ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS
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Une bonne chevre doit avoir la taille grande, la
marche ferme & legere, le poil doux & touffu, les pis
gros & longs, le derriere large, & les cuisses larges.
Cet animal aime les lieux montagneux; il craint
le grand chaud, le grand froid; il est propre; il faut
nettoyer tous les jours son étable, & lui donner
une litiere fraîche.
Il faut l'écarter des arbres, auxquels il porte un
dommàge considérable en les broutant: ce dommage
est tel que les lois ont statué là - dessus. Voyez plus
bas Chevres (Jurispr.)
On mene les chevres aux champs avant que la rosée
ait disparu: on ne les retient dans l'étable qu'en
hyver & dans les tems durs; on les y nourrit de petites
branches de vigne, d'orme, de frêne, de mûrier, de
châtaigner, &c. de raves, de navets, de choux, &c. on
les fait boire soir & matin; on les mene aux champs
en hyver, quand il fait beau, depuis neuf heures du
matin jusqu'à cinq; en été, depuis la pointe du jour
jusqu'à neuf heures, & depuis trois heures jusqu'à la
nuit. Elles broutent les ronces, les épines, les buissons,
&c. la nourriture des lieux marécageux leur
est mauvaise. Elles sont en chaleur depuis le mois
de Septembre jusqu'à la fin de Novembre. On les
nourrit de foin quelques jours avant qu'elles chevrotent,
& quelque tems après; on ne commence à les
traire que quinze jours après qu'elles ont chevroté.
Elles souffrent beaucoup en chevrotant. Il faut ôter
les petits à celles qui n'ont qu'un an, & les donner
à d'autres; ne les leur laisser que quand elles ont
trois ans, & ne leur en laisser qu'un: elles allaitent
pendant un mois; on peut retirer le chevreau à quinze
jours.
La chevre est sujette aux mêmes maladies que la
brebis (Voyez Brebis); elle est quelquefois attaquée
d'une fievre putride; alors on la met à part & on la
saigne. Quand elle devient hydropique pour avoir
trop bû d'eau, on la pique au - dessous de l'épaule,
on couvre la piquûre d'un emplâtre de poix & de
sain - doux. Il lui reste aussi une enflure de matrice
après avoir chevroté, pour laquelle on lui fera boire
du vin. Quand le pis lui sera desséché, comme il
peut arriver dans les grandes chaleurs, on la menera
paître à la rosée, & on lui frottera le pis avec de
la creme.
Il y a des chevres Indiennes ou de Barbarie qui
donnent trois fois plus de lait, dont le fromage est
meilleur, qui portent ordinairement deux chevreaux,
& qui ont le poil plus fin & plus fourni que les nôtres: on dit que les Hollandois & les Anglois en tirent
bon parti. Nous en avons en Provence où leurs
chevreaux s'appellent besons.
Chevres,
(Page 3:321)
Chevres, (Jurispr.) sont des animaux malfaisans: elles ont la salive venimeuse & brûlante; leur
haleine gâte les vaisseaux propres à mettre du vin,
& empêche le jeune bois de repousser. Plusieurs
coûtumes défendent d'en nourrir dans les villes,
comme Nivernois, ch. x. art. 18. Celle de Berri, tit.
des servitudes, art. 18. permet d'en tenir en ville close,
pour la nécessité de maladie d'aucuns particuliers.
Coquille voudroit qu'on admît cette limitation
dans sa coûtume, mais il dit aussi qu'il faudroit ajoûter
que ce seroit à condition de tenir les chevres toûjours
attachées ou enfermées dans la ville, & aux
champs qu'on doit les tenir attachées à une longue
corde. La coûtume de Normandie, art. 84. dit que
les chevres & les porcs sont en tout tems en défens,
c'est - à - dire qu'on ne les peut mener paître dans l'héritage
d'autrui sans le consentement du propriétaire: celle d'Orléans, art. 152. défend de les mener
dans les vignes, gagnages, clouseaux, vergers, plants
d'arbres fruitiers, chênayes, ormoyes, saulsayes,
aulnayes, à peine d'amende: celle de Poitou, art.
196. dit que les bois taillis sont défensables pour le
regard des chevres, jusqu'à ce qu'ils ayent cinq ans
accomplis; & à l'égard des autres bêtes jusqu'à quatre
ans.
Le canon omnes decimoe causd xvj. quoest. 7. décide
que la dixme est dûe des chevres qui sont à la garde
du pasteur, de même que des autres animaux. (A)
Chevre,
(Page 3:321)
Chevre, (Medecine, diete, & Mat. med.) On
mange très - peu de chevre en Europe, excepté dans
quelques contrées de l'Espagne & de l'Italie, où cet
animal est très - commun; sa chair qui étoit beaucoup
plus usitée chez les anciens Grecs, passe chez leurs
medecins pour flatueuse, bileuse, & de mauvais suc.
Le lait de chevre est employé pour les usages de la
table dans plusieurs pays, dans les provinces méridionales
du royaume, par exemple; & il n'y est
pas très - inférieur pour le gout au lait de vache ordinaire,
à celui des environs de Paris. On prépare
aussi avec ce lait de très - bon fromage. Voyez Fromage. Voyez les propriétés medicinales du lait de
chevre, & son analyse chimique, au mot Lait.
La siente de chevre donnée en infusion dans du
vin blanc, ou quelque eau appropriée, passe chez
quelques personnes pour spécifique dans les obstructions
du foie & de la rate, & dans la galle: c'est - là
un remede de paysan, qui peut avoir quelque utilité
réelle. (b)
Chevre du Bézoard,
(Page 3:321)
Chevre du Bézoard, capra bezoartica. On prétend
que les bézoards orientaux viennent d'une chevre, mais cette chevre n'est pas bien connue; on dit
qu'elle ressemble aux nôtres, à l'exception des cornes,
qui sont plus élevées, & plus longues; & on
ajoûte qu'il se trouve des chevres de cette espece dont
la peau est mouchetée comme celle d'un tigre: d'autres
auteurs rapportent qu'il y en a de couleur cendrée
tirant sur le roux, & d'autre couleur; qu'elles
sont grandes comme un cerf, qu'elles lui ressemblent
en quelque façon, mais beaucoup plus à la
chevre ordinaire; qu'elles ont deux cornes larges &
recourbées sur le dos comme celles des boucs; que
les Indiens les prennent dans des filets & dans des
piéges; qu'elles sont si féroces qu'elles tuent quelquefois
des hommes; que ces chevres sont fort legeres;
qu'elles vivent dans des cavernes, & qu'elles
se réunissent plusieurs ensemble. Voyez Aldrovande,
de bisulcis quad. Voyez Bézoard. (I)
Chevre du musc,
(Page 3:321)
Chevre du musc, capra moschi. Les auteurs ne
sont pas d'accord sur le nom de l'animal qui porte le
musc: on l'appelle chevre gaselle, &c. ou simplement
l'animal du musc, animal moschiferum. V. Musc. (I)
Chevre sauvage d'Afrique,
(Page 3:321)
Chevre sauvage d'Afrique, capra sylvestris
Africana. Grim. Cette chevre est de couleur cendrée
& foncée; elle a un toupet de poil qui s'éleve sur le
milieu de la tête, & il se trouve de chaque côté entre
le nez & les yeux deux cavités qui renferment
une liqueur grasse & huileuse, dont l'odeur tient de
celle du castoreum & de celle du musc; cette liqueur
s'épaissit & devient une matiere noire; dès qu'on l'a
enlevée il en coule une autre qui s'épaissit comme la
premiere: ces cavités n'ont aucune communication
avec les yeux; ainsi la liqueur qui s'y trouve est fort
différente des larmes du cerf ou des autres animaux.
Eph. Germ. an. 14. obs. 57. (I)
Chevre de Syrie,
(Page 3:321)
Chevre de Syrie, capra Mambrina, sive Syriaca. Gesn. Les chevres de cette espece se trouvent principalement
en Syrie, sur la montagne appellée Mambré, qui est aux environs d'Hébron; & il y en a aussi
autour de la ville d'Alep: leurs oreilles sont si longues
qu'elles traînent par terre, desorte que les naturels
du pays en coupent une afin que l'animal
puisse paître aisément. On a vû de ces cornes qui
n'avoient pas plus de deux pouces & demi de longueur,
& qui étoient un peu recourbées en arriere.
On a aussi vû à Londres l'animal entier; il ressembloit
à une chevre, quoiqu'il fût plus grand, & il étoit
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de la même couleur qu'un renard: cet animal étoit
fort doux & fort familier, & mangeoit du foin & de
l'orge. Ray, synop. anim. quad. p. 81. (I)
Chevre,
(Page 3:322)
* Chevre, (Myth.) cet animal étoit révéré en
Egypte; c'étoit, pour ainsi dire, le sanctuaire général
des bêtes. Pan passoit pour s'être caché sous la peau
de la chevre. Il étoit défendu de la tuer; elle étoit
consacrée à Jupiter, en mémoire de la chevre Amalthée: on l'immoloit à Apollon, à Junon, & à d'autres
dieux.
Chevre,
(Page 3:322)
Chevre, ou capella, en Astronomie, étoile brillante
de la premiere grandeur, qui est située dans
l'épaule gauche ou l'épaule de devant du Cocher:
elle est la troisieme de cette constellation dans les
catalogues de Ptolomée & de Tycho, & la quatorzieme
dans le catalogue Anglois. Sa longitude dans
ce catalogue est de 17d 31' 41"; & sa latitude de
22d 51' 47". Voyez Cocher.
Il y a quelques Astronomes qui représentent la
chevre comme une constellation de l'hémisphere boréal
composée de trois étoiles, lesquelles sont comprises
entre le 45 & le 55d de latitude. Les Poëtes
disent que c'est la chevre d'Amalthée qui allaita Jupiter dans son enfance. Horace, qui en parle, l'appelle
insana sydera caproe.
Chevre,
(Page 3:322)
Chevre, en Astronomie, est aussi quelquefois le
nom de la constellation du Capricorne. Voyez Capricorne. (O)
Chevre dansante,
(Page 3:322)
Chevre dansante, (Physiq.) phénomene lumineux
qu'on voit quelquefois dans l'atmosphere.
Le nom de chevre dansante a été donné par les anciens
à une espece de lumiere qu'on apperçoit dans
l'air, à laquelle le vent fait prendre diverses figures,
& qui paroìt tantôt rompue, & tantôt en son entier.
Tous les météores ignés répandent dans l'air une
lumiere plus ou moins foible; cette lumiere a pour
cause une matiere lumineuse & combustible, dont
la nature nous est inconnue, & qui peut être fort
diverse. On observe souvent des nuages qui jettent
une lumiere tranquille; quelquefois il sort de ces
nuages lumineux comme une matiere ardente d'une
figure très - variée, qui est poussée rapidement par le
vent. Les différentes formes que prend cette matiere
lumineuse ont quelque chose d'amusant; car tantôt
on la voit luire à des distances égales, tantôt à
des distances inégales; tantôt elle semble s'éteindre,
& tantôt renaître.
On diroit en regardant ces diverses apparences,
que cette matiere est composée d'ondes, qui lorsqu'elles roulent avec beaucoup de rapidité, sont
opaques en montant, & luisent en descendant,
comme si l'air étoit alors agité de mouvemens convulsifs: voilà le météore qu'on a nommé chevre dansante.
Ce phénomene paroît seulement lorsque le
vent vient à souffler au - dessous de la nuée lumineuse,
& qu'il en emporte une partie. Il suit de - là que
ce météore a besoin du vent pour se manifester; &
en effet l'on ne voit de chevre dansante que lorsqu'il
vente fort.
Comme la lumiere de tous les météores de l'espece
des chevres dansantes est susceptible de différentes
figures, les anciens ont désigné ces figures de
lumieres par différens noms: par exemple, quand
la lumiere qui paroît dans l'air est oblongue, & parallele
à l'horison, ils l'ont nommée poutre; lorsque
cette lumiere qui se tient suspendue dans l'air a une
de ses extrémités plus large que l'autre, ils l'ont appellée
torche; si l'une de ses extrémités forme une
longue pointe, c'est une fleche, &c. Ce précis suffit
pour montrer qu'on peut multiplier à volonté
ces dénominations, sans entendre mieux la matiere
& la cause des diverses lumieres figurées. On n'est
pas plus habile en Physique par la connoissance des
mots, qu'avancé dans le chemin de la fortune par
les paroles d'un ministre. Voyez
Aurore Boreale.
Cet article est de M. le Chevalier
de Jaucourt.
Chevre de guideau,
(Page 3:322)
Chevre de guideau, terme de Péche; ce sont
les pieux sur lesquels on pose le rets ou le sac du guideau.
Voyez Guideau. Voici la description de celles
qui se trouvent dans le ressort de l'amirauté de Touques & Dives, à la bande du Ponant.
Ces chevres de guideaux à hauts étaliers sont placées
sur le rocher de Villerville, à l'embouchure de
la riviere de Seine, à la bande du sud: elles sont
sédentaires. Les pêcheurs qui les font valoir en usent
de même que ceux qui ont des bas parcs ou venets
qu'ils possedent de pere en fils comme un héritage
propre; ce qui est directement contraire aux dispositions
de l'ordonnance.
Ces guideaux se distinguent en guideaux de flot &
d'ebbe, c'est - à - dire que les premiers ne font la pêche
que de marée montante, & les autres que celle de
mer baissante. Ils font en grand nombre, puisque
par le détail que l'inspecteur, le sieur le Masson
Duparc, en a fait, il se trouve quatre - vingts - cinq
guideaux pèchant de flot, & cent cinquante - cinq
tendus pour pêcher d'ebbe, suivant la situation des
chevres; ce qui fait en tout deux cents quarante guideaux, tant bons que mauvais: les mauvais sont
ceux où l'on ne tend point de sac. Voyez l'art. Guideau, & la fig. 1. Pl. IX. de Pêche.
Chevres,
(Page 3:322)
* Chevres, (Salines.) c'est une espece d'échaffaudage
composé de deux pieces de bois de six piés
de longueur, liées par deux traverses d'environ cinq
piés, posés sur les bourbons qui se trouvent au milieu
de la poesle. Cet échaffaud a une pente très droite,
& forme un talud glissant sur lequel est posée
une claie, soûtenue à son extrémité par un pivot
haut de huit pouces, qui lui donne moins de pente
qu'à l'échaffaud. Il y a deux chevres, une au milieu
de chaque côté de la poesle: c'est sur ces claies que
le sel se jette à mesure qu'il se tire de la poesle; à
mesure qu'elles en sont chargées, & que la masse
du sel grossit, on environne cette masse avec des
sangles qui la soûtiennent, & l'élevent à la hauteur
qu'exige la quantité de sel formé. Voyez dans nos
Planches de Salines, les bancs & les chevres.
Chevre,
(Page 3:322)
* Chevre, (Arts méchan.) machine qui est l'ouvrage
du Charpentier, & qui sert au Maçon & autres
ouvriers qui ont des poids pesans à élever. Voyez
les Pl. de Charpent. C'est un triangle a, b, c, dont les
côtés a b, a c, s'appellent les bras, & c b, la base. Les
traverses 1, 2, 3, 4, paralleles à la base, s'appellent
entretoises, & unissent les bras entre eux. Le
sommet a des bras est tenu fixe par un boulon de
fer à clavette qui les traverse. Il y a entre la premiere
entretoise & la seconde un arbre ou treuil 5,
6, mobile sur lui - même à l'aide de deux tourillons
pris dans les bras, & de deux quarrés 8, 7, percés
de trous dans lesquels on place des leviers amovibles
9, 10: quand un de ces leviers 10 est aussi
bas qu'il lui est possible de descendre, alors l'autre
levier 9 est perpendiculaire à la surface horisontale
de son quarré; & le plus haut qu'il peut monter:
par ce moyen ceux qui sont à la chevre ne cessent
jamais de travailler. Il y a en haut en d une poulie
sur laquelle passe une corde qui se rend & s'enroule
d'un côté sur le moulinet, & qui va rencontrer de
l'autre bout le poids à élever. La chevre est tenue
droite sur ses deux piés ou bras, ou inclinée du côté
du poids à élever par le moyen d'un bon cable qui
embrasse fortement son extrémité a, & qui va se fixer
à quelque objet solide e. Voilà la chevre dans son
état le plus simple: mais sa base quelquefois au lieu
d'être comme ici une entretoise, est un triangle; &
la troisieme piece qui s'éleve du troisieme angle de
ce triangle, s'appelle le bicoq. Le bicoq va s'assem<pb->
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