ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"434"> qu'on lit avec le plus de profit: j'oserois même dire celui dont doit faire son étude la plus assidue le chimiste suffisamment muni de bonnes connoissances fondamentales, qui seul est en état de juger, & par conséquent de lire. C'est un des auteurs dont la lecture sert le plus efficacement à guérir de la haute opinion qu'on s'est formée, avant de fouiller dans les sources, des connoissances supérieures de plusieurs chimistes modernes. Il faut lire Glauber tout entier, parce que plusieurs vérités importantes sont dispersées par lambeaux dans ses divers ouvrages.

Une liste d'arcanes non expliqués, & dont l'existence est seulement annoncée à la fin de ses fourneaux philosophiques, présente aux Chimistes une ample matiere de travail, & la plûpart de ces arcanes ont un caractere de possibilité, qui rend l'entreprise de ces travaux très - raisonnable.

M. Stahl lui a reproché avec raison d'avoir obscurci des notions sort claires que ses expériences fournissent, par la manie de les diriger aux vûes chimériques de l'Alchimie, dont il a été autant entêté que personne; aussi bien que de la confiance aux vertus des astres, des signatures, des noms, &c. qu'il a défendu dans des traités faits exprès; & de n'avoir tiré aucun parti de ces expériences pour les progrès de la science positive, des curiosités physico - chimiques, & d'être par conséquent (en comptant ces vûes & ces explications alchimiques pour rien) très - versé in TW= O(/TI, dans le fait, & fort peu avancé in TW= DIOTI, dans le pourquoi. Il faut reconnoître cependant, pour rendre justice à Glauber, que Stahl a précisément donné dans le vice qu'il lui reproche ici, lorsqu'il a embarrassé dans une hypothese fort recherchée l'origine du nitre, que Glauber avoit exposée d'une maniere fort simple, & prouvée par des raisonnemens fort bien déduits des observations; & que Stahl a manifestement mal évalué, ou du moins trop généralisé l'effet de la putréfaction pour la génération du nitre, sur l'action de laquelle, soit erreur, soit vérité, Glauber l'a encore précédé: ensorte que Glauber & Stahl ont pris réciproquement leur maniere sur cette question aussi intéressante pour son utilité, que piquante par la curiosité. Voyez Nitre.

On lui a reproché encore, avec la même justice, d'avoir vanté avec la plus grande emphase, & sans la moindre circonspection, tous ses prétendus arcanes; ce qui a attiré du mépris sur l'art, ses promesses n'étant pas toûjours suivies de l'esset. Glauber est bien effectivement le plus inconsidéré prometteur & le plus outré loüangeur de ses secrets, de tous les charlatans qui sont ou qui furent: cette manie paroît sur - tout dans les titres de ses ouvrages, toûjours écrits pour le salut du genre humain, pour la consolation de plusieurs milliers d'affligés, pour le soulagement des souffrans, la prospérité de sa patrie, qui seront comme une chandelle allumée mise sur le chandelier, &c. C'est dans ces défauts que les chimistes ses contemporains les plus illustres, tels que Becher, Borrichius, & le célebre Stahl qui a commencé à courir la même carriere peu de tems après la mort de Glauber, ont trouvé des prétextes pour le déprimer; quoique Stahl lui - même, qui parle toûjours de Glauber comme d'un manoeuvre, n'ait pas dédaigné de se parer de quelques - unes de ses idées philosophiques, que véritablement Glauber n'avoit jamais été en état de mettre en oeuvre comme Stahl.

Glauber a beaucoup célébré une medecine universelle (Voyez Medecine), & un dissolvant universel qu'on croit être le nitre, ou plûtôt les deux principes de sa composition employés séparément; ce qui n'est plus remplir la condition du problème qui suppose un seul corps, auxquelles conditions d'ailleurs ni l'acide du nitre, ni le nitre fixe ne peuvent satisfaire. Voyez Menstrue.

Glauber a continué d'écrire jusqu'en 1669.

Une époque considérable pour la Chimie, c'est la conquête qu'elle fit vers le milieu du dernier siecle, de la théorie de la Medecine, ou la naissance de la secte chimique des Medecins, dont les chefs & les propagateurs les plus connus sont le célebre professeur François Deleboe Sylvius, Otto Tachenius qui s'est fait un nom dans la Chimie pratique par quelques procédés particuliers sur la préparation des sels, & l'ingénieux Thomas Willis, auteur d'un traité sur la fermentation fort estimable, & inventeur des deux principes passifs, ajoûtés au ternaire de Paracelse. Voyez Medecine.

Il n'est pas aisé de décider si cette conquête fut plus funeste à la Medecine qu'à la Chimie: car si d'un côté la Chimie medicinale devenue physiologique & pathologique, remplit bientôt d'hypotheses monstrueuses la théorie de la Medecine, dont elle avoit enrichi la pratique tant qu'elle n'avoit été que pharmaceutique, on peut avancer aussi que ses nouveaux sujets (les Medecins théoriciens) qui bientôt donnerent le ton, traiterent la Chimie avec cette licence de raisonnement, cette exondance d'explications qu'on leur a tant reprochée & à si juste titre, & qu'entre leurs mains la théorie chimique fut bientôt aussi gratuite que celle de la Medecine. La doctrine qu'on enseigna dans les chaires qui furent établies après dans les plus fameuses universités, se ressent de cette maniere arbitraire de philosopher, & a subsisté dans les écoles pendant tout le regne de la secte chimique des Medecins, & long - tems même après sa proscription chez plusieurs nations, cultivant d'ailleurs les sciences avec succès; notamment chez nous, où le Stahlianisme n'a pénétré que long - tems après la réforme de Stahl, & où il faut même convenir qu'il n'est pas encore assez généralement répandu.

Enfin dans le tems même où la Chimie essuyoit l'espece d'éclipse dont nous venons de parler, parut l'illustre Jean Joachim Becher, né à Spire vers l'an 1625; d'abord professeur de Medecine & medecin de l'électeur de Mayence, ensuite medecin de l'électeur de Baviere, dans le laboratoire duquel il travailla beaucoup; après cela fixé auprès de l'empereur, de la cour duquel il fut obligé de s'éloigner par des maneges de courtisans, enfin voyageur en Hollande & en Angleterre, &c. Homme d'un génic véritablement grand, d'un jugement exquis, & très versé dans presque toutes les sciences; le vrai Hermès de la Chimie philosophique; le pere, le créateur du dogme chimique de cette Chimie, que j'ai donné au commencement de cet article comme la base de l'étude de la nature. Sa physique soûterraine, que malheureusement nous n'avons pas complete, contient au moins le germe de toutes les vérités chimiques & du système qui les rassemble en corps de doctrine, & elle a (la Chimie) dans cet ouvrage tous les caracteres par lesquels nous l'avons opposée à la physique ordinaire. Il faut avoüer cependant que Becher en cela plus heureux qu'Aristote, a l'obligation à Stahl son commentateur, d'avoir expliqué & peut - être rectifié plusieurs de ces dogmes, & que c'est dans le specimen Becherianum de Stahl, que la physique de Becher mérite les éloges les plus éclatans, dont tout connoisseur ne peut s'empêcher de la combler. Ce specimen est le code de la Chimie, l'Euclide des Chimistes, &c. Les éloges de Stahl, le meilleur juge qu'on puisse trouver sur ces matieres, nous tiendront lieu du jugement que nous avons à porter sur cet auteur: Illud nostrum facimus, dit - il dans la préface qu'il a faite pour la physique soùterraine de Becher, Becherum in physicâ hâc sub - [p. 435] neâ.... ita solidis theorüs, argumentis, experimentis usum esse; eâ scientiâ, industriâ, peritiâ, constantiâ, connectendi & concludendi circumspectione in hoe argumento usum atque potitum esse quam nemo alius neque ante ipsum, neque post ipsum, imo nequidem per ipsum in hodiernum usque diem. Le même auteur, Stahl, qui n'est pas prodigue d'éloges, appelle le même ouvrage, opus sine pari, primum hactenus ac princeps; & ailleurs, liber undique & undique primus: & nous pouvons dire qu'il l'est encore de nos jours, du moins parmi les originaux, c'est - à - dire parmi les ouvrages faits pour les chimistes légitimes, les maîtres de l'art. Je sai bien que Becher, quoiqu'écrivain exact, méthodique, & même élégant, quoique fertile en préceptes & en expériences qui doivent être du goût de tous les lecteurs, & en éclairs qui doivent frapper tous les yeux, ne sauroit faire supporter au plus grand nombre, en faveur de ces qualités, tout ce qu'on trouve dans cet ouvrage pour établir l'existence de la transmutation des métaux & de la mercurification, qui est la prétention favorite de notre auteur; ni cette espece de commentaire physique sur l'histoire de la création, par lequel son ouvrage débute; ni en général quelques obscurités, & un assez grand nombre de notions vagues & tout au plus métaphoriques, qu'il a mêlées aux vérités les plus positives & les mieux liées: car j'aime mieux croire que c'est par ces défauts, ou plûtôt par cet épouventail, que l'incomparable ouvrage dont nous parlons n'est ni connu, ni par conséquent estimé des Physiciens, que de dire avec Stahl, que cela vient de ce que les assertions fondamentales de l'auteur font vraies. La doctrine de Becher, outre les notions générales sur la mixtion & sur la solution, qui font la base de la méthode chimique, est surtout connue par l'exposition des principes de la composition ou des matériaux des corps, & principalement des minéraux; principes qu'il a fixés au nombre de trois, & que nous connoissons en Chimie sous le nom des trois terres de Becher. Voyez Principes, Mineraux, Substances Métalliques, & Terres. Les autres ouvrages chimiques de Becher sont pour la plûpart purement alchimiques: tels sont les supplémens à sa physique soûterraine, sa concordance chimique, tous ses opuscules, à l'exception du laboratorium portatile qui contient, outre un tableau abregé des connoissances pratiques, un précis très - exact de la doctrine chimique de l'auteur; sa morosophie & son oedipe chimique, le plus obscur de tous ses ouvrages, malgré son titre. Au reste, ces divers ouvrages alchimiques sont de la classe de ceux que le chimiste, qui pense & qui est assez patient, lit toûjours avec profit, tant pour les vûes, les idées lumineuses qu'un chimiste tel que Becher doit nécessairement répandre dans tout ce qu'il a traité, que pour les faits, les observations, les expériences secondaires, & même pour certains procédés qu'on peut regarder comme utiles, même quant au fond ou aux produits que l'auteur promet. Ses prétentions sur sa famease mine de sable perpétuelle, passent, par exemple, pour très - fondées au jugement de plusieurs grands chimistes. On retrouve toûjours Becher dans ceux - ci, c'est - à - dire l'homme singulierement maître de son sujet, &c. Voyez Transmutation. Sa métallurgie passe pour trop peu travaillée: Becher a d'ailleurs été un très - fertile écrivain sur des sujets de Medecine, de Belles - Lettres, de Grammaire, de Politique, de Théologie, de Mathématique, de Méchanique, &c. Il mourut à Londres en 1682.

Le célebre physicien Robert Boyle, contemporain & ami de Becher, est ordinairement compté parmi les Chimistes; & il a effectivement beaucoup écrit sur la Chimie: mais il est trop exactement phy<cb-> sicien corpusculaire - méchanicien, ou physicien proprement dit, tel que nous l'avons mis en contraste avec le chimiste au commencement de cet article, pour qu'il ait pû travailler utilement pour la doctrine chimique, dont on peut dire qu'il a entrepris la réforme sans être muni des connoissances suffisantes pour exécuter ce dessein, & même sans avoir assez d'érudition chimique pour savoir ce que c'étoit exactement que cette doctrine qu'il se propose de rectifier. En effet Boyle paroît n'avoir connu que le peuple des Chimistes; car il a combattu des principes que les bons chimistes ne prenoient point du tout dans le sens dans lequel il les considere; & il a, par une suite de cette mauvaise acception, ou refuté des erreurs qui n'existoient point chez les vrais maîtres de l'art, ou attaqué des dogmes que quelques ancêtres de ces savans avoient réellement établis, mais que des chimistes postérieurs, tels que Libavius, Rolfinck, Vanhelmont, Rubæus, Billich, & plusieurs autres, entre lesquels nous n'oublierons pas de compter notre Palissy, avoient refuté avant lui; ensorte qu'il n'a fait qu'étendre les réfutations bien ou mal fondées de ces auteurs, & les appuyer quelquefois d'expériences précieuses en soi, mais presque toûjours mal appliquées, & fournissant constamment à l'auteur des conséquences très - précaires & très - mal déduites.

Boyle paroît avoir jugé Vanhelmont, par exemple, sur le simple titre que ce chimiste se donnoit de philosophe par le feu, lorsqu'il l'a accusé d'être un des chimistes qui avoient mal estimé l'action du feu dans la décomposition des corps, & d'avoir adopté la doctrine des principes dans le sens où Boyle la prend, & où elle est réellement vicieuse; car Vanhelmont est directement opposé à cette opinion.

Son chymista scepticus où l'auteur n'a point douté, (ce que Becher lui a reproché dans le même endroit de sa Physique soûterraine, où il tourne en ridicule la forme spirale des particules de l'air, par laquelle Boyle expliquoit le ressort de ce fluide; ce que je remarque en passant, pour faire voir que les Chimistes ont avant les Newtoniens senti l'insuffisance de ce méchanisme), & où on ne trouve point les paradoxes annoncés par le titre de la derniere partie de cet ouvrage, est exactement caractérisé par l'idée que nous venons de donner de la maniere générale de Boyle. Il s'est peint de la même façon dans son ouvrage intitulé de impersectà chimicorum circa qualitates doctrinâ. L'on voit d'ailleurs évidemment en Boyle l'étranger dans les choses chimiques, par le manque absolu de l'art d'élaguer l'exposé de ses expériences, qu'il charge souvent de circonstances inutiles, tandis qu'il évalue fort mal les essentielles; notamment dans son essai sur les parties du nitre, où il paroît croire que l'air libre opere matériellement dans les crystallisations des sels, soit par sa propre substance, soit par des exhalaisons terrestres ou même célestes, & où il a connu si peu l'effet de l'évaporation dans la production de ce phénomene, qu'il témoigne à - propos des mêmes expériences beaucoup de regret de n'avoir pas tenté si une dissolution de nitre enfermée dans un vaisseau exactement bouché, ne fourniroit pas aussi bien des crystaux qu'une pareille dissolution exposée à l'air libre. L'inconsequence ou l'inutilité de ses expériences pour les points à l'appui desquels il les rapporte, est frappante dans son livre de producibilitate principiorum chimicorum, où l'on trouve pourtant des faits importans en soi, la production d'un soufre artificiel, par exemple, mais qui avoit déjà été exécutée par Glauber qui ne se trompoit pas plus que Boyle, lorsqu'il croyoit l'extraire des charbons, au lieu que le physicien croyoit le séparer de l'huile de

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