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Les Chimistes se sont généreusement départis de ce premier Hermès, placé avant le déluge par ceux qui le métamorphosent en Enoch; & après le déluge, par Sanchoniathon & quelques autres. L'auteur de l'asclepius qu'on attribue à un Mercure postérieur à cet Hermès, reconnoît lui - même qu'il a eû un ayeul plus grand que lui, consilii pater, omniumque dux; c'est cet ayeul, ce premier Hermès dont il n'étoit pas permis de prononcer le nom sacré, quem nefas erat nominare. Le vrai trismégiste des Chimistes n'est point cet ineffable; ils se sont rabattus sur un des seconds Mercures, & ils ont eu beau champ à le rendre Phénicien avec Sanchoniahton, Philon, Eusebe, & M. de Fourmont; Egyptien avec Diodore de Sicile, Strabon, Kircher, Borrichius, &c. Grec avec Cicéron, dont il sera le cinquieme ou celui qui tua Argus, avec tous les Mythologistes Grecs, & la plûpart des Mythologistes modernes qui en ont bien plus discouru que d'aucun autre, quoique grace à l'habitude qu'avoient les Grecs de voler à leurs voisins leurs héros, il soit le moins réel de tous; & enfin Latin avec la chronique d'Alexandrie: dans ce dernier cas, il s'appellera Janus. Ils ne se sont pas trouvé moins à leur aise sur les qualités dont il pouvoit leur convenir de le décorer: il n'a tenu qu'à eux d'en faire un roi d'Egypte; puis un dieu du même pays, un ministre, un conseiller intime ou sacré d'Osiris; Osiris même, un pedagogue d'Isis, un Siphoas prince postérieur; Chanaan très - antérieur; Zoroastre que Kircher prend pour Cham, & Borrichius pour Misraïm, le même que le second Vulcain, le Vulcain Egyptien d'après le déluge; Eliézer intendant d'Abraham, avec M. de Fourmont (car le Chronos ou Saturne de Sanchoniathon étant évidemment Abraham selon M. de Fourmont, il est clair que le second Mercure ou le Mercure de ce Sanchoniathon, est Eliézer (un Melchisedech roi de Salem, de la famille de Chanaan; Jethro beau - pere de Moyse: Moyse même; quoique Conringius dise qu'on ne fait si ce Mercure fut un homme ou un diable, ce qui met en fureur Borrichius. Quelle source de dissertations! il y a là de quoi occuper la vie de dix mille littérateurs, & dequoi fournir un ample sujet à l'exclamation philosophique: O curas hominum! &c. Mais les rêveries du philosophe seront - elles plus essentielles aux yeux du littérateur? hélas, non! Invicem prabemus crura sagutis; & nous prétons le flanc de bonne grace: persuadés que s'il peut y avoir quelque frivolité dans nos occupations, elles n'en seront pas moins philosophiques pour cela, pourvû que nous sachions les estimer nous - mêmes leur juste valeur. D'ailleurs la minutie de l'objet n'ôte rien à la sagacité de celui qui s'en occupe. Celui qui satisfait à une question très - obscure & très superflue, a montré une force de génie qui est un bien absolu; & cette considération doit passer sans doute avant celle de notre petit intérêt, dans le jugement que nous portons sur le mérite des hommes.
Mais il est toûjours fort plaisant de voir nos chimistes antiquaires s'abîmer dans des discussions, & chercher parmi tous ces vrais ou faux Hermès un inventeur à la Chimie; tandis que de tous les anciens écrivains, à l'exception de l'auteur de la chronique d'Alexandrie, qui attribue à son Mercure l'honneur d'avoir découvert l'or & d'avoir sû le travailler, il n'y en a pas un qui ait parlé de son Hermès comme d'un chimiste. Sanchoniathon n'en dit pas un mot. Diodore de Sicile, qui s'est fort étendu sur les connoissances d'Hermès, ne parle point de Chimie. Rien ne seroit donc plus gratuit que l'honneur que nous lui ferions
Le Minerva mundi que Conringius trouve, quoique supposé, frugis agiptiac> veteris sanè plenus, attribue l'invention de la Chimie à Asclepius fils d'Imuth; & c'est apparemment en vénération de la profonde science de cette Imuth inconnue, & en reconnoissance des grands avantages dont la Chimie a gratifié le genre humain, que Zozime le Grand, a décoré son livre sur la Chimie du nom d'Imuth.
C'est dans le Minerva mundi, que la Chimie est
appellée
Les prétendus vestiges de Chimie, apperçus dans
les ouvrages de Moyse & de quelques philosophes
& poëtes Grecs qui avoient voyagé en Egypte, ou
qui avoient du moins vécu avec des voyageurs revenus
de ce pays, sont tels que pour y voir notre
art, il faut y être bien résolu avant que de les ouvrir.
Ce fait de la calcination du veau d'or, par
Moyse, qui a donné lieu à une dissertation de Stahl,
où la partie critique n'a servi que de prétexte à la
partie physique, ne prouve nullement que Moyse
fût chimiste; une simple connoissance ou secret
d'ouvrier suffisoit pour l'exécuter. Cependant Borrichius apperçoit des traces très - évidentes de Chimie dans Orphée, Homere, Hésiode, Pindare, Sapho, Hippocrate, & Platon, Celui - ci, dit - il, n'a
pas ignoré le grand principe de l'art, concors concordi
adharet, discordia rebellant. Il trouve dans cette
sentence du Banquet le fondement solide de toute la
doctrine chimique, & la théorie de toutes ses opérations;
Borrichius finit cette discussion sur la Chimie des anciens Grecs par un aveu qui n'est point du tout à sa maniere, & qui lui a échappé je ne fais comment. Il croit que les anciens Grecs ne s'entendoient pas eux - mêmes, & qu'ayant pris à la lettre ce que les Egyptiens leur avoient délivré sur le ton d'oracle, ils l'avoient répandu sans y rien comprendre; il lui paroît que ces Grecs libasse tantùm artem chimicam, non hausisse, si paucissimos excipias; sed quantum in praxi chimica profecerit, sive Democritus, sive Homerus, sive Pitagoras, sive Pindarus, sive denique primus
Au reste, ces oracles chimiques de l'Egypte, transmis jusqu'à nous de poëtes en poëtes, ne forment pas une tradition assez sûre pour prouver seulement que la Chimie existât en Egypte au tems où Diodore de Sicile, & tous ces Grecs dont on trouve le catalogue dans Diodore de Sicile, y voyagerent. Ni cet historien, ni Dioscoride son contemporain, & medecin de la fameuse Cléopatre, n'ont rien dit de relatif à cet art. Si d'un côté la dissolution assez prompte d'une perle considérable ne pouvant s'exécuter sans un menstrue dont la préparation semble supposer des connoissances de Chimie pratique, puisque le vinaigre n'opere point cette dissolution; si cette dissolution, dis - je, supposée vraie, prouve dans Cléopatre ou dans son medecin, quelque progrès dans l'art: d'un autre côté, il est difficile de comprendre comment les Romains se sont rendus maîtres de ces contrées, & comment les Grecs y ont voyagé devant & après cette conquête, sans rien rapporter de cet art, & qu'ils ayent même ignoré qu'il y existât. Nous pourrions conclure de - là que la Chimie n'étoit pas encore en Egypte; mais nous laissons ce point indécis. Pour en Grece, c'est un fait démontré; car il n'en paroît pas l'ombre dans les anciens auteurs, soit Medecins, soit Pharmacologistes, tels que Théophraste, Dioscoride, Galien, ni dans ceux du moyen âge que nous appellons medicina principes. Comment un art qui promettoit tout en naissant de dévoiler aux hommes les secrets les plus cachés de la nature, auroit - il pû exister à l'insçû des philosophes? Comment n'est - il pas arrivé alors ce qui est de tous les tems, & ce qui se remarque si sensiblement du nôtre, que l'ostentation des connoissances n'en ait pas répandu quelques mots techniques attrapés au hasard dans les compositions des poëtes, des orateurs, des romanciers? Les hommes anciens n'étoient - ils donc pas comme ceux d'aujourd'hui? Les écrivains n'employoient - ils que les termes dont ils sentoient toute la force? Ne cherchoit - on point le relief des connoissances, soit réelles, soit apparentes? Mais si l'on ne rencontre dans ces tems aucun mot de Chimie bien ou mal appliqué; si ce qui fait dire aujourd'hui tant de sottises n'en a point fait dire plûtôt; s'il n'y a pas une expression chimique ni dans Pline, ni dans Lucrece, ni dans Celse, n'est - ce pas que les Romains ont dù ignorer ce que les Grecs leurs maîtres ne savoient pas encore? Car il faut compter pour rien ce que Pline dit de l'or que Caligula retira de l'orpiment; ce peut n'être qu'une opération de Métallurgie sur un orpiment natif mêlé avec de l'or.
On fonde une derniere preuve de la Chimie des
Egyptiens, sur l'immense richesse de ces peuples.
On prétend qu'ils se l'étoient procurée par la transmutation
des métaux, par l'oeuvre divin; comme
s'il n'y avoit que cette voie d'accumuler des richesses,
& que l'extrême difficulté de cette opération,
pour ne rien dire de plus, ne dût point entrer dans
le calcul de la certitude d'un fait dont l'autenticité
n'est point historique. L'anecdote rapportée
par le seul Suidas, que Dioclétien fit brûler tous les
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