ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

RECHERCHE Accueil Mises en garde Documentation ATILF ARTFL Courriel

Previous page

"128">

Le premier est l'échange réel, qui se fait sous un certain droit d'une monnoie pour une autre monnoie, chez les changeurs publics. Voyez Changeurs.

Le second change est une négociation par laquelle un négociant transporte à un autre les fonds qu'il a dans un pays étranger, à un prix dont ils conviennent.

Il faut distinguer deux objets dans cette négociation; le transport, & le prix de ce transport.

Le transport se fait par un contrat mercantil appellé littre de change, qui représente les fonds dont on fait la cession. Voyez Lettre de change.

Le prix de ce transport est une compensation de valeur d'un pays à un autre: on l'appelle prix du change. Il se divise en deux parties l'une est som pair, l'autre son cours.

L'exacte égalité de la monnoie d'un pays à celle d'un autre pays, est le pair du prix du change.

Lorsque les circonstances du commerce éloignent cette compensation de son pair, les variations qui en résultent sont le cours du prix du change.

Le prix du change peut être défini en général, une compensation momentanée des monnoies de deux pays, en raison des dettes réciproques.

Pour rendre ces définitions plus sensibles, il est à propos de considérer le change sous ses divers aspects, & dans toutes ses parties.

Nous examinerons l'origine du change comme transport qu'un négociant fait à un autre des fonds qu'il a dans un pays étranger quelconque, sa nature, son objet, son effet: nous expliquerons l'origine du prix du change, ou de la compensation des monnoies; son essence, son pair, son cours, la propriété de ce cours, le commerce qui en résulte.

Le premier commerce entre les hommes se sit par échange: la communication s'accrut, & les besoins réciproques augmenterent avec le nombre des denrées. Bientôt une nation se trouva moins de marchandises à échanger, que de besoins; ou celles qu'elle pouvoit donner, ne convenoient pas à la nation de qui elle en recevoit dans ce moment. Pour payer cette inégalité, l'on eut recours à des signes qui représentassent les marchandises.

Asin que ces signes fussent durables & susceptibles de beaucoup de division sans se détruire, on choisit les métaux, & l'on choisit les plus rares pour en faciliter le transport.

L'or, l'argent, & le cuivre devinrent la mesure des ventes & des achats: leurs portions eurent dans chaque état une valeur proportionnée à la finesse & au poids qu'on leur y donna arbitrairement; chaque législateur y mit son empreinte, afin que la forme en répondît. Ces portions de métaux d'un certain titre & d'un certain poids furent appellées monnoies. Voyez Monnoie.

A mesure que le commerce s'étendit, les dettes réciproques se multiplierent, & le transport des métaux représentans la marchandise devint pénible: on chercha des signes des métaux mêmes.

Chaque pays achete des denrées, ainsi qu'il en vend; & par conséquent se trouve tout à la fois débiteur & créancier. On en conclut que pour payer les dettes réciproques, il suffisoit de se transporter mutuellement les créances réciproques d'un pays à un autre, & même à plusieurs, qui seroient en correspondance entre eux. Il fut convenu que les métaux seroient représentés par un ordre que le créancier donneroit par écrit à son débiteur, d'en payer le prix au porteur de l'ordre.

La multiplicité des dettes réciproques est donc l'origine du change considéré comme le transport qu'un négociant fait à un autre des fonds qu'il a dans un pays étranger.

Puisqu'il suppose des dettes réciproques, sa ture consiste dans l'échange de ces dettes, ou des débiteurs. Si les dettes n'étoient pas réciproques, la négociation du change seroit impossible, & le payement de la marchandise se feroit nécessairement par le transport des métaux.

L'objet du change est conséquemment d'épargner le risque & les frais de ce transport.

Son effet est que les contrats qu'il employe ou les lettres de change, représentent tellement les métaux, qu'il n'y a aucune différence quant à l'effet.

Un exemple mettra ces propositions dans un plus grand jour.

Supposons Pierre de Londres débiteur de Paul de Paris, pour des marchandises qu'il lui a demandées; & qu'en même tems Antoine de Paris en a acheté de Jacques de Londres pour une somme pareille: si les deux créanciers Paul de Paris & Jacques de Londres échangent leurs débiteurs, tout transport de métaux est superflu. Pierre de Londres comptera à Jacques de la même ville, la somme qu'il doit à Paul de Paris; & pour cette somme, Jacques lui transportera par un ordre écrit, celle qu'il a à Paris entre les mains d'Antoine. Pierre, propriétaire de cet ordre, le transportera à Paul son créancier à Paris; & Paul, en le représentant à Antoine, en recevra le payement.

Si aucun négociant de Paris n'eût dû à Londres, Pierre eût été obligé de transporter ses métaux à Paris pour acquitter sa dette: ou si Jacques n'avoit vendu à Paris que pour la moitié de la somme que Pierre y devoit, la moitié de la dette de Pierre eût été acquittée par échange, & l'autre moitié par un transport d'especes.

Il est donc évident que le change suppose des dettes réciproques, que sans elles il n'existeroit point, & qu'il consiste dans l'échange des débiteurs.

L'exemple proposé prouve également que l'objet du change est d'épargner le transport des métaux. Supposons les dettes de chacune des deux villes de 10 marcs d'argent, & évaluons le risque avec les frais du commerce à un demi - marc: on voit que sans l'échange des débiteurs il en eût coûté 10 marcs & demi à chacun d'eux, au lieu de dix marcs.

L'effet du change est aussi parfaitement démontré dans cet exemple, puisque la lettre de change tirée par Jacques de Londres sur Antoine de Paris étoit tellement le signe des métaux, que Paul de Paris, à qui elle a été envoyée, a réellement reçu 10 marcs d'argent en la représentant.

Cette partie du change que nous avons définie, le transport qu'un négociant fait à un autre des fonds qu'il a dans un pays étranger, s'applique à la représentation des métaux: la seconde partie, ou le prix du change, 'applique à la chose représentée.

Lorsque l'or, l'argent, & le cuivre, furent introduits dans le commerce pour y être les signes des marchandises, & qu'ils furent convertis en monnoie d'un certain titre & d'un certain poids, les monnoies prirent leur dénomination du poids qu'on leur donna; c'est - à - dire, qu'une livre pesant d'argent fut appellée une livre.

Les besoins ou la mauvaise foi firent retrancher du poids de chaque piece de monnoie, qui conserva cependant sa dénomination.

Ainsi il y a dans chaque pays une monnoie réelle, & une monnoie idéale.

On a conservé les monnoies idéales dans les comptes pour la commodité: ce sont des noms collectifs, qui comprennent sous eux un certain nombre de monnoies réelles.

Les altérations survenues dans les monnoies, n'ont pas été les mêmes dans tous les pays: le rap<pb-> [p. 129] port des poids n'est pas égal, non plus que celui du titre; la dénomination est souvent différente: telle est l'origine de la comparaison qu'il faut faire de ces monnoies pour les échanger l'une contre l'autre, ou les compenser.

Le besoin plus ou moins grand que l'on a de cet échange, sa facilité ou sa difficulté, enfin sa convenance & ses frais, ont une valeur dans le commerce; & cette valeur influe sur le prix de la compensation des monnoies.

Ainsi leur compensation ou le prix du change, renferme deux rapports qu'il faut examiner.

Ce sont ces rapports qui sont on essence; car si les monnoies de tous les pays étoient encore réelles, si elles étoient d'un même titre, d'un même poids; enfin si les convenances particulieres n'étoient point évaluées dans le commerce, il ne pourtoit y avoir de difference entre les monnoies; & des - lors il n'y auroit point de compensation à faire; une lettre de change seroit simplement la représentation d'un certain poids d'or ou d'argent.

Une lettre de change sur Londres de 100 livres, représenteroit 100 livres, qui dans cette hypothese seroient réelles & parfaitement égales.

Mais dans l'ordre actuel des choses, la différence entre les monnoies de France & d'Angleterre, & les circonstances du commerce, influeront sur la quantité qu'il faut de l'une de ces monnoies pour payer une quantité de l'autre.

De ces deux rapports, celui qui résulte de la combinaison des monnoies est le plus essentiel, & la base nécessaire de la compensation ou du prix du change.

Pour trouver ce rapport juste de la combinaison des deux monnoies, il faut connoître avec la plus grande précision le poids, le titre, la valeur idéale de chacune, & le rapport des poids dont on se sert dans l'un & l'autre pays pour peser les métaux.

L'argent monnoyé en Angleterre est du même titre que l'argent monnoyé de France; c'est - à - dire, à 11 deniers de fin, 2 deniers de remede de loi. Voyez Remede de Loi.

La livre sterling est une monnoie idéale, ou un nom collectif qui comprend sous lui plusieurs monnoies réelles, comme les écus ou crowns de 60 sous courans, les demi - crowns, les schelins de 12 s. &c.

Les écus ou crowns pesent chacun une once trois deniers treize grains; mais l'once de la livre de trov (Voyez Livre de troy) ne pese que 480 grains; ainsi le crown en pese 565, & il vaut 5 s. ou 60 d. sterling.

En France nous avons deux sortes d'écus; l'écu de change ou de compte, toûjours estimé trois liv. ou 60 f. tournois, valeurs également idéales.

La seconde espece de nos écus, est celle des pieces réelles d'argent que nous appellons écus: ils sont, comme ceux d'Angleterre, au titre effectif de 10 deniers 22 grains de fin: ils sont à la taille de 16 3/5 au marc; le marc de huit onces; l'once de 576 grains: ils passent pour la valeur de 60 s. mais ils n'en valent intrinséquement que 56 1/2, le marc à 46 liv. 18 s.

Cette différence vient du droit de seigneuriage, & des frais de brassage ou fabrication, évalués à 2 livres 18 sous par marc. Voyez Seigneuriage & Brassage.

Tout cela posé, pour connoître combien de parties d'un crown ou de 60 den. sterling acquittera notre écu de la valeur intrinseque de 56 s. 6 den. il faut comparer ensemble les poids & les valeurs; les titres étant égaux, il n'en résulteroit aucune différence: il est inutile de les comparer.

938 s. prix du marc de France       =  8 onces de

)( once de France                   =  576 grains
                                       de poids.
565 grains poids d'un crown         =  60 den. ster 
                                             ling.
          X                        =  56 1/2 valeur
                      intrinseque de l'ecu courant.
 - - - - - - - - - - - - - - - 
Le rapport 29 den. 1/2.

Le nombre trouvé de 29 d. 1/2 sterling, est le rapport juste de la comparaison des deux monnoies, ou le pair du prix du change; c'est - à - dire que notre écu réel de la valeur intrinseque de 56 s. 6 den. porté à Londres, y vaudra 29 den. 1/2 sterling, ou 29 s. 6 d. courans: or notre écu de compte de 3 liv. ou 60 s. tournois représentant l'écu réel, il s'ensuit que sa valeur est la même.

Si conservant le titre, la France augmentoit sa monnoie du double, c'est - à - dire, que le marc d'argent ors d'oeuvre à 46 liv. 18 s. montât à 93 liv. 16 s. nos écus réels qui ont cours pour 3 liv. doubleroient de dénomination; ils prendroient la place des écus qui ont cours pour 6 liv. & ces derniers auroient cours pour douze: mais leur valeur de poids & de titre n'ayant point augmenté, ils ne vaudroient que le même prix relativement à l'Angleterre; on substitueroit aux écus de 56 s. 6 den. actuels, d'autres écus qui auroient cours pour 3 liv. de 33 1/ au marc: ces écus dont le poids seroit diminué de moitié, ne vaudroient à Londres que 14 den. 3/4 sterling; & l'écu de compte représentant toûjours l'écu de 3 liv. réel, la parfaite égalité de la compensation, ou le pair du prix du change seroit à 14 den. 3/4 sterling.

Si au contraire l'espece diminuoit de moitié, si le marc d'argent hors d'oeuvre baissoit de 46 liv. 18 s. à 23 liv. 9 s. le marc, en conservant le titre, nos écus réels qui ont aujourd'hui cours pour 3 liv. ne seroient plus que des pieces de 30 s. valeur numéraire: mis le poids & le titre n'ayant point changé, ces pieces de 30 s. vaudroient toûjours à Londres 29 den. 1/2 sterling; les écus qui ont aujourd'hui cours pour 6 liv. de la valeur intrinseque de 113 s. & à la taille de 8 3/ au marc, ne seroient plus que des écus de 3 liv. valeur numéraire, & de 56 s. 6 den. valeur intrinseque: mais le poids de cet écu se trouvant doublé, ils seroient évalués à Londres à 59 den. sterling.

C'est donc le poids & le titre d'une monnoie qui forment évidemment sa valeur relative avec une autre monnoie; & les valeurs numéraires ne servent qu'à la dénomination de cette valeur relative.

Ce rapport qui indique la quantité précise qu'il faut de l'une pour égaler une quantité de l'autre, est appellé le pair du prix du change: tant qu'il est la mesure de l'échange des monnoies, la compensation est dans une parfaite égalité.

Jusqu'à présent nous n'avons parlé du pair réel du change, que sur la proportion des monnoies d'argent entr'elles; parce que ce métal étant d'un plus grand usage dans sa circulation, c'est lui qu'on a choisi pour faire l'évaluation de l'échange des monnoies. On se tromperoit cependant si l'on jugeoit toûjours sur ce pié - la du bénéfice que fait une nation dans son change avec les étrangers.

On sait qu'outre la proportion générale & uniforme dans tous les pays, entre les degrés de bonté de l'or & de l'argent, il y en a une particuliere dans chaque état entre la valeur de ces métaux: elle est réglée sur la quantité qui circule de l'une & de l'autre, & sur la proportion que gardent les peuples voisins: car si une nation s'en éloignoit trop, elle perdroit bien - tôt la portion de métal dont il y auroit du profit à faire l'extraction.

Next page


The Project for American and French Research on the Treasury of the French Language (ARTFL) is a cooperative enterprise of Analyse et Traitement Informatique de la Langue Française (ATILF) of the Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), the Division of the Humanities, the Division of the Social Sciences, and Electronic Text Services (ETS) of the University of Chicago.

PhiloLogic Software, Copyright © 2001 The University of Chicago.