ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"390"> ses concomitantes, & saisir avec succès la principale dans leur méthode curative.

Qu'il me soit permis d'ajoûter une réflexion que j'ai souvent faite sur la différente conduite que tiennent la plûpart des hommes dans leurs maladies aiguës & chroniques. Dans les premieres ils s'adressent à un medecin, dont il suivent exactement les ordonnances, & gardent ce medecin jusqu'à la terminaison heureuse ou funeste de la maladie: l'accablement, lè danger imminent, les symptomes urgens, le prognostic fâcheux, la crainte des évenemens prochains, tout engage de suivre un plan fixe, uniforme, & d'abandonner les choses à leur destinée. Dans les maladies chroniques on n'est point agité par des intérêts aussi vifs, aussi pressans; la vûe du danger est incertaine, éloignée; le malade va, vient, souffre plus foiblement; comme le medecin ne le voit que par intervalles de tems à autres, il peut perdre insensiblement par les variations qui se succedent le fil du mal, & de - là confondre dans sa méthode curative le principal avec l'accessoire: soit faute d'attention ou de lumieres, soit complication de symptomes, il manquera quelquefois de boussole pour se diriger dans le traitement de la maladie, il ne retirera pas de ses remedes tout le succès qu'il se promettoit; dès - lors le malade impatient, inquiet, découragé, appelle successivement d'autres medecins, qu'il quitte de même, bien ou mal à propos; ensuite il écoute avec avidité tous les mauvais conseils de ses amis, de ses parens, de ses voisins; enfin il se livre aveuglément aux remedes de bonnes femmes, aux secrets de paysans, de moines, de chimistes, d'empyriques, de charlatans de toute espece, qui ne guérissent son mal que par la mort.

Cette scene de la vie humaine est si bien dépeinte par Montfleury, que je crois devoir ici copier le tableau qu'il en fait: ceux qui le connoissent m'en sauront gré, comme ceux qui ne le connoissent pas. Il est dans la piece intitulée la Fille Medecin: un charlatan arrive pour traiter la fille de Géronte; & trouvant sur sa route la femme - de - chambre nommée Lise, il lui demande quels medecins on a vûs. Lise répond:

Je peux vous assûrer, sans en savoir les noms, Que nous en avons vû de toutes les façons: Sur ce chepitre - là tout le monde raffine; Il n'est point de voisin, il n'est point de voisine, Qui donnant là - dessus dedans quelque panneau, Ne nous ait envoyé quelque docteur nouveau. Nous avons vù céans un plumet qui gasconne, Un abbé qui guérit par des poudres qu'il donne; Un diseur de grands mots, jadis musicien, Qui fait un dissolvant, lequel ne dissout rien; Six medecins crasseux qui venoient sur des mules; Un arracheur de dents qui donnoit des pilules; La veuve d'un chimiste, & la sur d'un curé, Qui font à frais communs d'un baume coloré; Un chevalier de Malthe, une dévote, un moine; Le chevalier pratique avec de l'antimoine, Le moine avec des eaux de diverses façons; La dévote guérit avec des oraisons. Que vous dirai - je enfin, monsieur? de chaque espece Il est venu quelqu'un pour traiter ma maîtresse; Chacun à la guérir s'étoit bien defendu: Cependant, vous voyez, c'est de l'argent perdu, On l'enterre aujour d'hui . . . . . . .

C'est - là en effet le dénouement simple, naturel, & vraissemblable, que prépare la folle conduite des hommes dans le genre des maladies dont je termine ici l'article. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

CHRONOGRAMME (Page 3:390)

CHRONOGRAMME, s. m. (Belles - Lett.) composition technique, soit en vers soit en prose, dans laquelle les lettres numérales jointes ensemble mar<cb-> quent une époque ou la date d'un évenement: nous en avons donné un exemple au mot anagramme. Voyez Anagramme. Ce terme est composé du Grec XRONOS2, tems, & de GRAMMA, lettre ou caractere, c'est - à - dire caractere qui marque le tems. (G)

CHRONOLOGIE (Page 3:390)

CHRONOLOGIE, s. f. La chronologie en général est proprement l'histoire des tems. Ce mot est dérivé de deux mots Grecs, XRONOS2, tems, & LOGOS2, discours.

In tempore, dit Newton, quoad ordinem successionis, in spatio quoad ordinem situs locantur univerfa. Ce magnifique tableau, qui prouve que les Géometres savent quelquefois peindre, revient en quelque maniere à l'idée de Leibnitz, qui définit le tems, l'ordre des êtres successifs, & l'espace, l'ordre des coexistans. Mais ce n'est pas ici le lieu de considérer métaphy siquement le tems, ni de le comparer avec l'espace. Voyez Espace, Tems, &c. Nous ne parlerons point non plus de la mesure du tems présent & qui s'écoule; c'est à l'Astronomie & à l'Horlogerie à fixer cette mesure. V. Mouvement. Il n'est question ici que de la science des tems passés, de l'art de mesurer ces tems, de fixer des époques &c. & c'est cette science qu'on appelle chronologie. V. Époque.

Plus les tems sont reculés, plus aussi la mesure en est incertaine: aussi est - ce principalement à la chronologie des premiers tems que les plus savans hommes sesont appliqués. M. de Fontenelle, éloge de M. Bianchini, compare ces premiers tems à un vaste palais ruiné, dont les débris sont entassés pêle - mêle, & dont la plûpart même des matériaux ont disparu. Plus il manque de ces matériaux, plus il est possible d'imaginer & de former avec les matériaux qui restent, différens plans qui n'auroient rien de commun entre eux. Tel est l'état où nous trouvons l'histoire ancienne. Il y a plus; non - seulement les matériaux manquent en grand nombre, par la quantité d'auteurs qui ont péri: les auteurs même qui nous restent sont souvent contradictoires les uns aux autres.

Il faut alors, ou les concilier tant bien que mal, ou se résoudre à faire un choix qu'on peut toûjours soupçonner d'être un peu arbitraire. Toutes les recherches chronologiques que nous avons eûes jusqu'ici, ne sont que des combinaisons plus ou moins heureuses de ces matériaux informes. Et qui peut nous répondre que le nombre de ces combinaisons soit épuisé? Aussi voyons - nous presque tous les jours paroître de nouveaux systèmes de chronologie. Il y a, dit le dictionnaire de Moreri, soixante - dix opinions différentes sur la chronologie, depuis le commencement du monde jusqu'à J. C. Nous nous contenterons de nommer ici les auteurs les plus célebres. Ce sont, Jules Africain, Denis le Petit, Eusebe, S. Cyrille, Bede, Scaliger, le P. Petau, Usserius, Marsham, Vossius, Pagi, Pezron, M. Desvignoles, M. Freret, & M. Newton: qu nomina! Et de quelle difficulté la chronologie ancienne n'est - elle pas! puisqu'après les travaux de tant de grands hommes, elle reste encore si obscure qu'on a plûtôt vû que résolu les difficultés. C'est une espece de perspective immense & à perte de vûe, dont le fond est parsemé de nuages épais, à travers lesquels on apperçoit de distance en distance un peu de lumiere.

S'il ne s'agissoit, dit un auteur moderne, que de quelques évenemens particuliers, on ne seroit pas surpris de voir ces grands hommes différer si fort les uns des autres; mais il est question des points les plus essentiels de l'histoire sacrée & profane; tels que le nombre des années qui se sont écoulées depuis la création; la distinction des années sacrées & civiles parmi les Juifs; le séjour des Israélites en Egypte; la chronologie des juges, celle des rois de Juda & d'Israel; le commencement des années de la captivité, celui des septante semaines de Daniel; l'histoire de Judith, celle d'Esther; la naissance, la [p. 391] mission, la mort du Messie, &c. l'origine de l'empire des Chinois; les dynasties d'Egypte; l'époque du regne de Sesostris; le commencement & la fin de l'empire d'Assyrie; la chronologie des rois de Babylone, des rois Medes, des successeurs d'Alexandre, &c. sans parler des tems fabuleux & héroïques, où les difficultés sont encore plus nombreuses. Mém. de litt. & d'hist. par M. l'abbé d'Artigni.

L'auteur que nous venons de citer, conclut de - là fort judicieusement qu'il seroit inutile de se fatiguer à concilier les différens systèmes, ou à en imaginer de nouveaux. Il suffit, dit - il, d'en choisir un & de le suivre: ce sentiment nous paroît être aussi celui des savans les plus illustres, que nous avons consultés sur cette matiere. Prenez, par exemple, le système d'Usserius, assez suivi aujourd'hui, ou celui du P. Petau, dans son rationarium temporum. La seule attention qu'on doit avoir, en écrivant l'histoire ancienne, c'est de marquer le guide que l'on suit sur la chronologie, afin de ne causer à ses lecteurs aucun embarras; car selon certains auteurs, il y a depuis le commencement du monde jusqu'à J. C. 3740 ans, & 6934 selon d'autres, ce qui fait une différence de 3194 ans. Cette différence doit se répandre sur tout l'intervalle, principalement sur les parties de cet intervalle les plus proches de la création du monde.

Je crois donc qu'il est inutile d'exposer ici fort au long les sentimens des chronologistes, & les preuves plus ou moins fortes sur lesquelles ils les ont appuyées. Nous renvoyons sur ce point à leurs ouvrages. D'ailleurs nous allons traiter plus bas avec quelque étendue de la chronologie sacrée, comme étant la partie de la chronologie la plus importante; & l'on trouvera aux art. Egyptiens & Chaldéens, des remarques sur la chronologie des Egyptiens, des Assyriens, & des Chaldéens. Voici seulement les principales opinions sur la durée du monde, depuis la création jusqu'à J. C.

              Selon la Vulgate.
   Usserius,   .   .   .   .   .   4004 ans.
   Scaliger,   .   .   .   .   .   3950
   Petau,      .   .   .   .   .   3984
   Riccioli,   .   .   .   .   .   4184
              Selon les Septante.
   Eusebe,     .   .   .   .   .   5200 ans.
   Les tables Alphonsines, .  .  . 6934
   Riccioli,   .   .   .   .   .   5634

L'année de la naissance de J. C. est aussi fort disputée; il y a sept à huit ans de différence sur ce point entre les auteurs. Mais depuis ce tems la chronologie commence à devenir beaucoup plus certaine par la quantité de monumens; & les différences qui peuvent se rencontrer entre les auteurs, sont beaucoup moins considérables.

Parmi tous les auteurs qui ont écrit sur la chronologie, il en est un dont nous parlerons un peu plus au long; non que son système soit le meilleur & le plus suivi, mais à cause du nom de l'auteur, de la singularité des preuves sur lesquelles ce système est appuyé, & enfin de la nature de ces preuves, qui étant astronomiques & mathématiques, rentrent dans la partie dont nous sommes chargés.

Selon M. Newton, le monde est moins vieux de 500 ans que ne le croyent les Chronologistes. Les preuves de ce grand homme sont de deux especes.

Les premieres roulent sur l'évaluation des générations. Les Egyptiens en comptoient 341 depuis Menés jusqu'à Sethon, & évaluoient trois générations à cent ans. Les anciens Grecs évaluoient une génération à 40 ans. Or en cela, selon M. Newton, les uns & les autres se tromperent. Il est bien vrai que trois générations ordinaires valent environ 120 ans. Mais les générations sont plus longues que les regnes, parce qu'il est évident qu'en général les hommes vivent plus long - tems que les rois ne regnent. Selon M. Newton, chaque regne est d'environ 20 ans, l'un portant l'autre; ce qui se prouve par la durée du regne des rois d'Angleterre, depuis Guillaume le Conquérant jusqu'à George I. des vingt - quatre premiers rois de France, des vingt - quatre suivans, des quinze suivans, & enfin des soixante - trois réunis. Donc les anciens ont fait un calcul trop fort, en évaluant les générations à quarante ans.

La seconde espece de preuves, plus singuliere encore, est tirée de l'Astronomie. On sait que les points équinoxiaux ont un mouvement rétrograde & à très peu - près uniforme d'un degré en 72 ans. Voyez Précession des equinoxes.

Selon Clément Alexandrin, Chiron, qui étoit du voyage des Argonautes, fixa l'équinoxe du printems au quinzieme degré du bélier, & par conséquent le solstice d'été au quinzieme degré du cancer. Un an avant la guerre du Péloponnese, Meton fixa le solstice d'été au huitieme degré du cancer. Donc puisqu'un degré répond à soixante - douze ans, il y a sept fois soixante & douze ans de l'expédition des Argonautes au commencement de la guerre du Péloponnese, c'est - à - dire cinq cens quatre ans, & non pas sept cens, comme disoient les Grecs.

En combinant ces deux différentes preuves, M. Newton conclut que l'expédition des Argonautes doit être placée 909 ans avant Jesus - Christ, & non pas 400 ans, comme on le croyoit, ce qui rend le monde moins vieux de 500 ans.

Ce système, il faut l'avouer, n'a pas fait grande fortune. Il a été attaqué avec force par M. Freret & par le P. Souciet; il a cependant trouvé en Angleterre & en France même des défenseurs.

M. Freret, en combinant & parcourant l'histoire des tems connus, croit que M. Newton s'est trompé, en évaluant chaque génération des rois à vingt ans. Il trouve, au contraire, par différens calculs, qu'elles doivent être évaluées à trente ans au moins, ou plûtôt entre trente & quarante ans. Il le prouve par les vingt - quatre générations, depuis Hugues Capet jusqu'à Louis XV. par Robert de Bourbon, qui donnent en 770 ans 32 ans de durée pour chaque génération; par les douze générations de Hugues Capet jusqu'à Charles le Bel; par les vingt de Hugues Capet à Henri III. par les vingt - sept de Hugues Capet à Louis XII. par les dix - huit de Hugues Capet à Charles VIII. Il est assez singulier que les calculs de M. Freret, & ceux de M. Newton, soient justes l'un & l'autre, & donnent des résultats si différens. La différence vient de ce que M. Newton compte par regnes, & M. Freret par générations. Par exemple, de Hugues Capet à Louis XV. il n'y a que vingt - quatre générations, mais il y a trente - deux regnes; ce qui ne donne qu'environ vingt ans pour chaque regne, & plus de trente pour chaque génération. Ainsi ne seroit - il pas permis de penser que si le calcul de M. Newton est trop foible en moins, celui de M. Freret est trop fort en plus? En général, non - seulement les regnes deivent être plus courts que les générations, mais les générations des rois doivent être plus courtes que celles des particuliers, parce que les fils de rois sont mariés de meilleure heure.

A l'égard des preuves astronomiques, M. Freret observe que la position des étoiles & des points équinoxiaux n'est nullement exacte dans les écrits des anciens; que les auteurs du même tems varient beaucoup sur ce point. Il est très - vraissemblable, selon ce savant chronologiste, que Meton en plaçant le solstice d'été au huitieme degré du cancer, s'étoit conformé, non à la vérité, mais à l'usage reçû de son tems, à - peu - près comme c'est l'usage vulgaire parmi nous, de placer l'équinoxe au premier degré du

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