ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"2:17"> vir alternativement: un jour de repos leur donne une ardeur nouvelle & met les veneurs en état de chasser avec plus de satisfaction.

De la quête du loup.

On fait la quête du loup différemment, selon la différence des saisons: si c'est en hiver, il faut al - ler au bois quelque tems avant le lever du soleil, parce que c'est à - peu - près dans ces tems là que les loups y rentrent: en été l'on n'a pas besoin d'y al - ler de si bonne heure, parce que ces animaux s'ar - rêtent souvent dans les blés, & ne reviennent au bois que vers le haut du jour; c'est pourquoi sans trop se presser il suffit de faire deux fois les devans du bord des buissons du côté des blés, & si l'on n'en rencontre point, il sera bon en s'en retournant de prendre les devans du côté du bois qui est vis - à - vis des blés.

Il y a bien de la différence entre la quête du loup & celle du cerf. Celui - ci demeure long - tems dans les buissons, quelquefois même il n'en sort point pour faire sa nuit dans les gagnages; mais le loup fait tout le contraire, la faim (comme on dit) le chasse hors du bois, & comme il ne vit que de car - nage il s'approche souvent des fermes, des villages & même des villes, & il se jette sur ce qu'il ren - contre. Si par hasard il s'arrête long - tems dans un buisson sans en sortir même pendant la nuit, ce n'est que lorsqu'il a attrapé quelque bête fauve qu'il s'oc - cupe à dévorer.

Lors donc que le veneur sera arrivé au bord de sa quête avec son limier, il tiendra le trait déployé tout prêt, & fera aller son chien devant lui plus d'une demi - longueur de trait, toujours en le caressant & en disant, va outre ribaut hau mon valet; hau lo lo lo lo, veleci, veleci aller mon petit. Il est bon de répéter souvent ces termes, parce que rien n'anime plus le chien & ne l'encourage mieux à suivre. Il faut bien prendre garde que le limier ne sur - alle quelque loup qui seroit rentré dans le buisson par quelque coulée, ou par de grands chemins sur l'herbe, & lorsqu'on remarque que le chien fait mine de se rabattre, & qu'il met le nez ou à des branches, ou à des touffes d'herbe, on aura soin de le r'animer; parce que les chiens naturellement n'ont pas beaucoup d'ardeur pour le loup, & ils en rabattent toujours assez froi - dement: d'ailleurs le sentiment du loup ne dure qu'environ deux ou trois heures, & pour venir à bout de le détourner, il ne faut pas qu'il aille plus de deux heures: autrement les limiers ont de la pei - ne à emporter les voies, sur - tout si c'est dans un chemin frayé; car lorsqu'il fait route sur l'herbe, ou à - travers des bruyeres, il laisse plus de senti - ment après lui, parce qu'il touche alors du corps & des jambes à ce qu'il rencontre, ce qui aide les li - miers à la poursuite.

Lorsque le veneur s'apperçoit que son chien se rabat d'un loup, il doit lui parler en ces termes: qu'est - ce là mon valet, hau l'ami après, veleci il dit vrai, & il les répétera souvent pour animer le li - mier qu'il suivra toujours, soit au long du chemin, soit dans le faux - fuyant; on ne sauroit faire trop de diligence dans cette occasion; parce qu'il est toujours à craindre que les voies ne vieillissent & que le limier ne les abandonne au premier car - refour où le loup auroit donné. Il est à observer que lorsque le loup passe un carrefour, il s'y arrête toujours quelque tems, soit pour y fianter, soit pour y pisser contre quelques genets ou quelques souches d'herbe: aussi - tôt après il se déchausse, c'est - à - dire, il gratte la terre & en enleve la superficie de la lar - geur de quatre piés en grattant avec ses ongles en arriere sur l'herbe; ensuite il reprend le chemin & perce quelquefois bien loin; quelquefois aussi il cherche à ruser; & au lieu de suivre le chemin, il en reprend un autre & tourne du côté du fort pour y rentrer. Il saisit pour cela le premier faux - fuyant qu'il rencontre, ou quelque coulée favorable, ce qui arrive principalement lorsque la terre est mouil - lée, c'est alors que le veneur doit avoir soin de dres - ser le chien sur les voies, environ d'une demi - lon - gueur de trait, & de bien caresser son limier pour l'animer toujours de plus en plus; s'il est encore matin, il pourra briser les voies à petit bruit & se retirer secretement pour prendre de grands devans. Il faut observer que pendant ce tems - là le chien ne sur - alle point le loup, soit par quelque faux fuyant, soit par des clairieres par où il auroit percé jusqu'au fort; car les loups ont différentes allures, selon qu'ils sont plus ou moins affamés. Lorsque la faim les tient, ils sont sur pié presque sans cesse & vont toujours en avant jusqu'à ce qu'ils ayent trouvé à manger; mais quand ils sont rassasiés, ils se reti - rent souvent dans le premier fort qu'ils rencontrent, pourvû qu'ils y trouvent de quoi faire leur demeu - re, comme des houx, des fougeres ou d'autres gran - des herbes.

Si le veneur est au bois un jour de chasse, il se contentera de s'assurer que le loup est entré dans le fort, il cherchera à découvrir la petite avenue, ou la clairiere par laquelle il peut être entré, il cares - sera bien son limier, le brisera ensuite à l'entrée du fort, & prendra les devans; après qu'il se sera bien assuré d'avoir détourné le loup, il se retirera à l'as - semblée pour y faire son rapport; mais si le veneur n'avoit d'autre dessein que d'exercer son chien, ou s'il y avoit long - tems qu'il n'eût lancé le loup, il pourroit aussi - tôt qu'il l'a détourné revenir aux bri - sées prendre les voies, puis pousser & lancer le loup & suivre les voies jusqu'au liteau en caressant son li - mier, & en lui parlant toujours dans les termes rap - portés ci - dessus. Si le limier est jeune, on s'apper - cevra que son ardeur se rallentira aux approches du liteau, parce que le sentiment du loup inspire naturellement de la crainte aux chiens, & il y en a très - peu qui osent d'eux - mêmes se mettre à le sui - vre; mais c'est alors qu'il faut lui parler beaucoup pour l'animer, l'enhardir & le faire suivre, & lui faire bien des caresses sur les voies. Pour ce qui est du liteau, il faut savoir que les loups en changent suivant les différentes saisons; par exemple en été ils se mettent dans une place découverte sur de gran - des herbes où le soleil donne un peu; mais si c'est en hiver dans un tems un peu rude, ils se retirent dans les plus grands forts & dans des bois épais sur des bruyeres ou sur des fougeres. Il est rare qu'ils se mettent sous des futaies, à moins qu'il ne s'y trouve de gros buissons ou des fougeres très - épaisses.

A quoi on peut reconnoître que le limier rabat du loup.

Il est très - difficile de revoir la piste du loup, à cause de sa grande légéreté; à peine laisse - t - il après lui de traces de ses allures, excepté en hiver dans le tems de la gelée blanche, & en été lorsqu'il y a beaucoup de poussiere. Dans tous les autres lieux on va pour ainsi dire au hasard, & à moins que d'ê - tre depuis long - tems exercé à la chasse, on fait sou - vent bien des pas inutiles: il est cependant des indi - ces par le moyen desquels on peut découvrir où ten - dent les mouvemens du limier, & par conséquent discerner si c'est un loup ou un autre animal dont le chien veut se rabattre; ainsi en observant bien la façon de faire de son limier, on remarquera que si c'est d'un loup qu'il se rabat, il ne manquera pas d'aller sentir les branches ou les herbes que le loup [p. 2:18] aura touchées, & tout de suite il se mettra en de - voir de suivre. Si le loup va de bon tems, & que le chien en veuille un peu, on le verra suivre assez gaiement, pourvû que l'on ait soin de l'animer de tems en tems sur les voies; mais si le loup est ren - tré de grand matin, & qu'on n'en rencontre pas de bonne heure, le limier ne pourra pas en empor - ter les voies, sur - tout si le loup perce & va demeu - rer un peu loin; car il faut qu'un chien ait un nez excellent pour pouvoir détourner un loup qui iroit plus long - tems que deux heures & demie ou trois heures, & il faudroit, pour qu'il pût ne pas l'aban - donner, qu'il n'y eût dans les buissons ni bêtes fauves ni chevreuils, ou que le limier eût été dressé à ne vou - loir uniquement que du loup. Lorsque le veneur verra par la façon du chien que c'est du loup dont il s'agit, c'est à lui à tâcher de revoir si le loup est seul ou ac - compagné. Ordinairement ils vont deux ensemble; ce n'est que par un tems de beau revoir qu'on peut en distinguer le nombre & la qualité, & cela en examinant avec attention les voies, conformé - ment à ce qu'on en a dit ci - dessus, en parlant de la différence des piés du loup & de la louve.

Maniere de faire le rapport du loup que l'on a détourné.

On voit qu'il n'est pas si aisé de connoître du loup que de toutes autres bêtes: il faut qu'un veneur ait par - devers lui beaucoup d'expérience, & qu'il soit bien connoisseur pour observer juste & se mettre en état de faire un rapport exact.

Voici comment se fait ordinairement le rapport.

Je crois avoir détourné un ou deux loups, ou bien un loup & une louve, ou plusieurs ensemble, selon les indices que l'on en a: ils viennent du côté de tel buisson, ou bien ils reviennent de la pâture du côté de tel village, ils ont fait tel abbatis de bêtes fau - ves que j'ai trouvées en les suivant, & de - là ils vont demeurer dans tel buisson. J'ai fait grande suite après, & comme je crois que leur droit chemin est d'aller du buisson où j'ai lieu de penser qu'ils de - meurent, en tel autre buisson, il y a un beau détroit pour y faire l'accourre, & des lieux avantageux pour y placer les lévriers.

Maniere de placer les lévriers.

Les lévriers pour le loup sont partagés en trois laisses différentes, les uns s'appellent lévriers d'estric; les seconds, lévriers compagnons, que l'on appelle aussi lévriers de flanc; & enfin les lévriers de tête: il doit y avoir ordinairement deux laisses de chaque espece, & chaque laisse est de deux ou trois lévriers. On place d'abord les deux laisses d'estric au bord du buisson où les loups ont été détournés à - peu - près dans l'endroit où l'on imagine qu'ils pourront don - ner en sortant. Ces deux laisses doivent être sépa - rées l'une de l'autre d'environ deux ou trois cens pas, plus ou moins, selon la situation du lieu. Cha - que laisse doit être appuyée d'un cavalier qui aura soin de se cacher avec les lévriers dans le bord du bois à bon vent pour pousser les loups, quand les lévriers d'estric seront lâchés, & pour faire enfon - cer dans l'accourre. A cinq ou six cens pas de ceux - ci, environ à moitié chemin entre les deux buis - sons doivent être postés les lévriers compagnons; on place les deux laisses de ceux - ci vis - à - vis l'une de l'autre, de façon que le passage du loup soit entre deux. On doit avoir l'attention de tenir ceux - ci en - core plus cachés que les autres, de peur que les loups neles apperçoivent, & les valets de chiens attendront pour les lâcher que le loup soit prêt à passer. Enfin les lévriers de tête doivent être placés près du buis - son où l'on croit que le loup doit se rendre: & lors - qu'on le verra s'approcher, poursuivi par les autres chiens, il faut s'avancer avec les lévriers de tête, la laisse détachée pour les lâcher à l'arrivée du loup. Ces derniers qui sont plus grands & plus furieux que les autres, réduisent bientôt le loup aux dernieres extrémités; les valets de chiens doivent alors ap - puyer les limiers, & s'approcher au plutôt du loup. Dès que les chiens le tiendront, ils auront soin de se munir de gros bâtons courts pour fourrer dans la gueule du loup aussi - tôt qu'ils seront à portée de le faire, parce que cet animal ne lâchant point prise dès qu'il tient quelque chose dans sa gueule, le bâton qu'on lui présente garantit les chiens des blessures qu'il pourroit leur faire. Les veneurs se serviront ensuite de leur couteau de chasse, & ils observeront en s'approchant du loup pour le percer, d'avoir tou - jours une main sur la pointe de leur couteau, de crainte de blesser les chiens. J'en ai vu souvent d'es - tropiés faute de prendre cette précaution. Quand on trouve le moment favorable de percer le loup, on lui fournit le coup à - travers le corps, près de l'épaule.

Maniere de chasser le loup avec les chiens courans.

Pour bien faire cette chasse, il faut avant toutes choses placer les lévriers comme on l'a dit au pa - ragraphe précédent. On postera ensuite au bord du buisson du côté que l'on ne veut pas que les loups sortent, une douzaine d'hommes ou environ, à cha - cun desquels on donnera une cresselle pour s'en ser - vir dans l'occasion. On aura soin de les ranger à soi - xante pas l'un de l'autre, plus ou moins, selon la largeur du buisson. Lorsque tout sera prêt, le com - mandant donnera l'ordre, & à l'instant on menera les chiens aux brisées pour les y découpler. Le pi - queur appuyera les chiens sur les brisées dans les forts, afin de les faire quêter, & il les conduira tou - jours sur les voies du côté que l'on croira que les loups vont demeurer, en les animant continuelle - ment par les cris de hala ila la tayau, velleci aller; il sonnera de tems en tems pour les faire quêter, peut - être le bruit des chiens fera - t - il sortir le loup du liteau long - tems avant qu'ils arrivent, mais quel - quefois aussi il attend que les chiens soient près de lui, pour prendre la fuite. Alors si le veneur l'ap - perçoit, il doit crier aux chiens en ces termes: Ve - lelau velelau, harlou, harlou, velleci aller. Il sonnera ensuite pour faire prendre les voies, & après il leur criera, harlou, chiens harlou, veleci aller. Et lorsque les chiens auront pris les voies, ils ne manqueront pas d'aboyer le loup & de le chasser avec chaleur; alors le piqueur sonnera pour chiens, afin de les ani - mer de plus en plus.

Le loup ainsi poursuivi fera peut - être quelques tours dans le buisson avant que de sortir, afin de prendre le vent pour fuir; mais alors ceux qui se - ront placés aux défenses se serviront de leurs cres - selles dont le bruit empêchera le loup de sortir de ce côté là, & on ne lui laissera pour toute sortie que l'accourre à bon vent. Pendant que le loup est ainsi en suspens sur la voie qu'il doit prendre, les chiens le presseront toujours vivement appuyé du piqueur qui criera sans relâche: Ha il fuit la chiens, il fuit la ha ha. Ensuite il sonnera deux mots, & recommen - cera à crier: Hou, velleci aller, velleci aller. Enfin le loup se voyant pressé par les chiens, par les cris des chasseurs, & par le bruit de ceux qui sont aux défenses, prend le parti de fuir par l'endroit où il n'entend point de bruit qui est précisément l'endroit de l'accourre. Il s'arrête un instant au bord du bois, pour regarder s'il n'y a personne, & il part tout de suite pour passer la plaine. On le laisse avancer en - viron une centaine de pas, & à l'instant on lâche

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