ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"286"> dont la moitié feroit fléchir la plûpart des autres bois; son volume ne le cede à nul autre arbre, & sa durée va jusqu'à six cents ans, sans alteration, lorsqu'il est à couvert des injures de l'air: la seule condition que ce bois exige, est d'être employé bien sec & saisonné, pour l'empêcher de se sendre, de se tourmenter, & de se décomposer; précaution qui n'est plus nécessaire, quand on veut le faire servir sous terre & dans l'eau en pilotis, où on estime qu'il dure quinze cents ans, & où il se pétrifie plus ordinairement qu'aucun autre bois. Quand on est forcé cependant d'employer à l'air du bois verd, sans avoir le tems de le faire saisonner, on peut y suppléer en faisant tremper ce bois dans de l'eau pendant quelque tems. Ellis en a vû une épreuve qu'il rapporte: « Un plancher qui avoit été fait de planches de chêne, qu'on avoit fait tremper dans l'eau d'un étang, se trouva fort sain au bout de quatorze ans, tandis qu'un autre plancher tout voisin, fait de mêmes planches, mais qui n'avoient pas été mises dans l'eau, étoit pourri aux côtés & aux extrémités des planches ». C'est aussi l'un des meilleurs bois à brûler & à faire du charbon. Les jeunes chênes brûlent & chauffent mieux, & font un charbon ardent & de durée; les vieux chênes noircissent au feu; & le charbon qui s'en va par écailles, rend peu de chaleur, & s'éteint bientôt; & les chênes pelards, c'est - à - dire dont on a enlevé l'écorce sur pié, brûlent assez bien, mais rendent peu de chaleur.

Aubier du bois. On distingue dans le bois du chêne l'aubier & le coeur: l'aubier est une partie de bois qui environne le tronc à l'extérieur, qui est composé de douze ou quinze cercles ou couches annuelles, & qui a ordinairement un pouce & demi d'épaisseur, quand l'arbre a pris toute sa grosseur: l'aubier est plus marqué & plus épais dans le chêne, que dans les autres arbres qui en ont un, & il est d'une couleur différente & d'une qualité bien inférieure à celle du coeur du bois: l'aubier se pourrit promptement dans les lieux humides; & quand il est placé séchement, il est bien - tôt vermoulu, & il corrompt tous les bois voisins; aussi fait - il la plus grande défectuosité du bois de chêne; & il est défendu aux ouvriers par leurs statuts d'employer aucun bois où il y ait de l'aubier. Mais on peut corriger ce défaut, & donner à l'aubier presque autant de solidité, de force, & de durée, qu'en a le coeur du bois de chêne: « Il ne faut pour cela, dit M. de Buffon, qu'écorcer l'arbre du haut en - bas, & le laisser sécher entierement sur pié avant de l'abattre »; & par les épreuves qu'il a faites à ce sujet, il résulte que « le bois des arbres écorcés & sechés sur pié, est plus dur, plus solide, plus pesant, & plus fort que le bois des arbres abattus dans leur écorce ». Voyez les mémoires de l'académie des Sciences, année 1738.

Ecorce. On fait aussi usage de l'écorce du chêne: les Tanneurs l'employent à façonner les cuirs; mais l'écorce n'est pas l'unique partie de l'arbre qui ait cette propriéte. M. de Buffon, par les épreuves qu'il a fait faire sur des cuirs, & dont il a été fait mention dans les mémoires de l'académie, s'est assûré que le bois du chêne a la même qualité, avec cette différence pourtant, que l'écorce agit plus fortement sur les cuirs que le bois, & le coeur du bois moins que l'aubier. On appelle tan l'écorce qui a passé les cuirs, & qui alors n'est pas tout - à - fait inutile; le tan sert à faire des couches dans les serres chaudes & sous des chassis de verre, pour élever & garantir les plantes étrangeres & délicates.

Gland. Il y a du choix à faire & des précautions à prendre pour la récolte du gland, lorsqu'on veut faire des plantations. Si nous en croyons Evelyn, « il faut que les glands soient parfaitement murs, qu'ils soient fains & pesans; ce qui le reconnoit, lorsqu'en seconant doucement les rameaux, le gland tombe: il ne faudra cueillir que vers la sin d'Octobre, ou au commencement de Novembre, ceux qui ne tomberont pas ailement; & il faut ramasser sur le champ celui qui tombe de lui - méme; mais toujours le prendre par preference sur le sommet des arbres les plus beaux, les plus jeunes, & les plus vigoureux, & non pas comme l'on fait ordinairement, sur les arbres qui en portent le plus ». On peut ajoûter aux enconstances qui doivent contribuer au choix du gland, celle de sa grosseur; parce qu'en effet, c'est la plus belle espece de chêne qui produit le gros gland à longue queue, & qu'il est probable que ce gland produira des arbres de même espece. Ce fruit est aussi de quelque utilité; il sert à nourrir les bêtes sauves, à engraisser les cochons; & il est aussi fort bon pour la volaille. Voyez Gland.

Gui de chêne. On attribuoit autrefois de grandes vertus à cette plante parasite, lorsqu on la trouvoit sur le chêne. Les druides faisoient accroire qu'il fécondoit les animaux, & que c'etoit un fameux contre - poison; on lui en attribue encore quelques - unes en Medecine, & il est recherché dans les Arts pour sa dureté & pour la beauté de ses veines. Quoi qu'il en soit, on trouve très - rarement du gui sur le chêne; & cette rareté pourroit bien être son seul mérite: nous n'en pouvons que trop juger par bien des choses que l'on voit tous les jours prendre faveur par ce seul titre.

Excrescences. Le chêne est peut - être de tous les arbres celui qui est le plus sujet à être attaqué par différentes especes d'insectes: ils font des excrescences de toutes sortes, sur les branches, le gland, les feuilles, & jusque sur les filets des chatons, où quelquefois le travail des insectes forme de ces excrescences qui imitent si bien une grappe de groseille rougeâtre, que bien des gens s'y trompent de loin. Les insectes forment aussi sur certaines especes de chêne des gales dont on tire quelque service dans les Arts. Voyez Noix de gale. Cette défectuosité, aussi bien que l'irrégularité de la tête de l'arbre, & la lenteur de ses progrès après la transplantation, peuvent bien être les vraies causes de ce que l'on fait si peu d'usage du chêne pour l'ornement des jardins.

Especes. Il y a des chênes de bien des especes; les Botanistes en comptent au moins quarante, qui ne sont pour la plûpart ni répandus, ni fort connus: on doit y avoir d'autant moins de regret, que nos chênes communs valent beaucoup mieux pour la qualité du bois, que tous ceux qui ont été découverts dans le Levant & en Amérique; il faut cependant convenir que les chênes d'Amérique ont plus de variété & d'agrément que les autres.

1. Le chêne à gros gland. Celui que C. Bauhin appelle chêne à long pédicule, est le plus grand & le plus beau de tous les chênes qui croissent en Europe. On le distingue dans son jeune âge par son écorce qui est vive, luisante & unie, d'une couleur d'olive rembrunie, irrégulierement entre - mêlée, avec une couleur de cendre claire: ses feuilles sont plus grandes, & ont le pédicule plus long que dans les autres especes; le gland est aussi plus gros & plus long; l'arbre le produit sur un pédicule de la longueur du doigt, qui souvent n'en porte qu'un seul, & quelquefois jusqu'à trois. Son bois est franc, d'un bel oeil, & de la meilleure qualité.

2. Le chêne à gland moyen, désigné par le même botaniste sous la phrase de chêne mâle à pédicule court. Cet arbre dans toutes ses parties est subordonné à la premiere espece; sa feuille est moins grande, son gland est plus petit, plus rond, & a le pédicule [p. 287] de plus court, l'arbre même est d'une stature un pon mondre: il se sait remarquer sur - tout dans sa jeuneste par la couleur de son écorce, qui imite çelle d'une pean d'oignon, & qui est entre - mélée de parties blanchatres. Le bois de cet arbre est solide, tort, & de bonne qualité.

3. Le chêne à petit gland. que le nomenclatcur cité appelle le chêne semelle. On reconnoit aisément cet arbre, à ce que son écorce est inegale, & qu'avant qu'il soit même parvenu à la grosleur du bras, elle est aussi crevassée & raboteuse que celle des vieux aubres: ses feuilles plus petites que dans les especes precédentes, n'ont point de pedicule; le gland, qui est aussi bien plus petit & rond, tient immédiatement à la branche; l'arbre s'éleve & grostit moins; son bois est dur, rebours, & de mauvaise sente: il semble à tous égards que la nature ait épargné sur cette espece, ce qu'elle a prodigue en faveur de la premiere.

4. Le chêne a feuilles panachées. C'est une variété que le hasard a fait rencontrer, mais que l'on peut cependant multiplier par la greffe en sente ou en écusson sur les especes communes. Ses feuilles sont généralement panachées de blanc, & d'une tres belle facon; aussi cet arbre est - il fort estimé des curieux qui aiment les plantes panachées.

5. Le chêne toûjours verd. Cet arbre croît naturellement en Espagne, entre Cadix & Gibraltar; mais on le trouve rarement à présent parmi les collections d'arbres, même les plus recherchées & les plus completes. On fait cependant qu'il est assez robuste; il faut donc qu'il soit difficile à élever. Au reste on ne doit pas confondre cette espece de chêne avec ce que nous appellons le chêne - verd, qui est un arbre tout différent.

6. Le chêne cerrus. Quoique cet arbre soit originaire d'Espagne, d'Italie, & des provinces méridionales de ce royaume, il est cependant assez robuste pour résister parfaitement au froid des climats septentrionaux: sa feuille ressemble à celle du chêne commun, si ce n'est qu'elle est plus longue, & que les sinuosités qui l'environnent sont plus étroites & plus profondes: son gland est fort amer, & il est presqu'eutierement engagé dans une calote qui est entou'ée de follicules pointus & de couleur cendrée: on s'en sert au lieu de galle pour teindre les draps en noir, mais la teinture n'en est pas si - bonne. C'est une des plus belles especes de chêne, & en général il a le port & à - peu - pres la hauteur du chêne commun.

7. Le petit chêne, cerrus. Son gland est plus petit que celui de l'espece précédente. Ce petit arbre est peu connu.

8. Le petit chêne portant plusieurs galles jointes ensemble. Ce n'est qu'un arbrisseau, dont on ne sait rien d'intéressant.

9. Le chêne, esculus. Ce petit arbre auquel on a conservé le nom que Pline le naturaliste lui avoit donné, croît en Grece & en Dalmatie.

10. Le chêne de Bourgogne. C'est un grand arbre qui croît naturellement en Franche - Conité, & qui est sur - tout remarquable par le calice de son gland, qui est hérissé de pointes assez longues, mais foibles; du reste l'arbre est assez ressemblant au chêne commun.

11. Le chêne nain. C'est un très - petit arbrisseau, que j'ai vû s'élever tout au plus à trois piés en 15 ans de tems, dans un terrein cultivé: mais dans les campagnes où il croît naturellement, il est si bas que rarement il a plus d'un pié: ses feuilles sont plus douces & un peu plus grandes que celles de nos chênes communs; le calice du gland est plus plat, & ce gland est très - amer.

12. Le chêne roure. Il prend autant de hauteur que nos chênes communs. Il croît en plusieurs provinces de ce royaume, & on le trouve fréquemment aux Aubigny: sa scuille le fait distinguer prinopalement par une espece de duvet qui la couvre, son gland est si fort enveloppé dans le calice, qu'il ne mûrit pas bien en Angleterre dans les années humides.

13. Le petit chêne roure. Il differe du précédent par sa flature qui est inférieure, & par sa feuille qui est garnie de petites pointes.

14. Le chêne roure portant galles. C'est un petit arbre qui croît dans la Pannonie & dans l'Istrie, & sur lequel on trouve la noix de galle dont on fait usage pour la teinture.

15. Le chêne roure a feuilles lices. On trouve la noix de galle sur cet arbre, qui differe des trois précédens par ses feuilles qui n'ont point de duvet.

16. Le chêne à gros gland, dont le calice est tout couvert de tubercules. Ce n'est qu'une variété, qui est plus rare qu'intéressante.

17. Le chêne d'Orient à gland cylindrique, avec un long pédicule. C'est un petit arbre très - rare.

18. Le chêne d'Orient à feuilles de chátaigner. C'est un arbre de hauteur moyenne, dont le gland est renfermé dans un calice épais & écailleux.

19. Le chêne d'Orient à très - gros gland, dont le calice est hérissé de filets. C'est un grand arbre peu connu.

20. Le chêne d'Orient à feuilles étroites & à petit gland, avec un calice hérissé de pointes. Cet arbre est de petite stature.

21. Le chêne d'Orient à très - gros gland, & à feuilles agréablement découpées. Le calice du gland est aussi hérissé de filets. Cet arbre ne s'éleve qu'à une moyenne hauteur.

22. Le chêne d'Orient à petites feuilles avrondies, & à gland cannelé. Cet arbre s'éleve peu.

23. Le chêne d'Orient à gland cylindrique, & à feuilles arrondies, legerement découpées. Cet arbre prend peu de hauteur.

Ces sept dernieres especes de chêne ont été découvertes dans le Levant par Tournefort, & y ont été retrouvées depuis, suivant le témoignage de M. Miller, par quelques voyageurs, qui en ont rapporté des glands en Angleterre, où trois de ces especes ont reussi, & paroissent aussi robustes que nos chênes communs. Quoi qu'il en soit, ces arbres sont encore très - rares, & très - peu connus.

24. Le chêne rouge de Virginie. Il croît plus promptement que le chêne commun, & il fait un gros arbre en peu d'années: sa feuille a moins de sinuosités que n'en ont celles de nos chênes, & les angles du dehors qui sont plus grands se terminent en pointes: la queue de cette feuille est toûjours rougeâtre, & ce n'est qu'en automne que toute la feuille prend aussi cette couleur. Cet arbre est délicat dans sa jeunesse; jai vû que les hyvers rigoureux ont constamment fait périr les plants d'un an & de deux ans, dans les terreins secs comme dans ceux qui étoient un peu humides. Le bois de cet arbre a des veines rouges.

25. Le chêne de Virginie à feuilles de chátaigner. Il croît aussi vîte, & devient aussi gros que le précédent. Il ne vient à la Virginie que dans des fonds, & dans les bons terreins: e'est le plus gros des chênes qui croissent dans l'Amérique: l'écorce en est blanche & écaillée; le grain du bois n'est pas beau, quoiqu'on s'en serve beaucoup pour la charpente; les feuilles sont larges & dentelées comme celles du châtaigner. Il n'y a point d'autre chêne qui produise des glands aussi gros que celui - ci. Catesby.

26. Le chêne blanc de Virginie. C'est celui qui ressemble le mieux au chêne commun d'Angleterre, à la figure de ses feuilles, à ses glands, & à sa maniere de croître: son écorce est blanchâtre, le grain de

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