ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

RECHERCHE Accueil Mises en garde Documentation ATILF ARTFL Courriel

Previous page

CARDIER ou FAISEUR DE CARDES (Page 2:678)

* CARDIER ou FAISEUR DE CARDES, (Art méchaniq.) Les Cardiers se servent pour leur ouvrage de la peau de veau, de bouc, ou de chevre bien tannée. Ils prennent cette peau; ils la coupent par morceaux quarrés oblongs de la grandeur dont la carde doit être; ils tendent ces morceaux, qu'ils appellent feuillets, sur une espece de métier appellé le panteur. Le panteur qu'on voit fig. 1. Pl. du Cardier, est composé de deux tringles, ou rames, ou branches de bois ébiselées en - dedans, A A, a a. Les bords des ébiselures sont garnis de deux rangées de clous à crochet; à l'aide desquels on tend les morceaux de peau, comme on le voit. Dans les extrémités des deux tringles ou rames sont reçûs deux bâtons ou cylindres B B, b b, terminés par les bouts d'un côté en tenon rond ou tourillon, & par les bouts de l'autre en vis. Les tourillons sont reçûs dans la tringle A A, & les vis dans la tringle a a. Il y a des cordes fines passées aux bords C C de la peau, & assujetties sur les rames A A, a a. Il est évident que si l'on fait tourner les bâtons B B, b b sur eux - mêmes dans le sens convenable, la rame a a sera forcée de monter, & qu'il viendra un moment où la peau tirée selon sa hauteur par la rame a a, & selon sa largeur par les ficelles C C, sera tendue en tout sens & à discrétion. On appelle cette opération, monter une peau sur le panteur, ou panter.

Lorsque la peau est montée, on prend une pierre ponce qu'on passe dessus pour l'égaliser, pour enlever les parties trop dures, lui donner par tout la même épaisseur, & la rendre plus déliée & plus souple, suivant le genre de cardes auquel elle est destinée. S'il s'y trouve des endroits trop minces, on y colle du papier ou du parchemin. Cette seconde opératien s'appelle parer.

Lorsque la peau est parée, on la pique. Piquer une peau, c'est la percer de petits trous placés sur une même ligne droite, tous à la même distance, de maniere que le premier de la seconde ligne se trouve au centre du petit quarré, dont les deux premiers de la premiere ligne, & les deux premiers de la troisieme occupent les angles; que le premier de la quatrieme ligne occupe le centre du petit quarré, dont les deux premiers de la troisieme & de la cinquieme marquent les angles, & ainsi de suite, comme on voit fig. 2. Cette opération se fait avec l'instrument représenté fig. 3. Cet instrument s'appelle une fourchette. Il est garni à sa partie supérieure de deux aiguilles plus ou moins fines, selon les trous qu'on veut faire, & son manche est entaillé. Cette entaille sert à recevoir l'index, tandis que le reste du manche est embrassé par la paume de la main. Il est essentiel que les trous soient bien rangés en ligne droite, à même distance, & dans l'ordre où on les voit: cependant pour le leur donner, les ouvriers ne tracent aucune ligne sur la peau; l'habitude seule les dirige, & ils travaillent avec une vîtesse incroyable. Au reste il ne seroit pas impossible d'imaginer une machine qui leur épargneroit toute cette peine. Il me semble que quand la peau seroit suffisamment tendue sur le panteur, on pourroit l'appuyer en - dessous de matelats, ou de gros draps, ou de chapeaux, & la presser en - dessus d'une surface armée de pointes courtes & roides, & rangées comme on le desire. Rien n'empêcheroit que cette presse ne ressemblât tout - à - fait à celle des Imprimeurs. On dit qu'il y a des ouvriers qui ont des fourchettes à quatre, six, huit pointes: mais que l'usage de ces fourchettes est plus difficile que de celles à deux pointes; & qu'il se trouve de l'inégalité soit dans le diametre, soit dans l'arrangement des trous, ce qui est de conséquence.

Quand on a piqué la peau, il s'agit de la garnir de fils d'archal. Pour cet effet on choisit celui qui a la qua<cb-> lité convenable à la grosseur de la carde qu'on veut faire. Les fils dont on fait les cardes pour les laines fines, sont connus dans le Languedoc sous les noms de fils à 2, à 3, à 4, à 5, à 6, & à 7 plombs, & désignés à Paris par les numeros 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7: le numéro 1 est moins gros que le numéro 2, & ainsi de suite. Les gros fils employés aux cardes des marchandises, ou laines, ou fils, ou poils extrèmement grossiers, vont depuis le numéro 30 jusqu'au numéro 40, toûjours augmentant en grosseur.

On commence par couper le fil de fer d'une longueur proportionnée à la carde qu'on veut faire; ce qui s'exécute par le moyen de la jauge. La jauge est un instrument qu'on voit fig. 4. Son corps A est de bois: il est entaillé en B. Cette entaille est revêtue de fer bien dressé. Sa partie supérieure C est couverte d'une plaque bien unie. Il est traversé d'une vis D qui sert de queue à la plaque C. Sur son corps à son extrémité E est fixé un écrou à oreilles, qui ne descend ni ne monte, mais qui se mouvant seulement sur lui - même, fait baisser ou descendre à discrétion la plaque C. On remplit l'entaille B de fils d'archal attachés en paquet, ainsi qu'on le voit dans la figure. On frappe un coup sur la plaque C, afin que les fils s'arrangent entr'eux & s'appliquent bien tous exactement sur la garniture inférieure G. On a une cisaille dont la lame s'applique à la plaque C, qui lui sert de guide; & l'on enleve d'un coup de cette force ou cisaille les tronçons égaux & longs à discrétion, qu'on voit fig. 5. On les coupe ordinairement d'un pouce & demi plus ou moins. Il faut que ces fils soient bien droits, afin qu'ils prennent tous une inflexion égale, & dans le même endroit. On en prépare depuis 50 jusqu'à 100 à la fois, suivant la capacité de la jauge.

Quand les fils sont coupés, on les double. Pour cette opération, on se sert de l'instrument qu'on voit fig. 5. il est appellé doubleur, de sa fonction. Son manche A est de bois. Sa partie supérieure C C est garnie de deux joues de fer. Une piece de fer bien dressée & fixée à vis dans le corps, revêtit l'espace D D D creusé à la partie supérieure. L'espece de gouttiere E E fig. 5. est comprise entre les deux joues C C, de maniere qu'il y ait entre sa face inférieure & la plaque D D D, un espace suffisant pour pouvoir y insérer les tronçons de fil d'archal. La gouttiere E E a sa rainure tournée en - devant. On verra tout à l'heure pourquoi on lui a pratiqué cette rainure, & pourquoi on lui a donné du reste la forme d'un prisme triangulaire. On passe autant de tronçons de fil d'archal entre la gouttiere E E & la plaque D D D qu'on y en peut insérer, comme on y voit le tronçon F L, & l'on ramene la partie F par - dessus la gouttiere jusqu'au fond de la concavité D D; ce qui fait souffrir au fil deux inflexions à la fois, & le réduit à la figure de celui qu'on voit sur le doubleur en G H I K. On a grand soin que le fond de la concavité D D soit bien en ligne droite, & que tous les bouts des tronçons soient bien exactement appliqués sur ce fond. Avec ces précautions, non - seulement les fils souffriront tous deux inflexions, l'une en H & l'autre en I: mais ces inflexions ou angles seront placés précisément aux mêmes endroits & seront très - vifs; ce qui est un effet du taillant de la gouttiere qu'on a fait prismatique, afin que l'extrémité du tronçon pût être ramenée jusqu'en K. On la ramene jusqu'en K, afin que le fil venant à se restituer un peu par son ressort, l'angle I reste droit. Les tronçons au sortir du doubleur, ont la figure qu'on leur voit fig. 6. Les parties a c, b d sont toûjours de même longueur entr'elles: mais & ces parties & la distance a b, sont plus ou moins longues, selon l'espece de cardes auxquelles les fils d'archal sont destinés. Quant aux angles a & b, ils sont toûjours droits. Les tronçons dans cet état s'appellent pointes. [p. 679]

Les pointes sont portées sur la partie qu'elles occupent fig. 6. du plateau A B C D; le plateau A B C D, est une planche quarrée garnie d'un rebord. Au milieu du côté A D, est fixé un liteau E F, par le moyen d'une corde I K, qui passe par - dessus, qui traverse la planche ou le fond du plateau, & qu'on arrête en dessous avec une clavette. On éleve le bout F de ce liteau par le moyen d'une espece de coin G H; le bord de sa surface supérieure est garni d'une plaque de fer L M. Cette plaque est percée de trous; & ces trous pénetrent dans le fond ou corps du liteau à une profondeur déterminée. Ce liteau fait exactement la fonction d'un second doubleur; on prend les pointes a b c d; on les plante dans les trous du crocheux ou croqueux; car c'est ainsi qu'on appelle cet instrument. On en voit une en O, puis on abaisse la partie O de la pointe en - devant sur la plaque L M du croqueux; & les côtés a c, b d, des pointes, fléchissant, prennent encore deux nouveaux angles, & se réduisent sous la forme n o p q r.

Lorsque les pointes sont crochées, on les passe dans les trous de la peau piquée & tendue sur le panteur. On voit fig. 7. une peau couverte de pointes en - dessous, & fig. 8. la même peau en - dessus; cette opération de garnir la peau de pointes s'appelle bouter ou ficher. Lorsqu'on a bouté, & que la peau est couverte de pointes ou crocs, on passe dessus de la colle forte; après s'être bien assûré toutefois qu'il n'y a point de crocs à contre sens; car il est évident que tous les angles doivent avoir leurs côtés paralleles, & les sommets tournés du même côté. Pour s'assûrer de cela, on a une planche qu'on appelle patron. On applique cette planche sur le feuillet ou sur la peau percée & garnie de crocs, & on retourne le panteur sans crainte que les crocs sortent de leurs trous, ou se dérangent.

Lorsqu'on a bien fixé les crocs sur le feuillet avec la colle forte dont on l'a enduit, on prend une pierre de grès très - fine, & on enleve le morfil, & l'on aiguise les pointes des crocs en passant dessus cette pierre. Cette opération s'appelle habiller ou rhabiller la carde.

Après que la carde est habillée, on prend le fendoir, & l'on démêle les crocs qui sont embarrassés les uns dans les autres. Voyez fig. 9. cet instrument. C'est une espece de ciseau dont une des branches est inclinée en un sens, & l'autre en sens contraire; il a un dos & un tranchant; on passe sa pointe entre les crocs entrelacés, & on les démêle.

Après cette opération, on prend l'instrument représenté fig. 10. & appellé dresseur, de sa fonction. C'est un petit canon emmanché; son ouverture est à peu près du diametre du fil; on s'en sert pour redresser les crocs versés ou renversés; on insere la pointe du croc dans l'ouverture, & on lui donne l'angle que l'on veut, & à l'endroit où il faut.

L'usage du fendoir est de mettre les crocs en ligne & de les démêler: celui du dresseur, c'est de placer tous les sommets des angles dans un même plan parallele au feuillet, & de rendre tous les crocs bien perpendiculaires, ou dans une même inclinaison.

Il s'agit maintenant de recorder la carde: recorder une carde, c'est examiner tous les crocs, ôter ceux qui se sont cassés, soit dans l'opération du fendoir, soit dans celle du dresseur, & ceux qui se sont trouvés trop courts. Pour cet effet, on ôte la colle dans l'endroit du feuillet auquel ils correspondent, & on leur en substitue d'autres.

Quand la carde a reçû toutes ces façons, on la détend pour la monter sur un morceau de bois de hêtre de même grandeur; ce qui s'exécute au poinçon & au marteau. Le poinçon sert à faire des trous dans l'épaisseur du bois, & le marteau à enfoncer les clous. On a soin que le feuillet soit bien tendu sur le bois; & pour l'y arrêter plus soli dement, on borde la carde avec une lisiere de peau dont on couvre les extrémités cloüèes du feuille, & qu'on fixe avec de nouveaux clous.

Lorsque la carde est montée, on la mouve: les ouvriers entendent par mouver, repasser les pointes au grès, les égaliser derechef, & donner la derniere façon tant à celles qu'on a substituées, qu'aux autres.

Les Cardiers ne peuvent guere se négliger dans la façon des cardes que l'apprêt des laines ne s'en ressente: si les Cardiers n'observent aucune regle fixe dans la maniere de fabriquer les cardes destinées à mêlanger & à carder les laines, ou que les Cardeurs se servent indistinctement de toutes sortes de cardes, les laines n'obtenant pas toute la perfection de travail dont elles sont susceptibles, les draps & les étoffes qu'on en fabriquera seront moins parfaits. C'est pourquoi le Roi a statué par un ar du 30 Décembre 1727, que les cardes appellées grosses plaquettes, qui servent à embourer, ou carder pour la premiere fois les laines fines d'Espagne ou de Languedoc, qui entrent dans la fabrication des draps. Londrins premiers & seconds, auront neuf pouces de long, cinq & demi de large, au moins cinquante & un rangs de dents, de soixante dents chacun, d'un fil de fer d'Allemagne de trois plombs.

Que les cardes appellées grosses plaquettes, qui servent à embourer pour la premiere fois les draps communs, auront neuf pouces de long, cinq pouces & demi de large, au moins quarante - cinq rangs de dents, de cinquante - quatre dents chacun, de fil de fer d'Allemagne de deux plombs.

Que les drossettes destinées à dresser ou carder les laines pour la seconde fois, auront neuf pouces de long, cinq de large, au moins soixante & un rangs de dents de soixante & une dents chacun, de fil de fer d'Allemagne de quatre plombs.

Que les fines plaquettes qui servent à emprimer ou recarder sur le genou pour la troisieme fois, auront neuf pouces de long, quatre pouces trois lignes de large, au moins quatre - vingts - quatre rangs de dents, de soixante & une dents chacun, fil de fer d'Allemagne de six plombs.

Que les petites ou fines cardes qui servent à recarder pour la derniere & quatrieme fois les laines destinées pour les chaînes des draps Londres, Elboeuf, &c. auront neuf pouces de long, deux pouces deux lignes de large, au moins quatre - vingtsquatre rangs de dents, de quarante & une dents chacun, fil de fer d'Allemagne de six plombs.

Que les petites ou fines cardes à carder les laines fines d'Espagne pour chaînes de draps Londrins premiers & seconds, draps fins noirs, écarlates, & autres de même qualité, façon d'Espagne, d'Angleterre, de Hollande, &c. auront neuf pouces de long, deux pouces de large, au moins quatre - vingts - quatre rangs de dents, de quarante - trois dents chacun, de fil de fer d'Allemagne de sept plombs.

Que les petites ou fines cardes à recarder pour la quatrieme & derniere fois les laines pour trame de draps Londres larges, Elboeuf, droguets d'Angleterre, &c. auront neuf pouces de long, deux pouces & demi de large, au moins quatre - vingts - quatre rangs de dents, de quarante & une dents chacun, & de fil de fer d'Allemagne de cinq plombs.

Que les petites ou fines cardes à carder la trame des draps fins qui passent au Levant, façon d'Angleterre, de Hollande, d'Espagne, &c. auront neuf pouces de long, deux pouces & demi de large, au moins quatre - vingts - quatre dents, de quarante - trois dents chacun, fil de fer d'Allemagne de six plombs.

Que le Cardier mettra sa marque à feu sur - les cardes qu'il fabriquera, avec les numeros de la grosseur [p. 680] du fil & des rangs & des dents, sous peine de confiscation.

Que le Cardeur n'employera point de cardes nonmarquées, & ne cardera des laines qu'avec celles qui sont destinées à cette qualité de laine, sous peine de confiscation des laines & d'amende, soit contre lui, soit contre le fabriquant.

Que le Cardeur ne cardera point des laines blanches avec des cardes qui auront servi à des laines teintes.

Que les laines dont on fait les Londrins premiers & seconds, les Londres larges, & autres draps en blanc, n'ayant pas besoin d'être cardées autant que les laines teintes; si on ne les carde que trois fois, seront cardées la premiere avec les grosses plaquettes; la seconde avec les drossettes ou avec les fines plaquettes, & la troisieme avec les petites ou fines cardes, & que les jurés veillent à ce que les Cardiers & Cardeurs se conforment à ces ordonnances. Voyez les Reglemens génér. pour les manuf. tom. III. pag. 257.

Les cardes pour le coton ne sont pas différentes de celles qu'on employe pour la laine: ce sont celles qui servent à carder sur le genou & qu'on appelle vulgairement petites cardes. Voyez l'article Draperie. Voyez aussi les dimensions de cette sorte de carde plus haut dans cet article même, & l'article Laine.

Next page


The Project for American and French Research on the Treasury of the French Language (ARTFL) is a cooperative enterprise of Analyse et Traitement Informatique de la Langue Française (ATILF) of the Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), the Division of the Humanities, the Division of the Social Sciences, and Electronic Text Services (ETS) of the University of Chicago.

PhiloLogic Software, Copyright © 2001 The University of Chicago.