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CARMIN (Page 2:688)
CARMIN, s. m. (Peinture & Chimie.) c'est une espece de laque très - fine & fort belle, de couleur rouge fort éclatante & précieuse, dont on ne fait guere d'usage que dans la mignature & peinture en détrempe. Comme elle n'a pas beaucoup de corps, non plus que toutes les laques, on ne peut la glacer sur le blanc.
Pour faire le carmin, prenez cinq gros de cochenille, trente - six grains de graine de choüan, dix - huit grains d'écorce de raucour, & dix - huit grains d'alun de roche; pulvérisez chacune de ces matieres à part dans un mortier bien net; faites bouillir deux pintes & demie d'eau de riviere ou de pluie bien claire dans un vaisseau bien net, & pendant qu'elle bout versezy le choüan, & le laissez bouillir trois bouillons, en remuant toûjours avec une spatule de bois, & passez promptement par un linge blanc: remettez cette eau passée dans un vaisseau bien lavé, & la faites bouillir; quand elle commencera à bouillir, mettezy la cochenille, & la laissez bouillir trois bouillons; puis vous y ajouterez le raucour, & lui laisserez faire un bouillon: enfin vous y verserez l'alun, & vous ôterez en même tems le vaisseau de dessus le feu; vous passerez promptement la liqueur dans un plat de fayence ou de porcelaine bien net, & sans presser le linge: vous laisserez ensuite reposer la liqueur rouge pendant sept à huit jours, puis vous verserez doucement le clair qui surnage, & laisserez sécher le fond ou les feces au soleil ou dans une étuve; vous les ôterez ensuite avec une brosse ou plume, & ce
Remarquez que dans un tems froid on ne peut pas faire le carmin, attendu qu'il ne se précipite pas au fond de la liqueur, mais fait une espece de gelée & se corrompt.
La cochenille qui reste dans le linge après avoir passé la liqueur, peut être remise au feu dans de nouvelle eau bouillante, pour en avoir un second carmin; mais il ne sera ni si beau, ni en si grande quantité que le premier.
Enfin la cochenille qui reste dans le linge, & la
liqueur rouge qui surnage au carmin, peut se mêler
avec la teinture de bourre d'écarlate, pour en faire
la laque fine. Voyez l'article
Autre maniere. Prenez trois chopines d'eau bien pure, c'est - à - dire, trois livres pesant; mettez - les dans un pot de terre vernissé; placez ce pot devant un feu de charbon; ajoûtez - y aussi - tôt un grain au plus de graine de choüan: quand ce mêlange bouillira fortement, passez - le par un tamis serré, & remettez cette premiere eau dans le même pot sur le feu, y ajoûtant aussi - tôt deux gros de cochenille mesteque, & remuant le tout une fois avec une spatule. Quand ce nouveau mêlange bouillira bien fort, ajoûtez - y un grain d'autour, & immédiatement ensuite huit grains de creme de tartre pilée, autant de talc blanc, & autant d'alun de Rome broyé; laissez bouillir le tout pendant deux à trois minutes; éloignez - le ensuite du feu, & le laissez refroidir sans y toucher, jusqu'à ce qu'il soit tiede, alors l'eau paroîtra plus rouge que l'écarlate: passez la tiede au - travers d'un linge net un peu fin, dans un plat de fayence; laissez le marc au fond du pot pour le passer & presser à part dans un autre plat; ce qui vous donnera le carmin commun: laissez reposer vos plats pendant trois jours; décantez - en l'eau, le carmin restera au fond des plats: faites - le sécher à l'ombre & à l'abri de toute poussiere, & quand il sera sec, enlevez - le avec une petite brosse; vous aurez dix - huit à dixneuf grains de beau carmin, sans compter le commun.
Observez que le talc blanc doit être purifié de la maniere suivante pour l'opération qu'on vient de dire. Prenez du talc, calcinez - le dans un bon feu, jettez - les ensuite dans de l'eau, remuez & délayez avec les mains; quand l'eau paroîtra blanche, enlevez - la avec une tasse, & la passez par un tamis dans un grand vaisseau, où vous la laisserez reposer pendant deux heures; le talc se précipitera au fond du vaisseau: dont vous décanterez l'eau, faites sécher ce sédiment, ce sera le talc dont vous employerez huit grains au carmin.
Quoique les méthodes précédentes puissent être bonnes, nous conseillons au lecteur de donner la préférence à celle qui suit; elle est de Kunckel. Voici comment cet auteur enseigne à faire le carmin.
Voici la maniere de tirer la laque ou le carmin
de cette laine ainsi colorée. Prenez environ trente - deux
pintes d'eau claire, faites - y fondre assez de
potasse pour en faire une lessive fort acre; purisiez
cette lessive en la filtrant; faites - y bouillir votre
laine jusqu'à ce qu'elle ait perdu toute sa couleur,
& soit devenue toute blanche, & que la lessive
se soit chargée de toute sa teinture; pressez
bien votre laine, & passez la lessive par la chausse;
faites fondre deux livres d'alun dans de l'eau, versez
cette solution dans la lessive colorée; remuez
bien le tout; par cette addition la lessive se caillera
& s'épaissira; repassez - la à la chausse, elle sortira
toute claire & pure: si elle étoit encore chargée
de couleur, il faudroit la remettre bouillir,
& y ajoùter encore de l'alun dissous; elle achevera
de se cailler, & le carmin ou la laque ne passera
point, mais restera dans la chausse. On aura soin
de verser à plusieurs reprises de l'eau fraîche par - dessus,
pour achever d'en ôter l'alun ou les sels
qui pourroient y être restés: on fait sécher ensuite
la couleur, qu'on réserve pour l'usage, après l'avoir
réduite en une poudre impalpable. Si dans l'opération
on trouvoit que l'eau se fût trop diminuée
par la cuisson, il faudra bien se garder d'y verser
de l'eau froide; mais il faut dans ce cas n'y mettre
que de l'eau bouillante ».
Si on vouloit faire du carmin à moins de frais, & sans se donner la peine de commencer par teindre la laine, il n'y auroit qu'à faire bouillir dans la lessive susdite de la bourre tontisse de drap écarlate, & procéder en toutes choses de la maniere qu'on vient de décrire. Kunckel dit avoir souvent fait ces deux opérations & toûjours avec succès. Voyez ses remarques sur l'art de la Verrerie d'Antoine Néri, liv. VII.
On contrefait le carmin avec du bois de Brésil ou
de Fernambouc; on les pile pour cet effet dans un
mortier, on les met tremper dans du vinaigre blanc;
on fait bouillir ces matieres, & l'écume qui en
vient donne une espece de carmin: mais il n'approche
nullement de la beauté de celui que nous venons
d'indiquer. On tire aussi une couleur rouge des grains
de kermès & de la garance. Voyez l'art.
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