ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"134"> d'Hippone en 391, est considéré comme le premier qui ait rétabli la vie commune des clercs en Occident; mais il ne les qualifie pas de chanoines. Et depuis S. Augustin jusqu'au second concile de Vaison, tenu en 529, on ne trouve point d'exemple que les clercs vivant en commun ayent été appellés chanoines, comme ils le sont par ce concile, & ensuite par celui d'Orléans.

Clovis ayant fondé à Paris l'église de S. Pierre & S. Paul, y etablit des clercs qui vivoient en commun sub canonica religione.

Grégoire de Tours, liv. X. de son hist. & ch. jx. de la vie des peres, dit que ce fut un nommé Baudin évêque de cette ville, qui institua le premier la vie commune des chanoines, hic instituit mensam canonicorum: c'étoit du tems de Clotaire I. qui regnoit au commencement du vj. siecle.

On trouve cependant plusieurs exemples antérieurs de clercs qui vivoient en commun : ainsi Baudin ne fit que rétablir la vie commune, dont l'usage étoit déjà plus ancien, mais n'avoit pas toûjours été observé dans toutes les églises; ce qui n'empêchoit pas que depuis l'institution des cathédrales, l'évêque n'eût un clerge attaché à son église, composé de prêtres & de diacres qui formoient le conseil de l'évêque, & que l'on appelloit son presbytere.

Le concile d'Ephese écrivit en 431 au clergé de Constantinople & d'Alexandrie, ad clerum populumque Constantinopolitanum, &c. pour leur apprendre la déposition de Nestorius. Tom. III. des conc. pag. 571 & 574.

Le pape Syrice condamna Jovinien & ses erreurs dans une assemblée de ses prêtres & diacres, qu'il appelle son presbytere.

Lorsque le pape Félix déposa Pierre Cnaphée faux évêque d'Antioche, il prononça la sentence tant en son nom que de ceux qui gouvernoient avec lui le siége apostolique, c'est - à - dire ses prêtres & ses diacres.

Les conciles de ces premiers siecles sont tous souscrits par le presbytere de l'évêque. C'est ce que l'on peut voir dans les conciles d'Afrique, tome II. des conciles, pag. 1202. Thomassin, discipl. de l'Eglise. part. I. liv. I. ch. xlij.

Le quatrieme concile de Carthage en 398, défendit aux évêques de décider aucune affaire sans. la participation de leur clergé: Ut episcopus nullius causam audiat absque prasentiâ clericorum suorum; alioquin irrita erit sententia episcopi, nisi clericorum prasentiâ confirmetur.

S. Cyprien communiquoit également à son clergé les affaires les plus importantes, & celles qui étoient les plus légeres.

S. Grégoire le grand, pape, qui siégeoit vers la sin du vj. siecle & au commencement du vij. ordonna le partage des biens de l'église en quatre parts, dont une étoit destinée pour la subsistance du clergé de l'évêque: ce qui fait juger que la vie commune n'étoit pas alors observée parmi les chanoines.

Paul diacre, prétend que S. Chrodegand évêque de Metz, qui vivoit vers le milieu du vij. siecle sous le regne de Pepin, fut celui qui donna commencement à la vie commune des chanoines: on a vû néanmoins que l'usage en est beaucoup plus ancien; saint Chrodegand ne sit donc que la rétablir dans son église.

Ce qui a pû le faire regarder comme l'instituteur de la vie canoniale, est qu'il fit une regle pour les chanoines de son église, qui fut approuvée & reçùe par plusieurs conciles de France, & confirmée par lautorité même des rois.

Cette regle est la plus ancienne que nous ayons de cette espece: elle est tirée pour la plus grande partie de celle de S. Benoît, que S. Chrodegand accommoda à la vie des clercs.

Dans la préface il déplore le mépris des canons, la négligence des pasteurs, du clergé, & du peuple.

La regle est composée de trente - quatre articles, dont les principaux portent en substance: que les chanoines devoient tous loger dans un cloître exactement fermé, & couchoient en différens dortoirs communs, où chacun avoit son lit. L'entrée de ce cloître étoit interdite aux femmes, & aux laïques sans permission. Les domestiques qui y servoient, s'ils étoient laïques, étoient obligés de sortir si - tôt qu'ils avoient rendu leur service. Les chanoines avoient la liberté de sortir le jour, mais ils devoient se rendre tous les soirs à l'église pour y chanter complies; après lesquelles ils gardoient un silence exact jusqu'au lendemain à prime. Ils se levoient à deux heures pour dire matines; l'intervalle entre matines & laudes, étoit employé à apprendre les pseaumes par coeur, ou à lire & étudier. Le chapitre se tenoit tous les jours après prime: on y faisoit la lecture de quelque livre édifiant; après quoi l'évêque ou le supérieur donnoit les ordres, & faisoit les corrections. Après le chapitre, chacun s'occupoit à quelque ouvrage des mains, suivant ce qui lui étoit prescrit. Les grands crimes étoient soumis à la pénitence publique; les autres à des pratiques plus ou moins rudes, selon les circonstances. La peine des moindres fautes étoit arbitraire; mais on n'en laissoit aucune impunie. Depuis Pâques jusqu'à la Pentecôte, ils faisoient deux repas & mangeoient de la viande, excepté le vendredi: depuis la Pentecôte jusqu'à la saint Jean, l'usage de la viande leur étoit interdit; & depuis la saint Jean jusqu'à la saint Martin, ils faisoient deux repas par jour, avec abstinence de viande le mercredi & le vendredi. Ils jeûnoient jusqu'à none pendant l'avent; & depuis Noël jusqu'au carême, trois jours de la semaine seulement. En carême ils jeûnoient jusqu'à vêpres, & ne pouvoient manger hors du cloître. Il y avoit sept tables dans le réfectoire; la premiere, pour l'évêque qui mangeoit avec les hôtes & les étrangers, l'archidiacre, & ceux que l'évêque y admettoit; la seconde, pour les prêtres; la troisieme, pour les diacres; la quatrieme, pour les soûdiacres; la cinquieme, pour les autres clercs; la sixieme, pour les abbés & ceux que le supérieur jugeoit à propos d'y admettre; la septieme, pour les cleres de la ville les jours de fêtes. Tous les chanoines devoient faire la cuisine chacun à son tour, excepté l'archidiacre & quelques autres officiers occupés plus utilement. La communauté étoit gouvernée par l'évêque, & sous lui par l'archidiacre & le primicier, que l'évêque pouvoit corriger & déposer s'ils manquoient à leur devoir. Il y avoit un célérier, un portier, un infirmier: il y avoit aussi des custodes ou gardiens des principales églises de la ville. On avoit soin des chanoines malades, s'ils n'avoient pas dequoi subvenir à leurs besoins. Ils avoient un logement séparé, & un clerc chargé d'en prendre soin. Ceux qui étoient en voyage avec l'évêque ou autrement, gardoient autant qu'il leur étoit possible la regle de la communauté. On fournissoit aux chanoines leur vêtement uniforme: les jeunes portoient les habits des anciens, quand ils les avoient quittés. On leur donnoit de l'argent pour acheter leur bois. La dépense du vestiaire & du chaussage se prenoit sur les rentes que l'église de Metz levoit à la ville & à la campagne. Les clercs qui avoient des bénéfices devoient s'habiller: on appelloit alors bénéfice, la joüissance d'un certain sonds accordée par l'évêque. La regle n'obligeoit pas les clercs à une pauvreté absolue; mais il leur étoit prescrit de se défaire en faveur de l'église, de la propriété des fonds qui leur [p. 135] appartenoient, & de se contenter de l'usufruit & de la disposition de leurs effets mobiliers. Ils avoient la libre disposition des aumônes qui leur étoient données pour leurs messes, pour la confession, ou pour l'assistance des malades. à moins que l'aumóne ne fùt donnée pour la communauté. Les clercs qui n'etoient point de la communauté & qui demeuroient dans la ville hors du cloitre, devoient venir les dimanches & fêtes aux nocturnes & aux matines dans la cathédrale; ils assistoient au chapitre & à la messe, & mangeoient au réfectoire à la septieme table qui leur étoit destinée. Les chanoines pouvoient avoir des cleres pour les servir, avec la permission de l'évêque. Ces clercs étoient soûmis à la correction, & devoient assister aux offices en habit de leur ordre, comme les clercs du dehors; mais ils n'assistoient point au chapitre, & ne mangeoient point au réfectoire. Enfin il étoit ordonné aux clercs de se consesser deux fois l'année à l'évêque, au commencement du carême & depuis la mi - Août jusqu'au premier de Novembre; sauf à se confesser dans les autres tems autant de fois & à qui ils voudroient. Ils devoient communier tous les dimanches & les grandes fêtes, à moins que leurs péchés ne les en empêchassent.

Telle étoit en substance la regle de S. Chrodegand, qu tous les chanoines embrasserent depuis, comme les moines celle de S. Benoit.

Charlemagne, dans un capitulaire de 789, ordonne à tous les chanoines de vivre selon leur regle: c'est pourquoi quelques - uns tiennent que leur établissement précéda de peu de tems l'empire de Charlemagne. Il est certain qu'il cimenta leur établissement. Voyez le discours de Frapaolo, page 65. Pasquier prétend que l'on ne connoissoit point le nom de chanoine avant Charlemagne; mais il est certain qu'en Orient les colléges & communautés de clercs, commenceren: dès le quatrieme siecle à porter le nom de chanoines. S. Basile & S. Cyrille de Jérusalem, sont les premiers qui se sont servi du terme de chanoines & de chanoinesses. Le concile de Laodicée, que quelques - uns croyent avoir été tenu en 314, d'autres en 319, défend, art. 15. à toures personnes de chanter dans l'église, à l'excepïion des chanoines chantres. Le premier concile de Nicée, tenu en 325, fait souvent mention des cles - chanoines. Pour ce qui est de l'église d'Occident, le nom de chanoine ne commença gucre à être usité que vers le vj. siecle.

Le vj. concile d'Arles, en 813, can. 6. distingue les chanoines des réguliers, qui dans cet endroit s'entendent des moines.

Le concile de Tours, tenu en la même année, distingue trois genres de communauté: les chanoines soùmis à l'évêque, d'autres soûmis à des abbés, & les monasteres de religieux. Il paroît par quelques canons de ce concile, que la profession religieuse commençant à s'abolir dans quelques monasteres, les abbés y vivoient plûtôt en chanoines qu'en religieux; ce qui fit que peu - à - peu ces monasteres se séculariserent, & que les chapitres de chanoines furent substitués à beaucoup de monasteres.

Au concile d'Aix - la - Chapelle, tenu en 816, on rédigea une regle pour les chanoines, & une pour les religieuses. Henaut, année 816. Ce même concile défendit aux chanoines de s'approprier les meubles de l'évêque décédé, comme ils avoient fait jusqu'alors.

Dans le x. siecle, outre les chapitres des églises cathédrales, on en établit d'autres dans les villes où il n'y avoit point d'évêque, & ceux - ci furent appellés collégiales. Par succession de tems, on a multiplié les collégiales, même dans plusieurs villes épiscopales.

Les conciles de Rome, en 1019 & en 1063, or donnerent aux clercs de reprendre la vie commune que la plûpart avoient abandonnée: elle fut en effet rétablie dans plusieurs cathédrales du royaume; ce qui dura ainsi pendant l'espace d'un siecle enviton. Mais avant l'an 1200, on avoit quitté presque partout la vie commune, & l'on autosa le partage des prébendes entre les chanoines: & tel est l'état présent de tous les chanoines séculiers des églises cathédrales & collégiales.

Suivant la regle 17 de la chancellerie romainc, à laquelle la jurisprudence de plusieurs tribunaux se trouve conforme, il suffit d'avoir 14 ans accomplis pour être chanoine dans une église cathédrale; au grand conseil on juge qu'il suffit d'avoir dix ans; Pour être chanoine de Paderborn, il faut avoir 21 ans, avoir étudié dans une université fameuse de France ou d'ltalie, pendant un an & six semaines, sans avoir déconche. Tabl. de l'emp. Germ. p. 94.

Il y a plusieurs chapitres dans lesquels on ne peut être reçú sans faire preuve de noblesse, tel que celui des comtes de Lyon, de Strasbourg, & autres. Dans le chapitre noble de Wirtzbourg, le chanoine élú passe entre les chanoines rangés en haie, & reçoit d'eux des coups de verges sur le dos: on tient que cela a été ainsi établi pour empêcher les barons & les comtes d'avoir entrée dans ce chapitre. Tab. de l'emp. Germ. p. 91.

Pour ce qui est de l'ordre ecclésiastique que doivent avoir les chanoines, le concile de Trente, sess. 24. ch. xij. laisse ce point à la disposition des évêques; il ordonne néanmoins que dans les églises cathédrales il y ait au moins la moitié des chanoines qui soient prêtres, & les autres diacres ou soûdiacres; il recommande l'exécution des statuts particuliers des églises, qui veulent que le plus grand nombre, & même tous les chanoines soient prètres.

Les conciles provinciaux qui ont suivi ont fait des réglemens à - peu - près semblables; tels sont celui de Roüen enu en 1581, & ceux de Reims, Bordeaux & Tours en 1583.

Ces réglemens ne sont pas observés par - tout d'une maniere uniforme; mais on les suit dans plusieurs églises, dont le titre de la fondation, ou les statuts particuliers l'ordonnent ainsi; & les arrêts des cours souveraines ont confirmé ces réglemens toutes les fois que l'on a voulu y déroger.

Les chanoines qui ne sont pas au moins soûdiacres, n'ont point de voix en chapitre, & ne peuvent donner leur suffrage pour l'élection d'aucun bénéficier, ni nommer aux bénéfices; mais si la nomination est attachée à la prébende d'un chanoine en particulier, il peut nommer au bénéfice, quoiqu'il ne soit pas dans les ordres sacrés.

Les chanoines des églises cathédrales & collégiales sont obligés de résider dans le lieu de leur canonicat, & d'assister au service dans l'église à laquelle il est attaché.

Ils ne peuvent dans chaque année s'absenter pendant l'espace de plus de trois mois, soit de suite, ou en différens tems de l'année; & si les statuts du chapitre exigent une résidence plus exacte, ils doivent être observés.

Mais si les statuts permettoient aux chanoines de s'absenter pendant plus de trois mois, ils seroient abusifs, quelques anciens qu'ils fussent, quand même ils auroient été autorises par quelque bulle du pape.

On trouve cependant qu'à Hildesheim en Allemagne, évêché fondé par Louis le débonnaire, où le chapitre est composé de vingt - quatre chanoines capitulans, & de six dignités, le prévôt, le doyen, & quatre chore - évêques, chori - episcopi; lorsqu'un chanoine a fait son stage, qui est de trois mois, il lui

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