ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"26"> soit en - haut, soit en - bas, soit aux côtés du charbon: c'est pourquoi en suivant cette notion de la nature de la chaleur, il est aisé de comprendre comment la chaleur peut être produite méchaniquement & de diverses manieres: car si l'on en excepte certains cas particuliers, de quelques moyens qu'on se serve pour imprimer aux parties insensibles d'un corps une agitation violente & confuse, on produira la chaleur dans ce corps; & comme il y a plusieurs agens & opérations par lesquelles cette agitation peut être effectuée, il faut qu'il y ait aussi plusieurs voies méchaniques de produire la chaleur. On peut confirmer par des expériences la plûpart des propositions ci - dessus; & dans les laboratoires des Chimistes le hasard a produit un grand nombre de phénomenes applicables à la these présente. Voyez les oeuvres de Boyle.

Ce système est poussé plus loin par Newton. Il ne regarde pas le feu comme une espece particuliere de corps doué originairement de telle & telle propriété; mais selon lui le feu n'est qu'un corps fortement igné, c'est - à - dire chaud & échauffé au point de jetter une lumiere abondante. Un fer rouge est - il autre chose, dit - il, que du feu? Un charbon ardent est - il autre chose que du bois rouge & brûlant? Et la flamme elle - même est - elle autre chose que de la fumée rouge & ignée? Il est certain que la flamme n'est que la partie volatile de la matiere combustible, échauffée, ignée & ardente; c'est pourquoi il n'y a que les corps volatiles, c'est - à - dire ceux dont il sort beaucoup de fumée, qui jettent de la flamme; & ces corps ne jetteront de la flamme qu'aussi long - tems qu'ils ont de la fumée à fournir. En distillant des esprits chauds, quand on leve le chapiteau de l'alembic, les vapeurs qui montent prendront feu à une chandelle allumée & se convertiront en flamme; de même différens corps échauffés à un certain point par le mouvement, par l'attrition, par la fermentation, ou par d'autres moyens, jettent des fumées brillantesl, esquelles étant assez abondantes & ayant un degré suffisant de chaleur éclatent en flamme: la raison pour laquelle un métal fondu ne jette point de flamme, c'est qu'il ne contient qu'une petite quantité de fumée; car le zinck qui fume abondamment jette aussi de la flamme. Ajoûtez à cela que tous les corps qui s'enflamment, comme l'huile, le suif, la cire, le bois, la poix, le soufre, &c. se consument par la flamme & s'évanouissent en fumée ardente. Voyez l'Optique de Newton.

Tous les corps fixes, continue - t - il, lorsqu'ils sont échauffés à un degré considérable, ne jettent-ils point une lumiere ou au moins une lueur? Cette émission ne se fait - elle point par le mouvement de vibration de leurs parties? Et tous les corps qui abondent en parties terrestres & sulphureuses ne jettent - ils point de lumiere toutes les fois que ces parties se trouvent suffisamment agitées, soit que cette agitation ait été occasionnée par un feu extérieur, par une friction, par une percussion, par une putréfaction, ou par quelque autre cause? Ainsi l'eau de la mer dans une tempête, le vif - argent agité dans le vuide, le dos d'un chat ou le col d'un cheval frottés à contre - poil dans un lieu obscur, du bois, de la chair & du poisson pendant qu'ils se putréfient, les vapeurs qui s'élevent des eaux corrompues & qu'on appelle communément feux follets, les tas de foin & de blé moïtes, les vers luisans, l'ambre & le diamant quand on les frotte, Pacier battu avec un caillou, &c. jettent de la lumiere. Idem ibidem.

Un corps grossier & la lumiere ne peuvent - ils point se convertir l'un dans l'autre, & les corps ne peuvent - ils point recevo la plus grande partie de leur activité des particules de lumere qui entrent dans leur composition? On ne connoît point de corps moins propre à luire que l'eau; & cependant l'eau par de fréquentes distillations se change en terre solide, qui par un degré suffisant de chaleur peut être mise en état de luire comme les autres corps. Idem ibidem.

Suivant la conjecture de Newton, le soleil & les étoiles ne sont que des corps de terre excessivement échauffés. Il observe que plus les corps sont gros, plus long - tems ils conservent leur chaleur, parce que leurs parties s'échauffent mutuellement les unes les autres. Et pourquoi, ajoûte - t - il, des corps vastes, denses, & fixes, lorsqu'ils sont échauffés à un certain degré, ne pourroient - ils point jetter de la lumiere en grande quantité, & s'échauffer de plus en plus par l'émission & la réaction de cette lumieie, & par les réflections & les réfractions des rayons dans leurs pores jusqu'à ce qu'ils fussent parvenus au même degré de chaleur où est le corps du soleil? Leurs parties pourroient être garanties de l'évaporation en fumée, non - seulement par leur solidité, mais aussi par le poids considérable & par la densité des atmosphères, qui les compriment fortement & qui condensent les vapeurs & les exhalaisons qui s'en élevent: ainsi nous voyons que l'eau chaude bout dans une machine pneumatique, aussi fort que fait l'eau bouillante exposée à l'air, parce que dans ce dernier cas le poids de l'atmosphere comprime les vapeurs & empêche l'ébullition jusqu'à ce que l'eau ait reçu son dernier degré de chaleur. De même un mêlange d'étain & de plomb mis sur un fer rouge dans un lieu dont a pompé l'air, jette de la fumée & de la flamme, tandis que le même mêlange mis en plein air sur un fer rouge nejette pas la moindre flamme qui soit visible, parce qu'il en est empêché par la compression de l'atmosphere. Mais en voilà assez sur le système de la producibilité de la chaleur.

D'un autre côté M. Homberg dans son essai sur le soufre principe, soûtient que le principe ou élément chimique, qu'on appelle soufre, & qui passe pour un des ingrédiens simples, premiers, & préexistans de tous les corps, est du feu réel, & par conséquent que le feu est un corps particulier aussi ancien que les autres. Mém. de l'Acad. an. 1705. Voyez Soufre & Feu.

Le docteur Gravesande est à - peu - près dans le même sentiment; selon lui le feu entre dans la composition de tous les corps, se trouve renfermé dans tous les corps, & peut être séparé & exprimé de tous les corps, en les frottant les uns contre les autres, & mettant ainsi leur feu en mouvement. Elem. phys. tom. II. cap. j.

Un corps n'est sensiblement chaud, continue - t - il, que lorsque son degré de chaleur excede celui des organes de nos sens; de sorte qu'il peut y avoir un corps lumineux sans qu'il ait aucune chaleur sensible; & comme la chaleur n'est qu'une qualité sensible, pourquoi ne pourroit - il pas y avoir un corps qui n'eût point de chaleur du tout?

La chaleur dans le corps chaud, dit le même auteur, est une agitation des parties du corps effectuée par le moyen du feu contenu dans ce corps; c'est par une telle agitation que se produit dans nos corps un mouvement qui excite dans notre ame l'idée du chaud; de sorte qu'à notre égard la chaleur n'est autre chose que cette idée, & que dans le corps elle n'est autre chose que le mouvement. Si un tel mouvement chasse le feu du corps en lignes droites, il peut faire naître en nous l'idée de lumiere; & s'il ne le chasse que d'une maniere irréguliere, il ne fera naître en nous que l'idée du chaud.

Feu M. Lemery mort en 1743 s'accorde avec ces deux auteurs, en soutenant que le feu est unè matiere particuliere, & qu'elle ne peut être pro<pb-> [p. 27] duite: mais il étend ce principe plus loin. Il ne se contente point de placer le feu dans les corps comme un élément; il se propose même de prouver qu'il est répandu également par - tout, qu'il est présent en tous lieux, & dans les espaces vuides aussi bien que dans les intervalles insensibles qui se trouvent entre les parties des corps. Mem. de l'Acad. an 1713. Ce sentiment sera exposé ci - dessous plus au long.

Il semble qu'il y a de l'absurdité à dire que l'on peut échauffer des liqueurs froides avec de la glace; cependant M. Boyle nons assure que la chose est très - aisée, en ôtant d'un bassin d'eau froide où nagent plusieurs morceaux de glace, un ou deux de ces morceaux bien imbibés de la liqueur, & en les plongeant tout - à - coup dans un verre dont l'ouverture soit fort large & où il y ait de l'huile de vitriol; car le menstrue venant à se mêler d'abord avec l'eau qui adhere à la glace, produit dans cette eau une chaleur très - vive accompagnée quelquefois d'une fumée visible; cette fumée venant à dissoudre promptement les parties contigues de la glace, & cellesciles parties voisines, toute la glace se trouve bientôt réduite en liqueur; & le menstrue corrosif ayant été mêlé avec le tout par le moyen de deux ou trois secousses, tout le mêlange s'échauffe quelquefois au point que l'on ne sauroit tenir dans la main le vase qui le contient.

Il y a une grande variété dans la chaleur des différens lieux & des différentes saisons. Les Naturalistes soûtiennent communément que la chaleur augmente à mesure qu'on approche du centre de la terre; mais cela n'est point exactement vrai. En creusant dans les mines, puits, &c. on trouve qu'à peu de distance de la surface de la terre, on commence à sentir de la fraicheur: un peu plus bas on en sent davantage; & lorsqu'on est parvenu au point où les rayons du soleil ne peuvent répandre leur chaleur, l'eau s'y glace ou s'y maintient glacée; c'est cette expérience qui a fait inventer les glacieres, &c. Mais quand on va encore plus bas, savoir à 40 ou 50 piés de profondeur, on commence à sentir de la chaleur, de sorte que la glace s'y fond; & plus on creuse aude - là, plus la chaleur augmente jusqu'à ce qu'enfin la respiration y devient difficile & que la lumiere s'y éteint.

C'est pourquoi quelques - uns ont recours à la supposition d'une masse de feu placée au centre de la terre, qu'ils regardent comme un soleil central & comme le grand principe de la génération, végétation, nutrition, &c. des fossiles & des végétaux. Voyez Feu central, Terre, Tremblement de terre, &c.

Mais M. Boyle qui a été lui - même au fond de quelques mines, croit que ce degré de chaleur que l'on sent dans ces mines, ou du moins dans quelques - unes, doit être attribué à la nature particuliere des minéraux qui s'y trouvent; ce qu'il confirme par l'exemple d'un minéral d'espece vitriolique qu'on tire de la terre en grande quantité en plusieurs contrées d'Angleterre, & qui étant arrosé simplement d'eau commune s'échauffe presque au point de prendre feu.

D'un autre côté, à mesure que l'on monte de hautes montagnes l'air devient froid & perçant; ainsi les sommets des montagnes de Bohême nommées Pico de Theide, le Pic de Ténériffe, & de plusieurs autres montagnes, même de celles des climats les plus chauds, se trouvent toûjours couverts & environnés de neige & de glace que la chaleur du soleil n'est jamais capable de fondre. Sur quelques montagnes du Pérou, au centre de la zone torride, on ne trouve que de la glace. Les plantes croissent au pié de ces montagnes, mais vers le sommet il n'y a point de végétaux qui puissent croître à cause du froid excessif. On attribue cet effet à la subtilité de l'air dont les parties sont trop écartées les unes des autres à une si grande hauteur pour refléchir une assez grande quantité de rayons du soleil; car la chaleur du soieil refléchie par les particules de l'air, échauffe beaucoup plus que la chaleur directe.

Chaleur (Page 3:27)

Chaleur des différens climats de la re. La diversité de la chaleur des différens climats & des différentes saisons naît en grande partie des différens angles sous lesquels les rayons du soleil viennent frapper la surface de la terre. Voyez Climat, &c.

On démontre en méchanique qu'un corps qui en frappe perpendiculairement un autre, agit avec toute sa force; & qu'un corps qui frappe obliquement agit avec d'autant moins de force que sa direction s'éloigne davantage de la perpendiculaire: le feu étant lancé en ligne directe doit suivre la même loi méchanique que les autres corps, & par conséquent son action doit être mesurée par le sinus de l'angle d'incidence: c'est pourquoi le feu venant à frapper un objet dans une direction parallele à cet objet, ne produit point d'effet sensible; parce que l'angle d'incidence étant nul, le rapport du sinus de cet angle au sinus total est comme zéro à un, c'est - à - dire nul; par conséquent le soleil n'a encore aucune chaleur lorsqu'il commence à répandre ses rayons sur la terre. Voyez Percussion & Composition de mouvement.

Un auteur célebre a fait en conséquence de ce principe, un calcul mathématique de l'effet du soleil en différentes saisons & sous différens climats. Voici une idée de ce calcul, sur lequel nous ferons ensuite quelques réflexions. M. Halley part de ce principe, que l'action simple du soleil, comme toute autre impulsion ou percussion, a plus ou moins de force en raison des sinus des angles d'incidence; d'où il s'ensuit que la force du soleil frappant la surface de la terre à une hauteur quelconque, sera à la force perpendiculaire des mêmes rayons, comme ce sinus de la hauteur du soleil est au sinus total.

De - là il conclut, que le tems pendant lequel le soleil continue d'éclairer la terre, étant pris pour base, & les sinus de la hauteur du soleil étant élevés sur cette base comme des perpendiculaires; si on décrit une ligne courbe par les extrémités de ces perpendiculaires, l'aire de cette courbe sera proportionelle à la somme ou totalité de la chaleur de tous les rayons du soleil dans cet espace de tems.

Il conclut de - là aussi que sous le pole arctique, la somme de toute la chaleur d'un jour de solstice d'été est proportionnelle à un rectangle du sinus de 23 1/2 degrés par la circonférence d'un cercle: or le sinus de 23 1/2 degrés fait à peu - près les 4/10 du rayon; & les 8/10 du rayon qui en sont le double, sont à - peu - près le sinus de 53 degrés, dont le produit par la demi - circonférence ou par 12 heures, sera égal au produit ci - dessus. D'où il infere que la chaleur polaire, le jour du solstice, est égale à celle du soleil, échauffant l'horison pendant 12 heures, à 53 degrés constans d'élévation. Comme il est de la nature de la chaleur de rester dans le sujet après la retraite du corps qui l'a occasionnée, & sur - tout de continuer dans l'air, l'absence de 12 heures que fait le soleil sous l'équateur, ne diminue que fort peu la chaleur ou le mouvement imprimé par l'action précédente de ses rayons: mais sous le pole, l'absence de x mois que fait le soleil, y laisse régner un froid extrème; de sorte que l'air y étant comme gelé & couvert de nuages épais & de brouillards continuels, les rayons du soleil ne peuvent produire sur cet air aucun effet sensible avant que cet astre se soit rapproché considérablement du pole.

A quoi il faut ajoûter, que les différens degrés de chaud & de froid qu'il fait en différens endroits de

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