ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"603"> tout à la femme. Il lui fait dire que l'homme méchant est meilleur que la femme bienfaisante; GUNH\ DE\ XEI=RWN FHSI\N A)NDRO\S2 WS2 TA\ PA/NTA, KAI\ H( POHRI/A A)UTOU= U)W=E\R A)GAOPOIOU= GU)NAIKO\S2; paroles citées comme de Moyse, & non comme de l'Ecclésiastique. On objectera sans doute que ce passage ne se trouve point dans Moyse. Soit. Donc Josephe ne le lui attribue pas. Je le nie, parce que le fait est évident. Mais quand je conviendrois de tout ce qu'on prétend, on n'en pourroit jamais inférer que Josephe ait déclaré l'Ecclésiastique livre canonique. M. Pithou remarque que les dernieres paroles du passage cité de Josephe ne sont pas de lui, & qu'elles ont été insérées selon toute apparence par quelque copiste. Cette critique est d'autant plus vraissemblable, qu'elles ne se trouvent pas dans l'ancienne version Latine de Rufin. Donc le double & le triple canon sont des chimeres, les Juifs n'en faisant aucune mention, & les peres ne les ayant point connus: ce qu'il falloit démontrer.

De combien de livres étoit composé le canon des Ecritures divines chez les Juifs, & quels étoient ces livres. Troisieme question, dont la solution servira d'éclaircissement & d'appui aux deux questions précédentes. Les Juifs ont toûjours composé leur canon de vingt - deux livres, ayant égard au nombre des lettres de leur alphabet dont ils faisoient usage pour les désigner, selon l'observation de S. Jérôme, dans son prologue général ou défensif. Quelques rabbins en ont compté vingt - quatre; d'autres vingt - sept; mais ces différens calculs n'augmentoient ni ne diminuoient le nombre réel des livres; certains livres divisés en plusieurs parties y occupoient seulement plusieurs places.

Ceux qui comptoient vingt - quatre livres de l'É<-> cture, séparoient les Lamentations, de la Prophétie de Jérémie, & le livre de Ruth de celui des Juges, que ceux qui n'en comptoient que vingt - deux laissoient unis: les premiers, afin de ponvoir marquer ces vingt - quatre livres avec les lettres de leur alphabet, répétoient trois fois la lettre jod, en l'honneur du nom de Dieu Jehova, que les Chaldéens écrivoient par trois jod. Ce nombre de vingt - quatre est celui dont les Juifs d'à présent se servent pour désigner les livres de l'Ecriture - sainte; & c'est peut - être à quoi les vingt - quatre vieillards de l'Apocalypse font allusion.

Ceux qui comptoient vingt - sept livres, séparoient encore en six nombres les livres des Rois & des Paralipomenes, qui n'en faisoient que trois pour les autres. Et pour les indiquer, ils ajoûtoient aux vingt - deux lettres ordinaires de l'alphabet les cinq finales, comme nous l'apprend S. Epiphane dans son livre des Poids & des mesures. Ceux qui savent l'alphabet Hébreu (car il n'en faut pas savoir davantage) connoissent ces lettres finales. Ce sont caph, mem, nun, pé, tsad, qui s'écrivent à la fin des mots d'une maniere différente que dans le milieu ou au commencement.

Le canon étoit donc toûjours le même, soit qu'on comptât les livres par 22, 24 ou 27. Mais la premiere maniere a été la plus générale & la plus commune; c'est celle de Josephe. M. Simon donne l'ancienneté à celle de 24: mais je ne sai sur quelle preuve, car il n'en rapporte aucune. J'avoue que ces matieres ne me sont pas assez familieres pour prendre parti dans cette question, & pour hasarder une conjecture.

Voyons maintenant quels étoient ces 22, 24 & 27 livres. S. Jérôme témoin digne de foi dans cette matiere, en fait l'énumération suivante. La Genese. L'E. xode. Le Lévitique. Les Nombres. Le Deutéronome. Josué. Les Juges, auquel est joint Ruth. Samuel, ce sont les deux premiers des Rois. Les Rois, ce sont les deux derniers livres. Isaie. Jeremie, avec ses Lamentations. Ezechiel. Les douze petits Prophetes. Job. Les Pseaumes. Les Proverbes. L'Ecclésiaste. Le Cantique des Cantiques. Daniel. Les Paralipomenes, double. Esdras, double. Esther.

S. Epiphane, Heres. viij. nomb. 6. édit. de Petau, rapporte les mêmes livres que S. Jérôme. On retrouve le même canon en deux ou trois autres endroits de son livre des Poids & mesures. Voyez les nomb. 3. 4. 22. 23. On lit au nombre 22, que les Hébreux n'ont que 22 lettres à leur alphabet; que c'est par cette raison qu'ils ne comptent que 22 livres sacrés, quoiqu'ils en ayent 27, entre lesquels ils en doublent cinq, ainsi qu'ils ont cinq caracteres doubles; d'où il arrive que comme il y a dans leur écriture 27 caracteres, qui ne font pourtant que vingt deux lettres, de même ils ont proprement vingt - sept livres divins, qui se réduisent à vingt deux.

S. Cyrille de Jérusalem dit aux Chrétiens, dans sa quatrieme catechese, de méditer les vingt - deux livres de l'ancien Testament, & de se les mettre dans la mémoire tels qu'il va les nommer; puis il les nomme ainsi que nous vonons de les rapporter d'apres S. Jérôme & S. Epiphane.

S. Hilaire, dans son Prologue sur les Pseaumes, ne differe de l'énumération précédente, ni sur les nombres, ni sur les livres. Le canon 60, de Laodicée, dit la même chose. Origene, cité par Eusebe, avoit dressé le même canon. Ce seroit recommencer la même chose jusqu'à l'ennui, que de rapporter ces canons.

Méliton Evêque de Sardes, qui vivoit au second siecle de l'Eglise, avoit fait un catalogue qu'Eusebe nous a conservé, c. xxvj. l. IV. de son histoire. Il avoit pris un soin particulier de s'instruire. Il avoit voyagé exprès dans l'orient, & son catalogue est le même que celui des auteurs précédens; car il est à présumer que l'oubli d'Esther est une faute de copiste.

Bellarmin donne ici occasion à une réflexion, par ce qu'il dit dans son livre des Ecrivains ecclésiastiques, savoir, que Méliton a mis au rang des livres de l'ancien Testameut celui de la Sagesse, quoiqu'il ne fût point reconnu par les Juifs pour un livre divin. Mais Bellarmin se trompe lui - même. La Sagesse n'est point dans le canon de Méliton. On y lit: Salomonis Proverbia quoe & Sapientia, *SALOMW=NOS2 *PAROIMI/AI H( KAI\ *SOFI/A D'où il s'ensuit que Méliton ne nomme pas la Sagesse comme un livre distingué des Proverbes; c'est l'H/ soit oublié, soit mal entendu, qui a donné lieu à la méprise. Mais, pour revenir au canon des Juifs, Josephe dit dans son livre contre Appion, qu'il n'y a dans sa nation que 22 livres reconnus pour divins, cinq de Moyse, treize des prophetes, contenant l'histoire de tous les tems jusqu'à Artaxercès, & quatre autres qui renferment des hymnes à loüange de Dieu, ou des préceptes pour les moeurs. Il n'entre pas dans le détail, mais il désigne évidemment les mêmes livres que ceux qui sont contenus dans les catalogues des peres.

Sur ce que l'historien Juif a placé dans ses Antiquités l'histoire d'Esther sous le regne d'Artaxercès, & sur ce qu'il dit dans le même endroit que les prophetes n'ont écrit l'histoire que jusqu'au tems de ce prince, & qu'on n'a pas la même foi à ce qui s'est passé depuis, M. Dupin s'est persuadé qu'il exclut le livre d'Esther du nombre des vingt - deux livres de son canon. Mais qui est - ce qui a dit à M. Dupin que Josephe ne s'est point servi du mot jusque dans un sens inclusif, ainsi que du terme depuis dans un sens exclusif? Ce seroit faire injure à d'habiles & judicieux auteurs qui ont précédé M. Dupin, que de balancer leur temoignage par une observation grammaticale qui, au pis aller, ne prouve ni pour ni contre.

Il ne faut point non plus s'imaginer que Josephe n'ait point mis le livre de Job au nombre des vingt - deux livres divins, parce qu'il ne dit rien dans son ouvrage des malbeurs de ce saint homme. Cet auteur a pû regarder le livre de Job comme un livre inspiré, [p. 604] mais non comme une histoire véritable; comme un poeme qui montroit partout l'esprit de Dieu, mais non comme le récit d'un événement réel; & en ce sens, quel rapport pourroit avoir l'aventure de Job avec l'histoire de sa nation.

Quel est le tems & quel est l'auteur du canon des livres sacrés chez les Juifs. Quatrieme question. Il semble que ce seroit aujourd'hui un paradoxe d'avancer qu'Esdras ne fut jamais l'auteur du canon des livres sacrés des Juifs; les docteurs mêmes les plus judicieux ayant mis sur le compte d'Esdras tout ce dont ils ont ignoré l'auteur & l'origine, dans les choses qui concernent la Bible. Ils l'ont fait réparateur des livres perdus ou altérés, réformateur de la maniere d'écrire; quelques - uns même inventeur des points voyelles, & tous auteur du canon des Ecritures. Il n'y a sur ce dernier article qu'une opinion. Il est étonnant que nos Scaliger, nos Huet, ceux d'entre nous qui se piquent d'examiner de près les choses, n'ayent pas disserté là - dessus; la matiere en valoit pourtant bien la peine. M. Dupin, au lieu de transcrire en copiste l'opinion de ses prédécesseurs, auroit beaucoup mieux fait d'exposer la question, & de montrer combien il étoit difficile de la résoudre.

Quoi qu'il en soit de l'opinion commune, il me semble qu'il n'y auroit aucune témérité à assûrer qu'on peut soutenir qu'Esdras n'est point l'auteur du canon des livres reconnus pour livres divins par les Juifs, soit qu'on veuille discuter ce fait par l'histoire des empereurs de Perse, & celle du retour de la captivite; soir qu'on en cherche l'éclaircissement dans les livres d'Esdras & de Néhemie, qui peuvent particulierement nous instruire. L'opinion contraire, quoique plus suivie, n'est point article de foi.

En un mot voici les difficultés qu'on aura à résoudre de part & d'autre, & ces difficultés me paroissent tres - grandes: 1°. il faut s'assûrer du tems où Esdras a vécu; 2°. sous quel prince il est revenu de Babylone à Jérusalem; 3°. si tous les livres qui sont dans le canon étoient écrits avant lui; 4°. si lui - même est auteur du livre qui porte son nom.

Voilà la route par laquelle il faudra passer avant que d'arriver à la solution de la 4° question: nous n'y entrerons point, de crainte qu'elle ne nous menât bien au - delà des bornes que nous nous sommes prescrites: ce que nous avons dit jusqu'à présent suffit pour donner à ceux qui se sentent le goût de la critique, un exemple de la maniere dont ils doivent procéder pour parvenir à quelque résultat, satisfaisant pour eux & pour les autres; c'étoit là principalement notre but.

Il ne nous reste plus qu'une observation à faire, c'est que le canon qui fixe au nombre de vingt - deux les livres divins de l'ancien - Testament, a été suivi dans la premiere Eglise jusqu'au concile de Carthage; que ce concile augmenta beaucoup ce canon, comme il en avoit le droit; & que le concile de Trente a encore été au - delà du concile de Carthage, prononçant anathème contre ceux qui refuseront de se soûmettre à ses décisions.

D'où il s'ensuit que dans toutes discussions critiques sur ces matieres délicates, le jugement de l'Eglise doit toûjours aller avant le nôtre; & que dans les occasions où il arriveroit que le résultat de nos recherches ne seroit pas conforme à ses decrets, nous devons croire que l'erreur est de notre côté: l'autorité que nous avons alors contre nous est d'un si grand poids, qu'elle ne nous laisse pas seulement le mérite de la modestie, quand nous nous y soûmettons, & que nous montrons une vanité impardonnable, quand nous balançons à nous soûmettre. Tels sont les sentimens dans lesquels j'ai commencé, continué, & fini cet article, pour lequel je demande au lecteur un peu d'indulgence: il la doit à la difficulté de la matiere, & aux soins que j'ai pris pour la discuter comme elle le méritè. Voyez à l'article Canoniques (Livres) ce qui concerne le canon du nouveau - Testament; c'est la suite naturelle de ce que nous venons de dire.

Canon (Page 2:604)

Canon, terme d'Hisloire ecclésiastique, signifie proprement regle ou décision, soit sur le dogme, soit sur la discipline.

Ce mot est originairement Grec, KANW\N, regle, discipline.

Nous avons les canons des apôtres, de l'authenticité desquels tout le monde ne convient pas, quoiqu'on avoue en général qu'ils sont fort anciens, & diverses collections de canons des conciles que nous allons indiquer d'après M. Fleury, dans son Institution au droit ecclésiastique.

Sous le regne de Constantin, l'an 314, se tinrent les conciles d'Ancyre en Galatie, & de Néocesarée dans le Pont, qui sont les plus anciens dont il nous reste des canons: ensuite, c'est - à - dire en 325, se tint le concile général de Nicée, dont les canons ont aussi été recueillis. Il y eut ensuite trois conciles particuliers dont les canons furent de grande autorite; l'un à Antioche, capitale de l'Orient, en 341; l'autre à Laodicée en Phrygie, vers l'an 370; & le troisieme à Gangres en Paphlagonie, vers l'an 375; enfin l'an 381 se tint le second concile universel à Constantinople.

Les canons de ces sept conciles furent recueillis en un corps qu'on appella le code des canons de l'Eglise universelle, auxquels on ajoûta ceux du concile d'Ephese, qui fut le troisieme oecuménique tenu en 430, & ceux du concile de Chalcédoine, tenu en 450: on y ajoûta aussi les canons des apôtres, au nombre de cinquante, & ceux du concile de Sardique, tenu en 347, & que l'on regardoit en plusieurs églises comme une suite du concile de Nicée.

Tous ces canons avoient été écrits en Grec, & il y en avoit pour les églises d'Occident une ancienne version Latine dont on ne sait point l'auteur. L'Eglise Romaine s'en servit jusqu'au commencement du vie siecle; & les autres églises, particulierement celles de Gaule & de Germanie, n'en connurent point d'autres jusqu'au ixe siecle. Mais vers l'an 530 l'abbé Denys le Petit fit une autre version des canons plus fidele que l'ancienne, & y ajoûta tout ce qui étoit alors dans le code Grec; savoir les cinquante canons des Apôtres, ceux du concile de Chalcédoine, du concile de Sardique, d'un concile de Carthage, & de quelques autres conciles d'Afrique. Il fit aussi une collection de plusieurs lettres décretales des papes, depuis Sirice qui mourut en 398, jusqu'à Anastase II. qui mourut en 498. Voyez Decretales.

La collection de Denys le Petit fut de si grande autorité, que l'Eglise Romaine s'en servit toûjours depuis, & on l'appella simplement le corps des canons de l'Eglise d'Afrique, formé principalement des conciles tenus du tems de S. Augustin. Les Grecs la traduisirent pour leur usage; & Charlemagne l'ayant reçûe en 787 du pape Adrien I. l'apporta dans les Gaules.

Les Orientaux ajoûterent aussi des canons à l'ancien code; savoir, trente - cinq canons des apôtres, ensorte qu'ils en comptoient quatre - vingts - cinq; le code de l'église d'Afrique traduit en Grec; les canons du concile in trullo, faits en 692, pour suppléer au cinquieme & au sixieme concile qui n'avoient point fait de canons; ceux du second concile de Nicée, qui fut le septieme oecuménique tenu en 787: tout cela composa le code des canons de l'Eglise d'Orient; & ce peu de lois suffit pendant 800 ans à toute l'Eglise catholique.

Sur la fin du regne de Charlemagne on répandit en Occident une collection des canons qui avoit été

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