ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

RECHERCHE Accueil Mises en garde Documentation ATILF ARTFL Courriel

Previous page

"418"> c'est parce que les détracteurs de la Chimie ont ignoré qu'on pouvoit prévenir ces changemens ou les évaluer exactement, qu'ils ont combattu par de mauvaises raisons l'analyse par le feu seul, qui étoit l'unique qui fût connue de leur tems, & par conséquent la Chimie qui n'étoit pour eux que l'art d'exécuter cette analyse (voyez dans l'historique qui terminera cet article, l'endroit de Boyle); c'est parce que les Chimistes modernes ont découvert une meilleure méthode, savoir l'analyse menstruelle, qu'ils ont abandonné l'analyse ancienne; & c'est enfin parce que l'art est assez avancé aujourd'hui pour évaluer exactement le jeu de tous les réactifs excités par la chaleur dans le corps le plus composé, que l'on pourroit les examiner par son seul secours, c'est - à - dire par la distillation à la violence du feu, sans autre inconvénient que de se proposer à la façon des Géometres & avec le même degré d'utilité, un problème chimique très - compliqué.

Les chimistes employent dans leurs opérations divers instrumens: fourneaux, vaisseaux, luts, intermedes, & autres ustenciles, qui tous ensemble font le suppellex chimica, les meubles d'un laboratoire. Voy. Instrumens de Chimie, Fourneau, Lut, Intermede, Laboratoire, & les articles particuliers.

Nous n'admettons pas l'inutile distinction de ces instrumens appellés particuliers & artificiels par la plûpart des chimistes; de ces instrumens, dis - je, & des instrumens appellés par les mêmes chimistes naturels & généraux, savoir le feu, l'air, l'eau, & la terre: 1°. parce que lorsque ces derniers corps agissent par leurs qualités intérieures, & qu'ils éprouvent matériellement les changemens chimiques, ils ne sont plus des instrumens, mais des menstrues; l'air agit comme menstrue dans la calcination, le feu dans la réduction, l'eau dans la fermentation, & la terre dans certaines fixations; voy. Menstrue: 2°. parce que le rapport ou la qualité commune par laquelle ces quatre substances, considérées comme agens médiats ou méchaniques, sont classées sous le nom commun d'instrumens naturels, n'existe point; car quoi de plus forcé, que d'établir une certaine identité entre le feu considéré comme cause de chaleur, la terre fournissant des cornues & des fourneaux, l'eau un intermede, & l'air un courant qui anime le feu de nos fourneaux? 3°. parce que deux de ces prétendus instrumens naturels, la terre & l'eau, agissant comme secours éloignés, par leur masse, ne different en rien d'essentiel de l'instrument le plus méchanique & le plus particulier; que l'eau d'un bain - marie par exemple, n'est qu'un intermede plus commode, dans diverses opérations, qu'un bain de sable, de cendre, de limaille, &c. & non pas un instrument vraiment distinct & nécessairement requis dans certaines opérations, ainsi que se le persuadent quelques manoeuvres qui regarderoient une distillation faite à feu nud ou au bain de sable, comme très - essentiellement différente d'une distillation faite au bainmarie, par la seule circonstance d'être faite à feu nud ou au bain de sable. Ainsi il faudroit au moins abandonner ces deux prétendus instrumens naturels: quant à l'air, la propriété d'exciter le feu lui est assez particuliere pour le distinguer par - là, au moins dans la pratique; mais cet agent est si peu chimique à cet égard, comme l'on voit, que ce n'est pas la peine d'en faire un instrument chimique distinct, & encore moins un instrument général. Ce sera donc proprement au feu seul ou à la chaleur, que le nom d'instrument naturel & général conviendra: mais nous aimons mieux lui laisser celui d'agent ou de cause, par lequel nous l'avons designé jusqu'ici.

L'explication suffisamment détaillée de l'action de nos deux grands agens, du secours que nous tirons de nos instrumens, la théorie des opérations & des phénomenes chimiques, voilà l'art chimique, ou son système d'instrumens & de regles. Un vrai traité de Chimie pratique, un traité élémentaire, des institutions pratiques, devroient embrasser ce système. Or ce traité n'existe point; presque tous nos livres de Chimie sont des histoires pratiques des trois regnes de la nature, & ne peuvent guere être comparés qu'à nos cours de Chimie, où suivant un ordre fort arbitraire & assez indifférent, on enseigne à des commençans ce qu'il faut en effet commencer de savoir, l'histoire des propriétés chimiques d'un certain nombre de corps de différentes classes & de divers genres, especes, &c. histoire qu'il n'est pas possible de faire sans offrir en même tems la maniere de procéder aux opérations particulieres, & de se servir des instrumens. Cette étude dispose l'oeil & la main à une expérience qu'il est de la derniere importance d'acquérir, par la facilité qu'on en obtient pour la vérification de ses propres idées, & pour saisir certains phénomenes fugitifs & solitaires, qui germent toûjours dans l'entendement du philosophe, mais qui n'y peuvent être jettés que par des sens exercés.

Malgré l'utilité & la nécessité de ces connoissances particulieres, le chimiste qui les possédera ne sera encore qu'un manoeuvre, s'il ne les a combinées sous la forme scientifique d'un système; forme sous laquelle nous achevrons de les présenter dans ce Dictionnaire. Voy. les différens articles, tels que Calcination, Cementation, Distillation, Mixtion, Opération, Instrument, &c.

Les trois regnes de la nature dont nous venons de faire mention, sont trois grandes divisions dans lesquelles nous avons distribué les sujets chimiques; les minéraux, les végétaux, les animaux, remplissent ces divisions. Voyez Animal, Végétal, & Minéral.

Les corps de chacun de ces trois regnes sont distingués entre eux par leur simplicité, ou par leur ordre de mixtion; ils sont des corps simples, des mixtes, des composés, des surcomposés, &c. caractere essentiel relativement aux moyens par lesquels le chimiste doit procéder à leur examen. V. Mixtion.

L'analyse de tous les corps composés nous a appris que chacun de ces corps pouvoit se résoudre immédiatement en d'autres substances essentiellement différentes; qu'on pouvoit diviser celles - ci en d'autres substances différentes aussi entr'elles, qui pouvoient être encore ou simples ou composées, & ainsi de suite, jusqu'à ce qu'on fût arrivé par ordre jusqu'aux élémens qui ne constituoient eux - mêmes le premier ordre de composition que réunis plusieurs ensemble, & différens en nature.

Ces différens corps dont nous venons de parler, considérés comme matériaux d'autres corps plus composés, les Chimistes les ont appellés en général principes, & ils ont donné le nom de premiers principes aux corps simples, qu'ils ont appellés aussi élémens; & celui de principes secondaires ou principes principiés, à ceux qu'ils pouvoient décomposer ultérieurement. Voyez la doctrine des principes des Chimistes, l'histoire des erreurs sur cette matiere de plusieurs d'entr'eux, & celle des erreurs plus grossieres encore des Physiciens qui les ont combattues, au mot Principe.

Si le Chimiste réussit à réunit par ordre tous les principes qu'il a séparés par ordre, & à recomposer le corps qu'il avoit analysé, il parvient au complément de la démonstration chimique: or l'art a atteint ce degré de perfection sur plusieurs objects essentiels. Voyez Syncrese.

L'usage, l'emploi des menstrues dans les opérations chimiques, nous a découvert dans les petits corps une propriété que je généralise sous le nom de solubilist ou miscibilité (voyez Miscibilité), & que [p. 419] je mets à la place de l'attraction de cohésion des Newtoniens, attraction qui ne sauroit avoir lieu entre ces corps considérés comme matiere, puisque la matiere, le sujet des propriétés des corps n'est qu'un être abstrait, voyez Principes, & que les corps miscibles ne s'attirent entr'eux que selon certains rapports qui supposent nécessairement l'hétérogénéïté; en un mot, par une propriété relative, & nullement par une propriété absolue. Voy. Rapport.

Je puis démontrer aussi que cette solubilité en acte, ou l'union chimique (aussi - bien que l'union aggrégative ou l'attraction physique) est sans cesse contre - balancée par la chaleur, & non pas alternée par la répulsion. Ainsi je differe des Newtoniens sur ce point à deux égards; 1° parce que je connois la cause de la répulsion, qui est toûjours le feu; 2° parce que je considere la cohésibilité & la chaleur comme deux agens qui se contre - balancent & qui peuvent se surmonter réciproquement; au lieu que les Newtoniens considerent l'attraction & la repulsion comme deux phénomenes isolés, dont l'un commence quand l'autre finit. Voy. Feu, Miscibilité, Rapport.

Les rapports & la chaleur que nous avons substitués à l'attraction & à la repulsion des Physiciens modernes, sont les deux grands principes de tous les phénomenes de la Chimie.

Voilà les premiers linéamens de ce qu'on peut appeller sapientia chimica. Quelques demi - philosophes seront peut - être tentés de croire que nous nous sommes élevés aux généralités les plus hautes; mais nous savons bien au contraire, que nous nous en sommes tenus aux notions qui découlent le plus immédiatement des faits & des connoissances particulieres, & qui peuvent éclairer de plus près la pratique.

En effet il ne seroit pas impossible de faire disparoître toutes ces distinctions que nous avons tant multipliées; tous ces aspects différens sous lesquels nous avons considéré les corps, en jettant là - dessus un de ces coups d'oeil supérieurs, dans lesquels on montre d'autant plus d'étendue dans le génie, qu on identifie davantage les causes & les effets. Mais ces efforts nuiroient à la science - pratique dans tous ceux qui n'auroient, ni cette capacité de vûe qui sait embrasser & les plus grandes choses & les plus petites, ni cette aptitude qu'ont certains hommes extraordinaires, de concentrer dans les méditations les plus abstraites toutes leurs facultés intellectuelles, & de sortir de cette espece de léthargie philosophique où tous leurs sens sont pour ainsi dire suspendus, pour en reprendre l'usage avec plus de vivacité, les disperser avec avidité sur tous les objets qui les environnent, & se passionner de l'importante & curieuse minutie des détails.

Ce qui peut avoir quelque rèssemblance éloignée avec ces hautes contemplations, dans ce que nous avons exposé plus haut, n'est qu'un simple résumé de réflexions suggérées par l'exercice immédiat des sens; ce n'est que l'expérience de l'ouvrier décorée du vernis de la science. Exemple: dans une opération chimique on a toûjours l'aggrégation à rompre, & quelquefois la mixtion de certains corps à ménager; donc une des premieres distinctions indiquées par l'habitude du laboratoire, c'est celle qui établit les caracteres respectifs de l'aggrégation & de la mixtion; deux expressions premieres & fondamentales dans l'idiome chimique, qui fourniront seules dequoi énoncer scientifiquement, c'est - à - dire par leurs causes prochaines, tous les effets de la chaleur employée dans le traitement des différens corps. Ainsi la manoeuvre dit: un certain degré de feu fond l'or, dissipe l'eau, calcine le plomb, fixe le nitre, analyse le tartre, le savon, un extrait, un animal, &c. Et la science dit: un certain degré de feu lâche l'aggrégation de l'or, détruit celle de l'eau, attaque la mixtion du plomb & la composition du nitre, excite des réactifs dans le tartre, le savon, un extrait, un animal. La manoeuvre & la science ont pareillement leur langage dans l'exposition des phénomenes de l'action des menstrues. La manoeuvre dit: l'acide nitreux trop concentré n'attaque point l'argent, mais étendu d'une certaine quantité d'eau & excité par un certain degré de chaleur, il le dissout. La science dit: l'union aggrégative de l'acide concentré est supérieure à son rapport avec l'argent, & l'eau ajoûtée au menstrue relâche cette aggregation que la chaleur relâche davantage encore, &c. La manoeuvre ne généralisera jamais; mais la science dira plus généralement ici: dans tout acte de dissolution, la tendance à l'union mixtive surmonte l'union aggrégative.

La Métaphysique n'a rien dit d'une maniere abstraite dans tous les principes que nous avons posés plus haut, qui ne puisse être traduit pour les objets particuliers en langage de manoeuvre, comme nous venons de l'exécuter dans ces exemples, & réciproquement, &c.

Mais si la Chimie a dans son propre corps la double langue, la populaire & la scientifique, elle a entre les autres sciences naturelles sa maniere de concevoir, comme il est évident par ce que nous avons exposé ailleurs fort au long, & par ce que nous nous étions réservé d'ajoûter ici pour achever le tableau de la Chimie par ce qu'elle a de plus distingué; c'est que la plûpart des qualités des corps que la Physique regarde comme des modes, sont des substances réelles que le chimiste sait en séparer, & qu'il sait ou y remettre, ou porter dans d'autres; tels sont entre autres, la couleur, le principe de l'inflammabilité, de la saveur, de l'odeur, &c.

Qu'est - ce que le feu, dit le physicien? n'est - ce pas un corps échauffé à un tel point qu'il jette de la lumiere en abondance? car un fer rouge & brûlant, qu'est - ce autre chose que du feu? & qu'est - ce qu'un charbon ardent, si ce n'est du bois rouge & brûlant? Newton, Opt. qust. 9. Cependant un charbon embrasé est aussi peu du feu, qu'une éponge imbibée d'eau est de l'eau; car le chimiste peut aussi bien enlever au charbon, & montrer à part le principe de l'inflammabilité, c'est - à - dire le feu, qu'exprimer l'eau d'une éponge & la recevoir dans un vaisseau.

La couleur considérée dans le corps coloré est, pour le physicien, une certaine disposition de la surface de ce corps, qui le rend propre à renvoyer tel ou tel rayon; mais pour le chimiste, la verdure d'une plante est inhérente à un certain corps résineux verd, qu'il sait enlever à cette plante; la couleur bleue de l'argille est dûe à une matiere métallique qu'il en sait aussi séparer; celle du jaspe, qui semble si parfaitement une avec cette substance fossile, en a pourtant été tirée & retenue, selon la fameuse expérience de Becher.

Une observation qu'il est à propos de faire, c'est que dans l'exposition des phénomenes de la couleur, le physicien & le chimiste disent seulement des choses différentes, mais non contradictoires. Le chimiste fait seuiement un pas de plus; & il en fera un second, si, quand vous lui demanderez en quoi consiste la couleur dans cette résine verte de la plante, ou dans cette substance métallique de l'argille, il n'en est pas encore réduit dans sa réponse à recourir à une certaine disposition occulte, & s'il connoît un corps, un être physique, une substance particuliere qu'il puisse assigner comme le sujet ou la cause de la couleur: or il connoît ce corps, savoir le phlogistique; en un mot, tant qu'il est question des propriétés des mixtes, le chimiste en trouve la raison dans leurs principes ou dans la mixtion mê<pb->

Next page


The Project for American and French Research on the Treasury of the French Language (ARTFL) is a cooperative enterprise of Analyse et Traitement Informatique de la Langue Française (ATILF) of the Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), the Division of the Humanities, the Division of the Social Sciences, and Electronic Text Services (ETS) of the University of Chicago.

PhiloLogic Software, Copyright © 2001 The University of Chicago.