ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"655"> seur du caractere, sur deux pouces environ de large, contenant sur son plan horisontal au moins quarante pieces de morceaux distincts. Les deux portions presque semblables dans lesquelles il se divise s'appellent, l'une piece de dessus, l'autre piece de dessous: c'est celle qui porte l'archet qu'on appelle piece de dessous.

La premiere opération qu'on ait à faire quand on a construit & disposé le moule, est de préparer la matiere dont les caracteres doivent être fondus. Pour cet effet, prenez du plomb & du régule d'antimoine, fondez - les séparément; mêlez - les ensuite, mettant quatre cinquiemes de plomb & un cinquieme de régule; & ce mêlange vous donnera un composé propre pour la fonte des caracteres.

Ou, prenez de l'antimoine crud, prenez égale quantité de potin; mettez le tout ensemble avec du plomb fondu, & vous aurez une autre composition.

La précédente est préférable à celle - ci, qu'il semble qu'on a abandonnée en France depuis une vingtaine d'années, parce qu'on a trouvé que le potin & l'antimoine faisoient beaucoup de scories, rendoient la matiere pâteuse, & exigeoient beaucoup plus de feu.

Au reste nous pouvons assûrer en général que la matiere dont on fond les caracteres d'Imprimerie est un mêlange de plomb & de régule d'antimoine, où le dernier de ces ingrédiens corrige la mollesse de l'autre.

Cette fonte se fait dans un fourneau, tel que celui qui occupe le milieu de la vignette, Planche I. de Fonder. il est divisé en deux parties, l'une & l'autre de brique. Celle qui répond à la fig. 4. est un fourneau sur lequel on a établi une chaudiere de fonte, dans laquelle le plomb est en fusion: cette chaudiere est chauffée avec du bois, comme on voit; la fumée s'échappe par une ouverture qu'on peut distinguer sur le fond, & suit la cheminée qui est commune aux deux fourneaux.

Le second fourneau qui correspond à la figure 3. même vignette, est un fourneau proprement dit: à sa partie supérieure est l'ouverture du fourneau; l'inférieure est un cendrier; elles sont séparées par une grille horisontale: cette grille soûtient un creuset qui contient le regule d'antimoine, & les charbons allumés qui servent à le mettre en fusion. Le feu est excité par le courant d'air qui se porte à la grille. On recommande aux ouvriers occupés à ce fourneau de l'operation qu'ils y ont à faire, de se garantir avec soin de la vapeur du régule, qu'on regarde comme un poison dangereux: mais c'est un préjugé; l'usage du régule n'expose les Fondeurs à aucune maladie qui leur soit particuliere; sa vapeur n'est funeste tout au plus que pour les chats: les premieres fois qu'ils y sont exposés, ils sont attaqués de vertiges d'une nature si singuliere, qu'apres s'être tourmentés pendant quelque tems dans la chambre où ils sont forcés de la respirer, ils s'élancent par les fenêtres: j'en ai vû deux fois l'expérience dans un même jour. Mais quand ils en réchapent, & qu'ils ne périssent pas dans les premiers accès, ils n'ont plus rien à redouter des seconds; ils se font à la vapeur qui les avoit d'abord si violemment agités, & vivent fort bien dans les fonderies.

Le régule fondu dans le creuset est versé en quantité suffisante dans la chaudiere qui contient le plomb: l'ouvrier 4. prend le mêlange avec une cuilliere, & le verse dans les moules ou lingotieres qui sont à ses piés: on voit aussi sur le plancher des tenailles pour le creuset, son couvercle, une cuilliere, & d'autres outils au service de la fonderie.

Le rapport entre le plomb & l'antimoine n'est pas le même pour toute sorte de caracteres: la propriété de l'antimoine étant de donner du corps au plomb, on en mêle plus ou moins, selon que les caracteres qu'on a à fondre sont plus ou moins gros; les petits caracteres n'étant pas aussi propres à résister à l'action de la presse que les gros, on les fond de la matiere que les ouvriers appellent matiere forte, & ceux - ci de celle qu'ils appellent matiere foible. La matiere forte destinée pour les petits caracteres, est un mêlange de régule & de plomb, où le premier de ces ingrédiens est en quantité beaucoup plus considérable, relativement à celle du plomb, que dans la matiere foible.

Quand la matiere ou composition est ainsi préparée & mise en lingots, elle passe dans les fourneaux des Fondeurs. Voyez ces fourneaux dans la vignette, fig. 2. & 2. à droit & à gauche. Ce fourneau est fait de la terre dont se servent les fournalistes pour la fabrique des creusets, mais moins sine, elle est composée de ciment de pots à beurre cassés, & de terre glaise pétris ensemble: sa grandeur est de dix - huit à vingtpouces de hauteur, sur dix à douze de diametre, & deux piés & demi de long; il est séparé en deux dans sa hauteur par une grille qui peut être indifféremment de terre ou de fer. On pose le bois sur cette grille; la partie inférieure D sert de cendrier: la face supérieure est percée d'un trou rond B d'environ dix pouces de diametre; ce trou rond est environné d'une espece de bourlet qui supporte la chaudiere de fer A, fig. 9. on appelle cette chaudiere cueillere. Cette cueillere est divisée en deux ou trois portions comme on voit; ces divisions servent à contenir des matieres de différentes forces ou qualités, suivant les ouvriers qui y travaillent, & chaque ouvrier puise dans la division qui contient la composition dont il a besoin.

Le fourneau a encore une autre ouverture H, à laquelle on adapte un autre tuyau de tole qui porte les fumées hors de l'attelier, comme on voit dans la vignette. Tout ce fourneau est porté sur un banc F G G G, au milieu de la hauteur duquel on a pratiqué une tablette F, qui sert à placer différens ustensiles.

A côté du fourneau on range plusieurs autres bancs, tels qu'on les voit dans la vignette, & au bas de la Plan. fig. 11. ce sont des especes de tables dont le dessus est à hauteur d'appui; ces bancs sont environnés d'un rebord; ils doivent être de deux ou trois pouces moins hauts que la partie supérieure du fourneau, à un des côtés duquel ils doivent s'arranger comme on voit dans la vignette. On a une plaque de tole ou de fer, qu'on place de maniere qu'elle porte d'un bour sur le fourneau, & de l'autre sur le banc. L'usage de cette tole est de ramasser les gouttes de matiere fondue qui s'échappent de la cuilliere, ou que l'ouvrier rejette du moule quand il est trop plein.

Quand l'ouvrier veut fondre un caractere, il prend le moule préparé comme nous avons dit, & comme on le voit fig. 1. de la main gauche, il place l'extrémité de l'are ou archet dans l'entaille que nous avons dit être à la partie inférieure de la matrice, afin qu'elle s'applique exactement contre les longues pieces & les parties saillantes des blancs: il presse ensuite les deux moitiés du moule, de maniere que les registres soient bien placés contre les faces latérales de la matrice; & il enduit superficiellement le fond du jet d'un peu d'ocie délayé dans de l'eau froide, quand la lettre est extrèmement fine. Cet enduit fait couler le métal promptement, & le précipite au fond du parallelepipede vuide, avant que rafraîchi par le contact de la surface des pieces qui forment cet cspace vuide, il ait eû le tems de se figer & de s'arrêter. On se sert de la même précaution dans l'usage du moule à réglet, dont nous parlerons plus bas. Comme dans ce moule le métal a souvent plus d'épaisseur, & qu'il a beaucoup de chemin à parcourir, il n'en est que plus disposé à se figer, & à ne pas des<pb-> [p. 656] cendre jusqu'au fond du moule: c'est pourquoi l'on ne se contente pas seulement d'enduire le jet d'ocre délayé, on en enduit même toute sa surface intérieure, d'une couche à la vérité la plus légere qu'on peut: mais revenons à la fonte des caracteres.

Tout étant dans cet état, le Fondeur puise avec la cuilliere à verser qu'on voit fig. 13. une quantité de métal fondu qu'il jette par l'espece d'entonnoir que nous avons dit avoir été formé par les jets. Le métal fluide descend dans le prisme vuide que laissent entre elles les faces des longues pieces & des blancs, & se répand sur la surface de la matrice dont il prend toutes les formes; de maniere que quand on l'en tire, il est parfaitement semblable au poinçon qui a servi à la former. Il rapporte aussi en creux l'impression du demi - cylindre a b, fixé à une des longues pieces, & dont nous avons parlé plus haut. Ce creux qu'on appelle cran, doit toûjours être à la face qui répond à la partie supérieure de la lettre: il sert aux Imprimeurs à connoître si la lettre est du sens dont elle doit être, ou si elle est renversée. Voyez l'article Imprimerie. Les deux opérations de puiser dans le moule avec la cuilliere & de verser dans le moule, sont représentées fig. 5. & 6. de la vignette.

Il y a ici une chose importante à observer; c'est que dans le même instant que l'on verse la matiere dans le moule, on doit donner à celui - ci une secousse en - haut, afin que la matiere qui descend en sens contraire, frappe avec plus de force le fond de la matrice, & en prenne mieux l'empreinte.

Après que l'ouvrier a versé son métal, il remet sa cuilliere sur le fourneau, & il se dispose à ouvrir le moule: pour cet effet, il commence par déplacer l'arc ou archet, ou le ressort de l'entaille de la matrice, & le placer dans un cran fait au bois sous le heurtoir. Il ouvre le moule en séparant les deux moitiés; & s'il arrive que la lettre reste adhérente à l'une des moitiés, il la détache avec le crochet qui est fixé sur l'autre, ce qui s'appelle décrocher. C'est ce qu'exécute la fig. 8. de la vignette: après quoi il referme le moule, replace l'arc sous la matrice, verse de la matiere, & recommence la même opération jusqu'à trois ou quatre mille fois dans un seul jour.

Il ne faut pas s'imaginer que la lettre au sortir du moule soit achevée, du moins quant à ce qui regarde son corps; car pour le caractere il est parfait; il est beau ou laid, selon que le poinçon qui a servi à former la matrice a été bien ou mal gravé.

Quelle que soit la figure d'un caractere, les contrepoinçons, les poinçons, les matrices, &c. la fonte en est la même; & il n'y a dans toutes ces opérations aucune différence de l'Arabe, au Grec, au François, à l'Hébreu, &c.

La lettre apporte avec elle au sortir du moule une éminence de matiere de forme pyramidale, adhérente par son sommet au pié de la lettre. Cette partie de matiere qu'on appelle jet, est formée de l'excédent de la matiere nécessaire à former les caracteres, qu'on a versée dans le moule. On la sépare facilement du corps de la lettre, au moyen de l'étranglement que les plans inclinés des parties du moule appellées jets, y ont formé, ainsi que nous avons dit plus haut, & qu'on voit fig. 2. Planche II. D'ailleurs la composition que l'addition de l'antimoine rend cassante, presque comme de l'acier trempé, facilite cette séparation; le jet séparé de la lettre s'appelle rompure.

Après que toutes les lettres sont rompues, c'est - à - dire, qu'on en a séparé les jets, qui se remettent à la fonte; on les frotte sur une meule de grès qu'on voit fig. 7. Pl. III. & qu'on appelle pierre à frotter. Cette meule a depuis quinze jusqu'à vingt - cinq pouces de diametre; elle est de la même sorte que celles dont se servent les Coûteliers pour émoudre. Pour la rendre propre à l'opération du Fondeur en caractere, on en prend deux qu'on met à plat l'une sur l'autre; on répand entre elles du sable de riviere, puis on les meut circulairement, répandant de tems en tems de nouveau sable, jusqu'à ce que les petites éminences qui sont à ces pierres soient grugées, & qu'on ait rendu leurs surfaces planes & unies. Le sable en dressant les grès ou meules, ne les polit pas; il y laisse toûjours de petits grains qui servent à enlever aux caracteres les bavûres qui leur viennent de la fonte.

On ne peut pas frotter toutes les lettres; il y en a, mais en plus grand nombre dans l'italique que dans le romain, dont une partie de la figure excede le corps du côté qu'on frotte. Il est évident que si on les frottoit, la pierre emporteroit cette partie, & estropieroit la lettre: c'est pourquoi on commonce par la dégager légerement, & par en enlever un peu de matiere avec un canif, afin qu'elle puisse se loger facilement dans l'espace vuide que lui présentera une lettre voisine. Cette operation par laquelle on dégage la partie saillante au canif, s'appelle crener.

Apres que la lettre est crenée, on la ratisse & on emporte avec le canif tout ce qu'il y a d'étranger au corps depuis l'oeil jusqu'au pié. Ces deux opérations suppléent au frouement; les lettres crenées & ratissées s'accolent & se joignent aussi - bien que si elles avoient été frottées. Les deux faces du caractere que l'on frotte sur la meule, sont celles qui s'appliquent aux blancs du moule, quand on y verse le métal; on donne cette façon à ces faces pour en enlever le morfil ou la vive arrête occasionnée tant par la face du blanc d'une des moitiés, que par celle de la longue piece de l'autre moitié.

Lorique les lettres ont été frottées ou crenées & ratissées, on les arrange sur un composteur; le composteur qu'on voit fig. 5. Pl. III. de la Fonderie des caracteres, est une regle de bois entaillée, comme on voit, sur laquelle on arrange les caracteres la lettre en - haut, & tous les crans tournés du même côté; ensorte qu'on a tous les a, rangés en cette maniere, a, a, a, a, a, a, & non en celle - ci ava, vav, & ainsi des autres lettres: c'est ce que l'inspection des crans indiquera facilement. Les caracteres ainsi rangés dans le composteur sont transportés sur la regle de fer A B du justifieur, fig. 3. même Planche; on les y place de maniere que leur pié soit en - haut, & que le caractere porte sur la face horisontale du justifieur, qui n'est lui - même, comme on voit, qu'un composteur de fer. A cette regle, on en applique une autre C D, qui a un épaulement en C, comme celui que l'on voit en B de la premiere piece fig. 3. cette regle a de plus en C & D, de petites languettes qui entrent dans les mortoises a & b de la figure 3, ensorte que, quand les deux regles fig. 3. & 4. sont appliquées l'une sur l'autre, elles enferment exactement la rangée de caracteres placée sur la premiere regle; ainsi il n'y a que les piés des lettres qui excedent d'environ une ligne au - dessus des regles de fer, qui forment le justifieur.

Le justifieur ainsi garni d'une rangée de caracteres, est placé entre les deux jumelles A B, C D du coupoir qu'on voit fig. 1. Planche III. Le coupoir est une sorte d'établi tres - solide: sur sa table sont fortement fixées la jumelle A B, qui est une planche d'un bon pouce d'épaisseur, & la barre de fer F E, qui a un crochet E & un crochet F à chacune de ses extrémités. Le crochet F est taraudé & reçoit une vis, au moyen de laquelle on peut faire avancer la seconde regle du justifieur, que nous avons décrite ci - dessus.

Les deux regles du justifieur sont serrées l'une contre l'autre par l'autre jumelle C D, représentée par sa partie inférieure dans la fig. 2. A B, C D sont deux fortes barres de fer, dont les crochets A, C, entrent dans la table du coupoir, B D est une autre

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