains, elle pourroit faire changer de face à la Physique, la présenter sous un jour nouveau. Outre le Becherianisme qu'il s'est rendu véritablement propre, qu'il a revêtu de la forme philosophique dans le specimen Becherianum dont nous avons déjà parlé, il a enrichi l'art de plusieurs traités particuliers, servant tous le plus immédiatement à l'établissement & à l'extension de la théorie générale dont il a perfectionné une branche entiere des plus étendues, & qui a dû paroître la plus difficile à ordonner; savoir, les combinaisons du phlogistique, du feu, de la deuxieme terre de Becher. Son traité de Zimotechnie me paroît un chef - d'oeuvre. Les vrais fondemens des opérations métallurgiques n'étoient pas même soupconnées avant qu'il eût donné son admirable traité, intitulé dissertatio Metallurgioe Pyrotechnicoe, & docimasioe metallicoe fundamenta exhibens. Les élémens de Chimie que nous avons de Stahl sous le titre de fundamenta Chimioe dogmaticoe experimentalis, qu'il avoit dicté dès 1684 & qui sont ses juvenilia, ne sont un ouvrage médiocre qu'en comparaison des ouvrages plus travaillés du même auteur.

Stahl a écrit en général d'un style dur, serré, embarrassé, & plus barbare du moins en Latin que la qualité d'écrivain moderne ne le comporte. L'obscurité que ce style répand sur des matieres d'ailleurs abstraites & considérées très - profondément, a été reprochée à Stahl par quelques amateurs, & a été regardée comme très - avantageuse à l'art par quelques autres; par ceux qui n'ont vû qu'avec regret que l'art a été prostitué aux prophanes, ses mysteres divulgués, publiés en langue populaire, ou sur le ton ordinaire des sciences (ce qui leur a parû la même chose); ton qui n'a commenc proprement qu'aux maîtres de Stahl, barner & Bohn; ou par ceux qui ont pensé plus philosophiquement que ce degré de clarté, d'ordre, de liaison, qui met les sciences à la portée de tous les lecteurs, & même de tous les gens de lettres, étoit nuisible en soi - même aux progres de ces sciences; & que le bien de leur publicité n'étoit préconisé qu'en conséquence d'une de ces opinions adoptées sans examen, & par - là même si profondément enracinées, que l'opinion contraire à tout l'offensant d'un paradoxe. Ce, paradoxe est pourtant une vérité très - réelle, lorsqu'on l'applique en particulier au cas de la Chimie; si elle devient connue au point que les faiseurs de feuilles, de romans, les Poetes, les écrivains, veuillent orner leurs ouvrages du nom de Stahl, comme ils se décorent de celui de Newton, &c. si la Chimie devient à la mode, elle ne sera plus que petite, minutieuse, jolic, élégante; les Chimistes auront le public à satisfaire [p. 437] au lieu des connoisseurs, ils voudront plaire à ce public; réciproquement ce sera ce public qui décidera du mérite des auteurs, & le médiocre sera sur le throne de la science.

Si cette obscurité relative que nous avons reconnue & presque approuvée dans Stahl n'est pas blâmable, nous pouvons assûrer avec plus de confiance, qu'on ne peut lui reprocher aucune obscurité absolue, & qu'il n'est pas un de ses écrits profonds, tels que son specimen Becherianum, sa zimotechnie, & ses trecenta, qui ne puisse avoir jusqu'à cinq ou six lecteurs dans chaque nation savante.

Stahl a formé un grand nombre de disciples, parmi lesquels Meuder & Neuman, tous deux enlevés par une mort précoce, se sont particulierement distingués.

Jean Frideric Henckel, un peu plus moderne que Stahl, est admirable dans les connoissances particulieres, toûjours profondes & liées, qu'il nous a données principalement sur les minéraux, dans sa pyrotologie, & dans sa flora saturnisans, & par la doctrine chimique transcendante qu'il a exposée dans son appropriatio.

Frideric Hoffman, le rival de Stahl, auquel il succéda dans la place de premier medecin du roi de Prusse, a voulu joindre le relief de la Chimie à la gloire qu'il s'étoit justement acquise par son habileté dans la pratique & dans la théorie de la Medecine. On prétend qu'il n'eut d'autre vocation à la Chimie, que la célebrité de Stahl dans cette pattie: quoi qu'il en soit, il n'est pas chimiste, ses observations toutes petites & isolées, ne sont pas neuves pour la plûpart; & ses dissertations sur les eaux minerales, qui ont été fort admirées & fort copiées, ne sont qu'un mauvais ouvrage bien fait.

Lemery, qui paroît absolument avoir ignoré Stahl, nous donna au commencement du siecle plusieurs ouvrages chimiques, entre lesquels sa Chimie lui a fait sur - tout une réputation considérable, même chez les Allemands, qui l'ont traduite malgré leur richesse en ce genre. Cet ouvrage est effectivement estimable par l'exactitude des opérations, & les observations fréquentes & judicieuses de manuel. Il se distingue du commun des Chimistes pharmaceutiques dans la classe desquels nous l'avons rangé, par une certaine théorie demi - corpusculaire, dont il a orné ou chargé ses opérations. Il a été le seul proprement classique & élémentaire en France, jusqu'à ce qu'en 1723 le nouveau cours de Chimie, selon les principes de Newton & de Stahl, nous apporta le Stahlianisme, & fit la même révolution dans notre Chimie, que les réflexions sur l'attraction que publia M. de Maupertuis dans son discours sur les différentes figures des astres, ont opéré dans notre Physique, en nous faisant recevoir le Newtonianisme.

Dans le même tems trois grands auteurs adapterent aux principaux phënomenes chimiques, la théorie de l'attraction; Newton, sur la fin de sa carriere; Jean Keil, qui en disputa modestement la gloire à son maître; & le célebre Freind, qui les copia & les gâta tous deux: nous avons déjà parlé de leurs succès. Cette théorie qui regne en Angleterre, commeil paroît par les ouvrages chimiques de M. Hales, n'a jamais été adoptée chez nous. V. Attraction.

Si je ne fais pas connoître plusieurs savans illustres, qui cultivent aujourd'hui la Chimie avec le plus grand succès, c'est que je n'ai pas crû qu'il me fùt permis de leur assigner des ranges.

Le corps, le fond de doctrine chimique, tel qu'il existe aujourd'hui, est contenu dans les tables de Juncker, ouvrage précieux, trop peu cité, & principalement tiré de Stahl. Nos thrésors de faits sont les mémoires des académies, & sur - tout de celles de Paris, de Prusse, & de Suede, C'est dans ces riches col<cb-> lections que sont renfermés les matériaux les plus précieux de cette Physique - chimique, vraiment fondamentale, dont j'ai tâché de faire pressentir les avantages & d'inspirer le goût. C'est aussi dans ce vaste fonds qu'on doit se pourvoir d'un nombre suffisant de connoissances chimiques particulieres, qui sont en soi une richesse réelle, & qui doivent au moins nécessairement devancer les notions composées & générales, toûjours aussi inutiles, comme source d'instruction, que précieuses & recommandables, comme étant le complément, le faîte, le degré suprême des sciences.

Mais tout le fruit qu'on peut tirer des meilleurs ouvrages des Chimistes, toutes les instructions écrites ne peuvent être d'aucun usage, comme étude élémentaire & premiere des commencemens; ce n'est pas dans les livres qu'on peut prendre de Chimie; cette science doit, comme toutes les sciences - pratiques, être d'abord démontrée aux sens; nous l'avons déjà observé, & on en est affez généralement convaincu.

Cette premiere institution, cette étude vraiment élémentaire, cette instruction commençant par l'exercice des sens, on la doit nécessairement chercher dans les leçons publiques & dans les cours particuliers que des Chimistes zélés pour les progrès de leur art ont ouverts depuis quelques années dans les principales villes de l'Europe.

Les cours que M. Rouelle fait à Paris depuis quinze ans, sont, de l'aveu même des étrangers, ce qu'il y a de mieux en ce genre. L'ordre dans lequel les objets particuliers y sont présentés, l'abondance & le choix des exemples, le soin & l'exactitude avec lesquels les opérations y sont exécutées, l'origine & la liaison des phénomenes qu'on y fait observer, les vûes neuves, lumineuses, êtendues, qui y sont suggérées, les excellens préceptes de manuel qui y sont enseignés, & enfin la bonne, la saine doctrine qu'on y résume de toutes les connoissances particulieres; tous ces avantages, dis - je, font du laboratoire de cet habile Chimiste une si bonne école, qu'on peut en deux cours, avec des dispositions ordinaires, en sortir assez instruit pour mériter le titre d'amateur distingué, ou d'artiste capable de s'appliquer avec succès aux recherches chimiques. Ce jugement est confirmé par l'exemple de tous les Chimistes François, dont le premier goût de Chimie est postérieur aux premiers cours de M. Rouelle.

Je n'ai pas crù pouvoir mieux finir cet article, que j'ai uniquement destiné à exciter le goût de la Chimie, qu'en indiquant au lecteur à qui j'aurai pû l'inspirer, la source dans laquelle il pourra le satisfaire avec le plus d'avantage (b)

CHYMOSE (Page 3:437)

CHYMOSE, s. f. l'action de faire ou préparer le chyme. Voyez Chyme.

CHYPRE, ou CYPRE (Page 3:437)

CHYPRE, ou CYPRE, (Géog.) en Latin Cyprus.

Le premier est le nom moderne, & le second est le nom ancien. Une des plus grandes îles de la Méditerranée, sur la côte d'Asie, entre la Cilicie au nord, & la Syrie à l'orient.

La fable l'avoit consacrée à Venus, & comme elle y plaçoit le lieu de la naissance de cette déesse, on l'y honoroit d'un culte particulier. C'est dans cette île que sont les lieux célebres d'Amathonte, de Paphos, de Cythere, & de la forêt d'Idalie, si vantés par les poëtes.

Sa fertilité, ses vins, & ses mines, l'ont rendue en tout tems si considérable que les Grecs lui donnerent le nom de marcaria, c'est - à - dire fortunée; mais il s'en faut bien qu'elle mérite ce beau titre, par les malheurs qu'elle a essuyés successivement en passant sous des dominations étrangeres. Cet article est de M. le Chevalier de Jaucourt.

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