ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"842"> choix du cerf, la meute, les relais, le laissé - courre, le lancer, la chasse proprement dite, les ruses, le forcer, la mort, la curée, & la retraite.

Des quêtes. Après ce que nous avons dit des changemens de pays & de viandis, on fait en quel lieu les quêtes doivent être faites, selon les différentes saisons. Lorsque l'on se propose de courre un cerf, on va au bois les uns à cheval sans limiers, les autres à pié avec les limiers. On sépare les cantons, on distribue les quêtes ou les lieux dans lesquels chacun doit s'assûrer s'il y a un cerf ou s'il n'y en a point, ce qui se fait à l'aide d'un limier qu'on conduit au trait. Lorsque le limier rencontre, on l'arrête par le trait, on examine si c'est un cerf, sans l'effrayer ni le lancer, ce qui le feroit passer d'une quête dans une autre. Quand on s'est bien assûré de sa présence, on fait des brisées. On en distingue de deux sortes; les hautes & les basses. Faire des brisées hautes, c'est rompre des branches & les laisser pendantes: faire des brisées basses, c'est les répandre sur sa route, la pointe tournée vers l'endroit d'où le cerf vient, & le gros bout tourné où le cerf va. Alors le cerf est ce qu'on appelle détourné, & les brisées basses servent à conduire le chasseur à la réposée du cerf le jour destiné pour le courre.

Du rendez - vous. C'est ainsi qu'on appelle un lieu indiqué dans la forêt, où tous les chasseurs se rassemblent & d'où ils se séparent pour la chasse. Il faut le choisir le plus commode qu'il est possible.

Du choix du cerf. Lorsqu'il se trouve du cerf dans plusieurs quêtes, il faut préférer celle qui n'a qu'une resuite à celle qui en a deux (on entend par refuite, le lieu par lequel le cerf a coûtume de sortir); celle où il n'y a qu'un seul cerf, à cellé où il y en a plusieurs; attaquer au buisson plûtôt qu'au grand bois, & préférer le cerf de dix cors au jeune cerf.

Il y en a qui distinguent trois especes de cerfs, les bruns, les fauves, & les rougeâtres. Les bruns passent pour les plus forts & les plus vîtes; les fauves pour avoir la tête haute & le bois foible; les rougeâtres pour jeunes & vigoureux. On estime sur - tout ceux qui ont sur le dos une raie d'un brun noir. La regle est de n'attaquer que les cerfs de dix cors.

De la meute. Une meute est au moins de cent chiens; alors on la divise en cinq parties. Les vingt qui donneront les premiers, s'appellent chiens de meute; les vingt du premier relais, vieille meute; les vingt du second relais, seconde vieille meute; le dernier relais, relais de six chiens; le nombre en est cependant beaucoup plus grand, & il est à propos de réserver les meilleurs. On a encore quelquefois un relais volant. Ce relais se transporte & suit la chasse, au lieu que les autres l'attendent.

Des relais. C'est un proverbe parmi les chasseurs, qu'un cerf bien donné aux chiens est à demi - pris. Il est donc à propos que ceux qui ont la conduite des relais connoissent les lieux & soient entendus dans la chasse, soit pour les placer convenablement, soit pour les donner à tems. Il faut aussi des relais de chevaux; il faut placer les meilleurs coureurs au premier relais.

Du laissé - courre. On donne ce nom au moment & au lieu où on lâche les chiens, quand on est arrivé à l'endroit où le cerf a été détourné. Lorsque les rélais sont placés, on suit les brisées & l'on s'avance jusqu'aux environs de cet endroit; ensuite on lâche quelques - uns des meilleurs chiens. Ceux qui doivent faire chasser les chiens se nomment piqueurs; il est essentiel de les avoir excellens. Leur talent principal est de savoir animer les chiens du cor & de la voix, & avertir exactement les chasseurs des mouvemens du cerf.

Du lancer. On lançoit jadis avec les limiers, aujourd'hui on découple dans l'onceinte; & le lancer est proprement le premier bond du cerf hors de sa reposée. Le piqueur l'annonce en criant gare; il crie vauceletz s'il voit la réposée, & tayau s'il voit l'animal.

De la chasse proprement dite: elle commence à ce moment, & consiste à suivre le même cerf sans relâche, malgré ses ruses, & à le forcer.

Des ruses: on en raconte une infinité; tantôt le cerf chassé en substitue un autre à sa place, tantôt il se jette dans la harde ou troupe des biches, se mêle à des bestiaux, revient sur ses pas, tâche à dérouter les chiens par des bonds, suit un courant, &c. mais il y a des chiens auxquels il ne donne jamais le change. Le piqueur doit les connoître, & s'en tenir à ce qu'ils indiquent.

On a remarqué qu'un cerf blessé aux parties génitales ou châtré dans sa jeunesse, ne porte point de bois, reste comme une biche, & devient seulement plus fort de corps; que si l'accident lui est arrivé après avoir déjà porté son bois, il continue de pousser mais avec peine, & ne parvient jamais à sa perfection; & que si son bois étoit à sa perfection il ne le perd plus.

Mort du cerf. Lorsque le cerf est forcé, le piqueur crie halali, lui coupe le jarret & sonne la mort. Cependant un autre lui enleve le pié droit de devant, & va le présenter au grand veneur. On met le reste sur un chariot, & on le porte au lieu destiné pour la curée.

De la curée. Les valets de chien mettent le cerf sur le dos & le dépecent. Ils commencent par couper les daintiers, puis ils ouvrent la nappe ou peau, la fendant sous la gorge jusqu'où étoient les daintiers. Ils prennent le pié droit, dont ils coupent la peau à l'entour de la jambe, & l'ouvrent jusqu'au milieu de la poitrine; ils en font autant aux autres piés, & ils achevent la dépouille. Cela fait, ils ouvrent le ventre, & l'on distribue l'animal par morceaux. On enlevera la panse, qui sera vuidée & lavée; le membre génital; l'os ou cartilage du coeur; une partie du coeur, du foie, & de la ratte, que les valets de limiers distribueront à leurs chiens; les épaules, les petits filets, le cimier, les grands filets, les feuillets, & les nombres. On a conservé le sang; on a deux ou trois seaux de lait; on coupe la panse & les boyaux nettoyés avec le reste de la ratte & du foie; on mêle le tout avec le sang, le lait, & du pain: en hyver qu'on a peu de lait, on y substitue du sain - doux. On verse la moüée sur la nappe, on la remue, alors la curée est prête. Reste le coffre du cerf & les petits boyaux qu'on appelle le forhu. On met le coffre sur une place herbue à quelque distance de la moüée, & le forhu sur une fourche de bois émoussée. Enfin on abandonne les chiens à la moüée, & ensuite au coffre, puis au forhu, non sans avoir sonné toutes ces manoeuvres. On sonne en dernier lieu la retraite. Nos ayeux exécutoient toutes les parties, tant de la chasse que de la curée, avec autant & plus de cérémonies qu'on n'en fait dans aucune occasion importante. Ils chassoient un cerf à peu près comme ils attaquoient une femme, & il étoit presqu'aussi humiliant pour eux d'échoüer dans l'une de ces entreprises que dans l'autre. Le goût de la chasse du cerf s'est augmenté parmi nous; quant au cérémonial qui l'accompagnoit, il a presqu'entierement disparu, & la chasse ne s'en fait pas plus mal.

La partie la meilleure à manger du cerf, est le cou avec les trois côtes qui en sont les plus proches; le reste est dur & indigeste. Les petits cerfs, lactantes, sont les meilleurs; puis ceux d'un an, adolescentes; ensuite ceux de deux ans, juvenes; passé ce tems ils sont durs & mal - sains. On dit aussi que leur chair est un mauvais aliment pendant l'été, parce qu'ils se nourrissent de serpens & de ceptiles, ce que peu de gens croyent. [p. 843]

Propriétés médicinales. Le cerf contient dans toutes ses parties beaucoup de sel volatil & d'huile: les meules & cornes nouvelles prises en gelée facilitent l'accouchement: ses grandes cornes se rapent; cette rapure entre dans les tisannes, les gelées, les bouillons & plusieurs poudres & électuaires; elle est bonne pour arrêter le cours de ventre & le flux hémorrhoïdal; elle fortifie & restaure: on la distille & on en tire un sel & une huile volatile. On la prépare philosophiquement.

L'os ou cartilage du coeur a passé pour un cordial aléxitere & bon dans les crachemens de sang. On employe la moelle de cerf en liniment dans les rhumatismes, la goutte sciatique, & les fractures. Sa graisse est émolliente, nervale, & résolutive: son sang est sudorifique: on le donne desséché & en poudre à la dose d'un demi - scrupule. Le priape excite, dit - on, la semence & soulage dans la dissenterie; on l'ordonne dans l'un & l'autre cas depuis un demi - scrupule jusqu'à une drachme. La vessie appliquée guérit la teigne. Au reste, si ces remedes ont quelque efficacité, elle dépend uniquement du sel volatil & de l'huile.

L'huile volatile de corne de cerf est fétide: on la rectifie par plusieurs cohobations; & lorsqu'elle est claire & sans mauvaise odeur, on l'employe dans les affections nerveuses, les foulures, les paralysies, en liniment sur l'épine & l'origine des nerfs. On fait entrer le sel volatil dans les potions cordiales, sudorifiques, & anti - épileptiques, à la dose d'un scrupule. Il passe pour antispasmodique, & on l'applique sous le nez dans la catalepsie, le carus, & autres maladies, tant soporeuses que convulsives.

Ettmuller & Ludovic vantent l'esprit volatil de corne de cerf comme un grand alexipharmaque, & le recommandent dans les affections malignes.

Usages de quelques parties du cerf dans les Arts. On travaille sa peau; & au sortir des mains du Chamoiseur & du Mégissier, après qu'elle a été passée en huile, on en fait des gants, des ceinturons, &c. Les Fourreurs en font aussi des manchons. Les Selliers se servent de sa bourre ou du poil que les Mégissiers & Chamoiseurs ont fait tomber de sa peau, pour en rembourrer en partie des selles & des bâts. Les Couteliers refendent sa corne à la scie, & en tirent des manches de couteau. On fait beaucoup plus de cas du bois de cerf enlevé de dessus la tète de cet animal tué, que de celui qu'il met bas quand il est vivant, & qu'on ramasse sur la terre.

On trouve dans les forêts de Bohème des cerfs qui ont au cou de longues touffes ou floccons noirs: ils passent pour plus vigoureux que les autres.

On dit qu'il ne se trouve point de fiel à son foie; & l'on présume à la couleur & à l'amertume de sa queue, que c'est - là qu'il le porte.

Il y a un si grand nombre de cerfs au royaume de Siam, qu'on en tue plus de cent cinquante mille par an, dont on envoye les peaux au Japon.

Il y a aux Indes occidentales des troupeaux de cerfs privés, que des bergers menent paître dans les champs comme des moutons. Les habitans de ces contrées font des fromages de lait de biche.

Il y a plusieurs especes de cerf. Celle qui mérite le plus d'être remarquée à cause de sa petitesse, est désignée chez les Naturalistes par ces mots, cervus perpusillus, juvencus, Guineensis, & se trouve en Guinée ainsi que la phrase l'indique. Voyez Seba, tom. I. pag. 70. & nos Planches d'Histoire Naturelle, Planc. VII. fig. 3. Voyez aussi sa corne en A, même Planch. Il n'a pas plus d'un demi - pié de hauteur, prise depuis l'extrémité de son pié de devant jusqu'au - dessus de sa tête. Cette hauteur prise du pié de derriere jusqu'au - dessus de la croupe, n'a guere plus de quatre pouces; & il n'en a pas cinq de la queue au poitrail. Il a la tête fort grosse & les oreilles fort larges, relativement au reste de fon corps; ses jambes sont très - menues. Sa corne a plus de deux pouces de long sur un demi - pouce de large à la base: elle va toûjours en diminuant & se recourbant un peu. Elle paroît creuse, & porter cinq à six rainures circulaires placées les unes au - dessus des autres, qu'une longue gouttiere qui part presque du bout de la corne vient traverser. Il a l'oeil grand, & à en juger par la figure de Seba, le poil un peu hérissé. Il a deux moustaches, & quelques poils de barbe sous la mâchoire inférieure. Voilà tout ce que sa figure indique, & l'histoire ne nous en apprend pas davantage. On voit dans Seba, la patte d'un cerf, plus petit cncore que celui que nous venons de décrire.

Cerf (Page 2:843)

Cerf de Canada, (Hist. nat. Zoolog.) celui qui a été décrit dans les Mém. de l'Acad. royale des Sc. étoit fort grand: il avoit quatre piés depuis le haut du dos jusqu'à terre. La longueur de son bois étoit de trois piés: les premieres branches que l'on appelle andouillers avoient un pié; les secondes branches dix pouces, & les autres à proportion. Ces branches étoient au nombre de six à chaque bois, c'est - à - dire à chaque corne. Les cornes étoient recouvertes d'une peau fort dure & garnie d'un poil épais & court de couleur fauve un peu obscure, comme le poil du corps. Celui des cornes étoit détourné en forme d'épi en plusieurs endroits, & la peau avoit une grande quantité de veines & d'arteres remplies de beaucoup de sang; & la corne étoit creusée en sillons, dans lesquels ces vaisseaux rampoient. On n'observa dans ce cerf de Canada rien de différent de nos cerfs ordinaires.

On a joint à cette description celle de deux biches de Sardaigne. Leur hauteur étoit de deux piés huit pouces depuis le haut du dos jusqu'à terre. Le cou avoit un pié de longueur; la jambe de derriere depuis le genou jusqu'à l'extrémité du pié, deux piés de longueur, & un pié jusqu'au talon. Le poil étoit de quatre couleurs, fauve, blanc, noir, & gris: blanc sous le ventre & au - dedans des cuisses & des jambes; fauve - brun sur le dos; fauve - isabelle sur les flancs; l'un & l'autre fauve au tronc du corps, étoit marqué de taches blanches de différentes figures. Il y avoit le long du dos deux rangs de ces taches en ligne droite; les autres étoient parsemées sans ordre. On voyoit de chaque côté une ligne blanche sur les flancs. Le cou & la tête étoient gris. La queue étoit blanche par - dessous & noire par - dessus, le poil ayant six pouces de longueur. Tome III. Part. II. Voyez Quadrupede.

Cerf - volant (Page 2:843)

Cerf - volant, lucanus, (Hist. nat.) insecte du genre des scarabées. On lui a donné le nom de cerf - volant, parce qu'il a deux grosses cornes longues, branchues, & faites en quelque façon comme celles du cerf. On l'appelle aussi taureau volant, parce qu'il est très - gros en comparaison des autres insectes de son genre. Il est noir, ou d'un noir rougeâtre, principalement sur les fausses ailes & sur la poitrine. Ses deux cornes sont quelquefois aussi longues que le petit doigt; elles sont égales, semblables l'une à l'autre, & mobiles; leur extrémité est divisée en deux branches; elles ont un rameau & des dentelures sur leur côté intérieur. Les yeux sont durs, prééminens, blanchâtres, & placés à côté des cornes: il y a entre - elles deux autres petites cornes ou antennes faites en forme de massue, & placées au milieu du front, & deux autres plus longues entre les grandes cornes & les yeux. Il a six pattes, dont les deux premieres sont les plus longues & les plus grosses. La tête est plus large que la poitrine. Ces insectes serrent assez fortement ce qu'ils ont saisi avec leurs grosses cornes. Ils vivent encore long - tems après qu'on a séparé la tête du reste du corps. Il y a d'au<pb->

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