ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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L'étresse triée formera l'ame de la carte. Le papier dont on fait les étresses vaut cinquante à cinquantedeux sous la rame. Quand l'étresse est préparée, on prend deux autres sortes de papiers: l'une appellée le cartier, qui ne sert qu'à l'usage dont il s'agit; il est sans marque; il pese vingt - deux liv. le paquet ou les deux rames, & vaut environ quinze francs la rame: l'autre, appellée le pau, qui vaut à peu - près trois livres douze sols la rame. Le papier d'étresse, le cartier, & le pau, sont à peu - près de la même grandeur, excepté le cartier; mais c'est un défaut: s'ils étoient bien égaux, il y auroit moins de déchet.

Ces papiers étant préparés, on mêle en blanc. Pour cette opération, on a un tas de cartier à droite, & un tas de pau à gauche. On prend d'abord une feuille de pau, on place dessus deux feuilles de cartier; puis sur celles - ci deux feuilles de pau; puis sur ces dernieres deux feuilles de cartier, & ainsi de suite jusqu'à la fin, qu'on termine ainsi qu'on a commencé, par une seule feuille de pau. Il faut observer que le nouveau tas est formé de maniere que les feuilles se débordent de deux en deux, comme quand on a mêlé la premiere fois pour faire les étresses; ce nouveau tas contient environ dix mains de papier.

Quand on a mêlé en blanc, on mêle en étresse; mêler en étresse, c'est entrelarder l'étresse dans le blanc: ce qui s'exécute ainsi. On enleve la premiere feuille de pau, on met dessus une étresse; sur cette étresse deux feuilles de cartier; sur les deux feuilles de cartier, une étresse; sur cette étresse, deux feuilles de pau, & ainsi de suite: d'où l'on voit évidemment que chaque étresse se trouve entre une feuille de cartier & une feuille de pau. Les feuilles de cartier, de pau, & les étresses, doivent se déborder dans le nouveau tas.

Après cette manoeuvre, on colle en ouvrage. Cette opération n'a rien de particulier; elle se fait comme le premier collage; & consiste à enfermer une étresse entre une feuille de pau & une feuille de cartier. Après avoir collé en ouvrage, on met en presse, on pique, on étend, & on abat, comme on a fait aux étresses, avec cette différence qu'on n'étend que deux des nouveaux feuillets à la fois; ces deux feuillets s'appellent un double: avec un peu d'attention on s'appercevra que les deux blancs ou feuilles de cartier sont appliquées l'une contre l'autre dans le double, & que les deux feuilles de pau sont en dehors; par ce moyen la dessiccation se fait sans que le papier perde de sa blancheur. Le cartier fait le dos de la carte, & le pau le dedans; le Cartier qui entend ses intérêts, conduira jusqu'ici pendant l'été sa matiere à mettre en cartes.

Lorsque les doubles sont préparés, on a proprement le carton dont la carte se fait; il ne s'agit plus que de couvrir les surfaces de ces doubles, ou de têtes ou de points. Les têtes, ce sont celles d'entre les cartes qui portent des figures humaines; toutes les autres s'appellent des points.

Pour cet effet, on a un moule de bois, tel qu'on le voit, Pl. du Cart. fig. 5. il porte vingt figures à tête; ces figures sont gravées profondément; voyez l'article de la Gravûre en Bois. Ce moule est fixé sur une table; il est composé de quatre bandes, qui portent cinq figures chacune; chaque bande s'appelle un coupeau.

On prend du papier de pau, on le déplie, on le rompt, on le moitit; moitir, c'est tremper. Voyez Imprimerie. On le met entre deux ais: on le presse pour l'unir; au sortir de la presse, on moule.

Pour mouler, on a devant soi ou à côté un tas de ce pau trempé; on a aussi du noir d'Espagne qu'on a fait pourrir dans de la colle. Plus il est resté longtems dans la colle, plus il est pourri, meilleur il est. Il y en a dont le pié a deux à trois ans. On a une brosse; on prend de ce noir fluide avec la brosse; on la passe sur le moule: comme ce sont les parties saillantes du moule qui forment la figure, & que ces parties sont fort détachées du fond, il n'y a que leurs traces qui fassent leurs empreintes sur le papier, qu'on étend sur le moule & qu'on presse avec un froton; le froton est un instrument composé de plusieurs lisieres d'étoffes roulées les unes sur les autres: de maniere que la base en est plate & unie, & que le reste a la forme d'un sphéroide allongé. Voyez Pl. du Cart. fig. 13. On continue de mouler autant qu'on veut. Les moules sont aujourd'hui au bureau; on y va mouler en payant les droits: ils sont d'un denier par cartes. Ainsi un jeu de piquet paye à la ferme 32 deniers. Après cette opération, on commence à peindre les têtes, car le moule n'en a donné que le trait noir, tel qu'on le voit fig. 5. On applique d'abord le jaune, ensuite le gris, puis le rouge, le bleu & le noir. On fait tous les tas en jaune de suite, tous les tas en gris, &c.

Le jaune n'est autre chose que de la graine d'Avignon qu'on fait bouillir, & à laquelle on mêle un peu d'alun pour la purifier; le gris, qu'un petit bleu d'indigo qu'on a dans un pot; le rouge, qu'un vermillon broyé & délayé avec un peu d'eau & de colle ou gomme; le bleu, qu'un indigo plus fort, délayé aussi avec de la gomme & de l'eau; le noir, que du noir de fumée.

On se sert pour appliquer ces couleurs, de différens patrons; le patron est fait d'un morceau d'imprimure. Les ouvriers entendent par une imprimure, une feuille de papier qu'on prépare de la maniere suivante: faites calciner des écailles d'huîtres ou des coques d'oeufs; broyez - les & les réduisez en poudre menue. Mêlez cette poudre avec de l'huile de lin, & de la gomme arabique, vous aurez une composition pâteuse & liquide, dont vous enduirez le papier. Vous donnerez six couches à chaque côté; ce qui rendra la feuille épaisse, à peu - près comme une piece de 24 sous.

C'est au Cartier à découper l'imprimure; ce qu'il exécute pour les têtes avec une espece de canif: pour cet effet, il prend une mauvaise feuille de carte toute peinte, il applique cette feuille sur l'imprimure & l'y fixe; il enleve avec sa pointe ou son canif toutes les parties peintes de la même couleur, & de la feuille & de l'imprimure: puis il ôte cette imprimure & en substitue une autre sous la même feuille, & enleve au canif tant de la feuille que de l'imprimure, une autre couleur, & ainsi de suite autant qu'il y a de couleurs. La feuille peinte qui sert à cette operation, s'appelle faute. Voyez fig. 6. un patron découpé, c'est - à - dire, dont on a enlevé toutes les parties qui doivent être peintes d'une même couleur en jaune, si c'est un patron jaune. Comme il y a cinq couleurs à chaque carte, il y a aussi cinq patrons. On applique les patrons successivement sur la même tête, & on passe dessus avec un pinceau la couleur qui convient; il est évident que cette couleur ne prend que sur les parties de la carte, que les découpures du patron laissent découvertes. Dans la fig. 6. d'un patron jaune, les parties couvertes sont représentées par le noir; & les parties découpées, par les taches irrégulieres blanches.

Voilà pour la peinture des têtes. Quant à celle des points, les patrons ne sont pas découpés au canif, mais à l'emporte - piece. On a quatre emporte - pieces différens, pique, trefle, coeur, & carreau, dont on frappe les imprimures. Les bords de ces emporte - pieces sont tranchans & coupent la partie de l'imprimure sur laquelle ils sont appliqués; ces imprimures ainsi préparées servent à faire les points, comme celles des têtes ont servi à peindre les figures: il faut seulement observer pour les têtes, que la planche en étant divisée en quatre coupeaux, on passe le pinceau à quatre reprises. [p. 714]

Quand tous les papiers ou feuilles de pau sont peintes, comme nous venons de dire, il s'agit de les appliquer sur les doubles; pour cet effet, on les mêle en tas: une feuille peinte, un double; une feuille peinte, un double, & ainsi de suite: de maniere que le double soit toûjours enfermé entre deux feuilles peintes. On colle, on presse, on pique, on étend, comme ci - dessus. On abat, & l'on sépare les doubles, ainsi comme nous avons dit qu'on séparoit les étresses. Ce nouveau travail n'a rien de particulier; il fait seulement passer l'ouvrage un plus grand nombre de fois entre les mains de l'ouvrier.

Quand on a séparé, on prépare le chauffoir; le chauffoir est tel qu'on le voit, fig. 7. c'est une caisse de fer quarrée, à pié, dont les bords supportent des bandes de fer quarrées, passées les unes sur les autres, & recourbées par les extrémités. Il y en a deux fur la longueur, & deux sur la largeur; ce qui forme deux crochets sur chaque bord du chauffoir.

On allume du feu dans le chauffoir; on passe dans les crochets ou agraffes qu'on remarque autour du chauffoir, une caisse quarrée de bois qui sert à concentrer la chaleur; on place ensuite quatre feuilles en dedans de cette caisse quarrée, une contre chaque côté, puis on en pose une dessus les barres qui se croisent; on ne les laisse toutes dans cet état, que le tems de faire le tour du chauffoir. On les enleve en tournant, on y en substitue d'autres, & l'on continue cette manoeuvre jusqu'à ce qu'on ait épuisé l'ouvrage; cela s'appelle chauffer.

Au sortir du chauffoir, le lisseur prend son ouvrage & le savonne par - devant, c'est - à - dire du côté des figures. Savonner, c'est avec un assemblage de morceaux de chapeau cousus les uns sur les autres à l'épaisseur de deux pouces, & de la largeur de la feuille (assemblage qu'on appelle savonneur) emporter du savon, en le passant sur un pain de cette marchandise, & le transporter sur la feuille en la frottant seulement une fois. On savonne la carte pour faire couler dessus la pierre de la lissoire.

Quand la carte est savonnée, on la lisse. La lissoire est un instrument composé d'une perche, dont on voit une extrémité Planche du Cart. fig. 8. l'autre bout aboutit à l'extrémité d'une planche, qu'on voit dans la vignette de la même Planche, fixée aux solives. Cette planche fait ressort. La figure M est la boîte de la lissoire; la figure n en est la pierre. Cette pierre, qui n'est autre chose qu'un caillou noir bien poli, se place dans l'ouverture qu'on voit à la partie supérieure de la boîte M. La pierre se polit sur un grès; on la figure à peu - près en dos d'âne. On voit, figure M n, la boîte avec sa pierre. On apperçoit à la partie supérieure de la figure M n de part & d'autre, deux entailles circulaires. La langue solide qui est entre les entailles, se place dans la fente de l'extrémité de la perche 8. On apperçoit aux deux extrémités de la boîte M n, deux éminences cylindriques: ce sont les deux poignées avec lesquelles l'ouvrier appellé lisseur, fait aller la lissoire sur la feuille de carte. Cette carte à lisser est posée sur un marbre. Ce marbre est fixé sur une table; la pierre de la lissoire appuyée fortement contre la carte, sur laquelle l'ouvrier la fait aller de bas en haut, & de haut en bas. Pour qu'une feuille soit bien lissée, il faut qu'elle ait reçû vingt - deux coups ou vingt - deux allées & venues. Un bon ouvrier lissera trente mains par jour: il est payé 30 sous. Son métier est fort pénible; & ce n'est pas une petite fatigue que de vaincre continuellement l'élasticité de la planche qui agit à un des bouts de la perche de la lissoire, & applique fortement la pierre contre la feuille à lisser. On voit dans la vignette, fig. 3. un lisseur; figure 2. un ouvrier occupé à peindre des points; & fig. 1. un ouvrier qui peint des têtes.

Quand la carte est lissée par - devant, on la chausse, comme on a fait ci - dessus. Il faut observer que soit en chauffant, soit en réchauffant, c'est la couleur qui est tournée vers le feu. Le réchauffage se fait comme le chauffage. Après cette manoeuvre, on savonne la carte par - derriere, & on la lisse par - derriere.

Au sortir de la lisse, la carte va au ciseau pour être coupée. On commence par rogner la feuille. Rogner, c'est enlever avec le ciseau ce qui excede le trait du moule, des deux côtés qui forment l'angle supérieur à droite de la feuille. Pour suivre ce trait exactement, il est évident qu'il faut que la face colorée soit en - dessus, & puisse être apperçûe par le coupeur. Les traits du moule tracés autour des cartes, & qui, en formant pour ainsi dire les limites, en assûrent l'égalité, s'appellent les guides: c'est en effet ces traits qui guident le coupeur.

Le coupeur a son établi particulier. Il est représenté dans la vignette, fig. 4. il est composé d'une longue table, sur laquelle est l'esto. L'esto est un morceau de bois d'environ deux pouces d'épais, sur un bon pié en quarré, bien équarri & assemblé le plus fermement & le plus perpendiculairement qu'il est possible avec le dessus de la table. On voit, figure 12. l'esto séparé Z, & fig. 4. de la vignette, on le voit assemblé avec la table par les tenons 4, 4, & ses clavettes ou clés 5, 5, sur la surface Z de l'esto, fig. 12. on a fixé un litau 2 percé: c'est dans le trou de ce litau qu'on place la vis 12, dont l'extrémité a reçoit l'écrou b sur l'autre surface de l'esto. La corde qui passe par - dessus le bord supérieur de l'esto, soûtient une broche de fer à laquelle elle est attachée, & qui sert à avancer ou reculer la vis. On voit à l'extrémité de la vis, deux arrêts circulaires 1, 2, dont nous ne tarderons pas d'expliquer l'usage. On voit, fig. 10. & 11. les ciseaux desassemblés; & dans la vignette, fig. 4. on les voit assemblés avec l'établi, & en situation pour travailler. Le bout d'une des branches 2, se visse dans le solide de l'établi par le boulon taraudé, & son extrémité est contenue entre les deux arrêts circulaires de la vis; ensorte que cette branche ne peut vaciller non plus que l'autre, qui est fixée à celle - ci par le clou, comme on voit vignette, fig. 4.

Il s'ensuit de cette disposition, que pour peu que l'ouvrier soit attentif à son ouvrage, il lui est impossible de ne pas couper droit & de ne pas suivre les guides. Quand il a rogné, il traverse. Traverser, c'est separer les coupeaux, ou mettre la feuille en quatre parties égales. Quand il a traversé, il ajuste: ajuster, c'est examiner si les coupeaux sont de la même hauteur. Pour cet effet, on les applique les uns contre les autres, & on tire avec le doigt ceux qui débordent; on repasse ceux - ci au ciseau. On doit s'appercevoir que le ciseau est tenu toûjours à la même distance de l'esto, & qu'il ne s'en peut ni éloigner, ni approcher. On a planté en 3, 3, sur le milieu de l'esto, dans une ligne parallele au tranchant de la lame immobile du ciseau, deux épingles fortes. On pose le coupeau à retoucher contre ces épingles en - dessous; on applique bien son côté contre l'esto, & l'on enleve avec le ciseau tout ce qui excede. Cet excédent est nécessairement de trop, parce que la distance du ciseau à l'esto est précisément de la hauteur de la carte. Quand on a repassé, on rompt. Rompre, c'est plier un peu les coupeaux, & leur faire le dos un peu convexe. Après avoir rompu les coupeaux, on les mene au petit ciseau. Le petit ciseau est monté précisément comme le grand; & il n'y a entre eux de différence que la longueur & l'usage. Le grand sert à rogner les feuilles & à les mettre en coupeaux; & le petit, à mettre les coupeaux en cartes. On rogne, & l'on met en coupeaux les feuilles les unes après les autres; & les coupeaux en cartes, les uns après les autres. Quand les coupeaux sont divisés, on assortit. Assor -

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