ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS
Previous page
"392">
bélier, quoiqu'elle n'y soit plus depuis long - tems.
M. Freret fortifie cette conjecture par un grand nombre
de preuves qui paroissent très - fortes. En voici
les principales. Achilles Tatius dit que plusieurs Astronomes plaçoient le solstice d'été au premier degré
du cancer; les autres au 8e; les autres au 12e; les
autres au 15e. Euctemon avoit observé le solstice avec
Meton, & cet Euctemon avoit placé l'équinoxe
d'automne au premier degré de la balance; preuve,
dit M. Freret, que Meton en fixant le solstice d'été
au huitieme degré du cancer, se conformoit à l'usage
de parler de son tems, & non à la vérité. Suivant les lois de la précession des équinoxes, l'équinoxe
a dû être au huitieme degré d'aries, 964 ans
avant l'ere chrétienne, & c'est à - peu - près en ce temslà
que le calendrier suivi par Meton a dû être publié.
Hypparque place les points équinoxiaux à quinze
degrés d'Eudoxe: il s'ensuivroit qu'il y a eu entre
Hypparque & Eudoxe un intervalle de 1080 ans,
ce qui est insoûtenable; à ces preuves M. Freret en
ajoûte plusieurs autres. On peut voir ce détail instructif
& curieux dans un petit ouvrage qui a pour
titre: abregé de la chronologie de M. Newton, fait par
lui - même, & traduit sur le manuscrit Anglois, à Paris,
1725. A la suite de cet abregé, on a placé les observations
de M. Freret. Il sera bon de lire à la suite
de ces observations la réponse courte que M. Newton y a faite, Paris 1726, & dans laquelle il y a
quelques articles qui méritent attention. Nous nous
dispensons d'autant plus volontiers de rapporter ici
plus au long les preuves de M. Freret, que nous apprenons
qu'il paroîtra bientôt un ouvrage posthume
considérable qu'il a composé sur cette matiere. Mais
nous ne pouvons laisser échapper cette occasion de
célebrer ici la mémoire de ce savant homme, qui
joignoit à l'érudition la plus vaste l'esprit philosophique,
& qui a porté ce double flambeau dans ses
profondes recherches sur l'antiquité.
La chronologie ne se borne pas aux tems reculés &
à la fixation des anciennes époques; elle s'étend
aussi à d'autres usages, & particulierement aux usages
ecclésiastiques. C'est par son secours que nous fixons
les fêtes mobiles, entr'autres cellés de Pâques,
& que par le moyen des épactes, des périodes, des
cycles, &c. nous construisons le calendrier. Voyez ces
mots. Voyez aussi l'article An. Ainsi il y a proprement
deux especes de chronologie; l'une, pour ainsi dire
purement historique, & fondée sur les faits que l'antiquité
nous a transmis; l'autre mathématique & astronomique,
qui employe les observations & les calculs,
tant pour débrouiller les époques, que pour
les usages de la religion.
Un des ouvrages les plus utiles qui ayent paru
dans ces derniers tems sur la chronologie, est l'art de
vérifier les dates, commencé par Dom Maur d'Antine, & continué par deux savans religieux benédictins
de la même congrégation, Dom Charles Clement & Dom Ursin Durand; Paris, 1750. in - 4°. Cet
ouvrage présente d'abord une table chronologique qui
renferme toutes les différentes marques propres à
caractériser chaque année depuis J. C. jusqu'à nous.
Ces marques sont les indictions, les épactes, le cycle
pascal, le cycle solaire, les éclipses, &c. Cette
table est suivie d'un excellent calendrier perpétuel,
voyez l'art. Calendrier. Et l'ouvrage est terminé
par un abregé chronologique des principaux évenemens depuis J. C. jusqu'à nos jours. Dans cet abregé
on doit sur - tout remarquer & distinguer l'attachement
des deux religieux benédictins pour les maximes
du clergé de France, & de la faculté de Théologie de Paris, sur l'indépendance des rois quant au
temporel, & la supériorité des conciles généraux
au - dessus du Pape. Aussi cet ouvrage a - t - il été reçû
très - favorablement du public; & nous en faisons
ici d'autant plus volontiers l'éloge, que les deux auteurs
nous sont entierement inconnus.
M. de Fontenelle, dans l'éloge de M. Bianchini,
dit que ce savant avoit imaginé une division de tems
assez commode: quarante siecles depuis la création
jusqu'à Auguste; seize fiecles depuis Auguste jusqu'à
Charles V. chacun de ces seize siecles partagé en
cinq vingtaines d'années, de sorte que dans les huit
premiers comme dans les huit derniers, il y a quarante
vingtaines d'années, comme quarante siecles
dans la premiere division, régularité de nombres
favorables à la mémoire; au milieu des seize siecles,
depuis Auguste jusqu'à Charles V. se trouve
justement Charlemagne, époque des plus illustres.
(O)
Chronologie Sacrée.
(Page 3:392)
* Chronologie Sacrée. On entend par la
Chronologie des premiers tems, l'ordre selon lequel
les évenemens qui ont précédé le déluge, & qui
l'ont suivi immédiatement, doivent être placés dans
le tems. Mais quel parti prendrons - nous sur cet ordre?
Regarderons - nous, avec quelques anciens, le
monde comme éternel, & dirons - nous que la succession
des êtres n'a point eu de commencement,
& ne doit point avoir de fin? Ou convenant, soit
de la création, soit de l'information de la matiere
dans le tems, penserons - nous, avec quelques auteurs,
que ces actes du Tout - puissant sont d'une date
si reculé>, qu'il n'y a aucun fil, soit historique
soit traditionnel, qui puisse nous y conduire sans se
rompre en cent endroits? Ou reconnoissant l'absurdité
de ces systèmes, & nous attachant aux fastes
de quelques peuples, préférerons - nous ceux des habitans
de la Béthique en Espagne, qui produisoient
des annales de six mille ans? Ou compterons - nous,
avec les Indiens, six mille quatre cents soixante - un
ans depuis Bacchus jusqu'à Alexandre? Ou plus jaloux
encore d'ancienneté, suivrons - nous cette histoire
chronologique de douze à quinze mille ans
dont se vantoient les Egyptiens; & donnant avec
les mêmes peuples dix - huit mille ans de plus à la durée
des regnes des dieux & des héros, vieillirons-nous
le monde de trente mille ans? Ou assûrant,
avec les Chaldéens, qu'il y avoit plus de quatre
cents mille ans qu'ils observoient les astres lorsque
Alexand > assa en Asie, leur accorderons - nous dix
rois depuis le commencement de leur monarchie jusqu'au déluge? Ferons - nous ces regnes de cent vingt
sares? & comptant avec Eusebe pour la durée du
sare Chaldéen trois mille six cents ans, dirons - nous
qu'il y avoit quatre cents trente - deux mille ans depuis
leur premier roi jusqu'au déluge? Ou mécontens
de la durée qu'Eusebe donne au sare, & curieux
de conserver aux Chaldéens toute leur ancienneté,
leur restituerons - nous les quarante - un mille
ans qu'ils semblent perdre à ce calcul, & leur accorderons - nous les quatre cents soixante - trois mille
ans d'observations qu'ils avoient lors du passage
d'Alexandre, au rapport de Diodore de Sicile?
Ou regardant toutes ces chronologies soit comme fabuleuses,
soit comme réductibles, par quelque connoissance
puisée dans les anciens, à la chronologie
des livres sacrés, nous en tiendrons - nous à cette
chronologie? La raison & la religion nous obligent
à prendre ce dernier parti. Notre objet sera donc
ici premierement de montrer que ces énormes calculs
des Chaldéens & autres, peuvent se réduire à
quelqu'un des systèmes de nos auteurs sur la chronologie sacrée; secondement, ces systèmes de nos
auteurs ayant entre eux des différences assez considérables,
fondées les unes sur la préférence exclusive
qu'ils ont donnée à un des textes de l'Ecriture,
les autres sur les intervalles qu'ils ont mis entre les
époques d'un même texte, d'indiquer l'usage qu'il
semble qu'on pourroit faire des différens textes, &
[p. 393]
d'appliquer nos vûes à la fixation de quelques - unes
des principales époques. Notre Dictionnaire étant
particulierement philosophique, il est également de
notre devoir d'indiquer les vérités découvertes, &
les voies qui pourroient conduire à celles qui sont inconnues: c'est la méthode que nous avons suivie à
l'art.
Canon des saintes Ecritures
(v. cet art.),
& c'est encore celle que nous allons suivre ici.
Des annales Babyloniennes, Egyptiennes, ou Chaldéennes, réduites à notre chronologie. C'est à M. Gibert que nous aurons l'obligation de ce que nous
allons exposer sur cette matiere si importante & si
difficile. Voyez une lettre qu'il a publiée en 1743,
Amst. Les anciens désignoient par le nom d'année,
la révolution d'une planete quelconque autour du
ciel. Voyez Macrobe, Eudoxe, Varron, Diodore de
Sicile, Pline, Plutarque, S. Augustin, &c. Ainsi l'année
eut deux, trois, quatre, six, douze mois; &
selon Palephate & Suidas, d'autres fois un seul jour.
Mais quelles sortes de révolutions entendoient les
Chaldéens, quand ils s'arrogeoient quatre cents soixante - treize mille ans d'observations? Quelles? celles
d'un jour solaire, répond M. Gibert; le jour solaire
étoit leur année astronomique: d'où il s'ensuit,
selon cette supposition, que les 473 mille années
des Chaldéens se réduisent à 473 mille de nos jours,
ou à 1297 & environ neuf mois, de nos années solaires.
Or c'est - là précisément le nombre d'années
qu'Eusebe compte depuis les premieres découvertes
d'Atlas en Astronomie, jusqu'au passage d'Alexandre en Asie; & il place ces découvertes à l'an 384
d'Abraham: mais le passage d'Alexandre est de l'an
1582; l'intervalle de l'une à l'autre est donc précisément
de 1298 ans, comme nous l'avons trouvé.
Cette rencontre devient d'autant plus frappante,
qu'Atlas passe pour l'inventeur même de l'Astrologie, & par conséquent ses observations, comme la
date des plus anciennes. L'histoire fournit même des
conjectures assez fortes de l'identité des observations
d'Atlas, avec les premieres observations des
Chaldéens. Mais voyons la suite de cette supposition
de M. Gibert.
Berose ajoûtoit 17000 ans aux observations des
Chaldéens. L'histoire de cet auteur dédiée à Antiochus Soter, fut vraissemblablement conduite jusqu'aux dernieres années de Seleucus Nicanor, prédécesseur
de cet Antiochus. Ce fut à - peu - près dans
ce tems que Babylone perdit son nom, & que ses
habitans passerent dans la ville nouvelle construite
par Seleucus, c'est - à - dire la 293 année avant J. C.
ou plûtôt la 289; car Eusebe nous apprend que Seleucus peuploit alors la ville qu'il avoit bâtie. Or
les 17000 ans de Berose évalués à la maniere de M.
Gibert, donnent 46 ans six à sept mois, ou l'intervalle
précis du passage d'Alexandre en Asie, jusqu'à la premiere année de la cxxiij. olympiade,
c'est - à - dire jusqu'au moment où Berose avoit conduit
son histoire.
Les 720000 années qu'Epigene donnoit aux observations
conservées à Babylone, ne font pas plus
de difficulté: réduites à des années Juliennes, elles
font 1971 ans & environ trois mois; ce qui approche
fort des 1903 ans que Callisthene accordoit au même
genre d'observations: la différence de 68 ans vient
de ce que Callisthene finit son calcul à la prise de
Babylone par Alexandre, comme il le devoit, &
qu'Epigene conduisit le sien jusque sous Ptolémée
Philadelphe, ou jusqu'à son tems.
Autre preuve de la vérité des calculs & de la supposition
de M. Gibert. Alexandre Polyhistor dit, d'après
Berose, que l'on conservoit à Babylone depuis plus
de 150000 ans des mémoires historiques de tout ce
qui s'étoit passé pendant un si long intervalle, Il
n'est personne qui sur ce passage n'accuse Berose
d'imposture, en se rappellant que Nabonassar, qui
ne vivoit que 410 à 411 ans avant Alexandre, détruisit
tous les monumens historiques des tems qui
l'avoient précédé; cependant en réduisant ces 150000
ans à autant de jours, on trouve 410 ans huit mois
& trois jours, & les 150000 de Berose ne sont plus
qu'une affectation puérile de sa part. Les 410 ans
huit mois & trois jours qu'on trouve par la supposition
de M. Gibert, se sont précisément écoulés depuis
le 26 Février de l'an 747 avant J. C. où commence
l'ere de Nabonassar, jusqu'au premier Novembre de l'an 337, c'est - à - dire jusqu'à l'année &
au mois d'où les Babyloniens datoient le regne d'Alexandre, après la mort de son pere. Cetté réduction
ramene donc toûjours à des époques vraies; les
30000 ans que les Egyptiens donnoient au regne du
Soleil, le même que Joseph, se réduisent aux 80 ans
que l'Ecriture accorde au ministere de ce patriarche;
les 1300 ans & plus que quelques - uns comptent
depuis Menès jusqu'à Neithocris, ne sont que
des années de six mois, qui se réduisent à 668 années
Juliennes que le canon des rois Thébains d'Eratosthene met entre les deux mêmes regnes; les
2936 ans que Dicearque compte depuis Sésostris jusqu'à la premiere olympiade, ne sont que des années
de trois mois, qui se réduisent aux 734 que les marbres
de Paros comptent entre Danaüs frere de Sésostris & les olympiades, &c. Voyez la lettre de M.
Gibert.
De la chronologie Chinoise rappellée à notre chronologie.
Nous avons fait voir à l'article Chinois, que le
regne de Fohi fut un tems fabuleux, peu propre à
fonder une véritable époque chronologique. Le pere
Longobardi convient lui - même que la chronologie
des Chinois est très - incertaine; & si l'on s'en rapporte
à la table chronologique de Nien, auteur très estimé
à la Chine, dont Jean François Fouquet nous
a fait connoître l'ouvrage, l'histoire de la Chine n'a
point d'époque certaine plus ancienne que l'an 400
avant J. C. Kortholt qui avoit bien examiné cette
chronologie de Nien, ajoûte que Fouquet disoit des
tems antérieurs de l'ere Chinoise, que les lettrés
n'en disputoient pas avec moins de fureur & de fruit,
que les nôtres des dynasties Egyptiennes & des
origines Assyriennes & Chaldéennes; & qu'il étoit
permis à chacun de croire des premiers tems de cette
nation tout ce qu'il en jugeroit à propos. Mais si
suivant les dissertations de M. Freret, il faut rapporter
l'époque d'Yao, un des premiers empereurs de
la Chine, à l'an 2145 ou 7 avant J. C. les Chinois
plaçant leur premiere observation astronomique,
& la composition d'un calendrier célebre dans
leurs livres 150 ans avant Yao, l'époque des premieres
observations Chinoises & celle des premieres
observations Chaldéennes coïncideront. C'est
une observation singuliere.
Y auroit - il donc quelque rapport, quelque connexion,
entre l'astronomie Chinoise & celle des
Chaldéens? Les Chinois sont certainement sortis,
ainsi que tous les autres peuples, des plaines de Sennaar; & l'on ne pourroit guere en avoir un indice
plus fort que cette identité d'époque, dans leurs
observations astronomiques les plus anciennes.
Plus on examine l'origine des peuples, plus on les
rapproche de ces fameuses plaines; plus on examine
leur chronologie & plus on y démêle d'erreurs, plus
on la rapproche de quelqu'un de nos systèmes de
chronologie sacrée. Cette chronologie est donc la
vraie; le plus ancien peuple est donc celui qui en
est possesseur; tenons - nous en donc aux fastes de
ce peuple.
Nous en avons trois exemplaires différens: ce
Next page
The Project for American and French Research on the Treasury of the
French Language (ARTFL) is a cooperative enterprise of Analyse et
Traitement Informatique de la Langue Française (ATILF) of the
Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), the Division
of the Humanities, the Division of the Social Sciences, and Electronic
Text Services (ETS) of the University of Chicago.
PhiloLogic Software, Copyright © 2001 The University of Chicago.