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CAUSE (Page 2:787)
CAUSE, s. f. (Métaphys.) En voyant tous les jours changer les choses, & en considérant qu'elles ont eu un commencement, nous acquérons l'idée de ce qu'on nomme cause & esset. La cause est tout ce par l'efficace de quoi une chose est; & effet, tout ce qui est par l'efficace d'une cause. Toute cause, par cela même qu'elle produit un effet, peut - être appellée efficiente: mais comme il y a différentes manieres de produire un effet, on distingue diverses sortes de causes. Il y a des causes physiques; des causes morales, & des causes instrumentales. J'appelle causes physiques, toutes celles qui produisent immédiatement par elles - mêmes leur effet. Je nomme causes merales, celles qui ne le produisent que dépendamment d'une cause physique, de laquelle il émane immédiatement. Les causes instrumentales ont cela de commun avec les causes morales, qu'elles ne produisent pas par elles - mêmes leur effet, mais seulement par l'intervention d'une causi physique; & c'est pourquoi on donne aux unes & aux autres le nom de causes occasionnelles: mais ce qui met entr'elles beaucoup de différence, c'est que, si les premieres ne sont que causes morales dans les effets qu'elles produisent occasionnellement, du moins elles sont causes physiques de l'effet par lequel elles deviennent causes occasionnelles d'un autre effet; au lieu que les causes purement instrumentales n'étant doüées d'aucune force ni d'aucune activité, demeurent toûjours renfermées dans la sphere de causes purement occasionnelles: telle est, par exemple, la matiere, qui d'elle - même est brute, insensible & inactive. Il n'en est pas de même des esprits, dont la nature est d'être actifs, & par conséquent d'être causes physiques: si mon ame n'est que cause occasionnelle des divers mouvemens qu'elle fait naître dans l'ame de ceux avec qui je m'entretiens, du moins elle est cause physique de ses déterminations particulieres.
C'est ici le lieu d'examiner de quelle maniere l'ame
agit sur le corps: est - elle cause physique, ou n'est - elle
que cause occasionnelle des divers mouvemens qu'elle
lui imprime? Ici les sentimens des philosophes sont
partagés; & l'on peut dire que dans cette question
les derniers efforts de la philosophie pourroient bien
s'épuiser inutilement pour la résoudre. Le système
de
Ce système, dit - on, n'est nullement philosophique, parce qu'il remonte droit à la premiere cause; & que sans apporter de raisons naturelles des phénomenes qui nous embarrassent, il donne d'abord la volonté de Dieu pour tout dénouement. Autant nous en apprendra, dit - on, l'homme le plus ignorant, s'il est consulté; car qui ne sait que la volonté divine est la premiere cause de tout? Mais c'est une cause universelle: or ce n'est pas de cette cause qu'il s'agit. On demande d'un philosophe qu'il assigne la cause particuliere de chaque effet. Jamais objection ne fut plus méprisable. Voulez - vous, disoit le P. Malebranche, qu'un philosophe trouve des causes qui ne sont point? Le vrai usage de la Philosophie, c'est de nous conduire à Dieu, & de nous montrer par les effets mêmes de la nature, la nécessité d'une premiere cause. Quand les effets sont subordonnés les uns aux autres, & soûmis à certaines lois, la tâche du philosophe est de découvrir ces lois, & de remonter par degrés au premier principe, en suivant la chaîne des causes secondes. Il n'y a point de progrès de causes à l'infini; & c'est ce qui prouve l'existence d'un Dieu, la plus importante & la premiere des vérités. La différence du paysan au philosophe, qui tous deux sont également convaincus que la volonté de Dieu fait tout, c'est que le philosophe voit pourquoi elle fait tout, ce que le paysan ne voit pas; c'est qu'il sait discerner les effets dont cette volonté est cause immédiate, d'avec les effets qu'elle produit par l'intervention des causes secondes, & des lois générales auxquelles ces causes secondes sont soûmises.
On fait une seconde objection plus considérable que la premiere: c'est, dit - on, réduire l'action de la divinité à un pur jeu tout - à - fait indigne d'elle, que d'établir des causes occasionnelles. Ces causes seront en même tems l'effet & la regle de l'opération divine; l'action qui les produit leur sera soûmise. Tant que cette objection roulera sur les lois qui reglent la communication des mouvemens entre les différentes par<cb->
Outre les causes physiques, morales, & instrumentalee, on en distingue encore de plusieurs sortes; savoir, la cause matérielle, la cause formelle, la cause exemplaire, la cause finale. La cause matérielle est le sujet sur lequel l'agent travaille, ou ce dont la chose est formée; le marbre, par exemple, est la cause matérielle d'une statue. La cause formelle, c'est ce qui détermine une chose à être ce qu'elle est, & qui la dis<pb-> [p. 789]
Causes finales (Page 2:789)
Ce mot a été fort en usage dans la Philosophie ancienne, où l'on rendoit raison de plusieurs phénomenes, tant bien que mal, par des principes métaphysiques aussi tant bons que mauvais. Par exemple on disoit: l'eau monte dans les pompes, parce que la matiere a horreur du vuide; voilà le principe métaphysique absurde par lequel on expliquoit ce phénomene. Aussi le chancelier Bacon, ce génie sublime, ne paroît pas faire grand cas de l'usage des causes finales dans la Physique. Causarum finalium, dit - il, investigatio sterilis est, & tanquam virgo Deo consecrata, nil parit. De augm. scient. lib. III. c. v. Quand ce grand génie parloit ainsi, il avoit sans doute en vûe le principe des causes finales, employé même d'une maniere plus raisonnable que ne l'employoient les scholastiques. Car l'horreur du vuide, par exemple, est un principe plus que stérile, puisqu'il est absurde. Bacon avoit bien senti que nous voyons la nature trop en petit pour pouvoir nous mettre à la place de son auteur; que nous ne voyons. que quelques effets qui tiennent à d'autres, & dont nous n'appercevons pas la chaîne; que la fin du Créateur doit presque toûjours nous échapper, & que c'est s'exposer à bien des erreurs que de vouloir la démêler, & sur - tout expliquer par là les phénomenes. Descartes a suivi la même route que Bacon, & sa philosophie a proscrit les causes f>ales avec la scholastique. Cependant un grand philosophe moderne, M. Leibnitz, a essayé de ressuseiter les causes finales, dans un écrit imprimé, Act. erud. 1682, sous le titre de Unicum Opticoe, Catoptricoe, & Dioptricoe principium. Dans cet ouvrage M. Leibnitz se déclare hautement pour cette maniere de philosopher, & il en donne un essai en déterminant les lois que suit la lumicre.
La nature, dit - il, agit toûjours par les voies les
plus simples & les plus courtes; c'est pour cela qu'un
rayon de lumiere dans un même milieu va toûjours
en ligne droite tant qu'il ne rencontre point d'obstacle: s'il rencontre une surfaco solide, il doit se refléchir
de maniere que les angles d'incidence & de
reflexion soient égaux; parce que le rayon obligé
de se refléchir, va dans ce cas d'un point à un autre
par le chemin le plus court qu'il est possible. Cela
se trouve démontré partout. Voyez
M. de Fermat avant M. Leibnitz, s'étoit servi de ce même principe pour déterminer les lois de la réfraction; & il ne faudroit peut - être que ce que nous venons de dire, pour démontrer combien l'usage des causes finales est dangereux.
En effet, il est vrai que dans la réflexion sur les miroirs plans & convexes, le chemin du rayon est le plus court qu'il est possible: mais il n'en est pas de même dans les miroirs concaves; & il est aisé de démontrer que souvent ce chemin, au lieu d'être le plus court, est le plus long. J'avoüe que le pere Taquet, qui a adopté dans sa Catoptrique ce principe du plus court chemin, pour expliquer la réflexion, n'est pas embarrassé de la difficulté des miroirs concaves. Lorsque la nature, dit - il, ne peut pas prendre le chemin le plus court, elle prend le plus long; parce que le chemin le plus long est unique & déterminé, comme le chemin le plus court. On peut bien appliquer ici ce mot de Ciceron: Nihil tam absurdum excogitari potest, quod dicture non sit ab aliquo philosophorum.
Voilà donc le principe des causes finales en défaut
sur la reflexion. C'est bien pis sur la réfraction; car
en premier lieu, pourquoi dans le cas de la réflexion,
la nature suit - elle tout à la fois le plus court chemin
& le plus court tems; au lieu que dans la réfraction,
elle ne prend que le plus court tems, & laisse le plus
court chemin? On dira qu'il a fallu choisir; parce
que dans le cas de la réfraction, le plus court tems
& le plus court chemin ne peuvent s'accorder ensemble.
A la bonne heure: mais pourquoi préférer
le tems au chemin? En second lieu, suivant MM. Fermat & Leibnitz, les sinus sont en raison directe des
vîtesses, au lieu qu'ils doivent être en raison inverse.
Voyez
Mais s'il est dangereux de se servir des causes finales
à priori pour trouver les lois des phénomenes; il
peut être utile, & il est au moins curieux de faire
voir comment le principe des causes finales s'accorde
avec les lois des phénomenes, pourvû qu'on ait
commencé par déterminer ces lois d'après des principes
de méchanique clairs & incontestables. C'est
ce que M. de Maupertuis s'est proposé de faire à l'égard
de la réfraction en particulier, dans un mémoire
imprimé parmi ceux de l'académie des Sciences, 1744.
Nous en avons parlé au mot
Cause (Page 2:789)
C'est une loi générale de la nature, que tout corps
persiste dans son état de repos ou de mouvement,
jusqu'à ce qu'il survienne quelque cause qui change
cet état. Voyez
Nous ne connoissons que deux sortes de causes capables de produire ou d'altérer le mouvement dans les corps; les unes viennent de l'action mutuelle que les corps exercent les uns sur les autres à raison de leur impénétrabilité: telles sont l'impulsion & les ac<pb-> [p. 790]
On peut donc regarder l'impénétrabilité des corps,
comme une des causes principales des effets que nous
observons dans la nature; mais il est d'autres effets
dont nous ne voyons pas aussi clairement que l'impénétrabilité
soit la cause: parce que nous ne pouvons
démontrer par quelle impulsion méchanique ces effets
sont produits; & que toutes les explications qu'on
en a données par l'impulsion, sont contraires aux
lois de la méchanique, ou démenties par les phénomenes.
Tels sont la pesanteur des corps, la force
qui retient les planetes dans leurs orbites, &c. Voy.
C'est pourquoi, si on ne veut pas décider absolument que ces phénomenes ayent une autre cause que l'impulsion, il faut au moins se garder de croire & de soûtenir qu'ils ayent l'impulsion pour cause; il est donc nécessaire de reconnoître une classe d'effets, & par conséquent de causes dans lesquelles l'impulsion ou n'agit point, ou ne se manifeste pas.
Les causes de la premiere espece, savoir celles qui viennent de l'impulsion, ont des lois très - connues; & c'est sur ces lois que sont fondées celles de la percussion, celles de la dynamique, &c. Voyez ces mots.
Il n'en est pas de même des causes de la seconde espece. Nous ne les connoissons pas; nous ne savons donc ce qu'elles sont que par leurs effets: leur effet seul nous est connu, & la loi de cet effet ne peut être donnée que par l'expérience, puisqu'elle ne sauroit l'être à priori, la cause étant inconnue. Nous voyons l'effet, nous concluons qu'il a une cause: mais voilà jusqu'où il nous est permis d'aller. C'est ainsi qu'on a découvert par l'expérience la loi que suivent les corps pesans dans leur chûte, sans connoître la cause de la pesanteur.
C'est un principe communément reçû en Méchanique, & très - usité, que les effets sont proportionnels à
leurs causes. Ce principe pourtant n'est guere plus
utile & plus fécond que les axiomes. Voy.
1°. S'il s'agit des causes de la seconde espece, qui ne sont connues que par leurs effets, il ne peut jamais servir de rien. Car si on ne connoît pas l'effet, on ne connoîtra rien du tout; & si on connoît l'effet, on n'a plus besoin du principe; puisque deux effets différens étant donnés, on n'a qu'à les comparer immédiatement sans s'embarrasser s'ils sont proportionnés ou non à leurs causes.
2°. S'il s'agit des causes de la premiere espece, c'est - à - dire des causes qui viennent de l'impulsion, ces causes ne peuvent jamais être autre chose qu'un corps qui est en mouvement, & qui en pousse un autre. Or, non - seulement on a les lois de l'impulsion & de la percussion indépendamment de ce principe: mais il seroit même possible, si on s'en servoit, de tomber dans l'erreur. Je l'ai fait voir, article 119 de mon traité de dynamique, & je vais le répéter ici en peu de mots.
Soit un corps M qui choque avec la vîtesse u un
autre corps en repos m; il est démontré (voyez
Il seroit à souhaiter que les Méchaniciens reconnussent
enfin bien distinctement que nous ne connoissons
rien dans le mouvement que le mouvement
même, c'est - à - dire l'espace parcouru & le tems employé
à le parcourir, & que les causes métaphysiques
nous sont inconnues; que ce que nous appellons causes, même de la premiere espece, n'est tel qu'improprement;
ce sont des effets desquels il résulte d'autres
effets. Un corps en pousse un autre, c'est - à - dire
ce corps est en mouvement, il en rencontre un autre,
il doit nécessairement arriver du changement à
cette occasion dans l'état des deux corps, à cause de
leur impénétrabilité; l'on détermine les lois de ce
changement par des principes certains, & l'on regarde
en conséquence le corps choquant comme la
cause du mouvement du corps choqué. Mais cette
façon de parler est impropre. La cause métaphysique,
la vraie cause nous est inconnue. Voyez
D'ailleurs quand on dit que les effets sont proportionnels à leurs causes, ou on n'a point d'idée claire de ce qu'on dit, ou on veut dire que deux causes, par exemple, sont entr'elles comme leurs effets. Or, si ce sont deux causes métaphysiques dont on veut parler, comment peut - on avancer une telle assertion? Les effets peuvent se comparer, parce qu'on peut trouver qu'un espace est double ou triple, &c. d'un autre parcouru dans le même tems: mais peut - on dire qu'une cause métaphysique, c'est - à - dire qui n'est pas elle - même un effet matériel, & pour ainsi dire palpable, soit double d'une autre cause métaphysique. C'est comme si on disoit, qu'une sensation est double d'une autre; que le blanc est double du rouge, &c. Je vois deux objets dont l'un est double de l'autre: peut - on dire que mes deux sensations sont proportionnelles à leurs objets?
Un autre inconvénient du principe dont il s'agit,
c'est le grand nombre de paralogismes dans lequel
il peut entraîner, lorsqu'on sait mal démêler les causes qui se compliquent quelquefois plusieurs ensemble,
pour produire un effet qui paroît unique. Rien
n'est si commun que cette mauvaise maniere de raisonner.
Concluons donc que le principe dont nous
parlons est inutile, & même dangereux. Il y a beaucoup
d'apparence que si on ne s'étoit jamais avisé
de dire que les effets sont proportionnels à leurs causes, on n'eût jamais disputé sur les forces vives. Voy.
Cause procatarctique (Page 2:790)
Ce mot vient du Grec,
Telle est, par exemple, une maladie qui s'unit & [p. 791]
Cause continente (Page 2:791)
Une cause continente de la suppression d'urine, est
le calcul qui se trouve dans la vessie. Voy.
Fievre continente ou continüe, est celle dont la crise
se fait sans intermission ou rémission. V.
Cause (Page 2:791)
On appelle causes d'appel, les moyens que l'appellant entend alléguer pour soûtenir la légitimité de son appel. (H)
Causes majeures (Page 2:791)
Suivant l'ancien droit, ces causes étoient jugées dans le concile de la province, du jugement duquel le septieme canon du concile de Sardique, tenu en 347, permet d'appeller au pape, pour examiner de nouveau l'affaire: mais il en réserve toûjours le jugement aux évêques de la province voisine.
Suivant le droit nouveau, c'est - à - dire l'introduction
des Decrétales, comprises dans le recueil d'Isidore, c'est - à - dire depuis le
Voilà ce qu'on entend communément par causes majeures. La pragmatique - sanction a reconnu que les causes majeures, dont l'énumération expresse se trouve dans le droit, doivent être portées immédiatement au saint - siége; & qu'il y a des personnes dont la déposition appartient au pape: ensorte que s'ils sont trouvés mériter cette peine, ils doivent lui être renvoyés avec leur procès instruit.
Le concile de Trente, sess. XXIV. c. v. ordonne que les causes criminelles contre les évêques, si elles sont assez graves pour mériter déposition ou privation, ne seront examinées & terminées que par le pape; que s'il est nécessaire de les commettre hors de la cour de Rome, ce sera aux évêques ou au métropolitain que le pape choisira par commission spéciale signée de sa main; qu'il ne leur commettra que la seule connoissance du fait, & qu'ils seront obligés d'en envoyer l'instruction au pape, à qui le jugement définitif est réservé. On laisse au concile provincial les moindres causes.
Mais l'église Gallicane a conservé l'ancien droit, suivant lequel les évêques ne doivent être jugés que par les évêques de la province assemblés en concile, en y appellant ceux des provinces voisines jusqu'au nombre de douze, sauf l'appel au pape suivant le concile de Sardique. C'est ce que le clergé de France a arrêté, tant par sa protestation faite dans le tems
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