ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"186"> pouces, deux pouces & demi, &c. de diametre, sur deux piés, deux piés quatre à six pouces de longueur. Les bois blancs ne donnent point de bon charbon. Les chênes, les hêtres, qu'on appelle fouteaux, les charmes, sont propres à cet usage. Il faudroit rejetter le bouleau & le peuplier commun: ce qui ne se fait pas souvent. Il y a cependant quelques honnêtes Charbonniers qui féparent le bouleau comme un mauvais bois, & ne s'en servent que pour les planchers du fourneau, regardant le bois employé aux planchers comme un bois perdu qui ne donne que des fumerons.

Quand on débite le bois, il faut avoir l'attention de le couper le plus égal de grosseur & de longueur, & le plus droit qu'il est possible; il sera très - bien de séparer le gros du menu, & le droit du tortu: ces précautions ne seront pas inutiles, soit dans la construction du fourneau, soit dans la conduite du feu. Si le bois est pêle - mêle, le Charbonnier le prenant & l'employant comme il le trouve, chargera trop ou trop peu un côté de son fourneau, ou de gros bois, ou de petit, ou de bois tortu; d'où il arrivera qu'un endroit commencera à peine à s'allumer, qu'un autre sera presque consumé: inconvénient qui sera oûjours accompagné de quelque perte. Le plus petit bois peut être employé. C'est une OEconomie qui n'est pas à négliger; comme on verra lorsque nous parlerons de la construction du fourneau.

Il faut que les tas de bois ne soient ni trop près des fourneaux, de peur que dans les grands vents le feu n'y soit porté; ni trop loin, ce qui fatigueroit les Charbonniers à l'aller chercher. C'est aussi pour éviter un incendie, qu'il faut bien nettoyer les environs des fourneaux de tout branchassage & autres menus bois.

Lorsque le bois est prêt, il faut travailler à faire la charbonniere. On entend par une charbonniere, l'endroit où l'on doit construire des fourneaux à charbon. Pour cet effet, on choisira un lieu égal de sa nature, on achevera ensuite de l'applanir avec la pioche ou le hoyau & le rateau; l'espace circulaire qu'on aura ainsi applani, s'appelle l'aire du fourneau. L'aire d'un fourneau peut avoir 13, 14, à 15 piés de diametre. On prendra une forte bûche, on la fendra en croix par un de ses bouts; on l'aiguisera par l'autre; on la plantera par le bout aiguise au centre de l'aire, on ajustera dans les fentes de l'autre bout deux bûches qui formeront quatre angles droits: ces angles serviront à recevoir & à contenir quatre bûches qui porteront d'un bout contre l'aire, & qui seront prises chacune par l'autre bout dang un des angles dont nous venons de parler; ces quatre premieres bûches seront un peu inclinées sur celles du ilieu.

Cela fait, on prendra du bois blanc assez gros & assez droit; on le couchera par terre, ensorte que les bûches forment un plancher dont chacune soit comme le rayon d'un cercle qui auroit le même centre que l'aire; on répandra sur ce plancher de petitites bûches ou plûtôt des bâtons de bois de chemise. Les Charbonniers chtendent par bois de chemise, du bois très - menu, qui ne feroit tout au plus que du charbon de chauffrette. Lorsqu'on aura couvert la surface des grosses bûches qui forment le plancher, & rempli les vuides qu'elles laissent entr'elles avec ce petit bois, on aura achevé ce qu'on appelle un plancher.

Pour contenir les bûches de ce plancher dans l'ordre seton lequel on les aura rangées, on plantera des chevilles à leurs extrémités, sur la circonférence de ce plancher, laissant un pié plus ou moins de distance entre chaque cheville; car il n'est pas nécessaire que toutes les bûches soient ainsi arrêtées: comme elles som le plus ées qu'il possible les unes contre les autres, il suffit d'en contenir quel, ques - unes, pour que le plancher soit solide & no se dérange pas.

Alors l'ouvrier prendra sa broüette, qu'on voit Pl. I. des Forgesen II, KK, LL, MM, O. I, I, sont les bras; O, la roue; K L, K L, L M, L M, des morceaux de bois courbés un peu en S, assemblés sur les bras, formant un grand V dans l'ouverture duquel les bûches seront placées & retenues: elles poseront en même tems sur la civiere de la broüette. Il ira au chantier, & chargera sa broüette de bûches. Il pourra apporter une corde de bois en quatre voyages. Il fera entrer la broüette dans l'aire, prendra son bois à brassée, & le dressera sur le plancher contre les bûches droites ou un peu inclinées qui en occupent déjà le centre, & qu'on a mises dans les angles droits de la premiere bûche sichée en terre verticalement; ces premieres bûches étant un peu inclinées, celles qu'on appuiera d'un bout sur le plancher, & qui porteront selon toute la longueur contre les bûches qu'on avoit déjà dressées au centre de l'aire, seront aussi un peu inclinées. Ce bois ainsi rangé, aura la forme à - peu - près d'un cone tronqué dont la base seroit sur l'aire; l'ouvrier continuera de dresser du bois jusqu'à ce que ce bois dressé couvre à - peu - près la moitié de la surface de son premier plancher.

Cela fait, il prendra une bûche du plus gros bois dont il se sert dans son fourneau, il l'aiguisera par un bout, & la fichera droite au centre de son cone de bûches; s'il n'a pas achevé de couvrir tout son premier plancher de bùches dressées, c'est qu'il auroit eu de la peine d'atteindre jusqu'au centre de ces bûches dressées, & d'en dresser d'autres sur elles, autour de la bûche pointue qu'il vient de ficher, & qu'il a fixée droite par du petit bois qu'il a mis autour.

Quand il aura fiché cette bûche, il ira chercher du bois qu'il dressera autour de cette bûche, ensorte que ces nouvelles bûches dressées portent d'un bout contre la bûche fichée, & de l'autre sur les premieres bûches dressées sur le premier plancher, ces bûches nouvelles seront aussi un peu inclinées; & l'étage qu'elles formeront étant, pour ainsi dire, une continuation du premier étage, prolongera le cone tronqué.

Quand on aura formé le second étage, on achevera de couvrir le premier plancher; ce plancher couvert, on reprendra des bùches de bois blanc, on arrachera les chevilles qui contiennent les bûches du premier plancher, on formera un second plancher avec ces bûches de bois blanc, concentrique au premier; on répandra du bois de chemise sur ce nouveau plancher, on en contiendra les bûches avec des chevilles; on ira chercher du bois, & on le dressera sur ce second plancher, contre le bois dressé qui couvre entierement le premier.

On opérera sur ce nouveau plancher comme sur le premier; je veux dire que, quand il sera à moitié couvert, on continuera de former le second étage de bûches posées verticalement, ou un peu inclinées sur le bout des bûches qui couvrent le premier plancher. Quand on aura étendu ce second étage autant qu'il se pourra, on formera autour du second plancher, un troisieme plancher concentrique de bois blanc, comme on avoit formé les deux premiers; on dressera sur ce troisieme des bûches jusqu'à ce qu'il soit à moitié couvert, & alors on continuera à former le second étage, comme nous avons dit. Quand ce second étage aura pris toute l'étendue ou tout le pourtour qu'il convenoit de lui donner, on achevera de couvrir le troisieme plancher & de former le second étage, & l'on s'en tiendra à ces trois planchers; ensorte qu'on aura 1°, trois planchers, [p. 187] dont le troisieme enferme le second, le second le premier, & le premier la bûche plantée en terre verticalement, fendue par son autre bout en quatre, & armée par ce bout de deux bûches formant quatre angles droits, & ces angles contenant chacun une bûche inclinée; 2°. sur ces planchers un second étage de bûches pareillement inclinées, ensorte que ce second étage moins étendu que le premier, continue la figure conique que le premier affectoit par l'inclinaison de ses bûches.

Lorsque le fourneau aura été conduit jusque - là, on ôtera les chevilles qui contiennent les bûches du troisieme plancher, pour servir dans la construction d'un autre fourneau, & on jettera tout autour de ce plancher du petit bois de chemise à deux mains; on prendra une échelle un peu convexe, on l'appliquera contre les étages, & on montera au - dessus du second; on donnera quelques coups à la bûche pointue, placée au centre du second étage, afin de l'ébranler; on la tirera un peu, on couvrira toute la surface supérieure & plane de ce second étage de bois de chemise, ensorte que cet amas de bois de chemise remplisse bien exactement tous les interstices que les buches laissent entr'elles, & achevent de former le cone.

Alors le fourneau sera fini, quant à l'arrangement du bois; & le Bùcheron amassera de l'herbe & en jonchera l'extrémité supérieure de son fourneau d'abord, & ensuite la plus grande partie de sa surface. Il tracera un chemin autour, il en bêchera la terre, il ramassera cette terre par tas, il la brisera & divisera le plus qu'il pourra; cela lui servira de frasin, car il n'en a pas encore, puisque nous supposons qu'il établit une charbonniere nouvelle. Le frasin n'est autre chose que de la poussiere de charbon mêlée avec quelque menue braise & de la terre. Les Charbonniers ramassent cette matiere autour de leurs fourneaux, & ils s'en servent pour leur donner la derniere façon ou le dernier enduit. Comme elle est assez menue, elle remplit exactement les interstices que les bois laissent entr'eux avant qu'on mette le feu, & les crevasses qui se font devant, après, & pendant la cuisson. Ils trouvent le frasin sur l'aire, quand ils en ont tiré le charbon; & c'est la poussiere même qui couvroit le fourneau, qui s'est augmentée pendant la cuisson, & qui a servi à étouffer le charbon. Au défaut de frasin, ils font usage de la terre tirée du chemin avec la bêche, comme nous venons de le dire.

Quand la terre sera préparée, on prendra une pelle & on en couvrira le fourneau, à l'exception d'un demi - pié par en - bas, sur - tout le pourtour: c'est parlà que l'air se portera au centre quand on y mettra le feu, & le poussera. La couche ou l'enduit de frasin, ou de terre (quand on manque de frasin) qui habillera le fourneau, n'aura pas plus d'un pouce & demi d'épaisseur.

Quand le fourneau sera couvert, le Charbonnier montera au haut, enlevera la bûche qu'il avoit placée au centre du second étage, & jettera dans le vuide que laissera cette bûche, & qu'on appelle la cheminée, quelques petits bois secs & très - combustibles, & par - dessus, une pelletée de feu; alors le fourneau s'allumera, & ne s'appellera plus fourneau, mais feu. La fumée sortira très - épaisse par le demi - pié d'en - bas, qu'on aura laissé découvert tout - au - tour du fourneau; il en sortira aussi par la cheminée. On laisserales choses en cet état, jusqu'à ce qu'on voye la flamme s'élever au - dessus de la cheminée; alors le Charbonnier prendra une piece de gason, & bouchera la cheminée, mais non si exactement qu'il n'en soite encore beaucoup de fumée; il descendra ensuite de dessus son fourneau, & s'il fait un peu de vent, il apportera des claies, les dressera, & empéchera le vent de hâter le feu.

Le Charbonnier ne pourra quitter son fourneau de deux heures, quand il y aura mis le feu. Il faudra qu'il veille à ce qui se passe, & qu'il soit attentif à jetter du frasin ou de la terre dans les endroits où la fumée lui paroîtra sortir trop épaisse. S'il arrive que l'air qui s'échappe du bois, mêlé avec la fumée, ne trouve pas une issue facile, cet air se mettra à circuler intérieurement, en faisant un bruit sourd & assex violent; ce bruit finira ordinairement par un éclat, & par une ouverture qu'on appelle aussi cheminée; mais mieux vent: le Charbonnier bouchera cette ouverture avec de la terre ou du frasin. Au bruit quise fera intérieurement, & à l'éclat qui le suivra, ceux qui n'auront jamais vû faire de charbon, croiront volontiers que le fourneau s'est entr'ouvert, & est dispersé; cependant cela n'arrive jamais. Tout l'effet se réduira à un petit passage où l'on remarquera un cours de fumée considérable, que l'ouvrier arrêtera avec une légere pelletée de terre ou de frasin.

L'ouvrier aura encore une autre attention, ce sera de couvrir peu - à - peu le bas de son fourneau, & de retrécir cet espace que nous avons dit qu'il avoit laissé découvert. Quand il aura fait cet ouvrage, il pourra quitter son feu, & s'en aller travailler à la construction d'un autre fourneau. Il suffira que d'heure en heure, ou de demi - heure en demi - heure, il vienne modérer les torrens de fumée, & qu'il accoure quand il sera averti & appellé par les bruits des vents, ce qui arrivera de tems en tems. Il faudra, pour que le fe brûle également, que la fumée s'exhale également de tout côté, excepté au sommet vers la cheminée, où l'on entretiendra le cours de la fumée plus fort qu'ailleurs.

Il arrivera quelquefois dès le premier jour, sur le soir, que le feu ait été plus vîte dans un endroit que dans un autre, ce que l'on appercevra par les inégalités qui se feront à la surface du côté où le fourneau aura brûlé trop vîte; alors le Charbonnier prendra le rabot; le rabot est un morceau de bois plat, taillé comme un segment de cercle, & emmanché dans le milieu de sa surface d'un long morceau de bois; les deux angles du segment servent à ouvrir le fourneau; & le côté rectiligne, à étendre la terre ou le frasin sur le fourneau, & à l'unir. Le Charbonnier, avec la corne de cet instrument, découvrira le côté élevé du fourneau, & lui donner de l'air, jusqu'à ce qu'il paroisse une espece de flamme légere; si la flamme étoit vive & forte, le bois se consumeroit, & l'on auroit des cendres au lieu de charbon.

La premiere nuit, l'ouvrier ira visiter son seu deux à trois fois, examinera le vent, placera les claies comme il convient, donnera de l'air aux endroits qui en auront besoin, & le supprimera dans ceux où il paroîtra en avoir trop. Le feu n'ira bien, & le fourneau ne sera bien conduit, que quand, par l'attention du Charbonnier à étouffer & à donner de l'air à tems & aux endroits convenables, l'affaissement du fourneau se fera à - peu - près uniformément par - tout.

Le second jour, le travail du Charbonnier ne sera pas considérable; mais à l'approche de la nuit du deuxieme jour, il ne pourra plus le quitter. La cuisson du charbon s'avancera, & le grand feu ne tardera pas à paroìtre. On appelle l'apparition du grand feu, le moment où toute la chemise se montre rouge & en feu; ce sera alors le moment de polir le sourneau; on regardera le charbon comme cuit; on prendra le rabot & la pelle; on rechargera le fourneau de terre & de frasin avec la pelle, & on l'unira avec le côté rectiligne du rabot, en tirant le frasin ou la terre de haut - en - bas, ce qui achevera de fermer la

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