ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
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Chasse, (Page 3:225)

Chasse, (Jurisprud.) suivant le droit naturel, la chasse étoit libre à tous les hommes. C'est un des plus anciens moyens d'acquérir suivant le droit naturel. L'usage de la chasse étoit encore libre à tous les hommes suivant le droit des gens.

Le droit civil de chaque nation apporta quelques restrictions à cette liberté indéfinie.

Solon voyant que le peuple d'Athenes négligeoit les arts méchaniques pour s'adouner à la chasse, la défendit au peuple, défense qui fut depuis méprisée.

Chez les Romains, chacun pouvoit chasser, soit dans son fonds, soit dans celui d'autrui; mais il étoit libre au propriétaire de chaque héritage d'empêcher qu'un autre particulier n'entrât dans son fonds, soit pour chasser, ou autrement. Instit. Lib. II. tit. 1. . xij. [p. 226]

En France, dans le comencement de la monarchie, la chasse étoit libre de même que chez les Romains.

La loi salique contenoit cependant plusieurs réglemens pour la chasse; elle défendoit de voler ou de tuer un cerf élevé & dressé pour la chasse, comme cela se pratiquoit alors; elle ordonnoit que si ce cerf avoit déja été chassé, & que son maître pût prouver d'avoir tué par son moyen deux ou trois bêtes, le délit seroit puni de quarante sols d'amende; que si le cerf n'avoit point encore servi à la chasse, l'amende ne seroit que de trente - cinq sols.

Cette même loi prononçoit aussi des peines contre ceux qui tueroient un cerf ou un sanglier qu'un autre chasseur poursuivoit, ou qui voleroient le gibier des autres, ou les chiens & oiseaux qu'ils auroient élevés pour la chasse.

Mais on ne trouve aucune loi qui restraignît alors la liberté naturelle de la chasse. La loi salique semble plûtôt supposer qu'elle étoit encore permise à toutes sortes de personnes indistinctement.

On ne voit pas précisément en quel tems la liberté de la chasse commença à être restrainte à certaines personnes & à certaines formes. Il paroît seulement que dès le commencement de la monarchie de nos rois, les princes & la noblesse en faisoient leur amusement, lorsqu'ils n'étoient pas occupés à la guerre; que nos rois donnoient dès - lors une attention particuliere à la conservation de la chasse; que pour cet effet, ils établirent un maître veneur (appellé depuis grand - veneur) qui étoit l'un des quatre grands officiers de leur maison; & que sous ce premier officier, ils établirent des forestiers pour la conservation de leurs forêts, des bêtes fauves, & du gibier.

Dès le tems de la premiere race de nos rois, le fait de la chasse dans les forêts du roi étoit un crime capital, témoin ce chambellan que Gontran roi de Bourgogne fit lapider pour avoir tué un buffle dans la forêt de Vassac, autrement de Vangenne.

Sous la seconde race, les forêts étoient défensables; Charlemagne enjoint aux forestiers de les bien garder; les capitulaires de Charles - le - Chauve désignent les forêts où ses commensaux ni même son fils ne pourroient pas chasser; mais ces défenses ne concernoient que les forêts, & non pas la chasse en général.

Un concile de Tours convoqué de l'autorité de Charlemagne en 813, défend aux ecclésiastiques d'aller à la chasse, de même que d'aller au bal & à la comédie. Cette défense particuliere aux eccléfiastiques, sembleroit prouver que la chasse étoit encore permise aux autres particuliers, du moins hors les forêts du roi.

Vers la fin de la seconde race & au commencement de la troisieme, les gouverneurs des provinces & villes qui n'étoient que de simples officiers, s'étant attribué la propriété de leur gouvernement à la charge de l'hommage, il y a apparence que ces nouveaux seigneurs & autres auxquels ils sous - inféoderent quelque portion de leur territoire, continuerent de tenir les forêts & autres terres de leur seigneurie en défense par rapport à la chasse, comme elles l'étoient lorsqu'elles appartenoient au roi.

Il étoit défendu alors aux roturiers, sous peine d'amende, de chasser dans les garennes du seigneur: c'est ainsi que s'expliquent les etablissemens de S. Loüis, faits en 1270. On appelloit garenne toute terre en défense: il y avoit alors des garennes de lievres aussi bien que de lapins, & des garennes d'eau.

Les anciennes coûtumes de Beauvaisis, rédigées en 1283, portent que ceux qui dérobent des lapins, ou autres grosses bêtes sauvages, dans la garenne d'autrui, s'ils sont pris de nuit, seront pendus; & si c'est de jour, ils seront punis par amende d'argent; sçavoir, si c'est un gentilhomme, 60 liv. & si c'est un homme de poste, 60 sols.

Les priviléges que Charles V. accorda en 1371 aux habitans de Mailly - le - Château, portent que celui qui seroit accusé d'avoir chassé en plaine dans la garenne du seigneur, sera cru sur son serment, s'il jure qu'il n'a point chassé; que s'il ne veut pas faire ce serment, il payera l'amende. Il est singulier que l'on s'en rapportât ainsi à la bonne foi de l'accusé; car s'il n'y avoit pas alors la formalité des rapports, on auroit pû recourir à la preuve par témoins.

Il étoit donc défendu dès - lors, soit aux nobles ou roturiers, de chasser dans les forêts du roi & sur les terres d'autrui en général; mais on ne voit pas qu'il fût encore défendu, soit aux nobles ou roturiers, de chasser sur leurs propres terres.

Il paroît même que la chasse étoit permise aux nobles, du moins dans certaines provinces, comme en Dauphiné, où ils joüissent encore de ce droit, suivant des lettres de Charles V. de 1367.

A l'égard des roturiers, on voit que les habitans de certaines villes & provinces obtinrent aussi la permission de chasse.

On en trouve un exemple dans des lettres de 1357, suivant lesquelles les habitans du bailliage de Revel & la sénéchaussée de Toulouse, étant incommodés des bêtes sauvages, obtinrent du maître général des eaux & forêts, la permission d'aller à la chasse jour & nuit avec des chiens & des domestiques, etiam cum ramerio seu rameriis. Ce qui paroît signifier des branches d'arbre dont on se servoit pour faire des battues. On leur permit de chasser aux sangliers, chevreuils, loups, renards, lievres & lapins, & autres bêtes, soit dans les bois qui leur appartenoient, soit dans la forêt de Vaur, à condition que, quand ils chasseroient dans les forêts du roi, ils seroient accompagnés d'un ou deux forestiers, à moins que ceux - ci ne refusassent d'y venir; que si en chassant, leurs chiens entroient dans les forêts royales, autres que celles de Vaur, ils ne seroient point condamnés en l'amende, à moins qu'ils n'eussent suivi leurs chiens; qu'en allant visiter leurs terres, & étant sur les chemins pour d'autres raisons, ils pourroient chasser, lorsque l'occasion s'en présenteroit sans appeller les forestiers. On sent aisément combien il étoit facile d'abuser de cette derniere faculté; ils s'obligerent de donner au roi pour cette permission cent cinquante florins d'or une fois payés, & au maître des eaux & forêts de Toulouse, la tête avec trois doigts au - dessus du col, au - dessous des oreilles, de tous les sangliers qu'ils prendroient, & la moitié du quartier de derriere avec le pié des cerfs & des chevreuils: & par les lettres de 1357, le roi Jean confirma cette permission.

Charles V. en 1369 confirma des lettres de deux comtes de Joigny, de 1324 & 1368, portant permission aux habitans de cette ville, de chasser dans l'étendue de leur justice.

Dans les priviléges qu'il accorda en 1370, à la ville de Saint - Antonin en Rouergue, il déclara que quoique par les anciennes ordonnances il fût défendu à quelque personne que ce fût, de chasser sans la permission du roi, aux bêtes sauvages (lesquelles néanmoins, dit - il, gâtent les blés & vignes) que les habitans de Saint - Antonin pourroient chasser à ces bêtes hors les forêts du roi.

Les priviléges qu'il accorda en la même année aux habitans de Montauban, leur donnent pareillement la permission, en tant que cela regarde le roi, d'aller à la chasse des sangliers & autres bêtes sauvages.

Dans des lettres qu'il accorda en 1374 aux habi<pb-> [p. 227] tans de Tonnay en Nivernois, il dit que, suivant l'ancien usage, toutes personnes pourront chasser à toutes bêtes & oiseaux, dans l'étendue de la jurisdiction en laquelle les seigneurs ne pourront avoir de garenne.

On trouve encore plusieurs autres permissions semblables, accordées aux habitans de certaines provinces, à condition de donner au Roi quelque partie des animaux qu'ils auroient tués à la chasse; & Charles VI. par des lettres de 1397, accorde aux habitans de Beauvòir en Béarnois, permission de chasse, & se retient entr'autres choses tous les nids des oiseaux nobles: c'étoient apparemment les oiseaux de proie propres à la chasse.

Outre ces permissions générales que nos rois accordoient aux habitans de certaines villés & provinces, ils en accordoient aussi à certains particuliers pour chasser aux bêtes fauves & noires dans les forêts royales.

Philippe de Valois ordonna en 1346, que ceux qui auroient de telles permissions ne les pourroient ceder à d'autres, & ne pourroient faire chasser qu'en leur présence & pour eux.

Charles VI. ayant accordé beaucoup de ces sortes de permissions, & voyant que ses forêts étoient dépeuplées, ordonna que dorénavant aucune permission ne seroit valable si elle n'étoit signée du duc de Bourgogne.

En 1396, il défendit expressément aux non nobles qui n'auroient point de privilége pour la chasse, ou qui n'en auroient pas obtenu la permission de personnes en état de la leur donner, de chasser à aucunes bêtes grosses ou menues, ni à oiseaux, en garenne ni dehors. Il permit cependant la chasse à ceux des gens d'église auxquels ce droit pouvoit appartenir par lignage ou à quelqu'autre titre, & aux bourgeois qui vivoient de leurs héritages ou rentes. A l'égard des gens de labour, il leur permit seulement d'avoir des chiens pour chasser de dessus leurs terres, les porcs & autres bêtes sauvages, à condition que s'ils prenoient quelque bête, ils la porteroient au seigneur ou au juge, sinon qu'ils en payeroient la valeur.

Ce réglement de 1396 qui avoit défendu la chasse aux roturiers, fut suivi de plusieurs autres à - peu - pres semblables en 1515, en 1533, 1578, 1601 & 1607.

L'ordonnance des eaux & forêts du mois d'Août 1669, contient un titre des chasses qui forme présentement la principale loi sur cette matiere.

Il résulte de tous ces différens réglemens, que parmi nous le Roi a présentement seul le droit primitif de chasse; que tous les autres le tiennent de lui soit par inféodation, soit par concession ou par privilége; & qu'il est le maître de restraindre ce droit comme bon lui semble. Les souverains d'Espagne & d'Allemagne ont aussi le même droit dans leurs états par rapport à la chasse.

Tous seigneurs de fief, soit nobles ou roturiers, ont droit de chasser dans l'étendue de leur fief; le seigneur haut - justicier a droit de chasser en personne dans tous les fiefs qui sont de sa justice, quoique le fief ne lui appartienne pas; mais les seigneurs ne peuvent chasser à force de chiens & oiseaux, qu'à une lieue des plaisirs du Roi; & pour les chevreuils & bêtes noires, dans la distance de trois lieues.

Les nobles qui n'ont ni fief ni justice ne peuvent chasser sur les terres d'autrui, ni même sur leurs pro pres héritages tenus en roture, excepté dans quelques provinces comme en Dauphiné, où par un privilége spécial ils peuvent chasser, tant sur leurs terres que sur celles de leurs voisins, soit qu'ils ayent fief ou justice, ou qu'ils n'en possedent point.

Les roturiers qui n'ont ni fief ni justice ne peuvent chasser, à moins que ce ne soit en vertu de quelque charge ou privilége qui leur attribue ce droit sur les terres du Roi.

Quant aux ecclésiastiques, les canons leur défendent la chasse, même aux prelats. La déclaration du 27 Juillet 1701 enjoint aux seigneurs ecclésiastiques de commettre une personne pour chasser sur leurs terres, à condition que teiui qui sera commis fera enregistrer sa commission en la maîtrise. Les arrêts ont depuis étendu cet usage aux femmes, & autres qui par leur état ne peuvent chasser en personne.

L'ordonnance de 1669 regle les diverses peines que doivent supporter ceux qui ont commis quelque fait de chasse, selon la nature du délit, & défend de condamner à mort pour fait de chasse, en quoi elle déroge à celle de 1601.

Il est aussi défendu à tous seigneurs, & autres ayant droit de chasse, de chasser à pié ou à cheval, avec chiens ou oiseaux, sur les terres ensemencées, depuis que le blé sera en tuyau; & dans les vignes, depuis le premier Mai jusqu'après la dépouille, à peine de privation de leur droit, de 500 livres d'amende, & de tous dommages & intérêts.

Nul ne peut établir garenne, s'il n'en a le droit par ses aveux & dénombremens, possession, ou autres titres suffisans.

La connoissance de toutes les contestations, au sujet de la chasse, appartient aux officiers des eaux & forêts, & aux juges gruyers, chacun dans leur ressort, excepté pour les faits de la chasse arrivés dans les capitaineries royales.

Nos rois ayant pris goût de plus en plus pour la chasse, ont mis en réserve certains cantons qu'ils ont érigés en capitaineries; ce qui n'a commencé que sous François I. vers l'an 1538. Le nombre de ces capitaineries a été augmenté & réduit en divers tems, tant par ce prince que par ses successeurs. La connoissance des faits de chasse leur a été attribuée à chacun dans leur ressort, par différens édits, & l'appel des jugemens émanés de ces capitaineries est porté au conseil privé du Roi.

Il est défendu à toutes personnes, même aux seigneurs hauts - justiciers, de chasser à l'arquebuse ou avec chiens dans les capitaineries royales; & toutes les permissions accordées par le passé ont été révoquées par l'ordonnance de 1669, sauf à en accorder de nouvelles.

Ceux qui ont dans les capitaineries royales des enclos fermés de murailles, ne peuvent y faire aucun trou pour donner entrée au gibier, mais seulement ce qui est nécessaire pour l'écoulement des eaux. Ils ne peuvent aussi sans permission faire aucune nouvelle enceinte de murailles, à moins que ce ne soit joignant leurs maisons situées dans les bourgs, villages, & hameaux.

La chasse des loups est si importante pour la conservation des personnes & des bestiaux, qu'elle a mérité de nos rois une attention particuliere. Il y avoit autrefois tant de loups dans ce royame, que l'on fut obligé de lever une espece de taille pour cette chasse. Charles V. en 1377 exempta de ces impositions les habitans de Fontenai près le bois de Vincennes. On fut obligé d'établir en chaque province des louvetiers, que François I. créa en titre d'office; & il établit au - dessus d'eux le grand louvetier de France. L'ordonnance d'Henri Ill. du mois de Janvier 1583, enjoint aux officiers des eaux & forêts de faire assembler trois fois l'année un homme par feu de chaque paroisse de leur ressort, avec armes & chiens, pour faire la chasse aux loups. Les ordonnances de 1597, 1600, & 1601, attribuent aux sergens louvetiers deux deniers par loup, & quatre deniers par louve, sur chaque feu des paroisses à deux lieues des endroits où ces animaux auroient été pris. Au moyen de ces sages précautions, il reste [p. 228] présentement si peu de loups, que lorsqu'il en paroît quelqu'un il est facile de s'en délivrer.

Sur le droit de chasse, on peut voir au code II. tit. xljv. & au code Théodosien, liv. XV. tit. xj. Les capitulaires & le recueil des ordonnances de la troisieme race. Ceux de Fontanon, Joly, & Néron. La Bibliotheque du Droit Franç. de Bouchel, au mot chasse. Salvaing, de l'usage des fiefs. Lebret, traité de la souverainete, liv. III. ch. jv. L'ordonnance des eaux & forêts, tit. xxx. & la conference sur ce titre. Le traité de la police, tome II. liv. V. tit. xxiij. ch. iij. . ij. Le traité du droit de chasse, par de Launay. La Jurisprudence sur le fait des chasses, in - 12. 2. vol. Le code des chasses, & ci - après, aux mots Fauconnerie, Garenne, Louveterie, Louvetier, Venerie, Vol. (A)

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