ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"284"> point essentiel des observations à l'égard du chêne.

Exposition. Terrein. Presque toutes les expositions, tous les terreins conviennent au chêne; le fond des vallées, la pente des collines, la crête des montagnes, le terrein sec ou humide, la glaise, le limon, le sable; il s'établit par - tout: mais il en résulte de grandes différences dans son accroissement & dans la qualité de son bois. Il se plaît & il réussit le mieux dans les terres douces, limonneuses, profondes, & fertiles; son bois alors est d'une belle venue, bien franc, & plus traitable pour la fente & la Menuiserie: il profite très - bien dans les terres dures & fortes, qui ont du fond, & même dans la glaise; il y croît lentement, à la vérité, mais le bois en est meilleur, bien plus solide & plus fort: il s'accommode aussi des terreins sablonneux, cretassés ou graveleux, pourvû qu'il y ait assez de profondeur: il y croît beaucoup plus vîte que dans la glaise; & son bois est plus compacte & plus dur; mais il n'y devient ni si gros ni si grand. Il ne craint point les terres grasses & humides, où il croît même très - promptement; mais c'est au desavantage du bois, qui étant trop tendre & cassant, n'a ni la force, ni la solidité requise pour la charpente; il se rompt par son propre poids lorsqu'il y est employé. Si le chêne se trouve au contraire sur les crêtes des montagnes, dans des terres maigres, seches ou pierreuses, où il croît lentement, s'éleve, peut & veut être coupé souvent; son bois alors étant dur, pesant, noueux, on ne peut guere l'employer qu'en charpente, & à d'autres ouvrages grossiers. Enfin cet arbre se refuse rarement, & tout au plus dans la glaise trop dure, dans les terres basses & noyées d'eau, & dans les terreins si secs & si legers, si pauvres & si superficiels, que les arbrisseaux les plus bas n'y peuvent croître; c'est même la meilleure indication sur laquelle on puisse se regler lorsqu'on veut faire des plantations de chêne: en voici la direction.

Plantations. Si nous en croyons les meilleurs auteurs Anglois qui ayent traité cette matiere, Evelyn, Hougton, Laurence, Mortimer, & sur - tout M. Miller qui est entré dans un grand détail sur ce point; il faudra de grandes précautions, beaucoup de culture & bien de la dépense pour faire des plantations de chênes. Cependant, comme les Anglois se sont occupés, avant nous, de cette partie de l'agriculture, parce qu'ils en ont plûtôt senti le besoin, & que M. Miller a rassemblé dans la sixieme édition de son dictionnaire, tout ce qui paroît y avoir du rapport, j'en vais donner un précis. Après avoir conseillé de bien enclorre le terrein par des hayes pour en défendre l'entrée aux bestiaux, aux lievres & aux lapins, qui sont les plus grands destructeurs des jeunes plantations; l'auteur Anglois recommande de préparer la terre par trois ou quatre labours, de la bien herser à chaque fois, & d'en ôter toutes les racines des mauvaises herbes; il dit que si le terrein étoit inculte, il seroit à propos d'y faire une récolte de légume, avant que d'y semer le gland: qu'il faut préférer celui qui a été recueilli sur les arbres les plus grands & les plus vigoureux, sur le fondement que les plants qui en proviennent profitent mieux, & qu'on doit rejetter le gland qui a été pris sur les arbres dont la tête est fort étendue, quoique ce soit celui qui leve le mieux. On pourra semer le gland en automne ou au printems; suivant notre auteur, le meilleur parti sera de le semer aussi - tôt qu'il sera mûr, pour éviter l'inconvénient de rompre les germes en le mettant en terre au printems, après l'avoir conservé dans du sable. Pour les grandes plantations on fera avec la charrue des sillons de quatre piés de distance, dans lesquels on placera les glands à environ deux pouces d'intervalle; & si le terrein a de la pente, il faudra diriger les sillons de façon à ména<cb-> ger l'humidité, ou à s'en débarrasser selon que la qualité du terrein l'exigera. Il faudra ensuite recouvrir exactement les glands, de crainte que ceux qui resteroient découverts, n'attirassent les oiseaux & les souris qui y feroient bien - tôt un grand ravage. L'auteur rend raison des quatre piés de distance qu'il conseille de donner aux sillons; c'est, dit - il, afin de pouvoir cultiver plus facilement la terre entre les rangées, & nettoyer les jeunes plants des mauvaises herbes; sans quoi on ne doit pas s'attendre que les plantations fassent beaucoup de progrès. Les mauvaises herbes qui dominent bien - tôt sur les jeunes plants, les renversent & les étouffent, ou du moins les affament en tirant les sucs de la terre. C'est ce qui doit déterminer à faire la dépense de cultiver ces plantations pendant les huit ou dix premieres années. Les jeunes plants, continue notre auteur, leveront sur la fin de Mars ou au commencement d'Avril; mais il faudra les sarcler même avant ce temslà, s'il en étoit besoin, & répeter ensuite cette opération aussi souvent que les herbes reviennent, en sorte que la terre s'en trouve nettoyée, jusqu'à ce que tous les glands soient levés & qu'on puisse les appercevoir distinctement; auquel tems il sera à propos de leur donner un labour avec la charrue entre les rangées, & même une legere culture à la main dans les endroits où la charrue ne pourroit atteindre sans renverser les jeunes plants. Quand ils auront deux ans, il faudra enlever ceux qui seront trop serrés, & donner à ceux qui resteront un pié de distance, qui suffira pour les laisser croître pendant deux ou trois ans; après lesquels on pourra juger des plants qui pourront faire les plus beaux arbres, & faire alors un nouveau retranchement qui puisse procurer aux plants quatre piés de distance dans les rangées; ce qui leur suffira pour croître pendant trois ou quatre ans; auquel tems si la plantation a fait de bons progrès, il sera a propos d'enlever alternativement un arbre dans les rangées; mais notre auteur ne prétend pas qu'il faille faire cette réforme si régulierement qu'on ne puisse pas excéder ou réduire cette distance, en laissant par préférence les plants qui promettent le plus; il ne propose même cet arrangement que comme une regle générale qu'on ne doit suivre qu'autant que la disposition & le progrès de la plantation le permettent. Quand par la suite les plants auront encore été réduits dans leur nombre, & portés à environ huit piés de distance, ils ne demanderont plus aucun retranchement; mais après deux ou trois ans, il sera à propos de couper pour en faire des sepées de taillis, les plants qui paroîtront les moins disposés à devenir futaye, & qui se trouveront dominés par les arbres destinés à rester. C'est l'attention qu'on doit avoir toutes les fois qu'on fait quelque réforme parmi les arbres, avec la précaution de ne dégarnir que par dégrés & avec beaucoup de ménagement les endroits fort exposés aux vents, qui y feroient de grands ravages & retarderoient l'accroissement. L'auteur Anglois voudroit qu'on donnât vingt - cinq à trente piés de distance aux arbres qu'on a dessein d'élever en futaie; ils pourront joüir en ce cas detout le bénéfice du terrein; ils ne seront pas trop serrés, même dans les endroits où ils réussissent bien; leurs têtes ne se toucheront qu'à trente ou trente - cinq ans; & il n'y aura pas assez d'éloignement pour les empêcher de faire des tiges droites. Mais après une coupe ou deux du taillis, notre auteur conseille d'en faire arracher les souches, afin que tous les sucs de la terre puissent profiter à la futaie: la raison qu'il en apporte, estque le taillis ne profite plus, dès qu'il est dominé par la futaye qui en souffre également; car on gâte souvent l'un & l'autre, en voulant ménager le taillis dans la vûe d'un profit immédiat. [p. 285]

Toute cette suite de culture méthodique peut être fort bonne pour faire un canton de bois de vingt ou trente arpens, encore dans un pays où le bois seroit tres - rare, & tout au plus aux environs de Paris où il est plus cher que nulle part dans ce royaume: mais dans les provinces, la dépense en seroit énorme pour un canton un peu considérable. J'ai vû que pour planter en Bourgogne, dans les terres de M. de Buffon, un espace d'environ cent arpens, où il commença à suivre exactement la direction dont on vient de voir le précis, une somme de mille écus ne fut pas suffisante pour fournir aux frais de plantation & de culture pendant la premiere année seulement: qu'on juge du résultat de la dépense, si l'on avoit continué la même culture pendant huit ou dix ans, comme M. Miller le conseille; le canton des plantations en question auroit couté six fois plus cher qu'un bois de même étendue qu'on auroit acheté tout venu & prêt à couper dans un terrein pareil: encore la plantation n'a - t - elle pas pleinement réussi par plusieurs inconvéniens auxquels une culture plus longue & plus assidue n'auroit pas rémédié. Un de ces inconvéniens, c'est de nettoyer le terrein des ronces, épines, genievres, bruyeres, &c. Un plus grand oeuvre, qui le croiroit? c'est de donner plusieurs labours à la terre; cette opération coûteuse sert, on en convient, à faire bien lever le gland, mais elle tourne bien - tôt contre son progrès: les mauvaises herbes qui trouvent la terre meuble, la couvrent au - dehors, & la remplissent de leurs racines au - dedans; on ne peut guere s'en débarrasser sans déranger les jeunes plants, parce qu'il faut y revenir souvent dans un terrein qu'on commence à mettre en culture. Mais d'ailleurs, plus la terre a été remuée, plus elle est sujette à l'impression des chaleurs, des sécheresses & sur - tout des gelées du premier hyver, qui déracinent les jeunes plants, & leur font d'autant plus de dommage que la plantation se trouve mieux nettoyée & découverte. Le printems suivant y fait appercevoir un grand dépérissement; la plûpart des jeunes plants se trouvent flétris & desséchés; d'autres fort languissans; & ceux qui se sont soûtenus, auront encore infiniment à souffrir, malgré tous les efforts de la culture la plus suivie, qui n'accelerent point le progrès dans les terres fortes & glaireuses, dures ou humides. En essayant au contraire à faire dans un pareil terrein des plantations par une méthode toute opposée, M. de Buffon a éprouvé des succès plus satisfaisans, & peut - être vingt fois moins dispendieux, dont j'ai été témoin. Ce qui fait juger que dans ces sortes de terreins comme dans ceux qui sont legers & sablonneux, où il a fait aussi de semblables épreuves, on ne réussit jamais mieux pour des plantations en grand, qu'en imitant de plus près la simplicité des opérations de la nature. Par son seul procédé, les bois, comme l'on sçait, se sement & se forment sans autre secours; mais comme elle y employe trop de tems, il est question de l'accélérer: voici les moyens d'y parvenir: ménager l'abri, semer abondamment & couper souvent; rien n'est plus avantageux à une plantation que tout ce qui peut y faire du couvert & de l'abri; les genets, le jonc, les épines & tous les arbrisseaux les plus communs garantissent des gelées, des chaleurs, de la secheresse, & sont une aide infiniment favorable aux plantations. On peut semer le gland de trois façons; la plus simple & peut - être la meilleure dans les terreins qui sont garnis de quelques buissons, c'est de cacher le gland sous l'herbe dont les terres fortes sont ordinairement couvertes; on peut aussi le semer avec la pioche dont on frappe un coup qui souleve la terre sans la tirer dehors, & laisse assez d'ouverture pour y placer deux glands; ou enfin avec la charrue en faisant des sillons de quatre piés en quatre piés, dans lesquels on répand le gland avec des graines d'arbrisleaux les plus tréquens dans le pays, & on recouvre le tout par un second sillon. On employe la charrue dans les endroits les plus découverts; on se sert de la pioche dans les plants impraticable à la charrue, & on cache le gland sous l'herbe autour des buissons. Nul autre soin ensuite que de garantir la plantation des approches du bétail, de repiquer des glands avec la pioche pendant un an ou deux dans les plants où il en aura trop manqué, & ensuite de receper souvent les plants languissans, rassaux, étiolés ou gelés, avec ménagement cependant, & l'attention sur - tout de ne pas trop dégarnir la plantation, que tout voisinage de bois, de hayes, de buissons favorise aussi. Voyez dans les Mémoires de l'académie des Sciences, celui de M. de Buffon sur la culture & le rétablissement des forêts, année 1739. On pourroit ajoûter sur cette matiere des details interessans que cet ouvrage ne permet pas. J'appuierai seulement du témoignage de Bradley cette méthode aussi simple que facile, qui a réussi sous mes yeux: « Pour éviter, dit - il, la dépense de sarecler les plantations, on en a fait l'essai sur des glands qui avoient été semés; & les herbes, loin de faire aucun mal, ont défendu les jeunes chênes contre les grandes sécheresses, les grandes gelées, &c.». Je citerai encore Ellis, autre auteur Anglois plus moderne, qui assûre qu'il ne faut pas sarcler une plantation ou un semis de chênes. Ces auteurs auroient pû dire de plus, que non - seulement on diminue la dépense par - là, mais même que l'on accélere l'accroissement, surtout dans les terreins dont nous venons de parler.

A tous égards, l'automne est la saison la plus propre à semer le gland, même aussi - tôt qu'il est mûr; mais si l'on avoit des raisons pour attendre le printems, il faudroit le faire passer l'hyver dans un conservatoire de la façon qu'on l'a expliqué au mot Châtaigner; & ensuite le semer aussi - tôt que la saison pourra le permettre, sans attendre qu'il soit trop germé; ce qui seroit un grand inconvénient.

Le chêre peut aussi se multiplier de branches couchées, qui ne font pas de si beaux arbres que ceux venus de gland; & par la greffe, sur des arbres de son eipece; mais on ne se sert guere de ces moyens que pour se procurer des especes curieuses & étrangeres.

Transplantation. Il y a quelques observations à faire sur la transplantation de cet arbre, qui ne gagne jamais à cette opération; il y résiste mieux à deux ans qu'à tout autre âge, par rapport au long pivot qu'il a toûjours, & qui le prive ordinairement de racines latérales: d'où il suit que, quand on se propose d'employer le chêne en avenues ou autres usages semblables, il faut avoir la précaution de le transplanter plusieurs fois auparavant afin qu'il soit bien enraciné. On ne doit jamais l'étêter en le transplantant; c'est tout ce qu'il craint le plus, mais seulement retrancher ses principales branches: ón ne doit même s'attendre ensuite qu'à de petits progrès, & rarement à voir de beaux arbres.

Usages du bois. Nul bois n'est d'un usage si général que celui du chêne; il est le plus recherché & le plus excellent pour la charpente des bâtimens, la construction des navires; pour la structure des moulins, des pressoirs, pour la menuiserie, le charronnage, le mairrain; pour des treillages, des échalas, des cercles; pour du bardeau, des éclisses, des lattes, & pour tous les ouvrages où il faut de la solidité, de la force, du volume, & de la durée; avantages particuliers au bois de chêne, qui l'emporte à ces égards sur tous les autres bois que nous avons en Europe. Sa solidité répond de celle de toutes les constructions dont il forme le corps principal; sa force le rend capable de soûtenir de pesans fardeaux

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