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CHATAIGNER (Page 3:236)
CHATAIGNER, s. m. (Hist. nat.) castanea, genre d'arbre qui porte des chatons composés de plu<pb-> [p. 237]
Le chataigner (Jerdin.) est un grand arbre dont on fait beaucoup de cas; bien plus cependant pour l'util>é qu'on en retire à plusieurs égards, que pour l'agrément qu'il procure. Il croît naturellement dans les climats tempérés de l'Europe occidemale, où il étoit autrefois plus commun qu'> présent. Il devient fort gros, & prend de la hauteur à proportion; souvent même il égale les plus grands chênes. Sa tige est ordinairement très - droite, fort longue jusqu'aux branchages, & bien proportionnée: les rameaux qui forment la tête de l'arbre ont l'écorce lice, brune, & marquetée de taches grises: ils sont bien garnis de feuilles oblongues, assez grandes, dentelées en façon de scie, d'une verdure agréable, & qui donnent beaucoup d'ombrage. Il porte au mois de Mai des chatons qui sont de la longueur du doigt, & d'un verd jaunâtre. Les fruits viennent ordinairement trois ensemble, & séparément des chatons, dans une bourse hérissée de pointes, qui s'ouvre d'elle - même sur la fin de Septembre, tems de la maturité des chataignes.
Cet arbre par sa stature & son utilité, a mérité d'être mis au nombre de ceux qui tiennent le premier rang parmi les arbres forestiers; & on est généralement d'accord que ce n'est qu'au chêne seul qu'il doit céder. Quoiqu'à quelques égards il ait des qualités qui manquent au chêne, l'accroissement du chataigner est du double plus prompt: il jette plus en bois; il réussit à des expositions & dans des terreins moins bons, & il est bien moins sujet aux insectes.
Le bois du chataigner est de si bonne qualité, qu'il fait regretter de ne trouver que rarement à présent des forêts de cet arbre, qui étoit autrefois si commun. Nous vovons que les charpentes de la plûpart des anciens bâtimens sont faites de ce bois, sur - tout des poutres d'une si grande portée, qu'elles font juger qu'il auroit été extrèmement dispendieux & difficile de les faire venir de loin, & qu'on les a tirées des forêts voisines. Cependant on ne trouve plus cet arbre dans les forêts de plusieurs provinces, où il y a quantité d'anciennes charpentes de chataigner. Mais à quoi peut - on attribuer la perte de ces arbres, si ce n'est à l'intempérie des saisons, à des hyvers longs & rigoureux, ou à des chaleurs excessives accompagnées de grande sécheresse? Ce dernier incident paroît plus probablement avoir été la cause de la perte des chataigners dans plusieurs contrées. Cet arbre se plaît sur les croupes des montagnes exposées au nord, dans les terreins sablonneux, & sur - tout dans les plants propres à retenir ou à recevoir l'humidité: ces trois circonstances indiquent évidemment que de longues sécheresses & de grandes chaleurs sont tout ce qu'il y a de plus contraire aux sorêts de chataigner. Si l'on objectoit à cela qu'il se trouve encore à présent une assez grande quantité de ces arbres dans des pays plus méridionaux que ceux où l'on présume que les chataigners ont été détruits, par la quantité qu'on y voit des charpentes du bois de cet arbre, & que par conséquent ce ne doit être ni la chaleur ni la sécheresse qui les ayent fait périr: on pourroit répondre que ces pays plus près du midi où il se trouve à présent des chataigners, tels que les montagnes de Galice & les Pytenées en Espagne; les Cévennes, le Limosin, le Vivarès, & le Dauphiné en France, & les côteaux de l'Appennin en Italie, sont plus à portée de recevoir de la fraîcheur & de l'humidité, que le climat de Paris, par exemple, quoique beaucoup plus
Exposition, terrein. La principale attention qu'on doive donner aux plantations de chataigners, est de les placer à une exposition & dans un terrein qui leur soient propres; car si ce point manque, rien ne pourra y suppléer. Cet arbre aime les lieux frais, noirs, & ombrageux, les croupes des montagnes tournées au nord ou à la bise: il se plaît dans les terres douces & noirâtres, dans celles qui, quoique fines & légeres, ont un fond de glaise; & mieux encore dans les terreins dont le limon est mêlé de sable ou de pierrailles: il se contente aussi des terreins sablonneux, pourvû qu'ils soient humides, ou tout au moins qu'ils ayent de la profondeur: mais il craint les terres rouges, celles qui sont trop dures, & les marécages: enfin il se refuse à la glaise & à l'argile, & il ne peut souffrir les terres jaunâtres & salées.
Lorsque ces arbres se trouvent dans un sol convenable, ils forment les plus belles futaies; ils deviennent très - grands, très - droits, & extrèmement gros: ils souffrent d'être plus serrés entre eux que les chênes, & ils croissent du double plus promptement. Le chataigner est aussi très - bon à faire du bois taillis: il donne de belles perches; & au bout de vingt ans il forme déjà de joli bois de service.
Semence des chataignes. On peut les mettre en terre dans deux tems de l'année; en automne, aussi - tôt [p. 238]
Plantations en >d. Sur la façon de faire ces
plantations, nous rapporterons ce que Miller en a
écrit.
Il y a encore une façon de faire de grandes plantations de chataigners, que l'on pratique à présent assez ordinairement, & dont on se trouve mieux que de semer les chataignes dans des sillons. On fait des trous moyens à des distances à - peu - près uniformes, & qui se reglent selon la qualité du terrein; on plante ensuite trois ou quatre chataignes sur le bord de chaque trou, dans la terre meuble qui en est sortie: deux ou trois ans après, on peut faire arracher les plants foibles & superflus, & en hasarder la transplantation dans les places vuides, où il faudra les couper ensuite à un pouce au - dessus de terre. La raison qui a fait imaginer & préférer cette méthode, est sensible. Les plantations de chataigner se font ordinairement dans des terreins sablonneux, comme les plus convenables en effet, & ceux en même - tems qui ont le plus besoin qu'on y ménage l'humidité possible; les chataignes d'ailleurs veulent trouver quelque facilité la premiere année pour lever & faire racine. Les trous dont on vient de parler, réunissent ces avantages; la terre meuble qui est autour fait mieux lever les chataignes; & le petit creux qui se trouve à leur portée, favorise le progrès des racines qui cherchent toûjours à pivoter, & leur procure de la fraîcheur en rassemblant & en conservant l'humidité.
Semence des chataignes en pepiniere, transplantation. Quand on n'a que de petites plantations à faire, qui peuvent alors être mieux soignées, on seme les chataignes en rayon dans de la terre meuble, préparée à l'ordinaire & disposée en planches; on laisse six pouces de distance entre les rayons, & on y met les chataignes à quatre pouces les unes des autres, & à trois de profondeur: en leur supposant ensuite les soins usités de la culture, on pourra au bout de deux ans les mettre en pepiniere, en rangées de deux à trois piés de distance, & les plants au moins à un pié l'un de l'autre: le mois d'Octobre sera le tems le plus propre à cette opération dans les terreins secs & legers; & la fin de Février, pour les terres plus fortes & un peu humides. Les dispositions qui doivent précéder, seront d'arracher les plants avec précaution, d'étêter ceux qui se trouveront foibles ou courbes, & de retrancher le pivot à ceux qui en auront un. La culture que ces plants exigeront ensuite pendant leur séjour dans la pepiniere, sera de leur donner un leger labour au printems, de les sarcler au besoin dans l'été, de leur retrancher peu - à - peu les branches latérales, & de receper à trois pouces au - dessus de terre ceux qui seront rasaux ou languissans, pour les faire repousser vigoureusement. Après trois ou quatre ans, on [p. 239]
Greffe. Si l'on veut cultiver le chataigner pour en avoir de meilleur fruit, il faut le greffer; & alors on l'appelle marronnier. La façon la plus en usage d'y procéder, a été pendant long - tems la greffe en flûte; parce qu'en effet cette greffe réussit mieux sur le chataigner que sur aucun autre arbre: mais comme l'exécution en est difficile & souvent hasardée, la greffe en écusson est à présent la plus usitée pour cet arbre, sur lequel elle réussit mieux à la pousse qu'à oeil dormant. On peut aussi y employer la greffe en fente, qui profite très - bien quand elle reprend; mais cela arrive rarement.
Le chataigner peut encore se multiplier de branches couchées; cependant on ne se sert guere de ce moyen, que pour se procurer des plants d'arbres étrangers de son espece.
Usages du bois. C'est un excellent bois de charpente & le meilleur de tous après le chêne, dont il approche néanmoins de fort près pour la masse, le volume, & la qualité du bois, quoique blanc & d'une dureté médiocre; on y distingue tout de même le coeur & l'aubier. Pour bien des usages, il est aussi bon que le meilleur chêne; & pour quelques cas, il est même meilleur, comme pour des vaisseaux á contenir toutes sortes de liqueurs: car quand une fois il est bien saisonné, il a la propriété de se maintenir au même point sans se gonsler ni se gerser, comme font presque tous les autres bois. Celui du chataigner est d'un très - bon usage pour toutes sortes de gros & menus ouvrages; on l'employe à la menuiserie, on en fait de bon mairrein, des palissades, des treillages, & des échalas pour les vignes, qui étant mis en oeuvre même avec leur écorce, durent sept ans, au lieu que tout autre bois ne s'y soûtient que la moitié de ce tems: on en fait aussi des cercles peur les cuves & les tonneaux; on s'en sert pour la sculpture; enfin on peut l'employer à faire des canaux pour la conduite des eaux: il y résiste plus long - tems que l'orme & que bien d'autres arbres. Mais ce bois n'est pas comparable à celui du chêne pour le chauffage, pour la qualité du charbon, & encore moins pour celle des cendres. Le bois du chataigner petille au feu, & rend peu de chaleur; son charbon s'éteint promptement, ce qui a néanmoins son utilité pour les ouvriers qui se servent des forges; & si on employe ses cendres à la lessive, le linge en est taché sans remede.
Chataignes. Le fruit de cet arbre est d'une très grande
utilité; le climat contribue beaucoup à lui
donner de la qualité, & sur - tout de la grosseur. Les
chataignes de Portugal sont plus grosses que les nôtres,
& celles d'Angleterre sont les plus petites.
On prétend que pour qu'elles se conservent longtems,
il faut les abattre de l'arbre avant qu'elles
tombent d'elles - mêmes. La récolte n'en est pas égale
chaque année; ces arbres ne produisent abondamment
du fruit que de deux années l'une: on le conserve
en le mettant par lits dans du sable bien sec,
dans des cendres, dans de la fougere, ou en le laissant
dans son brou. Les montagnards vivent tout
l'hyver de ce fruit, qu'ils font sécher sur des claies
& qu'ils font moudre après l'avoir pelé pour en faire
du pain, qui est nourrissant, mais fort lourd &
indigeste. Voyez ci - après
Feuilles. Une belle qualité de cet arbre, c'est qu'il n'est nullement sujet aux insectes, qui ne touchent point à ses feuilles tant qu'ils trouvent à vivre sur celles des autres arbres; apparemment parce que la feuille du chataigner est dure & seche, ou moins de leur goût. Les pauvres gens des campagnes s'en servent pour garnir des lits au lieu de plume; & quand on les ramasse aussitôt qu'elles sont tombées de l'arbre & avant qu'elles soient mouillées, on en fait de bonne litiere pour le bétail.
On connoît encore d'autres especes de cet arbre, & quelques variétés.
Le marronnier n'est qu'une variété occasionnée
par la greffe, qui perfectionne le fruit en lui donnant
plus de grosseur & plus de goût: du reste l'arbre
ressemble au chataigner. Les marronniers ne réussissent
bien en France que dans les montagnes de la
partie méridionale, comme dans les Cévennes, le
Vivarès, & le Dauphiné, d'où on les porte à Lyon;
c'est ce qui les fait nommer marrons de Lyon. Voyez
Le marronnier à feuilles panachèes; c'est un fort bel arbre dans ce genre, pour ceux qui aiment cette sorte de variété, qui n'est occasionnée que per une espece de maladie de l'arbre; aussi ne s'éleve - t - il dans cet état j>nais autant que les autres marronniers. On peut le multiplier par la greffe en écusson, & encore mieux en approche sur le chataigner ordinaire. Il lui faut un terrein sec & leger pour faire durer la bigarrure de ses feuilles, qui fait tout son merite: car dans un meilleur terrein, l'arbre reprend sa vigueur, & le panaché disparoît peu - à - peu.
Le petie chataigner à grappes: on croit que ce n'est qu'une variété accidentelle du chataigner ordinaire, & non pas une espece distincte & constante. Miller dit, qu'il ne vaut pas la peine d'être cultivé; & au rapport de Ray, sa chataigne qui n'est pas plus grosse qu'une noisette, est de mauvais goût.
Le chataigner de Virginie ou le chinkapin. Le chinkapin, quoique tres - commun en Amérique, est >ncore fort rare, même en Angleterre, où cependant on est si curieux de faire des collections d'arbres étrangers: aussi je n'en parlerai que d'après Catesby & Miller; ce n'est pas que cet arbrisseau soit délicat, ou absolument difficile à élever: mais sa rareté vient du défaut de précaution dans l'envoi des graines, qu'on néglige de mettre dans du sable, pour les conserver pendant le transport. Le chinkapin s'éleve rarement en Amérique à plus de seize piés, & pour l'ordinaire il n'en a que huit ou dix; il prend par proportion plus de grosseur que d'élévation: on en voit souvent qui ont deux piés de tour. Il croît d'une façon fort irtéguliere; son écorce est raboteuse & écaillée; ses feuilles d'un verd foncé en - dessus & blanchâtres en - dessous, sont dentelées & placées alternativement: elles ressemblent d'ailleurs à celles de notre chataigner, si ce n'est qu'elles sont beaucoup plus petites. Il porte au printems des chatons assez semblables à ceux du chataigner ordinaire. Il produit une très - grande quantité de chataignes d'une figure conique, de la grosseur des noisettes, & de la même couleur & consistance que les autres chataignes; l'arbrisseau les porte par bouquets de cinq ou six qui pendent ensemble, & qui ont chacune leur enveloppe particuliere: elles murissent au mois de Septembre, elles sont douces & de meilleur goût que nos chataignes; les Indiens qui en font grand usage, les ramassent pour leur provision pendant l'hyver. Le chinkapin est fi robuste, qu'il resiste en Angleterre aux plus grands hyvers en pleine terre; il craint au contraire les graudes chaleurs qui le font périr, sur - tout s'il se trouve dans un terrein fort sec: il se plaît dans celui qui est médiocrement humide; car si l'eau y séjournoit [p. 240]
Le chataigner d'Amèrique à larges feuilles & à gros fruit. La découverte de cet arbre est dûe au P. Plumier, qui l'a trouvé dans les établissemens françois de l'Amérique. Cet arbre n'est point encore commun en France, & il est extrèmement rare en Angleterre: on peut s'en rapporter à Miller, qui n'a parlé de cet arbre que dans la sixieme édition de son dictionnaire, qui a paru en 1752; où il dit qu'il n'a encore vû que trois ou quatre jeunes plants de cet arbre qui n'avoient fait qu'un très - petit progrès; qu'on peut faire venir de la Caroline, où il croît en abondance, des chataignes, qu'il faudra semer comme celles de chinkapin, & soigner de même, & qu'elles pourront réussir en plein air dans une situation abritée: qu'au surplus, cet arbre ne differe du chataigner ordinaire, que parce qu'il y a quatre chataignes renfermées dans chaque bourse; au lieu que l'espece commune n'en a que trois: que la bourse ou enveloppe extérieure qui renferme les quatre chataignes, est en effet très - grosse & si épineuse, qu'elle est aussi incommode à manier que la peau d'un hérisson; & que ces chataignes sont très - douces & fort saines, mais pas si grosses que les nôtres. (c)
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