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En effet, quel est le vrai chimiste, le chimiste un peu jaloux de ce qui appartient à son art, qui pût se dessaisir sans violence de la fable des travaux d'Hercule; de l'enlevement des pommes du jardin des Hespérides, après la défaite du dragon qui les gardoit; de la destruction du lion de la forêt de Nemié; de la biche aux piés d'airain, tuée sur le mont Menale, &c. Oh si les Chimistes avoient été plus érudits, ou plûtôt les érudits (Kircher par exemple) plus chimistes, quelle moisson d'interprétations à faire n'auroient - ils pas trouvé dans les sentences de Zoroastre, les hymnes d'Orphée, les symboles de Pythagore, les emblèmes, les hiéroglyphes, les tables mystiques, les énigmes, les gryphes, les paroemies, & tous les autres instrumens de l'art de voiler la vérité, dont on se servoit dans les tems où elle étoit autant respectée qu'elle mérite de l'être, où le peuple bien apprétié étoit jugé indigne de la connoître, où l'on croyoit que c'étoit la prostituer que de l'exposer toute nue aux yeux du vulgaire, & où le philosophe jaloux d'élever une barriere entre lui & le reste des hommes, étoit moins à blâmer de la manie qu'il avoit de la cacher, que de celle de faire croire qu'il la cachoit; car on peut regarder la premiere comme infiniment meilleure que cette indiscrétion qui l'a divulguée depuis par tant de colléges, tant de facultés, tant d'académies plantées, comme disoit le moine Bacon, in omni castro & in omni burgo. Les douze classes ou chefs d'explications dans lesquels Kircher a divisé son gymnasium hieroglyphicum, se seroient réduites par quelques connoissances de la Chimie, à la dixieme seule, où il auroit encore été infiniment moins court & plus hardi. Si M. Jablonski avoit été chimiste, il se seroit bien gardé de voir dans la fameuse table d'Isis si heureusement sauvée, par le célebre cardinal Pietro Bembo, du sac de Rome par le connétable de Bourbon, la suite des fêtes célébrées en Egypte durant toute l'année, V. Miscell. Berolin, tome VI. mais bien au lieu d'un almanach de cabinet Egyptien, un tableau du procédé divin de la transmutation hermétique. Au reste, ceux qui seront curieux de savoir comment les Chimistes l'emportent sur les simples érudits, comme interpretes de l'histoire & de la fable, peuvent consulter principalement Majeri arcana arcanorum omnium arcanissima, & plusieurs ouvrages de P. J. Fabre de Castelnaudari (Faber Castrinovidariensis), medecin de Montpellier, sur - tout son Panchimicum, son Hercules Piochimicus, & son Alchimista Christianus.
Au lieu de ce détail, voici une de ces explications
qui pourra recréer quelques lecteurs: elle est du célebre
Blaise Vigenere. Cet auteur prétend qu'il faut
entendre, par la fable de Promethée puni pour avoir
dérobé le feu du ciel, que
Le chimiste le moins curieux des antiquités de son art, ne pourra s'empêcher de recourir à Philostrate sur la citation de Vigenere, & le moins enthousiaste ne pourra se refuser à l'application qui se présentera à son esprit de l'allégorie de Minerve quittant les Rhodiens pour les Athéniens, parce que ceux - là lui sacrifioient sans feu. Sacrifier à Minerve sans feu, dira - t - il avec transport, c'est évidemment s'appliquer aux recherches physiques, en négligeant les secours de la Chimie: & combien en effet, continuera - t - il, de sacrifices modernes faits sans feu à Minerve physicienne, porte le caractere d'offrandes rejettées par la déesse.
Quelques auteurs (à la tête desquels on peut placer ce Fabre de Castelnaudari que nous avons cité plus haut) dont la manie de voir en tout & par - tout les hiéroglyphes de la Chimie, ne s'est pas épuisée sur les fables Greques, Egyptiennes, & Phéniciennes, se sont encore jettés & sur les ouvrages allégoriques de l'ancien & du nouveau Testament, comme le Cantique des cantiques, & l'Apocalypse; & sur les livres de l'historique le plus positif, tels que le Pentateuque, & les Evangélistes: travers dans lequel on ne sait s'il y a plus d'irréligion que de folie. Au reste, si c'est folie plûtôt qu'irréligion, il faut avoüer que la maniere figurée propre aux Orientaux ne pouvoit guere manquer de mettre en jeu des imaginations si voisines du déréglement.
Mais de tous les auteurs qui ont écrit en faveur
de l'antiquité de la Chimie, nul ne s'est montré plus
profond, plus sérieux, plus avide de témoignages,
& plus adroit à ourdir ces longs tissus, ou à accrocher
entr'eux ces atomes de preuves dont nous
avons fait mention au commencement de ces considérations
historiques, que le célebre chimiste Olaüs
Borrichius, dans son traité de ortu & progressu Chimi>.
Il se déclare, sans hésiter, pour l'opinion de ceux qui
font remonter l'origine de l'art jusqu'aux tems qui ont
précédé le déluge. Il est dit au quatrieme chapitre de
la Genese, de Tubalcain qu'il fut malleator & faber in
cuncta genera >ris & ferri. Tubalcain fut donc un chimiste;
On se doute bien que Borrichius n'a négligé ni l'or de la terre d'Hevilat du quatrieme chapitre de la Genese, ni les témoignages de Diodore de Sicile, d'Homere, de Pindare, &c. ni celui de Philon de Biblos: selon ce dernier, le Chrysor ou Chrysaor, sixieme successeur du Protogonos de Sanchoniathon, ou de l'Adam de l'Ecriture sainte, est le même que Vulcain; mais quel sentiment de reconnoissance le chimiste Borrichius n'auroit - il point eu pour un littérateur de son tems, s'il s'en étoit rencontré quelqu'un d'assez instruit sur l'origine & la succession des anciens peuples, pour lui annoncer, ainsi que M. de Fourmont l'a fait depuis, que ce Chrysaor existoit trois générations avant Tubalcain, à qui il prétend que l'Ecriture n'attribue pas en propres termes l'invention des ouvrages en fer, mais seulement de s'être mêlé du mélier plus qu'un autre, & d'avoir été un illustre propagateur des ouvrages en fer. M. de Fourmont qui reconnoît clairement dans l'Ecriture tous les personnages du fragment de Sanchoniathon, n'y retrouve point le Chrysaor; il ne sait si c'étoit ou non le même que celui d'Hesiode: mais n'importe, Borrichius vous dira qu'il n'en fut pas moins chimiste; car selon l'étymologie Phénicienne de son nom proposée par Bochart & adoptée par M. de Fourmont, il signifie celui qui travaille ou au feu ou dans le feu; ou, selon M. Leclerc (rem. sur Hesiode), celui qui garde le feu. Or la qualité de chimiste est également attachée à l'une ou l'autre de ces fonctions; car que peut - on avoir à faire au feu, dans le feu, ou autour du feu, sinon de la Chimie? Donc, &c. C. q. f. d.
Après cette démonstration sondée sur les passages
de la Genese que nous avons rapportés ci - dessus,
Borrichius a recours à des autorités qu'un auteur
célebre a mises à leur juste valeur dans un discours
historique très - estimé, sur l'origine & les progrès
de la Chimie.
Dans ces idées, ils ont fouillé dans les siecles
qui ont précédé le déluge. Moyse dit dans la Genese, que les enfans de Dieu s'allierent aux filles des
hommes: là - dessus Zosime Panopolite parle ainsi;
il est rapporté dans les Livres saints qu'il y a des
génies qui ont cû commerce avec les femmes;
Hermès en fait mention dans ses livres sur la nature: il n'est presque point de livre reconnu ou
apocryphe, où l'on ne trouve des vestiges de cette
tradition. Ces génies aveuglés d'amour pour
les femmes, leur découvrirent les merveilles de
la nature; pour avoir appris aux hommes le mal
& ce qui étoit inutile aux ames, ils furent bannis
du ciel: c'est de ces génies que sont venus les géans.
Le livre où furent ecrits leurs secrets, fut intitulé
kema, & de là est sorti le nom de Chimie.
Voilà un des plus anciens écrivains chimistes,
selon le témoignage de Conringius: ce qu'il avance
est appuyé d'un auteur beaucoup plus ancien.
Ajoûtons, dit Clément d'Alexandrie dans ses tapisseries,
que les anges choisis pour habiter le ciel,
s'abandonnerent aux plaisirs de l'amour: alors ils
découvrirent aux femmes des secrets qu'ils devoient
cacher; c'est d'eux que nous vient la connoissance
de l'avenir, & ce qu'il y a de plus relevé
dans les Sciences. Il ne manque à ce témoignage,
ajoûte Borrichius, que le terme de Chimie.
Mais la Chimie n'est - elle pas comprise dans ce qu'il
y a de plus relevé dans les Sciences? Ce qui embarrasse
cet auteur, c'est la source d'où Clement
& Zosime ont tiré ce qu'ils avancent: il décide cependant
qu'il y a apparence qu'ils ont lû ces faits
dans les fragmens des livres d'Enoch. Comment
douter de cela? Les anges, dit Enoch, au rapport
de Sincel, apprirent aux femmes & aux hommes
de; enchantemens & les remedes pour leur maladie.
Exael, le dixieme des premiers anges, apprit
aux hommes l'art de fabriquer des épées, des cuirasses,
les machines de guerre, les ouvrages d'or
& d'argent qui peuvent plaire aux femmes, l'usage
des pierres précieuses & du fard. Sincel, selon
Borrichius, est un auteur très - digne de foi:
plusieurs faits historiques sont venus jusqu'à lui de
Manethon, de Jule Africain, d'Eusebe; d'ailleurs
le passage qu'on vient de lire, n'est - il pas soûtenu
de l'autorité de Tertullien? Les anges qui ont péché,
dit ce pere, découvrirent aux hommes l'or,
l'argent, l'art de les travailler, d'orner les paupieres,
de teindre la laine; c'est pour cela que Dieu
les condamna, comme le rapporte Enoch.
Borrichius regarde ces passages comme des témoignages
authentiques: il dit cependant qu'Enoch s'est trompé. Ces anges dont il parle ne sont
pas des véritables anges; ce n'est que les descendans
de Seth & de Tubalcain, peu dignes de leurs
peres. Ils se livrerent aux plaisirs honteux avec
les femmes qui descendoient de Caïn: c'est parnri
ces voluptés, qu'ils divulguerent les secrets que
Dieu leur avoit confiés. Après cette découverte,
Borrichius laisse paroître un remords; ce n'est
pas sans peine qu'il reconnoît que la Chimie ne
vient pas des anges: un passage de l'Exode le console.
Dieu dit à Moyse: j'ai choisi Beseléel de la
tribu de Juda, je l'ai rempli de l'esprit du Seigneur & de sagesse, pour travailler sur l'or, l'argent,
le cuivre, le marbre, les pierres précieuses,
le bois ».
Borrichius, après avoir un peu repris courage,
ajoûte une réflexion qui est d'un digne & zélé chim> c'est que cet art de traiter les métaux,
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