ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"788"> renfermé l'efficace qu'il communique à l'ame en la créant, dans les bornes du corps organisé auquel il l'unit; son pouvoir est limité à cette petite portion de matiere, & même elle n'en joüit qu'avec certaines restrictions qui sont les lois de l'union. Ce système moins subtil, moins rafiné que celui des canses occasionnelles, plaît d'autant plus à la plûpart des esprits, qu'il s'accorde assez bien avec le sentiment naturel, qui admet dans l'ame une efficace réelle pour mouvoir la matiere: mais ce système qu'on nous donne ici sous le nom radouci de sentiment naturel, ne seroit - il point plûtôt l'esset du préjugé? En effet, ce pouvoir d'un esprit fini sur la matiere, cette influence qu'on lui suppose sur une substance si dissemblable à la sienne, & qui naturellement est indépendante de lui, est quelque chose de bien obscur. Les esprits étant des substances actives, & ayant incontestablement le pouvoir de se mouvoir ou de se modifier eux - mêmes, il est sans doute plus raisonnable de leur attribuer une pareille influence sur la matiere, que d'attribuer à la matiere, être passif & incapable d'agir sur lui - même, un vrai pouvoir d'agir sur l'esprit, & de le modifier. Mais cela même que je viens d'observer est un fâcheux inconvénient pour ce système; il ne peut dès - lors être vrai qu'à moitié. S'il explique en quelque sorte comment le corps obéit aux volontés de l'ame par ses mouvemens, il n'explique point comment l'ame obéit fidelement à son tour aux impressions du corps: il rend raison de l'action; il n'en rend aucune de la sensation. Sur ce dernier point on est réduit à recourir aux causes occasionnelles, & à l'opération immédiate de Dieu sur l'ame. Qu'en coûtet - il d'y avoir aussi recours pour expliquer l'efficace des desirs de l'ame? le systeme entier n'en sera que plus simple & mieux assorti.

Ce système, dit - on, n'est nullement philosophique, parce qu'il remonte droit à la premiere cause; & que sans apporter de raisons naturelles des phénomenes qui nous embarrassent, il donne d'abord la volonté de Dieu pour tout dénouement. Autant nous en apprendra, dit - on, l'homme le plus ignorant, s'il est consulté; car qui ne sait que la volonté divine est la premiere cause de tout? Mais c'est une cause universelle: or ce n'est pas de cette cause qu'il s'agit. On demande d'un philosophe qu'il assigne la cause particuliere de chaque effet. Jamais objection ne fut plus méprisable. Voulez - vous, disoit le P. Malebranche, qu'un philosophe trouve des causes qui ne sont point? Le vrai usage de la Philosophie, c'est de nous conduire à Dieu, & de nous montrer par les effets mêmes de la nature, la nécessité d'une premiere cause. Quand les effets sont subordonnés les uns aux autres, & soûmis à certaines lois, la tâche du philosophe est de découvrir ces lois, & de remonter par degrés au premier principe, en suivant la chaîne des causes secondes. Il n'y a point de progrès de causes à l'infini; & c'est ce qui prouve l'existence d'un Dieu, la plus importante & la premiere des vérités. La différence du paysan au philosophe, qui tous deux sont également convaincus que la volonté de Dieu fait tout, c'est que le philosophe voit pourquoi elle fait tout, ce que le paysan ne voit pas; c'est qu'il sait discerner les effets dont cette volonté est cause immédiate, d'avec les effets qu'elle produit par l'intervention des causes secondes, & des lois générales auxquelles ces causes secondes sont soûmises.

On fait une seconde objection plus considérable que la premiere: c'est, dit - on, réduire l'action de la divinité à un pur jeu tout - à - fait indigne d'elle, que d'établir des causes occasionnelles. Ces causes seront en même tems l'effet & la regle de l'opération divine; l'action qui les produit leur sera soûmise. Tant que cette objection roulera sur les lois qui reglent la communication des mouvemens entre les différentes par<cb-> ties de la matiere, on ne peut nier qu'elle ne soit plausible. En effet, si les corps n'ont aucune activité par eux - mêmes, les lois du mouvement, dans le système du P. Malebranche, semblent n'être qu'une jeu: mais de cet inconvénient ne subsiste plus dès qu'on appilque le systême à l'union du corps & de l'ame. Quoique l'ame n'ait aucune efficace réelle sur les corps, il suffit qu'elle ait le pouvoir de se modifier, qu'elle soit cause physique de ses propres volontés, pour rendre très - sage l'établissement d'une telle ame comme cause occasionnelle de certains mouvemens du corps. Ici, comme l'utilité de l'ame est le but, la volonté de l'ame est la regle. Cette volonté étant une cause physique de ses propres actes, est par - là distincte de la volonté de Dieu même, & peut devenir une regle & un principe dont la sagesse divine fait dépendre les changemens de la matiere. Les volontés d'un esprit créé, dès - là qu'elles sont produites par cet esprit, sont une cause mitoyenne entre la volonté de Dieu & les mouvemens des corps, qui rend raison de l'ordre de ces mouvemens, & qui nous dispense de recourir, pour les expliquer, à la volonté immédiate de Dieu: & c'est, ce semble, le seul moyen de distinguer les volontés générales d'avec les particulieres. Les unes & les autres produisent bien immédiatement l'effet: mais dans celles - ci la volonté n'a de rapport qu'à cet effet singulier qu'elle veut produire; au lieu que dans celle - là on peut dire que Dieu n'a voulu produire cet effet, que parce qu'il a voulu quelqu'autre chose dont cet effet est la conséquence. C'est bien une volonté efficace de Dieu qui me fait marcher: mais il ne veut me faire marcher qu'en conséquence de ce qu'il a voulu une fois pour toutes, que les mouvemens de mon corps suivissent les desirs de mon ame. La volonté que j'ai de marcher, est une cause mitoyenne entre le mouvement de mon corps & la volonté de Dieu. Je marche en vertu d'une loi générale. Mon ame est vraie cause des mouvemens de mon corps, parce qu'elle est cause de ses propres volontés, auxquelles il a plû au Créateur d'attacher ces mouvemens. Ainsi les actions corporelles avec toutes leurs suites bonnes ou mauvaises, lui sont justement imputées; elle en est vraie cause selon l'usage le plus commun de ce terme. Cause, dans le langage ordinaire, signifie une raison par laquelle un effet est distingué d'un autre effet, & non cette efficace générale qui influe dans tous les effets. Pour rendre les hommes responsables de leurs actions, il importe fort peu qu'ils les produisent ou non par une efficace naturelle, par un pouvoir physique que le Créateur ait donné à leur ame en la formant, de mouvoir le corps qui lui est uni: mais il importe beaucoup qu'ils soient causes morales ou libres; il importe beaucoup que l'ame ait un tel empire sur ses propres actes, qu'elle puisse à son gré vouloir ou ne vouloir pas ces mouvemens corporels qui suivent nécessairement sa volonté. Ostez toute action aux corps, & faites mouvoir l'univers par l'efficace des volontés divines, toûjours appliquées à remuer la matiere, les lois du mouvement ne seront point un jeu, dès que vous conserverez aux esprits une véritable efficace, un pouvoir réel de se modifier eux - mêmes, & dès que vous reconnoîtrez qu'un certain arrangement de la matiere à laquelle Dieu les unit, devient pour eux, par les diverses sensations qu'il y excite, une occasion de déployer leur activité.

Outre les causes physiques, morales, & instrumentalee, on en distingue encore de plusieurs sortes; savoir, la cause matérielle, la cause formelle, la cause exemplaire, la cause finale. La cause matérielle est le sujet sur lequel l'agent travaille, ou ce dont la chose est formée; le marbre, par exemple, est la cause matérielle d'une statue. La cause formelle, c'est ce qui détermine une chose à être ce qu'elle est, & qui la dis<pb-> [p. 789] tingue de toute autre: la cause formelle s'unissant à la matérielle, produit le corps ou le composé. La cause exemplaire, c'est le modele que se propose l'agent, & qui le dirige dans son action: ce modele est ou intrinseque, ou extrinseque à l'agent; dans le premier cas, il se confond avec les idées archetypes, voyez Idée; dans le second cas, il se prend pour toutes les riches productions de la nature, & pour tous les ouvrages exquis de l'Art. Voy. ces deux articles. Pour ce qui regarde les causes finales, consultez l'article suivant. (X)

Causes finales (Page 2:789)

Causes finales. (Métaphys.) Le principe des causes finales consiste à chercher les causes des effets de la nature par la fin que son auteur a dû se proposer en produisant ces effets. On peut dire plus généralement, que le principe des causes finales consiste à trouver les lois des phénomenes par des principes métaphysiques.

Ce mot a été fort en usage dans la Philosophie ancienne, où l'on rendoit raison de plusieurs phénomenes, tant bien que mal, par des principes métaphysiques aussi tant bons que mauvais. Par exemple on disoit: l'eau monte dans les pompes, parce que la matiere a horreur du vuide; voilà le principe métaphysique absurde par lequel on expliquoit ce phénomene. Aussi le chancelier Bacon, ce génie sublime, ne paroît pas faire grand cas de l'usage des causes finales dans la Physique. Causarum finalium, dit - il, investigatio sterilis est, & tanquam virgo Deo consecrata, nil parit. De augm. scient. lib. III. c. v. Quand ce grand génie parloit ainsi, il avoit sans doute en vûe le principe des causes finales, employé même d'une maniere plus raisonnable que ne l'employoient les scholastiques. Car l'horreur du vuide, par exemple, est un principe plus que stérile, puisqu'il est absurde. Bacon avoit bien senti que nous voyons la nature trop en petit pour pouvoir nous mettre à la place de son auteur; que nous ne voyons. que quelques effets qui tiennent à d'autres, & dont nous n'appercevons pas la chaîne; que la fin du Créateur doit presque toûjours nous échapper, & que c'est s'exposer à bien des erreurs que de vouloir la démêler, & sur - tout expliquer par là les phénomenes. Descartes a suivi la même route que Bacon, & sa philosophie a proscrit les causes fales avec la scholastique. Cependant un grand philosophe moderne, M. Leibnitz, a essayé de ressuseiter les causes finales, dans un écrit imprimé, Act. erud. 1682, sous le titre de Unicum Opticoe, Catoptricoe, & Dioptricoe principium. Dans cet ouvrage M. Leibnitz se déclare hautement pour cette maniere de philosopher, & il en donne un essai en déterminant les lois que suit la lumicre.

La nature, dit - il, agit toûjours par les voies les plus simples & les plus courtes; c'est pour cela qu'un rayon de lumiere dans un même milieu va toûjours en ligne droite tant qu'il ne rencontre point d'obstacle: s'il rencontre une surfaco solide, il doit se refléchir de maniere que les angles d'incidence & de reflexion soient égaux; parce que le rayon obligé de se refléchir, va dans ce cas d'un point à un autre par le chemin le plus court qu'il est possible. Cela se trouve démontré partout. Voyez Miroir & Réfraction. Enfin si le globule lumineux rencontre une surface transparente, il doit se rompre de maniere que les sinus d'incidence & de réfraction soient en raison directe des vîtesses dans les deux milieux; parce que dans ce cas il ira d'un point à un autre, dans le tems le plus court qu'il est possible.

M. de Fermat avant M. Leibnitz, s'étoit servi de ce même principe pour déterminer les lois de la réfraction; & il ne faudroit peut - être que ce que nous venons de dire, pour démontrer combien l'usage des causes finales est dangereux.

En effet, il est vrai que dans la réflexion sur les miroirs plans & convexes, le chemin du rayon est le plus court qu'il est possible: mais il n'en est pas de même dans les miroirs concaves; & il est aisé de démontrer que souvent ce chemin, au lieu d'être le plus court, est le plus long. J'avoüe que le pere Taquet, qui a adopté dans sa Catoptrique ce principe du plus court chemin, pour expliquer la réflexion, n'est pas embarrassé de la difficulté des miroirs concaves. Lorsque la nature, dit - il, ne peut pas prendre le chemin le plus court, elle prend le plus long; parce que le chemin le plus long est unique & déterminé, comme le chemin le plus court. On peut bien appliquer ici ce mot de Ciceron: Nihil tam absurdum excogitari potest, quod dicture non sit ab aliquo philosophorum.

Voilà donc le principe des causes finales en défaut sur la reflexion. C'est bien pis sur la réfraction; car en premier lieu, pourquoi dans le cas de la réflexion, la nature suit - elle tout à la fois le plus court chemin & le plus court tems; au lieu que dans la réfraction, elle ne prend que le plus court tems, & laisse le plus court chemin? On dira qu'il a fallu choisir; parce que dans le cas de la réfraction, le plus court tems & le plus court chemin ne peuvent s'accorder ensemble. A la bonne heure: mais pourquoi préférer le tems au chemin? En second lieu, suivant MM. Fermat & Leibnitz, les sinus sont en raison directe des vîtesses, au lieu qu'ils doivent être en raison inverse. Voyez Réfraction & Action. Reconnoissons donc l'abus des causes finales par le phénomene même que leurs partisans se proposent d'expliquer à l'aide de ce principe.

Mais s'il est dangereux de se servir des causes finales à priori pour trouver les lois des phénomenes; il peut être utile, & il est au moins curieux de faire voir comment le principe des causes finales s'accorde avec les lois des phénomenes, pourvû qu'on ait commencé par déterminer ces lois d'après des principes de méchanique clairs & incontestables. C'est ce que M. de Maupertuis s'est proposé de faire à l'égard de la réfraction en particulier, dans un mémoire imprimé parmi ceux de l'académie des Sciences, 1744. Nous en avons parlé au mot Action. Il fait à la fin & au commencement de ce mémoire, des réflexions très - judicieuses & très - philosophiques sur les causes finales. Il a depuis étendu ces réflexions, & porté plus loin leur usage dans les Mémoires de l'Académie de Berlin, 1746, & dans sa Cosmologie. Il montre dans ces ouvrages l'abus qu'on a fait du principe des causes finales, pour donner des preuves de l'existence de Dieu par les effets les moins importans de la nature; au lieu de chercher en grand des preuves de cette vérité si incontestable. Voyez l'article Cosmologie. Ce qui appartient à la sagesse du Créateur, dit M. de Fontenelle, semble être encore plus au - dessus de notre foible portée, que ce qui appartient à sa puissance. Eloge de M. Leibnitz. Voyez aussi des réflexions très - sages de M. de Mairan sur le principe des causes finales, dans les Mém. acad. 1723. (O)

Cause (Page 2:789)

Cause, en Méchanique & en Physique, se dit de tout ce qui produ du changement dans l'état d'un corps, c'est - à - dire, qui le met en mouvement ou qui l'arrête, ou qui altere son mouvement.

C'est une loi générale de la nature, que tout corps persiste dans son état de repos ou de mouvement, jusqu'à ce qu'il survienne quelque cause qui change cet état. Voyez Projectile, & Lois de la Nature .

Nous ne connoissons que deux sortes de causes capables de produire ou d'altérer le mouvement dans les corps; les unes viennent de l'action mutuelle que les corps exercent les uns sur les autres à raison de leur impénétrabilité: telles sont l'impulsion & les ac<pb->

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