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CARTE (Page 2:706)
CARTE, s. f. (Géog.) figure plane qui représente
la surface de la terre, ou une de ses parties,
suivant les lois de la perspective. Voyez
Une carte est donc une projection de la surface du
globe ou d'une de ses parties, qui représente les figures
& les dimensions, ou au moins les situations
des villes, des rivieres, des montagnes, &c. Voyez
Cartes universelles, sont celles qui représentent toute
la surface de la terre, ou les deux hémispheres. On
les appelle ordinairement mappemondes. Voyez
Cartes particulieres, sont celles qui représentent quelques pays particuliers, ou quelques portions de pays.
Ces deux especes de cartes sont nommées souvent cartes géographiques, ou cartes terrestres, pour les distinguer des hydrographiques ou marines, qui ne représentent que la mer, ses îles, & ses côtes.
Les conditions requises pour une bonne carte, sont 1°. que tous les lieux y soient marqués dans leur juste situation, eu égard aux principaux cercles de la terre, comme l'équateur, les paralleles, les méridiens, &c. 2°. que les grandeurs de différens pays ayent entr'elles les mêmes proportions sur la carte, qu'elles ont sur la surface de la terre: 3°. que les différens lieux soient respectivement sur la carte aux mêmes distances les uns des autres, & dans la même situation que sur la terre elle - même.
Pour les principes de la construction des cartes, &
les lois de projection, voyez
Construction d'une carte, l'ail étant supposé placé dans l'axe. Supposons, par exemple, qu'il faille représenter l'hémisphere boréal tel qu'il doit paroître à un oeil situé dans un des points de l'axe, comme dans le pole austral, & en prenant le plan de l'équateur pour celui où la représentation doit se faire: nous imaginerons pour cela des lignes tirées de chaque point de l'hémisphere boréal à l'oeil, & qui coupent le plan en autant de points. Tous ces derniers points joints ensemble, formeront par leur assemblage la carte requise.
Ici l'équateur sera la limite de la projection; le pole de la terre se représentera ou se projettera au centre; les méridiens de la terre seront représentés par des lignes droites qui iront du centre de l'équateur ou du pole de la carte, à tous les points de l'é<pb-> [p. 707]
La meilleure maniere de concevoir la projection d'un cercle sur un plan, c'est d'imaginer un cone dont le sommet placé à l'endroit où nous supposons l'oeil, soit radieux, ou envoye des rayons dont la base soit le cercle qu'il faut représenter, & dont les côtés soient autant de rayons lancés par le point lumineux: la représentation du cercle ne sera alors autre chose que la section de ce cone par le plan, sur lequel elle doit se faire; & il est clair que selon les différentes positions du cone, la représentation sera une figure différente.
Voici maintenant l'application de cette théorie à
la pratique. Prenez pour pole le milieu P (
Construction des paralleles sur la carte. Marquez par
les lettres A B, B C, C D, D A, les quatre quarts
de l'équateur, compris le premier depuis zéro jusqu'à
90; le second, depuis 90 jusqu'à 180; le troisieme,
depuis 180 jusqu'à 270; & le quatrieme, depuis
270 jusqu'à zéro; & de tous les degrés d'un de ces
quarts de cercle BC, comme aussi des points qui marquent
23
Les méridiens & les paralleles ayant été ainsi décrits, on écrira les différens lieux au moyen d'une table de longitude & de latitude, comptant la longitude du lieu sur l'équateur, à commencet du premier méridien, & continuant vers le méridien du lieu; & pour la latitude du lieu, on la prendra sur le parallele de la même latitude. Il est évident que le point d'intersection de ce méridien & de ce parallele, représentera le lieu sur la carte; & on s'y prendra de même pour y représenter tous les autres lieux.
Quant à la moitié de l'écliptique qui passe dans
cet hémisphere, ce grand cercle doit se représenter
par un arc de cercle; de façon qu'il ne s'agit plus
que de trouver sur la carte trois points de cet arc. Le
premier point, c'est - à - dire celui où l'écliptique coupe
l'équateur, est le même que celui où le premier méridien
coupe l'équateur; & il se distingue par cette
raison, par le signe d'Aries. Le dernier point de cet
arc de cercle, ou l'autre intersection de l'équateur &
d'écliptique, c'est - à - dire la fin de Virgo, sera dans
le point opposé de l'équateur à 180
Les cartes de cette premiere projection ont la premiere des qualités requises ci - dessus: mais elles manquent de la seconde & de la troisieme; car les degrés égaux des méridiens sont représentés sur ces cartes par des portions de ligne droite inégales.
On peut par cette méthode représenter dans une
On se contente pour l'ordinaire de tracer les deux
hémispheres séparément; ce qui rend la carte beaucoup
plus nette & plus commode. Si on veut avoir
par le moyen de cette carte la distance de deux lieux
A, B, (
M. de Maupertuis a démontré dans son discours
sur la Parallaxe de la lune, que les loxodromiques
dans cette projection devenoient des spirales logarithmiques.
Voyez
Cette projection est la plus aisée de toutes: mais on préfere pour l'usage celle où l'oeil est placé dans l'équateur. C'est en effet de cette derniere sorte qu'on fait ordinairement les cartes. Au reste, comme la situation de l'écliptique, par rapport à chaque lieu de la terre, change continuellement, ce cercle ne doit point avoir lieu, à proprement parler, sur la surface de la terre: mais on s'en sert pour représenter, conformément à sa situation, quelques momens marqués; par exemple, celui où le commencement d'aries & de libra seroit dans l'intersection du premies méridien & de l'équateur.
Construction des cartes, en supposant l'ail placé dans
le plan de l'équateur. Cette méthode de projection,
quoique plus difficile, est cependant plus juste, plus
naturelle, & plus commode que la premiere. Pour
la concevoir, nous supposerons que la surface de la
terre soit coupée en deux hémispheres par la circonférence
entiere du premier méridien; nous proposant
de représenter chacun de ces hémispheres dans une
carte particuliere, l'oeil sera placé dans un point de
l'équateur, éloigné de 90
Voici la méthode pour les construire. Du point E
comme centre (
Pour décrire les paralleles, il faudra diviser de la
même sorte le méridien B D en 180
L'écliptique peut se marquer de deux façons; car
sa situation sur la terre peut être telle que ses intersections
avec l'équateur répondent perpendiculairement
au point E: en ce cas, la projection de ce demi - cercle, depuis le premier degré du Cancer jusqu'au premier du Capricorne, sera une droite qu'on
déterminera en comptant un arc de 23
Il ne reste plus pour rendre la carte parfaite, qu'à prendre dans les tables les longitudes & les latitudes des différens lieux, & à placer ces lieux conformément sur la carte; ce qu'on fera selon qu'on l'a enseigné dans la construction des cartes de la premiere espece. On pourroit dans cette projection représenter sur une seule carte presque tout le globe de la terre; il ne faudroit pour cela que prendre pour plan de projection, au lieu du plan du premier méridien, le plan de quelqu'autre petit cercle, parallele à ce premier méridien, & fort proche de l'oeil; car par ce moyen on pourra décrire tous les méridiens & les paralleles à l'équateur en entier, sans qu'ils sortent des limites de la carte. Mais comme cela rendroit la carte confuse & embrouillée, on ne le fait que rarement; & il paroît plus à propos de représenter les deux hémispheres en entier sur deux cartes différentes.
Un des avantages de cette projection est qu'elle représente d'une maniere un peu plus vraie que la précédente, les longitudes & les latitudes des lieux, leurs distances de l'équateur & du premier méridien. Ses inconvéniens sont: 1°. qu'elle rend les degrés de l'équateur inégaux, ces degrés devenant d'autant plus grands, qu'ils sont plus près de D A B ou de son opposé B C D, ce qui fait que des espaces inégaux sur la terre sont représentés comme égaux sur la carte; & réciproquement; défaut qu'on n'éviteroit que par d'autres, peut - être plus grands. 2°. Que les distances des lieux & leurs situations mutuelles ne
Construction des cartes sur le plan de l'horison, ou
dont un lieu donné quelconque à volonté doive être le
centre ou le milieu. Supposons, par exemple, qu'on
veuille décrire la carte dont le centre soit la ville de
Paris, nous supposerons sa latitude de 48
Vous prendrez ensuite les points correspondans des degrés égaux; & de leur distance prise pour diametre, vous décrirez des cercles qui représenteront les paralleles ou cercles de latitude avec l'équateur, les tropiques & le cercle polaire. Pour les méridiens, vous décrirez par les points A P C un cercle qui représentera le méridien de 90 degrés de Paris, & dont le centre sera le point M, & P N le diametre; & ayant divisé K L en degrés par les méthodes précédentes, vous décrirez par les points P N, & par les points de division de la ligne K L, des cercles dont les portions renfermées dans le cercle B A D C représenteront les méridiens.
Les cartes rectilignes sont celles où les méridiens & les paralleles sont tout - à - la - fois représentés par des droites, ce qui est réellement impossible par les lois de la perspective, parce qu'on ne peut point assigner de position pour l'oeil & le plan de projection, telle, que les cercles de longitude & de latitude deviennent tous - à - la - fois des lignes droites. Dans la premiere méthode que nous avons donnée ci - dessus, les méridiens étoient des droites, mais les paralelles étoient des cercles. Dans la plûpart des autres especes de projections, les méridiens & les paralleles sont des courbes. Il y a une espece de projection où les méridiens sont des droites, & les paralleles des hyperboles. C'est lorsque l'oeil seroit supposé placé dans le centre de la terre, & que la projection se feroit sur un parallele au premier méridien: mais cette projection est plûtôt de pure curiosité que d'usage.
Construction des cartes particulieres. Les cartes particulieres de grandes étendues de pays, comme les cartes d'Europe, se projettent de la même maniere que les cartes générales, observant seulement qu'il est à propos de faire choix de différentes méthodes pour différentes pratiques: par exemple, l'Afrique & l'Amérique par où passe l'équateur, ne se projetteroient pas convénablement par la premiere méthode, mais par la seconde; l'Europe & l'Asie se projetteroient mieux par la troisieme; & les pays voi<pb-> [p. 709]
Ainsi, pour commencer, tirez sur votre plan ou papier une droite, que vous prendrez pour le méridien du lieu sur lequel l'oeil est imaginé placé, & divisez - la comme ci - dessus en degrés, qui seront les degrés de latitude: prenez ensuite dans les tables la latitude des deux paralleles qui en terminent les deux extrémités; il faudra marquer dans le méridien ces degrés de latitude, & tirer par ces mêmes degrés des perpendiculaires, qui serviront à la carte de limite nord & sud. Cela fait, il faudra tirer des paralleles dans les différens degrés des méridiens, & placer les lieux jusqu'à ce que la carte soit complette.
Des cartes particulieres de moindre étendue. Les Géographes suivent une autre méthode dans la construction des cartes qui doivent représenter une plus petite portion de la terre. Premierement on tire une droite au bas du plan, qui puisse représenter la longitude, & qui serve de bornes à la partie méridionale du pays qu'on veut décrire. On prend dans cette ligne autant de parties égales que le pays comprend de degrés de longitude; au milieu de cette ligne, on lui éleve une perpendiculaire dans laquelle on prend autant de parties que le pays contient de degrés de latitude. On détermine de quelles grandeurs ces parties doivent être par la proportion d'un degré de grand cercle aux degrés des paralleles qui terminent le pays dont on fait la carte. Par l'extrémité de cette perpendiculaire, on tire une autre droite perpendiculaire ou parallele à celle d'en - bas, sur laquelle les degrés de longitude doivent se représenter comme dans la ligne d'en - bas; c'est - à - dire, presqu'égaux les uns aux autres, à moins que les latitudes des deux extrémités ne soient fort différentes l'une de l'autre; car si la parallele la plus basse est située à une distance considérable du cercle équinoctial, ou que la latitude de la limite boréale soit beaucoup plus grande que celle de l'australe, les parties ou degrés de la ligne supérieure ne seront plus égaux aux parties ou degrés de l'inférieure; mais ils seront moindres suivant la proportion du degré de la partie septentrionale, au degré de la partie méridionale. Après qu'on aura ainsi déterminé soit sur la ligne supérîeure, soit sur l'inférieure, les parties qu'on doit prendre pour les degrés de longitude; on tire>a par les points de division de ces paralleles des droites qui représenteront les méridiens; & par les différens degrés de la perpendiculaire élevée au milieu de la premiere ligne transversale, on tirera des lignes paralleles à cette premiere ligne transversale, lesquelles représenteront les paralleles de latitude. Enfin on placera les lieux suivant la méthode qui a été déjà enseignée, aux points dans lesquels les méridiens ou cercles de longitude concourront avec les paralleles ou cercles de latitude.
Pour les cartes de province ou de pays de peu d'étendue,
comme de paroisses, de terres, &c. on se sert
d'une autre méthode plus sûre & plus exacte qu'aucune
des précédentes. Les angles de position ou
ceux sur lesquels doivent tomber les lieux, y sont
déterminés par des instrumens propres à cet effet, &
rapportés ensuite sur le papier. Cela fait un art à
part qu'on appelle arpentage. Voy.
Les
L'usage des cartes se déduit facilement de leur construction. Les degrés des méridiens & des paralleles marquent les longitudes & les latitudes des lieux; & l'échelle des lieues qui y est jointe, la distance des uns aux autres. La situation des lieux les uns par rapport aux autres, comme aussi par rapport aux points cardinaux, paroît à la seule inspection de la carte, puisque le haut en est toûjours tourné vers le nord; le bas vers le sud, la droite vers l'est, & la gauche vers l'ouest; à moins que la boussole qu'on met assez souvent sur la carte, ne marque le contraire.
Carte Marine (Page 2:709)
Le P. Fournier rapporte l'invention des cartes marines à Henri fils de Jean roi de Portugal; elles different beaucoup des cartes géographiques terrestres, qui ne sont d'aucun usage dans la navigation: toutes les cartes marines ne sont pas non plus de la même espece; il y en a qu'on nomme cartes planes; d'autres réduites; d'autres, cartes de mercator; d'autres, cartes du globe, &c.
Les cartes planes, sont celles où les méridiens & les paralleles sont représentés par des droites paralleles les unes aux autres.
Ptolomée les rejette dans sa Géographie, à cause des erreurs auxquelles elles sont sujettes, quoiqu'elles puissent être utiles dans des voyages courts. Leurs défauts sont, 1°. que puisque tous les méridiens se rencontrent en effet dans les poles, il est absurde de les représenter, sur - tout dans de grandes cartes, par des droites paralleles; 2°. que les cartes planes représentent les degrés des différens paralleles égaux à ceux de l'équateur, & par conséquent les distances des lieux de l'est à l'ouest, plus grandes qu'elles ne sont; 3°. que dans une carte plane, le vaisseau paroît, tant qu'on garde le même rhumb de vent, faire voile dans un grand cercle du globe, ce qui est pourtant très - faux.
Malgré ces défauts des cartes planes, elles sont cependant assez exactes, lorsqu'elles ne représentent qu'une petite portion de la mer ou de la terre; & elles peuvent être en ce cas d'un usage fort simple & fort commode.
Construction d'une carte plane. 1°. Tirez une droite
comme A B (
Il s'ensuit de - là 1°. que la latitude & la longitude du lieu où est un vaisseau étant données, on pourra aisément représenter son lieu dans la carte; 2°. qu'étant donnés dans la carte, les lieux F & G, d'où le vaisseau part, & où il va; la ligne F G, tirée de l'un à l'autre, fait avec le méridien A B un angle A F G égal à l'inclinaison du rhumb; & puisque les portions F1, 12, 2G, entre des paralleles équidistans sont égales, & que l'inclinaison de la droite F G à tous les méridiens ou à toutes les droites paralleles à A B, est la même, la droite F G représente donc [p. 710]
Il s'ensuit de - là qu'on peut se servir utilement des cartes planes pour diriger un vaisseau dans un voyage qui ne soit pas de long cours, ou même dans un voyage assez long, pourvû qu'on ait soin qu'il ne se glisse point d'erreur dans la distance des lieux F & G, ce qu'on corrigera de la maniere suivante.
Construction d'une échelle pour corriger les erreurs des
distances dans les cartes planes. 1°. Transportez cinq
degrés de la carte à la droite A B,
Il s'ensuit de - là que si un vaisseau fait voile sur un rhumb à l'est ou à l'ouest, hors de l'équateur, les milles correspondans aux degrés de longitude, se trouveront comme dans l'article précédent; s'il fait voile sur un rhumb collatéral, alors on peut supposer toûjours la course de l'est à l'ouest dans un parallele moyen entre le parallele du lieu d'où le vaisseau vient, & de celui où il va.
Il est vrai que cette réduction par une parallele
moyenne arithmétique n'est pas exacte: cependant
on s'en sert souvent dans la pratique, parce que c'est
une méthode commode pour l'usage de la plûpart
des marins. En effet, elle ne produira point d'erreur
considérable, si toute la course est divisée en parties
dont chacune ne passe pas un degré; ce qui fait qu'il
est convenable de ne pas prendre le diametre du
demi - cercle ACB de plus d'un degré, & de le diviser
au plus en milles géographiques. Pour l'application
des cartes planes à la navigation, voyez
Carte réduite, ou carte de réduction: c'est celle dans laquelle les méridiens sont représentés par des droites convergentes vers les poles, & les paralleles par des droites paralleles les unes aux autres, mais inégales. Il paroît donc par leur construction qu'elles doivent corriger les erreurs des cartes planes.
Mais puisque les paralleles y devroient couper les méridiens à angles droits, il s'ensuit aussi que ces cartes sont défectueuses à cet égard, puisqu'elles représentent les paralleles comme inclinés aux méridiens; c'est ce qui a fait imaginer une autre espece de cartes réduites, dans lesquelles les méridiens sont paralleles, mais les degrés inégaux; on les appelle cartes de Mercator.
Carte de Mercator: c'est celle dans laquelle les méridiens & les paralleles sont représentés par des droites paralleles, mais où les degrés des méridiens sont inégaux, & croissent toûjours à mesure qu'ils s'approchent du pole dans la même raison que ceux des paralleles décroissent sur le globe; au moyen de quoi, ils conservent entre eux la même proportion que sur le globe.
Cette carte tire son nom de celui de l'auteur qui l'a proposée le premier, & qui a fait la premiere carte de cette construction, savoir de N. Mercator: mais il n'est ni le premier qui en ait eu l'idée (car Ptolomée y avoit pensé quinze cents ans auparavant) ni celui à qui on en doit la perfection; M. Whright étant le premier qui l'ait démontrée, & qui ait enseigné une maniere aisée de la construire, en étendant la ligne méridienne par l'addition continuelle des sécantes.
Construction de la carte de Mercator. 1°. Tirez une droite, & divisez - la en parties égales, qui représen<cb->
Décrivez donc dans l'équateur C D, & de l'intervalle
d'un degré, (
Ainsi pour la distance de 40
Le méridien étant divisé, il faudra y ajoûter la boussole ou le compas de mer: choisissant pour cela quelqu'endroit convenable dans le milieu, on tirera par cet endroit une parallele au méridien divisé, laquelle sera le rhumb de nord; & au moyen de celle - ci on aura les 31 autres points de compas: enfin on rapportera les villes, les ports, les côtes, les îles, &c. au moyen d'une table de latitude & de longitude, & la carte sera finie.
Dans la carte de Mercator, l'échelle change à proportion des latitudes: si par conséquent un vaisseau fait voile entre le 40 & le 50 de la parallele de latitude, les degrés des méridiens entre ces deux paralleles devront servir d'échelle pour mesurer le chemin du vaisseau; d'où il s'ensuit que quoique les degrés de longitude soient égaux en longueur sur la carte, ils doivent néanmoins contenir un nombre inégal de milles ou de lieues, & qu'ils décroîtront à mesure qu'ils approcheront plus près du pole, parce qu'ils sont en raison inverse d'une quantité qui croît continuellement.
Cette carte est très - bonne, quoique fausse en apparence: on trouve par expérience qu'elle est fort exacte, & qu'il est en même tems fort aisé d'en faire usage. En effet elle a toutes les qualités requises pour l'usage de la navigation. La plûpart des marins, dit Chambers, paroissent cependant éloignés de s'en [p. 711]
Pour l'usage de la carte plane de Mercator dans la navigation,
voyez
Carte du globe. C'est une projection qu'on nomme
de la sorte à cause de la conformité qu'elle a avec
le globe même, & qui a été proposée dans ces derniers
tems par MM. Senex, Wilson, & Harris: les
méridiens y sont inclinés, les paralleles à égales distances
les uns des autres, & courbes; & les rhumbs
réels sont en spirales, comme sur la surface du globe.
Cette projection est encore peu connue; nous
n'en pouvons dire que peu de chose, jusqu'à ce que
sa construction & ses usages ayent une plus grande
publicité; cependant M. Chambers en espere beaucoup,
puisqu'elle est munie d'un privilége du roi
d'Angleterre, qu'elle paroît sous sa protection, qu'elle
est approuvée de plusieurs navigateurs habiles, &
entr'autres du docteur Halley, & qu'elle a subi en
Angleterre l'épreuve d'un examen très - sévere. M.
Cambers ajoute que la projection en est très - conforme à la nature, & par conséquent fort aisée à concevoir;
& qu'on a trouvé qu'elle étoit exacte, même
à de grandes distances, où ses défauts, si elle en
eût eu, auroient été plus remarquables. V.
Cartes composées par rhumbs & distances. Ce sont celles où il n'y a ni méridiens ni paralleles, mais qui ne montrent la situation des lieux que par rhumbs, & par l'échelle des milles.
On s'en sert principalement en France, & sur - tout dans la Méditerranée.
On les trace sans beaucoup d'art, & il seroit par conséquent inutile de vouloir rendre un compte exact de la maniere de les construire; on ne s'en sert que dans de courts voyages. (O)
Carte (Page 2:711)
La carte de Conflans pese 35 livres poids de marc.
Celle de S. Jean de Maurienne, 21 livres aussi poids de marc.
La carte de Faverge, 30 poids de Geneve.
La carte de Miolans, S. Pierre d'Albigny, S. Philippe, vingt - cinq livres poids de Geneve.
Celle de Modane, 24 livres aussi poids de Geneve.
Voyez
Carte - blanche (Page 2:711)
Carte (Page 2:711)
Il y a des cartes ou cartes de plusieurs grosseurs, sur lesquelles on passe les paquets de cheveux pour les mêlanger, en commençant par les plus grosses, & successivement jusqu'aux plus fines.
Cartes (Page 2:711)
Le pere Ménestrier, Jésuite, dans sa bibliotheque
curieuse & instructive, nous donne une petite histoire
de l'origine du jeu de cartes. Après avoir remarqué
que les jeux sont utiles, soit pour délasser, soit même
pour instruire; que la création du monde a été pour
l'Etre suprème une espece de jeu; que ceux qui montroient
chez les Romains les premiers élémens s'appelloient
ludi magistri; que Jesus - Christ même n'a pas
dédaigné de parler des jeux des enfans: il distribue
les jeux en jeux de hasard, comme les dés, voyez
Selon le même auteur, il ne paroît aucun vestige de cartes à joüer avant l'année 1392, que Charles VI. tomba en phrénésie. Le jeu de cartes a dû être peu commun avant l'invention de la gravure en bois, à cause de la dépense que la peinture des cartes eût occasionnée. Le P. Ménestrier ajoûte que les Allemands, qui eurent les premiers des gravures en bois, graverent aussi les premiers des moules de cartes, qu'ils chargerent de figures extravagantes: d'autres prétendent encore que l'impression des cartes est un des premi > pas qu'on ait fait vers l'impression en caracteres gravés sur des planches de bois, & citent à ce sujet les premiers essais d'Imprimerie faits à Harlem, & ceux qu'on voit dans la bibliotheque Bodleyane. Ils pensent que l'on se seroit plûtôt apperçû de cette ancienne origine de l'Imprimerie, si l'on eût considéré que les grandes lettres de nos manuscrits de 900 ans paroissent avoir été faites par des Enlumineurs.
On a voulu par le jeu de cartes, dit le P. Ménestrier, donner une image de la vie paisible, ainsi que par le jeu des échecs, beaucoup plus ancien, on en a voulu donner une de la guerre. On trouve dans le jeu de cartes les quatre états de la vie; le coeur représente les gens d'église ou de choeur, espece de rébus; le pique, les gens de guerre; le trefle, les laboureurs; & les carreaux, les bourgeois dont les maisons sont ordinairement carrelées. Voil à une origine & des allusions bien ridicules. On lit dans le pere Ménestrier que les Espagnols ont représenté les mêmes choses par d'autres noms. Les quatre rois, David, Alexandre, César, Charlemagne, sont des emblèmes des quatre grandes monarchies, Juive, Greque, Romaine, & Allemande. Les quatre dames, Rachel, Judith, Pallas, & Argine, anagrame de regina, (car il n'y a jamais eu de reine appellée Argine) expriment les quatre manieres de régner, par la beauté, par la piété, par la sagesse, & par le droit de la naissance. Enfin les valets représentoient les servans d'armes. Le nom de valet qui s'est avili depuis, ne se donnoit alors qu'à des vassaux de grands seigneurs, ou à de jeunes gentilshommes qui n'étoient pas encore chevaliers. Les Italiens on reçû le jeu de cartes les derniers. Ce qui pourroit faire soupçonner que ce jeu a pris naissance en France, ce sont les fleurs - de - lis qu'on a toûjours remarquées sur les habits de toutes les figures en cartes. Lahire, nom qu'on voit au bas du valet de coeur, pourroit avoir été l'inventeur des cartes, & s'être fait compagnon d'Hector & d'Ogier le Danois, qui sont les valets de carreau & de pique, com<pb-> [p. 712]
Après cette histoire bonne ou mauvaise de l'origine des cartes, nous en allons expliquer la fabrication. Entre les petits ouvrages, il y en a peu où la main d'oeuvre soit si longue & si multipliée: le papier passe plus de cent fois entre les mains du Cartier avant que d'être mis en cartes, comme on le va voir par ce qui suit.
Il faut d'abord se pourvoir de la sorte de papier
qu'on appelle de la main brune, voyez
Après qu'on a rompu le papier, on en prend deux feuilles qu'on met dos à dos: sur ces deux feuilles on en place deux autres mises aussi dos à dos: mais il faut que ces deux dernieres dé>rdent les deux premieres, soit par en - haut, soit par en - bas, d'environ quatre doigts. On continue de faire un tas le plus grand qu'on peut de feuilles prises deux à deux, dans lequel les deux 1, 3, 5, 7, 9, &c. se correspondent exactement, & sont débordées d'environ quatre doigts par les deux 2, 4, 6, 8, 10, &c. qui par conséquent se correspondent aussi exactement. Cette opération s'appelle mêler. Dans les grosses manufactures de cartes il y a des personnes qui ne font que mêler. On donne six liards pour mêler deux tas; la rame fait un tas.
Après qu'on a mêlé, ou plûtôt tandis qu'on mêle d'un côté, de l'autre on fait la colle. La colle se fait avec moitié farine, moitié amydon: on met sur vingt seaux d'eau deux boisseaux de farine, & trente livres d'amydon. On délaye la farine & l'amydon avec de l'eau tiede: cependant il y en a qui chauffe sur le feu: quand elle est prête à bouillir, on jette dedans le mêlange de farine & d'amydon, en le passant par un tamis de crin médiocrement serré. Tandis que la colle se cuit, on la remue bien avec un balai, afin qu'elle ne se brûle pas au fond de la chaudiere: on la laisse bouillir environ une bonne heure; on la retire ensuite, & elle est faite. Il faut avoir soin de la remuer, jusqu'à ce qu'elle soit froide, de peur, disent les ouvriers, qu'elle ne s'étouffe, ou devienne en eau. On ne s'en sert que le lendemain.
Quand la colle est froide, le colleur la passe par
un tamis, d'où elle tombe dans un baquet, & se dispose
à coller. Pour cet effet il prend la brosse à coller.
Cette brosse est oblongue; elle a environ cinq pouces
de large, & sa longueur est de la largeur du papier: elle est de soie de sanglier, & garnie en - dessus
d'une manique ou courroie de lisiere. On la voit Pl.
du Cartier,
Cela fait il enleve cette feuille enduite de colle, & avec elle la feuille qui lui est adossée. Il fait la même opération sur la premiere des deux feuilles suivantes, les enleve toutes deux, & les place sur les deux précédentes. Il continue ainsi, collant une feuille
Quand on a formé ce tas d'environ une rame & demie, on le met en presse. La presse des Cartiers n'a rien de particulier; c'est la même que celle des Bonnetiers & des Calendreurs. On presse le tas légerement d'abord; au bout d'un quart - d'heure, on revient à la presse, & on le serre davantage. Si l'on donnoit le premier coup de presse violent, le papier qui est moite de colle, foible & non pris, pourroit s'ouvrir. On laisse ce tas en presse environ une bonne heure; c'est à peu près le tems que le colleur employe à former un nouveau tas pareil au premier: quand il est formé, il retire de presse le premier tas, & y substitue le second. Un bon ouvrier peut faire quinze à seize tas par jour. Il a six blancs par tas.
Quand le premier tas est sorti de presse, on le torche; torcher, c'est enlever la colle que l'action de la presse a fait sortir d'entre les feuilles: cela se fait avec un mauvais pinceau qu'on trempe dans de l'eau froide, afin que ce superflu de colle se sépare plus facilement. Cette colle enlevée des côtés du tas ne sert plus.
Ces feuilles qui sortent de dessous la presse, collées deux à deux, s'appellent étresses; quand les étresses sont torchées, on les pique. Pour cet effet on a une perce ou un poinçon qu'on enfonce au bord du tas, environ à la profondeur d'un demi - doigt: on enleve du tas un petit paquet d'environ cinq étresses percées, & on passe une épingle dans le trou. L'épingle des Cartiers est un fil de laiton de la longueur & grosseur des épingles ordinaires, dont la tête est arrêtée dans un parchemin plié en quatre, dans un bout de carte, ou même dans un mauvais morceau de peau, & qui est plié environ vers la moitié, de maniere qu'il puisse faire la fonction de crochet. Le piqueur perce toutes les étresses, & garnit autant de paquets d'environ cinq à six qu'il peut faire, chacun de leur épingle. Le colleur s'appelle le servant du piqueur; celui - ci gagne environ trente sous par jour.
Quand tous les paquets d'étresses sont garnis d'épingles, on les porte sécher aux cordes. L'opération de suspendre les étresses aux cordes par les épingles en crochet, s'appelle étendre. Les feuilles ou étresses demeurent plus ou moins étendues, selon la température de l'air. Dans les beaux jours d'été, on étend un jour, & l'on abat le lendemain. Abattre, c'est la même chose que détendre. On voit que l'été est la saison favorable pour cette partie du travail des cartes; en hyver, il faudroit un poele, encore n'éviteroit - on pas l'inconvénient du feu, qui mange la colle & fait griper le papier. Ceux qui entendent leur intérêt se préparent en été de l'ouvrage pour l'hyver.
En abattant, on ôte les épingles, & l'on reforme des tas; quand ces nouveaux tas sont formés, on sépare: séparer, c'est détacher les étresses les unes des autres, & les distribuer séparément; cette opération se fait avec un petit couteau de bois appellé coupoir.
Quand on a séparé, on ponce; poncer, c'est, ainsi que le mot le désigne, frotter l'étresse des deux côtés avec une pierre ponce: il est enjoint de donner dix à douze coups de pierre ponce de chaque côté de l'étresse. Cet ouvrage se paye à la grosse. On donne cinq sous par grosse; un ouvrier en peut faire sept à huit par jour.
Cela fait, on trie; trier, c'est regarder chaque étresse au jour, & en enlever toutes les inégalités, soit du papier, soit de la colle; ce qui s'appelle le bro. Le triage se fait avec une espece de canif à main, ou grattoir, que les ouvriers nomment pointe. [p. 713]
L'étresse triée formera l'ame de la carte. Le papier dont on fait les étresses vaut cinquante à cinquantedeux sous la rame. Quand l'étresse est préparée, on prend deux autres sortes de papiers: l'une appellée le cartier, qui ne sert qu'à l'usage dont il s'agit; il est sans marque; il pese vingt - deux liv. le paquet ou les deux rames, & vaut environ quinze francs la rame: l'autre, appellée le pau, qui vaut à peu - près trois livres douze sols la rame. Le papier d'étresse, le cartier, & le pau, sont à peu - près de la même grandeur, excepté le cartier; mais c'est un défaut: s'ils étoient bien égaux, il y auroit moins de déchet.
Ces papiers étant préparés, on mêle en blanc. Pour cette opération, on a un tas de cartier à droite, & un tas de pau à gauche. On prend d'abord une feuille de pau, on place dessus deux feuilles de cartier; puis sur celles - ci deux feuilles de pau; puis sur ces dernieres deux feuilles de cartier, & ainsi de suite jusqu'à la fin, qu'on termine ainsi qu'on a commencé, par une seule feuille de pau. Il faut observer que le nouveau tas est formé de maniere que les feuilles se débordent de deux en deux, comme quand on a mêlé la premiere fois pour faire les étresses; ce nouveau tas contient environ dix mains de papier.
Quand on a mêlé en blanc, on mêle en étresse; mêler en étresse, c'est entrelarder l'étresse dans le blanc: ce qui s'exécute ainsi. On enleve la premiere feuille de pau, on met dessus une étresse; sur cette étresse deux feuilles de cartier; sur les deux feuilles de cartier, une étresse; sur cette étresse, deux feuilles de pau, & ainsi de suite: d'où l'on voit évidemment que chaque étresse se trouve entre une feuille de cartier & une feuille de pau. Les feuilles de cartier, de pau, & les étresses, doivent se déborder dans le nouveau tas.
Après cette manoeuvre, on colle en ouvrage. Cette opération n'a rien de particulier; elle se fait comme le premier collage; & consiste à enfermer une étresse entre une feuille de pau & une feuille de cartier. Après avoir collé en ouvrage, on met en presse, on pique, on étend, & on abat, comme on a fait aux étresses, avec cette différence qu'on n'étend que deux des nouveaux feuillets à la fois; ces deux feuillets s'appellent un double: avec un peu d'attention on s'appercevra que les deux blancs ou feuilles de cartier sont appliquées l'une contre l'autre dans le double, & que les deux feuilles de pau sont en dehors; par ce moyen la dessiccation se fait sans que le papier perde de sa blancheur. Le cartier fait le dos de la carte, & le pau le dedans; le Cartier qui entend ses intérêts, conduira jusqu'ici pendant l'été sa matiere à mettre en cartes.
Lorsque les doubles sont préparés, on a proprement le carton dont la carte se fait; il ne s'agit plus que de couvrir les surfaces de ces doubles, ou de têtes ou de points. Les têtes, ce sont celles d'entre les cartes qui portent des figures humaines; toutes les autres s'appellent des points.
Pour cet effet, on a un moule de bois, tel qu'on
le voit,
On prend du papier de pau, on le déplie, on le
rompt, on le moitit; moitir, c'est tremper. Voyez
Pour mouler, on a devant soi ou à côté un tas de ce pau trempé; on a aussi du noir d'Espagne qu'on a fait pourrir dans de la colle. Plus il est resté longtems dans la colle, plus il est pourri, meilleur il est. Il y en a dont le pié a deux à trois ans. On a une
Le jaune n'est autre chose que de la graine d'Avignon qu'on fait bouillir, & à laquelle on mêle un peu d'alun pour la purifier; le gris, qu'un petit bleu d'indigo qu'on a dans un pot; le rouge, qu'un vermillon broyé & délayé avec un peu d'eau & de colle ou gomme; le bleu, qu'un indigo plus fort, délayé aussi avec de la gomme & de l'eau; le noir, que du noir de fumée.
On se sert pour appliquer ces couleurs, de différens patrons; le patron est fait d'un morceau d'imprimure. Les ouvriers entendent par une imprimure, une feuille de papier qu'on prépare de la maniere suivante: faites calciner des écailles d'huîtres ou des coques d'oeufs; broyez - les & les réduisez en poudre menue. Mêlez cette poudre avec de l'huile de lin, & de la gomme arabique, vous aurez une composition pâteuse & liquide, dont vous enduirez le papier. Vous donnerez six couches à chaque côté; ce qui rendra la feuille épaisse, à peu - près comme une piece de 24 sous.
C'est au Cartier à découper l'imprimure; ce qu'il
exécute pour les têtes avec une espece de canif: pour
cet effet, il prend une mauvaise feuille de carte toute
peinte, il applique cette feuille sur l'imprimure & l'y
fixe; il enleve avec sa pointe ou son canif toutes
les parties peintes de la même couleur, & de la
feuille & de l'imprimure: puis il ôte cette imprimure
& en substitue une autre sous la même feuille, &
enleve au canif tant de la feuille que de l'imprimure,
une autre couleur, & ainsi de suite autant qu'il
y a de couleurs. La feuille peinte qui sert à cette
operation, s'appelle faute. Voyez
Voilà pour la peinture des têtes. Quant à celle des points, les patrons ne sont pas découpés au canif, mais à l'emporte - piece. On a quatre emporte - pieces différens, pique, trefle, coeur, & carreau, dont on frappe les imprimures. Les bords de ces emporte - pieces sont tranchans & coupent la partie de l'imprimure sur laquelle ils sont appliqués; ces imprimures ainsi préparées servent à faire les points, comme celles des têtes ont servi à peindre les figures: il faut seulement observer pour les têtes, que la planche en étant divisée en quatre coupeaux, on passe le pinceau à quatre reprises. [p. 714]
Quand tous les papiers ou feuilles de pau sont peintes, comme nous venons de dire, il s'agit de les appliquer sur les doubles; pour cet effet, on les mêle en tas: une feuille peinte, un double; une feuille peinte, un double, & ainsi de suite: de maniere que le double soit toûjours enfermé entre deux feuilles peintes. On colle, on presse, on pique, on étend, comme ci - dessus. On abat, & l'on sépare les doubles, ainsi comme nous avons dit qu'on séparoit les étresses. Ce nouveau travail n'a rien de particulier; il fait seulement passer l'ouvrage un plus grand nombre de fois entre les mains de l'ouvrier.
Quand on a séparé, on prépare le chauffoir; le
chauffoir est tel qu'on le voit,
On allume du feu dans le chauffoir; on passe dans les crochets ou agraffes qu'on remarque autour du chauffoir, une caisse quarrée de bois qui sert à concentrer la chaleur; on place ensuite quatre feuilles en dedans de cette caisse quarrée, une contre chaque côté, puis on en pose une dessus les barres qui se croisent; on ne les laisse toutes dans cet état, que le tems de faire le tour du chauffoir. On les enleve en tournant, on y en substitue d'autres, & l'on continue cette manoeuvre jusqu'à ce qu'on ait épuisé l'ouvrage; cela s'appelle chauffer.
Au sortir du chauffoir, le lisseur prend son ouvrage & le savonne par - devant, c'est - à - dire du côté des figures. Savonner, c'est avec un assemblage de morceaux de chapeau cousus les uns sur les autres à l'épaisseur de deux pouces, & de la largeur de la feuille (assemblage qu'on appelle savonneur) emporter du savon, en le passant sur un pain de cette marchandise, & le transporter sur la feuille en la frottant seulement une fois. On savonne la carte pour faire couler dessus la pierre de la lissoire.
Quand la carte est savonnée, on la lisse. La lissoire
est un instrument composé d'une perche, dont on
voit une extrémité
Quand la carte est lissée par - devant, on la chausse, comme on a fait ci - dessus. Il faut observer que soit en chauffant, soit en réchauffant, c'est la couleur qui est tournée vers le feu. Le réchauffage se fait comme le chauffage. Après cette manoeuvre, on savonne la carte par - derriere, & on la lisse par - derriere.
Au sortir de la lisse, la carte va au ciseau pour être coupée. On commence par rogner la feuille. Rogner, c'est enlever avec le ciseau ce qui excede le trait du moule, des deux côtés qui forment l'angle supérieur à droite de la feuille. Pour suivre ce trait exactement, il est évident qu'il faut que la face colorée soit en - dessus, & puisse être apperçûe par le coupeur. Les traits du moule tracés autour des cartes, & qui, en formant pour ainsi dire les limites, en assûrent l'égalité, s'appellent les guides: c'est en effet ces traits qui guident le coupeur.
Le coupeur a son établi particulier. Il est représenté
dans la vignette,
Il s'ensuit de cette disposition, que pour peu que l'ouvrier soit attentif à son ouvrage, il lui est impossible de ne pas couper droit & de ne pas suivre les guides. Quand il a rogné, il traverse. Traverser, c'est separer les coupeaux, ou mettre la feuille en quatre parties égales. Quand il a traversé, il ajuste: ajuster, c'est examiner si les coupeaux sont de la même hauteur. Pour cet effet, on les applique les uns contre les autres, & on tire avec le doigt ceux qui débordent; on repasse ceux - ci au ciseau. On doit s'appercevoir que le ciseau est tenu toûjours à la même distance de l'esto, & qu'il ne s'en peut ni éloigner, ni approcher. On a planté en 3, 3, sur le milieu de l'esto, dans une ligne parallele au tranchant de la lame immobile du ciseau, deux épingles fortes. On pose le coupeau à retoucher contre ces épingles en - dessous; on applique bien son côté contre l'esto, & l'on enleve avec le ciseau tout ce qui excede. Cet excédent est nécessairement de trop, parce que la distance du ciseau à l'esto est précisément de la hauteur de la carte. Quand on a repassé, on rompt. Rompre, c'est plier un peu les coupeaux, & leur faire le dos un peu convexe. Après avoir rompu les coupeaux, on les mene au petit ciseau. Le petit ciseau est monté précisément comme le grand; & il n'y a entre eux de différence que la longueur & l'usage. Le grand sert à rogner les feuilles & à les mettre en coupeaux; & le petit, à mettre les coupeaux en cartes. On rogne, & l'on met en coupeaux les feuilles les unes après les autres; & les coupeaux en cartes, les uns après les autres. Quand les coupeaux sont divisés, on assortit. Assor - [p. 715]
Quand on a distribué chaque sorte relativement à sa qualité ou son degré de finesse, on fait la couche, où l'on forme autant de sortes de jeu qu'on a de différens lots; ensuite on range & on complette les jeux, ce qui s'appelle faire la boutée. on finit par plier les jeux dans les enveloppes; ce qu'on exécute de maniere que les jeux de fleur se trouvent au - dessus du sixain, afin que si l'acheteur veut examiner ce qu'on lui vend, il tombe nécessairement sur un beau jeu.
On prépare les enveloppes exactement comme les cartes, avec un moule qui porte l'enseigne du Cartier. Mais il y a à l'extrémité de ce moule une petite cavité qui reçoit exactement une piece amovible, sur laquelle on a gravé en lettres le nom de la sorte de jeu que l'enveloppe doit contenir, comme piquet, si c'est du piquet; médiateur ou comete, si c'est médiateur ou comete: cette piece s'appelle bluteau. Comme il y a deux sortes d'enveloppes, l'une pour les sixains, l'autre pour les jeux, il y a plusieurs moules pour les enveloppes: ces moules ne different qu'en grandeur.
Les cartes se vendent au jeu, au sixain, & à la grosse. Les jeux se distinguent en jeux entiers, en jeux d'hombre, & jeux de piquet.
Les jeux entiers sont composés de cinquante - deux cartes; quatre rois, quatre dames, quatre valets, quatre dix, quatre neuf, quatre huit, quatre sept, quatre six, quatre cinq, quatre quatre, quatre trois, quatre deux, & quatre as.
Les jeux d'hombre sont composés de quarante cartes, les mêmes que ceux des jeux entiers, excepté les dix, les neuf, & les huit qui y manquent.
Les jeux de piquet sont de trente - deux; as, rois, dames, valets, dix, neuf, huit, & sept.
On distingue les cartes en deux couleurs principales, les rouges & les noires: les rouges représentent un coeur ou un losange; les noires un trefle ou un pique: elles sont toutes marquées depuis le roi jusqu'à l'as de coeur, trefle, carreau ou pique.
Celles qu'on appelle roi, sont couronnées & ont différens noms. Le roi de coeur s'appelle Charles; celui de carreau, César; celui de trefle, Alexandre; & celui de pique, David.
Les dames ont aussi leurs noms: la dame de coeur s'appelle Judith; celle de carreau, Rachel; celle de trefle, Argine; & celle de pique, Pallas.
Le valet de coeur se nomme Lahire; celui de carreau, Hector; celui de pique, Hogier; celui de trefle a le nom du Cartier.
Les dix portent dix points sur les trois rangées, quatre, deux, quatre; les neuf sur les trois rangées, quatre, un, quatre; les huit sur les trois rangées, trois, deux, trois; les sept sur les trois rangées, trois, un, trois; les six sur les deux rangées, trois, trois; les cinq sur les trois rangées, deux, un, deux; les quatre sur les deux rangées, deux, deux; les trois sur
S'il y avoit un moyen de corriger les avares, ce seroit de les instruire de la maniere dont les choses se fabriquent: ce détail pourroit les empêcher de regretter leur argent; & peut - être s'étonneroient - ils qu'on leur en demande si peu pour une marchandise qui a coûté tant de peine.
On a mis de grands impôts sur les cartes, ainsi que sur le tabac; cependant je ne pense pas que ceux même qui usent le plus de l'un, & qui se servent le plus des autres, ayent le courage de s'en plaindre. Qui eût jamais pensé que la fureur pour ces deux superfluités, pût s'accroître au point de former un jour deux branches importantes des fermes? Qu'on n'imagine pas que celle des cartes soit un si petit objet. Il y a tel Cartier qui fabrique jusqu'à deux cents jeux par jour.
Il y auroit un moyen de rendre cette ferme beaucoup plus importante: je le publie d'autant plus volontiers, qu'il ne seroit certainement à charge à personne; ce seroit de taxer le prix des cartes au - dessous de celui qu'elles ont. Qu'arriveroit - il de là? qu'il y auroit si peu de différence entre des cartes neuves & des cartes recoupées, qu'on se détermineroit aisément à n'employer que des premieres. Le Fermier & le Cartier y trouveroient leur compte tous deux: ce qui est évident; car les cartes se recoupent jusqu'à deux fois, & reparoissent par conséquent deux fois sur les tables. Si en diminuant le prix des cartes neuves, on parvenoit à diminuer de mo>é la distribution des vieilles cartes, celui qui fabrique & vend par jour deux cents jeux de cartes, qui par la recoupe tiennent lieu de six cents, en pourroit fabriquer & vendre trois cents. Le Cartier regagneroit sur le grand nombre des jeux vendus, ce qu'on lui auroit diminué sur chacun, & la ferme augmenteroit sans vexer personne.
Il est surprenant que nos François qui se piquent si fort de bon goût, & qui veulent le mieux jusque dans les plus petites choses, se soient contentés jusqu'à présent des figures maussades dont les cartes sont peintes: il est évident, par ce qui précede, qu'il n'en coûteroit rien de plus pour y représenter des sujets plus agréables. Cela ne prouve - t - il point qu'il n'est pas aussi commun qu'on le pense, de joüer ou par amusement, ou sans intérêt? pourvû qu'on tue le tems, ou qu'on gagne, on ne se soucie guere que ce soit avec des cartes bien ou mal peintes.
Carte (Page 2:715)
On désigne les petites cartes en les appellant cartes à joüer; & le gros carton plus roide & moins propre au moulage, qui doit être flexible, s'appelle carte - lisse.
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