ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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CATAPULTE (Page 2:767)

CATAPULTE, s. f. (Hist. anc. & Art. milit.) machine dont les anciens se servoient pour jetter de grosses pierres, & quelquefois des dards & des javelots de douze ou quinze piés de long sur les ennemis.

Ce mot est originairement Grec KAAPE/LTHS2, formé d'A)PO\ TH=S2 W=ELTH=S2.

On prétend que la catapulte est de l'invention des Syriens. Quelques auteurs la représentent semblable à la baliste; d'autres veulent qu'elle soit différente. Voyez Baliste & Onagre.

Le propre de la baliste étoit de lancer des traits d'une grosseur extraordinaire, & quelquefois plusieurs ensemble, dans une gargousse; & la catapulse lançoit des pierres & des traits tout ensemble, & en très - grand nombre. Folard, Attaque des places des anciens. Voici la description d'une catapulte, suivant cet auteur.

On fait un chassis ou base composée de deux grosses poutres, Planche XII. de l'art milit. 2, 3; leur longueur est de quinze diametres des trous des chapiteaux: leur largeur de deux diametres & quatre pouces, & leur épaisseur tout au moins d'un diametre & quatre pouces, le plus n'y fait rien. On pratiquera vers les deux extrémités de chaque poutre de doubles mortoises pour recevoir les huit tenons des deux traversans, 4, 5, chacun de quatre diametres de longueur sans les tenons, observant d'en marquer exactement le centre par une ligne creuse 6; le traversant 5 doit être courbe ou moins épais que l'autre, où l'on pratiquera au milieu une entaille arrondie pour donner une plus grande courbure à l'arbre ou bras dont nous parlerons bientôt.

On prendra le centre des deux poutres (2, 3) au sixieme diametre de leur longueur, où l'on pratiquera au milieu de chacune à son épaisseur, un trou 8 parfaitement rond de seize pouces de diametre opposés juste, & vis - à - vis l'un de l'autre. Ils s'élargiront vers l'intérieur du chassis, percés en forme de pavillon de trompette; c'est - à - dire, que les deux trous opposés qui ont chacun seize pouces de diametre du côté des chapiteaux, en auront dix - sept & demi à l'ouverture intérieure. Il faut en adoucir l'entrée que Vitruve appelle peritretos, & en abattre la carne tout au tour. Passons maintenant à la description des chapiteaux, qui sont comme la glande pinéale de la machine, & qui servent à tortiller & bander les cordages qui sont le principe du mouvement.

Les chapiteaux (9) sont de fonte ou de fer, composés chacun d'une roue dentée (10) de deux pouces & demi d'épaisseur. Le trou doit être de onze pouces trois lignes de diametre, parfaitement rond, & les carnes abattues. Le rebord intérieur (11) est de quatre pouces de hauteur; son épaisseur d'un pouce: mais comme il se trouve plus large d'un pouce par cette épaisseur que le trou pratiqué dans l'extérieur des deux poutres, on fera une entaille arrondie (12) de quatre pouces de profondeur, pour l'introduire juste dans l'entaille. Comme il y auroit un trop grand frottement si les chapiteaux appuyoient de plat contre les poutres, par l'extrème tension des cordages qui les serrent contre, on peut remédier facilement à cet inconvénient par le moyen de six roulettes (13) d'un pouce de diametre sur quatorze lignes de longueur, posées circulairement, & tournant sur leurs axes contre la poutre, comme on voit en A, & la roulette séparée B.

Ces roulettes ou petits cylindres de cuivre fondu, doivent être tournés au tour, & égaux à leur diametre, pour que les chapiteaux portent par tout également.

Sur cet assemblage de cylindres, on appliquera les chapiteaux (9) de telle sorte, que les cylindres ne débordent pas vers les dents de la roue, qui doivent recevoir un fort pignon (14), par le moyen du<cb-> quel on fait tourner la roue pour le bandage, & où l'on applique la clé (15), où l'on pratiquera un crochet d'arrêt (16); & pour plus grande sûreté, on en mettra un autre, pour empêcher que rien ne lâche par l'extrème & violent effort du bandage des cordes entortillées. On use de ces précautions à cause des roulettes, qui ôtant tout le frottement des chapiteaux & facilitant le bandage, font que les chapiteaux sont plus faciles à lâcher par l'extraordinaire tension des cordes, qui est à peine concevable: elle doit l'être encore moins dans une catapulte qui chasse un corps de quatre cents pesant & au - delà. On doit alors employer les roues multipliées; & pour plus grande précaution, l'on mettra un fort crochet d'arrêt à chaque roue.

On fait pour les petites catapultes depuis dix livres jusqu'à vingt ou trente, un cercle de fer en maniere de rebord, qui s'éleve au - dessus du bois de trois ou quatre lignes. Ce cercle doit être appliqué sur le bois & retenu par le moyen de huit fortes pointes; le chapiteau appuyant dessus comme sur plusieurs points, aura beaucoup moins de frottement pour le bandage, que s'il portoit tout entier sur le bois, observant d'abattre les carnes du rebord qui doit aller en arrondissant. Passons maintenant à la piece capitale qui soûtient tout l'effort & toute la puissance du bandage.

Cette piece est un bouton ou un travers plat (17) de fer battu à froid, qui partage en deux également le trou des chapiteaux à leur diametre, & qui s'enchâsse dans une entaille quarrée d'environ un pouce de profondeur dans l'épaisseur des chapiteaux. Ce travers doit être de deux pouces quatre lignes dans sa plus grande épaisseur d'en - haut (18), qui doit être arrondie & polie autant qu'il sera possible, pour que les cordes qui passent & repassent dessus, ne soient pas endommagées & coupées par les inégalités du fer. La hauteur de cette piece doit être de huit pouces, allant en diminuant depuis le milieu jusqu'en bas (19), qui ne doit avoir qu'un pouce. Cette piece doit entrer juste dans les trous des chapiteaux: cette hauteur donne plus de force, & empêche qu'elle ne plie par l'effort du bandage. Pour moi je crois, dit M. de Folard, qu'il seroit plus sûr de fondre les chapiteaux avec le travers, ou le faire de même métal: je voudrois m'en tenir là.

Après avoir appliqué les deux chapiteaux contre les trous des deux poutres, tous les deux dans une égale situation, & posé les deux pieces traversantes & diamétrales, sur lesquelles passe le cordage; on passe un des bouts de ce cordage à - travers de l'un des trous d'un chapiteau & de la poutre; on amarre ce bout à un clou planté dans l'intérieur de la poutre, de telle sorte qu'il ne lâche point; on prend ensuite l'autre bout de la corde, qu'on passe à - travers du trou de la poutre & du chapiteau opposé, & on file ainsi ce cordage passant & repassant sur les deux travers de fer qui partagent les trous des chapiteaux, la corde formant un gros écheveau(20) qui doit remplir entierement toute la capacité des deux trous: alors on lie le premier bout de la corde avec le dernier. La tension doit être égale, c'est - à - dire que les différens tours de la corde passés & repassés, doivent être tendus à force égale, & si près - à - près l'un de l'autre, qu'il n'y ait aucun intervalle entre chaque tour de corde. Dès que le premier tour ou lit de corde aura rempli l'espace de fer diamétral, on passera un autre lit par - dessus le premier, & ainsi les uns sur les autres, & toûjours également tendus jusqu'à ce qu'il ne puisse plus rien entrer dans les deux trous, & que l'écheveau les remplisse totalement; observant de frotter de tems en tems le cordage avec du savon. On peut encore passer & repasser la corde par les deux bouts, en prenant le centre. [p. 768]

A trois ou quatre pouces derriere l'écheveau des cordes, s'eleve un fort montant (21), composé de deux poteaux équarris de bois de chêne de quatorze pouces de grosseur, & des trois traversans à tenons & à mortoises. Comme ce montant se trouve à deux ou trois pouces derriere le gros écheveau de corde, il est nécessaire qu'il soit posé obliquement vers l'écheveau, de telle sorte que le bras (22) enfermé par son bout d'en - bas, au milieu & au centre d'entre les cordes de l'écheveau, dont une moitié l'embrasse d'un côté & de l'autre; il est nécessaire, dis - je, qu'il soit baissé de telle sorte que le bras appuie un peu obliquement sur le coussinet (23), qui doit être mis au centre du traversant (24). La hauteur du montant (21) est de sept diametres & demi & trois pouces, appuyé derriere par trois forts liens ou contre - fiches (25), assemblées par le bas dans l'extrémité des deux poutres (2, 3), & celle du milieu (26), au traversant (24), avec tenons & mortoises. Les poteaux & les traversans doivent être embrassés par de doubles équerres larges de quatre pouces, & épaisses de trois lignes, assurées par des boutons arrêtés par une goupille pour les tenir fermes.

On observera de mettre le coussinet (23) au centre, comme je l'ai dit, & qu'il soit couvert de cuir de boeuf passé & garni de bourre; car c'est contre ce coussinet que le bras va frapper avec une très grande force.

Lorsqu'on vouloit mettre la catapulte en batterie & en état de jetter des pierres, on mettoit le bout d'en - bas de l'arbre ou du bras, dans l'entre - deux & au centre de l'écheveau de corde. Ceci est d'autant plus important, que s'il ne se rencontroit pas dans ce juste milieu, la tension se trouveroit inégale; & ce qu'il y a de cordages plus d'un côté que de l'autre, se casseroit infailliblement dans la tension: ce qui mérite d'être observé. Pour n'être pas trompé dans une chose si importante, on peut mettre un morceau de bois en formant l'écheveau de la grosseur du bout d'en - bas du bras. Ce morceau de bois servira pour marquer le centre des cordes, en les passant & repassant dans les trous des chapiteaux.

Le bras ou style, comme Ammien Marcellin l'appelle, doit être d'excellent bois de frêne, & le plus sain qu'il sera possible de trouver. Sa longueur est de quinze à seize diametres du trou des chapiteaux. Le bout d'en - bas engagé dans le milieu de l'écheveau, est de dix pouces d'épaisseur, & large de quatorze; c'est - à - dire qu'il doit être plus étroit dans la premiere dimension que dans la seconde, pour lui donner plus de force, & empêcher qu'il ne plie; car si on s'appercevoit que le bras pliât, il faudroit lui donner plus de largeur.

On doit laisser ces dimensions au bout d'en - bas que les cordes embrassent, en rabattre les carnes; car sans cette précaution, elles couperoient ou écorcheroient les cordes qui sont de boyau. Le reste du bras doit être taillé en ellipse, moins épais d'un pouce que le bout enchâssé dans l'écheveau, & de la même largeur jusqu'à l'endroit où il vient frapper le coussinet, qui doit être plus épais, mais plat, de peur que la violence du coup ne le coupât en deux. C'est en cet endroit que le bras doit être un peu plus courbe. Pour fortifier davantage le bras ou l'arbre, dont l'effort est tout ce qu'on peut imaginer de plus violent, on doit le garnir tout autour dans une toile trempée dans de la colle forte, comme les arçons d'une selle, & rouler autour une corde goudronnée de deux lignes de diametre, si serrément & si près - à - près, qu'il n'y ait aucun intervalle entre les tours. On doit commencer cette liure hors du gros bout d'en - bas. La figure suffit de reste pour le faire com<cb-> prendre. Traité de l'Attaque des Places des anciens, par M. le chevalier Folard.

Les effets des catapultes étoient considérables. On lançoit avec ces machines des poids de plus de 1200 livres. Elles étoient encore en usage en France dans le xii. & le xiii. siecle. Le P. Daniel, dans l'Histoire de la Milice Françoise, cité un passage de Froissart, qui fait voir la force surprenante de ces sortes de machines. Il nous apprend qu'au siége de Thyn - Lévêque aux Pays - Bas, le duc Jean de Normandie fit charrier grand foison d'engins de Cambray & de Douay, & entre autres six fort grands, qu'il fit lever devant la forteresse, lesquels jettoient nuit & jour grosses pierres & mangonneaux, qui abattoient les combles & hauts des tours, des chambres, & des sales: tellement que les compagnons qui gardoient la place, n'osoient demeurer que dans les caves & les selliers. Ceux de l'ost leur jettoient encore plus par leurs engins des chevaux morts, & autres charoignes infectes pour les empuantir là - dedans, dont ils étoient en grande détresse; & de ce furent plus contraints que de nulle autre chose, parce que même il faisoit chaud comme en plein été, &c.

C'étoit, dit M. de Folard que nous copions ici, une très - grande incommodité que ces chevaux lancés dans une place assiégée; rien n'étoit plus capable d'y mettre la peste, ou du moins d'occuper une partie de la garnison pour les enterrer & se délivrer de l'infection de ces cadavres.

L'histoire de Ginghiscan & de Timur - Beg nous fournit une infinité d'exemples de la force & de la puissance de ces sortes de machines. Les catapultes dont ces conquérans se servoient étoient si énormes, qu'elles chassoient des meules de moulin & des masses affreuses; qu'elles renversoient tout ce qu'elles rencontroient avec un fracas épouvantable. Ces machines paroissent avoir subsisté jusqu'à l'invention de la poudre. L'usage du canon qui les détruisoit facilement, les fit disparoître: cependant M. le chevalier de Folard croit qu'elles seroient encore aujourd'hui supérieures à nos mortiers.

Les effets en sont à - peu - près les mêmes pour jetter des corps pesans, capables d'écraser par leur poids les édifices les plus solides: la catapulte a même quelque avantage en cela sur le mortier. Il faut bien moins de dépense pour le transport des choses nécessaires à la construction de la premiere, que pour le transport du dernier.

Ce que l'on doit le plus considérer dans la catapulte, dit toûjours le chevalier Folard, c'est la certitude de son effet & la justesse de ses tirs différens. « On est assûré de jetter les pierres où l'on veut; car il n'y a point de raison qui puisse faire qu'elle chasse plus ou moins loin, ou plus ou moins juste en un tems qu'en un autre sur les mêmes degrés d'élévation & de bandage. Il n'en est pas ainsi de nos mortiers, à cause des différens effets ou des différentes qualités de la poudre; car quoiqu'elle soit de même nature en apparence, elle ne l'est pas en effet. Un barril n'est jamais semblable à un autre barril; la poudre n'est jamais égale en qualité & en force, &c.»

Il est vrai, comme l'observe M. de Folard, que les effets de la poudre sont fort irréguliers: mais le ressort des cordes de la catapulte qui en fait toute la force, seroit à - peu - près sujet aux mêmes variations à cause des différentes impressions de l'air: ainsi il n'y a guere d'apparence que le coup de la catapulte puisse être beaucoup plus sûr que celui du mortier; mais cette machine paroît avoir un avantage trèsévident sur le pierrier.

« La portée la plus grande des mortiers - pierriers de quinze pouces de diametre à leur bouche, ne va guere au - delà de cent cinquante toises. Les caillous chassés par une catapulte, parcourront un plus

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