ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"162"> ne coupeuse, afin qu'il n'y en ait point de perdu: l'autre, c'est de ne point enlever de pieces de la peau; ces pieces s'appellent chiquettes: ce font des ordures qui gâtent dans la suite l'ouvrage; & les défauts qu'elles y occasionnent font des duretés sensibles aux doigts auxquelles on a conservé le même nom de chiquettes. Il faut que la coupe se fasse très - vîte, car les habiles peuvent couper une pesée en deux jours ou deux jours & demi. A mesure que les coupeuses travaillent, elles enlevent le poil coupé & le mettent proprement dans un panier.

On distingue le poil en gros & en fin, avant que la peau soit arrachée; & quand on la coupe, on distingue le fin en trois sortes, le blanc, le beau noir, & l'anglois. Le blanc est celui de dessous le ventre, qui se trouve placé sur les deux extrémités de la peau, lorsque l'animal en est dépouillé; car pour le dépouiller, on ouvre l'animal sous le ventre, & on fend sa peau de la tête à la queue. Le beau noir est le poil placé sur le milieu de la peau, & qui couvre le dos de l'animal: & l'anglois est celui qui est entre le blanc & le noir, & qui revêt proprement les flancs du castor. On s'en tient communément à deux divisions, le blanc & le noir: mais la coupeuse aura l'attention de séparer ces trois sortes de poils, si on le lui demande. Le blanc se fabriquera en chapeaux blancs, quoiqu'on en puisse pourtant faire des chapeaux noirs. Quant au noir, on n'en peut faire que des chapeaux noirs; non plus que de l'anglois dont on se sert pour les chapeaux les plus beaux, parce que ce poil est le plus long, ou qu'on le vend quelquefois aux Faiseurs de bas au metier, qui le font filer & en fabriquent des bas moitié soie & moitié castor. Il sert encore pour les chapeaux qu'on appelle à plumet; on en fait le plumet ou ce poil qui en tient lieu, en s'élevant d'un bon doigt au - dessus des bords du chapeau.

Il y a deux especes de peau de castor, l'une qu'on appelle castor gras, & l'autre castor sec. Le gras est celui qui a servi d'habit, & qu'on a porté sur la peau; plus il a été porté, meilleur il est pour le Chapelier; il a reçu de la transpiration une qualité particuliere. On mêle le poil du casfor gras avec le poil du castor sec; le premier donne du liant & du corps au second: on met ordinairement une cinquieme partie de gras sur quatre parties de sec; aussi ne donne - t - on aux ventes du castor qu'un ballot de gras sur cinq ballots de sec. Mais, dire - t - on, comment fabriquer le poil de castor au défaut de gras? le voici. On prend le poil le plus court & le plus mauvais du sec, on en remplit un sac; on met ce sac de poil bouillir à gros bouillons dans de l'eau pendant 12 heures observant d'entretenir dans le vaisseau toûjours assez d'eau, pour que le poil & le sac ne soient point brûlés. Au bout de ce tems, on tire le sac de la chaudiere, on prend le poil, on le tord, & on l'égoutte en le pressant avec les mains; on l'étend sur une claie, on l'expose à l'air, ou on le fait sécher dans une étuve. On employe ce poil ainsi préparé, quand on manque de gras; on en met plus qu'on n'auroit mis de gras: ce qui ne supplée pourtant pas à la qualité.

Les peaux de castor sec coupées se vendent aux Boisseliers qui en font des cribles communs, & aux marchands de colle - forte, ou aux Bourreliers - Bâtiers, qui en couvrent des bas communs pour les chevaux. Celles de castor gras servent aux Bahutiers, qui en revêtent des coffres.

Voilà tout ce qui concerne la préparation du poil de castor. Quant à la vigogne, on l'épluche. L'éplucher, c'est en ôter les poils grossiers, les noeuds, les ordures, &c. ce qui se fait à la main. On distingue deux sortes de vigogne, la fine qu'on appelle carmeline, & la commune.

Cesont les mêmes ouvriers & onvrieres qui prépa<cb-> tent le poil de lievre. Elles ont un couteau ordinaire à repasser; elles dressent le poil en passant le couteau sur la peau à rebrousse poil; puis avec des ciseaux, elles coupent l'extrémité du long poil & l'égalisent au fin: quand elles ont égalisé tout le gros ou long poil d'une peau, elles en font autant à une autre, & ainsi de suite, jusqu'à ce qu'elles en ayent préparé une certaine quantité; alors, ou d'autres ou les mêmes ouvrieres les reprennent; & avec le couteau à repasser, elles saisissent entre leur pouce & le tranchant du couteau le poil gros & fin, & arrachent seulement ce dernier: le gros reste attaché à la peau. C'est un fait assez singulier, que quoiqu'on tire également l'un & l'autre, ce soit le fin qui soit arraché. Cet arrachement se fait à rebrousse poil; la queue de la peau est tournée du côté de l'arracheuse, & la tête est étendue sur ses genoux.

On distingue aussi deux poils de lievre, l'arréte & le roux. L'arrête, c'est le dos; le roux, ce sont les flancs. Il est à propos d'observer qu'il en est des peaux ce lievre, comme de celles de castor; apres avoir égalisé les poils, on secrete les peaux, c'est - à - dire qu'avant que d'arracher, on les frotte avec le carrelet de la même eau - forte coupée, & qu'on les fait aussi sécher à l'étuve. On sépare dans l'arrachemequi suit ces deux opérations, l'arrête & le roux.

Les peaux de lapin se préparent par les repasseuses. Elles commencent par les ouvrir par le ventre, ainsi que les peaux de lievre; elles les étendent ensuite, & les mouillent un peu du côté de la chair, ce qu'elles font aussi au lievre. Ces peaux étant beau; coup plus minces que celles du caor, il ne faut pas les laisser reposer long - tems, pour qu'elles s'amollissent; elles se mettent ensuite à les arracher, c'est - à - dire à enlever le gros poil avec le couteau à repasser. Quand le gros poil est arraché, on les secrete, on les seche; ensuite les coupeuses coupent le fin avec le couteau à couper, précisément comme aux peaux de castor.

Il y a des maîtres qui achetent le poil tout coupé chez des maîtresses coupeuses; il y en a d'autres qui le font couper chez eux. Celles qui le coupent chez les maîtresses, sont obligées de parer le poil de la peau; pour cet effet, elles coupent la peau entiere à trois reprises; à chaque reprise elles ramassent le poil d'une bande avec leur couteau, & le posent sur une planche, & ainsi des deux autres bandes. Quand elles ont placé les trois bandes de poil sur la planche, comme elles étoient sur la peau, elles transportent le poil des extrémités & autres endroits où il est moins bon, en d'autres endroits; elles en forment un mêlange qui est à - peu - près uniforme, & qui est très - propre à surprendre par l'apparence; elles entourent le tout des bordages de la peau: on appelle de ce nom le poil des extrémités ou bords de la peau. On enleve ce poil avec des ciseaux; pour cet effet, on plie la peau comme s'il s'agissoit de l'ourler du côté du poil, & avec les ciseaux on enleve la surface convexe de l'ouet, & en même tems le poil qui la couvre: il est évident que ce poil doit être mêlé de chiquettes; elles séparent ensuite ces chiquettes du poil, elles placent ce poil sous celui des bandes tout autour, elles mettent le poil d'une peau entiere sous le poil d'une autre, comme par lits, & elles en remplissent des paniers. Il n'y a point d'autre distinction dans le poil de lapin que l'arrête & les bordages; encore n'est - ce qu'une distinction de nom, car dans l'usage on employe également tout le poil.

L'année se partage, relativement aux peaux, en deux saisons, l'hyver & l'été. Les peaux d'éténe donnent point d'aussi bonne marchandise que celles d'hyver. Il y a deux conditions de peaux de lievre & de lapin; celles qui sont blondes sur le dos, grandes & bien fournies, se choisissent entre les autres comme [p. 163] les meilleures, & s'appellent peaux de recette; les autres s'appellent communes.

Quand on se propose de faire des chapeaux avec du poil seul de lapin, il y a une préparation particuliere à donner aux peaux, au lieu de celle du secret. Cette préparation n'est pas généralement connue, elle a été achetée par quelques maîtres. C'est, ou une distillation d'eau - forte toute simple, ou de quelque ingrédient mêlé à cette eau; ils appellent ce qui vient de cette distillation, l'eau de composition. L'effet de cette eau est de donner au poil de lapin la facilité de se lier, de former un tout résistant à la foule, de prendre un corps qui ne se casse point, & ne se résout point à la chaudiere. Cependant, malgré l'eau de composition, les chapeaux de poil de lapin seroient très - mauvais, si on ne mêloit pas ce poil d'un peu de laine & d'autres poils. Les chapeaux de poil de lapin sont d'un verd blanchâtre, quand on les porte à la teinture, couleur qu'ils tiennent peut - être de l'eau de composition.

On secrete pareillement les peaux de lievre avec l'eau de composition, quand on se propose de faire des chapeaux de ce poil sans mêlange. Mais cette eau ne fait que donner plus de qualité à l'ouvrage & plus de facilité à l'ouvrier dans son travail; car il n'est pas impossible d'employer le poil de lievre sans cette eau. Les chapeaux faits de ce poil & secrétés avec l'eau de composition, sont, avant que d'être teints, de couleur de feuille morte, tantôt plus, tantôt moins foncée. Il y reste un petit oeil verd jaunâtre.

Quand tous les poils sont préparés, on les met dans des tonneaux; s'ils y restoient long - tems, ils seroient mangés des vers. Ce sont les différens mêlanges de ces poils & des laines qui constituent les différentes, qualités de chapeaux. Il y a des castors super - sins, des castors, des demi - castors, des fins, des communs, des laines. Les super - fins sont de poils choisis du castor; les castors ordinaires, de castor, de vigogne, & de lievre; les demi - castors, de vigogne commune, de lievre, & de lapin, avec une once de castor, qui sert de dorure ou d'enveloppe aux autres matieres, précisément comme quand une grosse feuille de papier gris est couverte de chaque côté d'une feuille de beau papier blanc. Il y deux dorures, elles s'appellent les deux poinrus, ou les petites capades; elles se mettent à l'endroit du chapeau. Quant à l'envers ou dedans, ce sont deux travers, ou manchettes, ou bandes, qui occupent la surface des aîles du chapeau; car il est inutile que le fond soit doré. On appele ces demi - casters, demi - castors dorés; mais on fabrique des castors & demi - castors où les différentes matieres de l'étoffe sont mêlées, & où il n'y a point de dorures. Ce détail s'entendra beaucoup mieux par ce qui doit suivre. Il n'y a point de dorure aux fins; ceux - ci ne different des demi - castors qu'en ce que la matiere principale y est un peu plus ménagéc. Les communs sont du plus mauvais poil du lapin & du lievre, avec de la vigogne commune, ou de la petite laine. Les laines sont entiererement de laine commune.

Nous ne donnerons point ici la maniere de fabriquer chacun de ces chapeaux séparément; nous tomberions dans une infinité de redites. Nous choisirons seulement celui dont la fabrication demande le plus d'apprêt, & est regardée comme la plus difficile & la plus composée, & dont les autres ne sont que des abregés: c'est celle du chapeau à plumet. Soit donc proposé de faire un chapeau à plumet. Voilà le problème que nous devons mettre notre lecteur, sinon en état de résoudre, du moins en état de bien entendre la solution que nous allons en donner.

Pour fabriquer ce chapeau, on choisit le plus beau poil de castor tant gras que sec; sur quatre parties de sec, on en met une cinquieme de gras; parmi les quatre parties de sec, il n'y en a que les deux tiers de secrété, l'autre tiers ne l'est pas. Le gras ne se secrete point du tout; on partage le poil non secrété en deux moitiés; l'une pour le fond, l'autre pour la dorure: on laisse cette derniere moitié à l'écart. Quant à l'autre moitié, & au reste de la matiere qui doit entrer dans la fabrique du fond, on les donne au cardeur. Le cardeur de poil mêle le tout ensemble le plus exactement qu'il peut, avec des baguettes, & carde ensuite. Ses cardes sont extrêmement fines; sa manoeuvre a deux parties; l'une s'appelle passer ou carder en premier; l'autre, repasser en second. Pour cet effet, il prend du poil, le met sur sa carde, & le carde à l'ordinaire; après quoi il retourne la cardée d'un côté, & continue de carder; puis il retourne la cardée de l'autre côté, & continue de carder, observant de réiterer toute cette manoeuvre une seconde fois. Après avoir donné cette façon à tout son poil, ou à mesure qu'il la lui donne, un autre ouvrier repasse en second. Le repassage en second ne differe point du passage en premier, & se réïtere pareillement; on y apporte seulement plus de soin & de précaution.

Le poil se donne & se reprend au poids. On accorde au cardeur six onces de déchet par paquet de 15 à 16 livres; mais ce déchet est assez ordinairement suppléé par le poids d'huile commune dont les cardeurs arrosent le paquet, quand ils en mêlent les différens poils avec leurs baguettes. Cette aspersion d'huile ménage les cardes & facilite le travail.

Le paquet cardé est rendu au maître, qui le distribue aux compagnons au poids, selon la force des chapeaux qu'il commande. Il y a des chapeaux depuis quinze onces jusqu'à trois; & le salaire du compagnon est le même depuis trois onces jusqu'à neuf & demie; depuis neuf & demie jusqu'à onze il a cinq sols de plus; passé onze ouces, les chapeaux étant extraordinaires, ont des prix particuliers.

La matiere distribuée par le maître aux compagnons, au sortir des mains du cardeur, s'appelle l'étoffe. On pese deux chapeaux à un compagnon, c'est sa journée; on lui donne une once de dorure, depuis quatre onces d'étoffe jusqu'à huit & davantage; on lui en pese par conséquent deux onces. Le compagnon met cette dorure à l'écart; quant à l'étoffe de ses deux chapeaux, il la sépare moitié par moitié à la balance; il met à part une de ces moitiés; il sépare l'autre en quatre à la balance; puis il arçonne séparément chacune de ces quatre parties. Voyez les articles Arçon & Arçonner.

L'arçon est une espece de grand archet, tel qu'on le voit fig. 6. il est composé de plusieurs parties. A B est un bâton rond de 7 à 8 piés de longueur, qu'on appelle perche; près de l'extrémité B est sixée à tenons & mortoise une petite planche de bois chantournée, comme on le voit dans la figure, qu'on appelle bec de corbin. Elle a sur son épaisseur en C une rainure où se loge la corde de boyau c C, qui après avoir passé dans une fente pratiquée à l'extrémité B de la perche, va se rouler & se fixer sur des chevilles de bois, qui sont au côté de la perche, opposées diamétralement au bec de corbin. A l'extrémité A de la perche est aussi fixée à tenons & mortoise une autre planche de bois D, qu'on appelle panneau; cette planche est évidée, pour être plus légere, & elle est dans le même plan que le bec de corbin C; elle est aussi plus forte par ses extrémités que dans son milieu; sa force du côté de la perche fait qu'elle s'y applique plus fermement; l'épaisseur qu'on lui a réservée de l'autre côté sert à recevoir le cuiret C C, ou un morceau de peau de castor qu'on tend sur l'extrémité E du panneau, au moyen des cordes de boyau C 2, C 2, attachées à ces extrémités. Ces

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