RECHERCHE | Accueil | Mises en garde | Documentation | ATILF | ARTFL | Courriel |
CARTON (Page 2:727)
* CARTON, f. m. (Art méchaniq.) le carton est un corps qui a beaucoup de surface & peu d'épaisseur, composé par art avec des rognures de cartes, des rognures de reliures, & de mauvais papier, à l'usage d'un grand nombre d'ouvriers; mais sur - tout des Relieurs mêmes. Il y a beaucoup de ressemblance entre la manoeuvre du Papetier & celle du Cartonnier: le Papetier prend dans un moule le chison réduit en bouillie, pour en faire du papier, le Cartonnier prend dans un moule le papier même remis en bouillie, pour en faire le carton.
Pour faire du carton, il faut ramasser dans un magasin une grande quantité de rognures de Relieur & de Cartier, avec beaucoup de mauvais papier; quand on a sa provision faite de ces matieres, on en transporte ce qu'on en peut travailler relativement au nombre d'ouvriers qu'on employe, dans un attelier bien clos. Le pavé de cet attelier doit s'élever un peu vers le fond, & l'attelier doit être garni d'auges de pierre, larges & profondes, placées vers le côté opposé. Il faut qu'il y ait des trous à ces auges, & sous ces trous des pierres concaves, qui puissent conduire les eaux dans une rigole qui les évie; il seroit aussi à propos qu'il y eût un puits dans le même attelier, avec une pompe qui conduisît l'eau dans les auges, & dans tous les autres endroits de la cartonnerie où l'on en peut avoir besoin.
On jette au sortir du magasin le mêlange de papier, de rognûres de papier, & de cartes, dans les auges de l'attelier que je viens de décrire, & qu'on appelle celui du trempi; on humecte ou moitit ces matieres avec de l'eau, & de - là on les jette sur le fond de l'attelier, où l'on en forme des tas considérables. La gomme, la colle, & les autres substances qui sont dans ces matieres qu'on n'a eu garde de trop humec<cb->
Quand la matiere des tas a suffisamment fermenté, ce qui la dispose à se mettre en bouillie, on en prend une quantité convenable qu'on porte dans un attelier contigu, qu'on appelle l'attelier du moulin. Cet attelier est partagé en deux parties; d'un côté sont des auges, de l'autre le moulin. Les auges de cet attelier s'appellent auges à rompre; il y a au - dessus de ces auges de gros robinets qui fournissent la quantité d'eau dont on a besoin. Avant que de jetter les matieres fermentées dans les auges, on les ouvre & on les trie, ou rejette les grosses ordures qui s'y trou vent: il seroit à souhaiter que ce triage se fît mieux; il épargneroit presqu'une manoeuvre, dont nous parlerons dans la suite, qu'on appelle l'épluchage.
A mesure que les matieres sont ouvertes & triées,
on les laisse tomber dans les auges à rompre; on lâche
les robinets, & on laisse bien imbiber d'eau les
matieres; ensuite on les remue, puis on les rompt:
les rompre, c'est les battre avec des pelles de bois
qu'on y plonge perpendiculairement, & qu'on tourne
en rond. Des ouvriers vigoureux continuent ce
travail jusqu'à ce qu'ils s'apperçoivent que les matieres
sont broyées, hachées & mises en bouillie, autant
qu'on peut le faire par une manoeuvre aussi grossiere;
alors ils prennent des sceaux qu'ils en remplissent,
& qu'ils versent dans le moulin qu'on voit Pl.
du Cartonnier, vignette,
Quand la matiere est moulue, on la passe dans un nouvel attelier, qu'on peut appeller proprement la cartonnerie. L'attelier de la cartonnerie est divisé en deux parties, le lieu de la presse, & celui de la cuve. Pour concevoir le lieu de la cuve, il faut imagi<pb-> [p. 728]
Lorsque la cuve A B est pleine de matiere préparée,
comme nous venons de l'expliquer, l'ouvrier
prend une forme; on entend par une forme, un instrument
tel que celui que tient l'ouvrier de la
L'épaisseur de la feuille de carton dépend de deux choses; de l'éaisseur de la matiere, & de la hauteur du chassis: plus la matiere sera épaisse, le chassis restant le même, plus il y aura de matiere contenue sur la forme: plus le chassis sera haut, la matiere restant la même, plus on en puisera à la fois.
La grandeur de la feuille dépend de la grandeur de la forme; cela est évident: mais il est bon de savoir qu'avec une grande forme capable, par exemple, de former un carton de l'étendue de la feuille in - folio de papier, on fait aisément à la fois & sans augmenter la manoeuvre, deux feuilles de carton égales à la demi - feuille. Pour cet effet, on se sert d'un chassis, divisé du haut en bas par une tringle de bois qui entre & se fixe par ses extrémités dans les côtés d'en - haut & d'en - bas de la forme; de maniere qu'il ne s'en manque presque rien qu'elle ne s'applique exactement sur le grillage. Qu'arrive - t - il de là? c'est que la matiere puisée dans la cuve se trouve partagée sur la forme en deux espaces différens, dont chacun donne une feuille qui n'est que la moitié de ce que seroit la feuille totale, sans la tringle qui divise la forme, ou plûtôt le chassis de haut en bas, & qui s'applique presque sur le grillage.
Je dis, qui s'applique presque sur be grillage: c'est qu'en effet la tringle, ou ne s'applique pas exactement sur le grillage; ou le grillage fléchissant un peu sous le poids de la matiere dont il est chargé, se sépare de la tringle, & laisse échapper entre la tringle & lui, un peu de matiere qui lie les deux feuilles, & n'en forme qu'une apparente: mais la jointure est si mince, c'est une pellicule de carton si déliée, qu'on la rompt facilement; elle se rompt même en partie, tout en renversant la forme sur le lange.
Mais ce qu'on pourroit regarder comme un inconvénient, devient par hasard une espece d'avantage: cette pellicule de carton qui ne joint pas assez les deux feuilles pour n'en faire qu'une, suffit pourtant pour qu'elles se séparent en même tems de la forme quand on les renverse sur le lange. Les langes sont les mêmes, soit qu'on fasse une seule feuille à la fois, soit qu'on en fasse deux.
Quand on ne veut pas que la feuille se trouve séparée en deux parties égales, mais qu'on souhaite que la feuille soit de toute la grandeur de la forme, il n'y a d'autre chose à faire qu'ôter du chassis la tringle qu'on y avoit arrêtée.
Quand le cartonnier a fait sa pressée, il met des morceaux de bois sur les bords de la presse, & fait monter son plateau par ce plan incliné, entre les montans, comme on le voit en A B. C'est pour cet effet qu'on a mis au plateau K L des anneaux. Lorsque la pressée est entre les montans, on la couvre de planches de chêne; on place sur ces planches une rangée de madriers; sur ces madriers des planches; sur ces planches une autre rangée de madriers plus forts que les précédens; & sur ces derniers madriers s'applique l'ais supérieur de la presse qui en fait partie, qui se meut à coulisse le long de ses montans, & qui agit également sur toute la pressée par le moyen [p. 729]
Le carton ne reste pas long - tems sous la presse: la pressée, quand elle ne rend plus rien par le plateau, est envoyée dans un autre attelier.
Cet attelier s'appelle l'épluchoir: là des filles, qu'on appelle éplucheuses, s'occupent à tirer les feuilles de carton d'entre les molletons que les ouvriers appellent langes, & à les visiter les unes après les autres pour en arracher les grosses ordures. Ces grosses ordures se sentent facilement à travers la feuille molle, quand on ne les voit pas. On les ôte; on presse avec le doigt l'endroit déchiré, & il n'y paroît plus qu'à l'inégalité d'épaisseur. L'endroit reprend; il est seulement plus mince.
Ou ces feuilles épluchées sont destinées à rester simples comme elles sont, ou à former un carton plus épais dont elles seront parties: si elles sont destinées à rester simples, on les rapporte dans l'attelier de la presse, sous laquelle on les remet, & on les équarrit. Equarrir, c'est en enlever les bords & les rendre plus quarrées; ce qui s'exécute avec une ratissoire tranchante. On conçoit bien qu'alors les feuilles ne sont pas entre les langes.
Si on les destine à former un carton plus épais, il y a des ouvriers qui ne les épluchent point, de peur qu'elles ne se sechent trop; elles passent de dessous la presse où on les a mises entre les langes pour la premiere fois, au côté droit de l'ouvrier sur une table: alors l'ouvrier remet proche de lui son plateau vuide; ôte de dessus la pressée mise sur sa table, le premier lange qui la couvre, & l'étend au fond de son plateau; il enleve pareillement la premiere feuille simple qui se présente: mais comme elle est mollette, pour ne la point déchirer, il prend le lange, sur lequel elle est posée, par les deux coins d'en - bas; il corne ces deux coins; puis il roule le reste de la main droite en allant vers la gauche, & de la gauche en allant vers la droite. Il porte en cet état la feuille roulée en deux parties avec le lange, sur le fond de son plateau. L'endroit des coins étant plus épais que le reste, fait dérouler; & la feuille, & sous cette feuille le lange, sont étendus en un moment sur le fond du plateau. Cela fait, ou plûtôt pendant cette manoeuvre, une forme de matiere s'égoutte sur l'égouttoir; le cartonnier en ôte aussitôt le chassis, le met sur une seconde forme; remplit celle - ci, la met égoutter, & renverse la premiere sur celle qu'il a étendue sur le plateau.
Puis il retourne à la cuve; ôte à la forme qui égouttoit, son chassis; le met à la forme vuide; la remplit, & la met égoutter. Pendant qu'elle égoutte, il s'avance vers sa table; enleve de la pressée une autre feuille avec la même précaution que ci - dessus, c'est<cb->
Il retourne à sa cuve; ôtè à la forme qui égoutte son chassis; remplit la forme qu'il tient, après lui avoir mis le chassis qu'il a ôté à l'autre, & la pose sur l'égouttoir. Tandis qu'elle égoutte, il enleve de la pressée une feuille roulée dans son lange, l'étend sur le plateau avec son lange dessous; puis il prend des deux formes qui égouttoient, celle qui n'a point de chassis, & la renverse sur le plateau, ou plûtôt sur la feuille de pressée. Il retourne ensuite à la cuve, & réitere toute la manoeuvre que nous venons d'expliquer, jusqu'à ce qu'il ait formé une nouvelle pressée, qui ne differera de la premiere qu'en ce que entre chaque lange il ne se trouvoit qu'une feuille; au lieu qu'ici il y en a deux, la feuille de la nouvelle fabrique, & celle de la précédente.
Quand cette pressée est faite, on remet le plateau sous la presse, & l'on presse. L'effet de la manoeuvre précédente & de celle - ci, est d'unir si bien la premiere feuille faite avec la seconde, qu'elles n'en fassent qu'une à peu - près double en épaisseur, ce qui ne manque jamais de réussir; la premiere feuille n'étant pas seche, la seconde étant toute molle & fluide, il se fait entr'elles une distribution égale d'humidité: la feuille de dessous reçoit, pompe même ce que la feuille de dessus en a de plus qu'elle; de maniere que l'action de la presse les identifie sans peine. D'où il arrive que quand ces nouvelles feuilles passent à l'attelier des éplucheuses, elles sont réellement doubles d'épaisseur, & c'est tout: mais leur corps & leur consistance, sont aussi parfaitement uns que si elles avoient été moulées tout d'un coup.
Quand on veut avoir des cartons de moulage très forts, on peut en appliquer trois feuilles l'une sur l'autre entre les mêmes langes, & n'en faire qu'une de trois: mais cela ne va point jusqu'à quatre. Comme il faut que chacune soit moulée & pressée en particulier, l'humidité a le tems de s'échapper pendant ces opérations réitérées; la feuille se seche; & cette feuille composée déjà de trois autres, ou n'est plus assez molle pour pomper l'humidité d'une quatrieme qu'on lui appliqueroit, ou cette quatrieme, qui est simple, n'a pas assez d'humidité pour arroser & amollir celle qui est composée de trois, sur laquelle on l'étend: ainsi il arrive qu'elles ne peuvent plus se lier & faire corps.
Quand la nouvelle pressée, soit simple, soit double, soit triple, sort de dessous la presse, on l'épluche; on la rapporte sous la presse; on l'équarrit, & on l'envoye aux étendoirs.
Les étendoirs sont de grands greniers; les plus airés sont les plus propres; par la raison contraire les caves seroient les meilleurs endroits qu'on pût choisir pour les trempis. Comme il n'y a plus de langes entre les feuilles de carton quand on les équarrit, il est évident qu'on en équarrit beaucoup plus à la fois qu'on n'en presse. La quantité qu'on équarrit à la fois s'appelle une réglée: la réglée est faite d'une trentaine de poignées; & la poignée d'une dixaine de cartons doubles. On peut apprécier là - dessus les réglées & poignées des autres sortes: elles contiennent d'autant moins de feuilles, que les feuilles sont plus fortes.
Les réglées trouvent dans les étendoirs des mains toutes prêtes à les employer: chacun se place devant sa réglée, le poinçon à la main. Cet instrument n'est autre chose qu'une espece de pointe de fer, aiguë, d'une ligne & demie de diametre au plus par le bas, de quatre à cinq pouces de long, & emmanchée comme une alêne de Sellier. On enfonce cet instrument [p. 730]
De ces feuilles ainsi préparées, les unes sont vendues aux relieurs, qui les achetent dans cet état brut; & les autres destinées à d'autres usages, sont partagées en deux portions, dont l'une revient de l'étendoir dans l'attelier des lisseurs, & l'autre est portée dans l'attelier des colleurs.
Celles qui passent dans l'attelier des lisseurs, y
sont travaillées à la lissoire. La lissoire des cartonniers
se meut précisément comme celle des cartiers,
par un gros bâton appliqué par son extrémité supérieure
à une planche attachée par un bout à une poutre,
& qui fait ressort par l'autre bout, celui auquel
le bâton de la lissoire est appliqué: ce bâton est fendu
par son extrémité inférieure; cette extrémité est encore
arrondie circulairement. La langue L de la boîte
de la lissoire,
Celles qui passent dans l'attelier des colleurs, sont
ou collées les unes avec les autres, pour former du carton plus épais, ou couvertes de papier blanc auquel
elles servent d'ame: d'où l'on voit qu'il y a déjà trois
sortes de carton; du carton de pur moulage, du carton
de moulage collé, & du carton couvert, auquel le carton de moulage sert d'ame. Il n'y a rien de particulier
sur la seconde espece, celle de feuilles de carton de
moulage collées ensemble. On a de la colle de farine
à l'ordinaire, ou telle que celle des cartiers, voyez
On voit que pour faciliter le prompt collage de ces feuilles, il est bon d'en avoir préparé les tas auparavant. Cette préparation consiste à mettre les feuilles par échelle de deux en deux: pour cet effet on prend une feuille, on la met sur une table; on prend deux feuilles qu'on pose dessus cette premiere, de maniere qu'elle les déborde de quatre doigts par en bas; sur ces deux, deux autres qui correspondent à la premiere, & qui sont par conséquent débordées par en - haut de quatre doigts par les deux premieres, & ainsi de suite: on finit le tas par une seule.
Si on veut ajoûter une nouvelle feuille aux deux précédentes, pour avoir un carton d'un tiers plus épais, & composé de trois feuilles, on facilitera cette opération en prenant la même précaution; je veux dire, en mêlant les feuilles simples & les feuilles doubles deux à deux de maniere qu'elles soient en échelle, & que si deux débordent par en - haut celles qui les précedent, elles soient débordées par enbas par les deux qui les suivront, & en ne collant jamais que celle des deux qui est dessus. Il est évident qu'on formera ainsi toûjours des tas où les feuilles ne seront collées que deux à deux>
On continuera la même manoe>, mêlant, collant, pressant & séchant autant de fois qu'on voudra doubler les cartons: on parviendra de cette maniere à en former qui auront un pouce d'épais, & par - delà.
Quant aux cartons qu'on veut couvrir de beau papier, on ne suivra pas une autre méthode; il suffit de l'avoir indiquée.
Il y a, comme on voit, bien des sortes de carton: il y en a de trois sortes de pur moulage; du simple, du double, & du triple.
Il y en a de feuilles de moulage collées ensemble, de tant d'especes que l'on veut.
Il en est de même de celui de moulage qui est couvert de papier blanc; car on peut également couvrir & celui qui est de pur moulage, ce qui donnera trois sortes de cartons couverts; & celui qui est fait de feuilles de moulage collées, ce qui en ajoûtera un grand nombre d'autres sortes.
Outre toutes ces sortes de carton, entre lesquelles
il faut observer que ceux qui sont couverts d'un seul
ou des deux côtés reviennent à la lisse, & que pour
les bien lisser il est souvent à propos de les savonner
& chauffer auparavant, comme nous l'avons prescrit
à l'article cartier (voyez
Il y a aussi des cartons de collage d'un grand nombre de sortes, dont la finesse se distingue par numéros. Il y en a de couverts des deux côtés, d'un seul; de lissés des deux côtés, & d'un seul, &c.
On fait en France un commerce considérable de carton. J'ai visité les atteliers des ouvriers, que je n'ai pas trouvés aussi bien entendus que celui que je viens de décrire: il m'a semblé qu'ils n'apportent pas à leur ouvrage autant d'attention & de propreté qu'ils y en pourroient mettre: ce n'est pas la seule occasion où j'ai remarqué que pourvû que les choses se fissent, on s'embarrassoit fort peu du comment. On se sert de carton pour relier les livres, faire des porte - feuilles, des étuis à chapeaux, à manchons, &c.
Ce sont les Papetiers - Merciers & les Papetiers - colleurs de feuilles, autrement dit Cartonniers, qui en [p. 731]
Carton (Page 2:731)
Carton (Page 2:731)
Carton se dit aussi d'un dessein en grand, coloré
pour travailler en mosaïque, en tapisserie, &c. Voy.
Les cartons que l'on conserve à Hamptoncourt en Angleterre, sont des desseins de Raphael d'Urbin, faits pour être exécutés en tapisserie. (R)
Carton (Page 2:731)
Carton (Page 2:731)
Le public à Paris est tellement prévenu contre ces cartons, qu'on a vû des ouvrages décrédités parce qu'il y en avoit, quoiqu'ils y eussent été placés pour la plus grande perfection de ces ouvrages.
Carton (Page 2:731)
The Project for American and French Research on the Treasury of the French Language (ARTFL) is a cooperative enterprise of Analyse et Traitement Informatique de la Langue Française (ATILF) of the Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), the Division of the Humanities, the Division of the Social Sciences, and Electronic Text Services (ETS) of the University of Chicago.