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Borrichius prend un intérêt si chaud à l'état de la Chimie antédiluvienne, qu'il se feroit un scrupule d'en avoir sur la réalité des monumens qu'il accumule: il n'a pas le moindre doute sur l'authenticité des livres de Manethon de Sebennys, prêtre d'Héliopolis, dédiées à Ptolomée Philadelphe. Il est convaincu que l'histoire de cet ancien auteur Egyptien a été dressée sur de très - bons mémoires, tels, par exemple, que les registres sacrés & les colonnes publiques. Eusebe (Eusebius Pamphili.) assûre d'après les fragmens de cet auteur, > Jule Africain nous a conservés, que le premier Thoït, ou Mercure Egyptien, traça sur des colonnes l'histoire des sciences qui fleurissoient avant le déluge. Certainement la Chimie en étoit, dit Borrichius; les caracteres de Thoït furent hiéroglyphiques, & il employ a la langue sacrée; après le déluge sa doctrine fut traduite en Grec; Agathodæmon ou le second Mercure, pere de Tat, l'écrivit dans des livres, mais encore en lettres hiéroglyphiques. Les critiques ont apperçû dans ce passage une certaine bisarreric, qui le leur a fait rejetter avec mépris. Conringius & Stillingfleet ont trouvé contradictoire que Hermès eût écrit dans une certaine langue en caracteres hiéroglyphiques; parce que, selon ces auteurs, les caracteres hiéroglyphiques peignoient les choses, & non des mots. L'auteur de l'essai sur les hiéroglyphes des Egyptiens, a rétabli la leçon de ce passage, & sauvé par - là la contradiction: il a dit lettres sacrées, au lieu de caracteres hiéroglyphiques; & il a conclu de - là que toute la bisarrerie du passage ne devoit plus résider desormais que dans la grande antiquité attribuée au fait: car les lettres alphabétiques dont il s'agit, dit cet auteur, furent en usage assez tard parmi les Egyptiens; & une dialecte sacrée fut introduite encore plus tard parmi eux. Au reste, que les colonnes de Thoït ayent pû résister aux eaux du déluge, & subsister plusieurs siecles après cet évenement qui changea la face entiere de la terre, Borrichius le prouve par l'exemple des fameuses colonnes de Seth, dont une restoit encore debout dans la terre de Seriad au tems de Joseph qui en fait mention, liv. I. ch. iij. des antiq. Judaïq. Quant à la traduction, Borrichius se croit obligé d'avoüer qu'elle pourroit bien n'être pas du second Mercure pere de Tat, dont la naissance précéda, selon lui, celle de la langue Grecque; mais du cinquieme Mercure, ou du dernier de Cicéron, que personne, ajoûte fierement Borrichius, ne prouvera être mort avant la naissance de la langue Greque. Un Ursinus, & le savant Conringius, beaucoup plus connu que le premier, s'étoient déjà élevés contre les colonnes, & avoient jetté des doutes sur la bonne foi de Manethon: aussi Borrichius se met - il fort en colere contre ces incrédules, qu'il traite cependant avec une politesse qui n'étoit pas commune dans les savans de ces tems, sur - tout quand ils avoient tort. Ceux qui seront cu<cb->
Voilà le précis des preuves sur lesquelles on établit la grande ancienneté de la Chimie: il est affez indifférent
de les admettre ou de les rejetter; & nous
n'en parlerions pas davantage, si elles ne nous sug
géroient une observation plus dans notre genre,
& plus du goût général de notre siècle, que la critique
historique que nous en serions: c'est qu'il faut
bien distinguer dans tout ce qui précede, les faits,
des inductions; le positif, du raisonnement. Convenons, avec Borrichius, qu'on a travaillé les métaux
avant le déluge; mais n'allons pas en conclure que
ces premiers Métallurgistes fussent des chimistes. Le
panificium est certainement du ressort de la Chimie
(Voyez
Ce qui constate, selon les historiens de la Chimie, le renouvellement ou plûtôt la naissance de la Chimie peu de tems après le déluge, c'est qu'on trouve dèslors des arts chimiques existans; qu'il est parlé dans quelques auteurs de l'art de tranfmuer les métaux; que d'autres en ont écrit expressément; & qu'on apperçoit dans plusieurs ouvrages des vestiges épars des connoissances alchimiques.
La Métallurgie a été exercée dans les tems les plus reculés, ce fait est sûr; les monumens historiques les plus anciens parlent de cet art, & d'arts qui le supposent: l'ancienneté de l'usage des remedes tirés des substances métalliques est manifeste par les [p. 425]
Mais nous serons sur ces preuves du renouvellement de la Chimie, les mêmes réflexions que nous avons faites sur celle de son existence avant le déluge; nous dirons que ces arts ne supposent pas la science. La théorie de la Teinture est bien postérieure à l'art. On fondoit les métaux à - travers les charbons, long - tems avant que Stahl donnât l'admirable théorie de cette opération. Ce n'est pas d'après les principes de son excellente zimotechnie, qu'on a fait le premier vin. Ces spéculations, quand elles sont justes, peuvent fournir des vûes pour perfectionner les arts, & les étendre à un plus grand nombre d'objets. On corrigera les vins; on songera à mettre en fermentation des substances nouvelles. Mais quant à l'invention directe & systématique des arts, de ceux sur - tout qu'on peut regarder comme chess, loin de convenir qu'elle soit due aux sciences, c'est une question de savoir si elle peut l'être. Mais en attendant qu'on la décide, nous pouvons assûrer qu'elles ont paru tard; & qu'il y avoit des arts depuis long - tems, lorsque les progrès de la raison, ou peut - être les premieres erreurs de l'esprit combinées, ont donné naissance aux Sciences.
Quant à l'art de transmuer les métaux, ou a l'Alchimie, on peut le regarder comme ayant toûjours été accompagné de science, & ne pas séparer le système de la pratique alchimique. Le titre de philosophe, de sage, ambitionné en tout tems par les chercheurs de la pierre divine, le secret, l'étude, la
Que l'Alchimie doive sa naissance à l'Egypte cette mere commune des Sciences, & qu'elle ait été cultivée par les hiérophantes ou prétres de la nation; c'est un fait qu'on avoue unanimement. En voiciles preuves les plus fortes: 1°. l'étymologie la plus naturelle du mot Chimie, est tirée de celui que l'Egypte portoit en langue sacrée, Chemia, selon Plutarque. Des commentateurs prétendent à la vérité qu'il faut dire Chamia, terre de Cham premier fils de Noé, qui s'établit dans cette contrée après le déluge; & les Septante l'appellent Chami (psal. 105.) du mot Hébreu ham: mais on lit dans Bochart, que les Cophtes l'appellent encore aujourd'hui Chemi. 2°. Les écrivains les plus anciens que nous ayons sur la Chimie, sont originaires d'Egypte; tels que Zosime de Chemnis ou Panopolis, Dioscorus, Comarius, Olimpiodore, Etienne, Sinesius, & autres dont nous parlerons ailleurs. 3°. La maniere dont on a écrit de la Chimie, tota scribendi & docendi ratio, est entierement dans le goût Egyptien; c'est une diction tout - à - fait étrange & éloignée du tour ordinaire, un style énigmatique & annonçant par - tout des mysteres sacrés; ce sont des caracteres hiéroglyphiques, des images bisarres, des signes ignorés, & une façon de dogmatiser tout - à - fait occulte: or personne ne passe pour avoir gardé plus scrupuleusement cette circonspection que les Egyptiens. Ces peuples se sont plu partieulierement à envelopper leurs connoissances dans des voiles ténébreux; & c'est de - là qu'ils ont passé dans les ouvrages des Chimistes. L'usage des anciens auteurs de Chimie d'apostropher le lecteur comme son propre enfant, fili mi, a bien l'air de venir d'Egypte où les sciences ne se transmettoient que des peres aux enfans.
Mais quand il seroit plus clairement démontré que l'Egypte a été le berceau de la Chimie, il n'en seroit pas plus facile de fixer la date de sa naissance. L'adoption générale chez tous les Chimistes, d'Hermès pour l'inventeur & le pere de la Chimie, est tout - à - fait gratuite. L'existence même d'un Hermès Egyptien, n'est pas encore bien tirée au clair: il y a eû en Egypte dix à douze Taut, Thot, Theut, Thoyt, Thout; pour tous ces noms, les Phéniciens n'en avoient qu'un, Taaut; les Grecs, qu'Hermès; ceux d'Alexandrie, que Thoor; les Latins, que Mercure; les Gaulois, que Teautates, qui tire son origine de l'Egyptien Taautes qui étoit très - évidemment Hermès ou Mercure: car selon César, Bell. gal. lib. VII. les druides des Gaulois deum maximè Mercurium colunt, hune omnium artium autorem ferunt. Les Rabbins l'appellent Adris, les Arabes Idris, un certain Arabe Johanithon, & les Barbares (ainsi qualifiés par un Rabbin) Marcolis. Kircher sort en peine du nom d'Idris, a découvert enfin dans l'Arabe Abenephi que c'étoit le même qu'Osiris, que les Perses appellent Adras. Nous avons parlé plus haut d'Agothodemon.
Ce n'est rien que la confusion de ces noms, en
comparaison de celle qui naît de la multiplicité des
personnes auxquelles ils ont été appliqués. Sanchoniathon compte deux Taaut ou Hermès; la plûpart
des anciens Mythologistes, trois; quelques - uns quatre;
& Cïcéron cinq. Kircher observe d'après plusieurs
auteurs Grecs, Juifs, & Arabes, qu'un très - ancien Hermès, qu'il regarde comme l'Enoch fils de Jared
de la Genese, s'étant illustré parmi les hommes, ceux
de ses successeurs qui ambitionnerent la réputation
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