RECHERCHE | Accueil | Mises en garde | Documentation | ATILF | ARTFL | Courriel |
CARAITES (Page 2:669)
CARAITES, s. m. pl. (Hist. ecclés.) secte très ancienne parmi les Juifs, si l'on en croit quelques auteurs, & qui subsiste encore parmi les Juifs modernes en Pologne, en Russie, à Constantinople, au Caire, & dans plusieurs autres endroits du Levant. Ce qui les distingue des autres Juifs quant à la religion, c'est leur attachement scrupuleux à la lettre de l'Ecriture, exclusivement aux allégories, traditions, interprétations humaines, &c.
Léon de Modene rabbin de Venise, observe que de toutes les hérésies qui étoient chez les Juifs avant la destruction du temple, il n'est resté que celle de Caraim, nom dérivé de Miera, qui signifie le pur texte de l'Ecriture; parce que les Caraïtes veulent qu'on s'en tienne au Pentateuque, qu'on le garde à la lettre, sans égard pour les gloses & les interprétations des rabbins.
Aben Ezra & quelques autres, pour rendre les
Caraïtes odieux, les qualifient de Sadducéens: mais
Léon de Modene se contente de les appeller Sadducéens mitigés, parce qu'ils admettent l'immortalité de
l'ame, la résurrection, les récompenses, & les peines
de la vie future, que rejettoient les anciens Sadducéens, dont il doute même que les Caraïtes soient
descendus. Voyez
M. Simon suppose avec plus de vraissemblance, que cette secte ne s'est formée que de l'opposition qu'ont apportée aux rêveries des Thalmudistes les Juifs les plus sensés, qui s'en tenant au texte de l'Ecriture, pour réfuter les traditions mal - fondées de ces nouveaux docteurs, en reçurent le nom de Caraim, qui signifie en Latin barbare, scripturarii, c'est - à - dire, gens attachés au texte de l'Ecriture, & qu'on [p. 670]
Scaliger, Vossius, & M. Spanheim, par une erreur
qui n'est pas pardonnable à des savans du premier ordre,
ont mis les Caraïtes au même rang que les Sabéens, les Mages, les Manichéens, & même les Musulmans. Wolfgang, Fabricius, &c. disent que les
Sadducéens & les Esséniens furent appellés Caraïtes,
par opposition aux Pharisiens, qui, comme l'on sait,
étoient grands traditionnaires. D'autres croyent que
ce sont les docteurs de la loi, legisperiti, dont il est si
souvent parlé dans l'Ecriture: mais toutes ces conjectures
sont peu solides. Josephe ni Philon ne font aucune
mention des Caraïtes; cette secte est donc plus
récente que ces deux auteurs; on la croit même postérieure
à la collection de la seconde partie du Thalmud, connue sous le nom de Gemara: peut - être
même ne commença - t - elle qu'après la compilation
de la Mischna vers le v
Les Caraïtes de leur côté intéressés à se donner le
mérite de l'antiquité, font remonter la leur jusqu'au
tems où les dix tribus furent emmenées captives par
Salmanasar. Wolf, sur les mémoires du Caraïte
Mardochée, la fixe au tems du massacre des docteurs
Juifs, sous le regne d'Alexandre Jannée, environ
cent ans avant Jesus - Christ. On raconte qu'alors,
Simon fils de Schétach, frere de la reine, s'étant enfui
en Egypte, y forgea ses prétendues traditions,
qu'il débita à son retour à Jerusalem, interprétant la
loi à sa fantaisie, & se vantant d'être le dépositaire
des connoissances que Dieu avoit communiquées de
bouche à Moyse; ensorte qu'il s'attira un grand nombre
de disciples: mais il trouva des contradicteurs qui
soûtinrent que tout ce que Dieu avoit révélé à Moyse étoit écrit, & qu'il falloit s'en tenir - là. Cette division,
ajoûte - t - on, donna naissance à la secte des
Rabbinistes ou Traditionnaires, parmi lesquels brilla
Hillel, & des Caraïtes, dont Juda fils de Tabbaï, fut
un des chefs. Le même auteur met au nombre de
ceux - ci non - seulement les Sadducéens, mais aussi les
Scribes dont il est parlé dans l'évangile. L'adresse &
le crédit des Pharisiens affoiblirent le parti des Caraïtes; Volf dit qu'Anam le releva en partie dans le
Les ouvrages des Caraïtes sont peu connus en Europe, quoiqu'ils méritent mieux de l'être que ceux des Rabbins. On en a un manuscrit apporté de Constantinople, qui se conserve dans la bibliotheque des peres de l'Oratoire de Paris. Les savans les plus versés dans l'intelligence de l'Hébreu, n'ont d'ailleurs vû que très - peu de leurs écrits. Buxtorf n'en avoit vû aucun; Selden n'en avoit lû que deux; Trigland assûre qu'il en a recouvré assez pour en parler avec quelque certitude; & il avance apparemment d'après eux, que peu de tems après que les prophetes eurent cessé, les Juifs se partagerent touchant les oeuvres de surérogation; les uns soûtenant qu'elles étoient nécessaires, suivant la tradition des docteurs; les autres les rejettant, parce qu'il n'en est pas fait mention dans la loi; & ce dernier parti forma la secte des Caraïtes. Il ajoûte qu'après la captivité de Babylone, on rétablit l'observation de la loi & des pratiques qu'on en regardoit comme des dépendances essentielles, selon les Pharisiens, qui en rapportoient l'institution à Moyse.
Léon de Modene observe que les Caraïtes modernes ont leurs synagogues & leurs cérémonies particulieres, & qu'ils se regardent comme les seuls vrais observateurs de la loi; donnant par mépris lenom de Rabbanim, à ceux qui suivent les traditions des
Il est cependant faux que les Caraïtes rejettent absolument
toutes sortes de traditions; ils n'en usent
ainsi qu'à l'égard de celles qui ne leur paroissent pas
bien fondées. Selden qui traite au long de leurs sentimens
dans son livre intitulé Uxor hebraïca, dit, qu'outre
le texte de l'Ecriture, les Caraites reçoivent certaines
interprétations qu'ils appellent héréditaires, &
qui sont de véritables traditions. Leur théologie ne
differe de celle des autres Juifs, qu'en ce qu'elle est
plus dégagée de vétilles & de superstitions, car ils
n'ajoûtent aucune foi aux explications des cabalistes,
ni aux sens allégoriques, souvent plus subtils que
raisonnables. Ils rejettent aussi toutes les décisions du
Thalmud qui ne sont pas conformes au texte de l'Ecriture, ou qui n'en suivent pas par des conséquences nécessaires
& naturelles: en voici trois exemples. Le premier
regarde les mizouzot ou parchemins que les Juifs
Rabbinistes attachent à toutes les portes par lesquelles
ils ont coûtume de passer. Le second concerne
les Thephilim ou Philacteres dont il est parlé dans le
Nouveau - testament. Le troisieme est sur la défense
faite aux Juifs de manger du lait avec de la viande.
Les Rabbinistes prétendent que les deux premiers de
ces articles sont formellement ordonnés par ces paroles
du Deutéronome, ch. vj. v. 8: & ligabis ea quasi
signum in manu tuâ, eruntque & movebuntur inter oculos
tuos, scribesque ea in limine & in ostiis domûs tua.
Aaron le Caraïte, dans son commentaire sur ces paroles,
répond qu'on ne doit point les prendre à la
lettre; que Dieu a seulement voulu faire connoître
par - là, que dans toutes les circonstances de la vie,
son peuple devoit avoir devant les yeux la loi donnée
à Moyse. Quant aux Thephilim, après y avoir
donné une pareille interprétation, les Caraïtes appellent
par raillerie les rabbins des ânes bridés de leurs
fronteaux. Voyez
Ces derniers retiennent cependant plusieurs superstitions des rabbins. Schupart, dans son livre de sectâ Karraorum, montre qu'ils ont les mêmes scrupules, & s'attachent aux mêmes minuties, sur l'observation du sabbat, de la pâque, des fêtes, de l'expiation, & des tabernacles, &c.; qu'ils observent aussi régulierement les heures de la priere & les jours de jeûne, qu'ils portent les zitzit ou morceaux de frange aux coins de leurs manteaux, & croyent que tout péché peut être effacé par la pénitence, au contraire des rabbins qui soûtiennent que certains péchés ne peuvent être effacés que par la mort. Les Caraïtes ne croyent pas comme les traditionnaires, qu'il doive y avoir du sang répandu dans la circoncision, ni que ce signe de leur loi doive être donné à l'enfant toujours le huitieme jour après sa naissance, & même aux enfans morts, mais qu'à ceux qui sont en danger on doit anticiper ce jour, Quant aux divorces, ils conviennent [p. 671]
Peringer dit que les Caraïtes de Lithuanie sont fort différens, & pour le langage & pour les moeurs, des Rabbinistes dont ce pays est plein; qu'ils parlent la langue Turque dans leurs écoles & leurs synagogues, à l'exemple des Tartares Mahométans; que leurs synagogues sont tournées du septentrion au midi, parce que, disent - ils, Salmanasar ayant transporté leurs peres dans des provinces situées au nord de Jerusalem, ceux ci pour prier, regardoient le côté où étoit située la Ville sainte, c'est - à - dire le midi. Le même auteur ajoûte qu'ils admettent tous les livres de l'Ancien - testament; opinion opposée à celle du plus grand nombre des savans, qui prétendent que les Caraïtes ne reconnoissent pour canonique que le Pentateuque, & ne reconnoissent que trois prophetes, savoir, Moyse, Aaron & Josué.
Caleb réduit à trois points toutes les différences
qui se rencontrent entre les Caraïtes & les Rabbinistes; savoir, que les premiers nient, 1° que la loi
orale ou la tradition viennent de Moyse, & rejettent
la cabale. 2°. Ils abhorrent le Thalmud. 3°. Ils
observent les fêtes comme le sabbat &c. beaucoup
plus rigoureusement que leurs adversaires, à quoi
l'on peut ajoûter qu'ils étendent presque à l'infini les
dégrés prohibés pour le mariage. Voyez
The Project for American and French Research on the Treasury of the French Language (ARTFL) is a cooperative enterprise of Analyse et Traitement Informatique de la Langue Française (ATILF) of the Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), the Division of the Humanities, the Division of the Social Sciences, and Electronic Text Services (ETS) of the University of Chicago.