ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

RECHERCHE Accueil Mises en garde Documentation ATILF ARTFL Courriel

Previous page

"2:13"> les de compagnie, afin d'en faire un rapport exact à l'assemblée.

J'observerai ici que dans les hautes futaies, où il y a bien des houx & des fougeres, les sangliers de - meurent bien souvent dans ces fougeres où ils font leur nuit; c'est aux veneurs à prendre garde s'ils y voyent entrer le sanglier ou des bêtes de compagnie. Il ne faut pas les approcher à mauvais vent, mais les briser de loin, & prendre les devans de tous cô - tés. Si le limier n'en rencontre point dès la premie - re fois que l'on prend les devans, il faut les repren - dre une seconde fois, mais beaucoup plus près de l'endroit où l'on soupçonne le sanglier. Si le limier va bien aux brisées, il est hors de doute que le san - glier est encore dans le lieu de sa retraite; l'on peut alors en toute sûreté en faire son rapport. Pour peu que l'on observe tout ce qu'on a marqué, le rapport ne peut manquer d'être fidele, & on ne fera pas le sanglier autre qu'il n'est.

Des relais, du laisser courre, &c.

Aussi - tôt que le veneur aura fait son rapport, il se préparera pour la chasse & se rendra d'abord dans l'endroit ou sont les chiens pour faire la sépara - tion de sa meute. Il enverra les relais aux endroits ordinaires où se sont les refuites du sanglier, pour en être secouru dans l'occasion; car il est impor - tant d'être bien relayé. Le capitaine de l'équipage fera marcher les chiens de meute à la tête desquels se mettra celui qui aura fait le rapport, parce que c'ess à ses brisées que l'on va; c'est toujours à ce dernier à remontrer du sanglier à ceux qui piquent à la queue des chiens, afin de pouvoir le reconnoure, ce qui quelquefois ne se fait pas sans de grandes dif - ficultés; car souvent le sanglier est accompagné d'une laye ou de quelque bête de compagnie: quel - quefois même il y a dans la bauge plusieurs sangliers avec celui dont on a remontré d'abord; ils y restent ensemble quelque tems, & lorsque les chiens en ap - prochent, ils partent tous de compagnie, & le san - glier de meute donne ainsi le change aux chiens. En ce cas, il est nécessaire que les piqueurs en revoyent aux brisées, & qu'ils regardent souvent à terre en le faisant chasser.

Lors donc que les piqueurs auront bien revû par les traces, si c'est un ragot, un vieux sanglier, ou une laye, celui qui laisse courre tiendra le trait de son limier tout déployé, & mettra son chien sur les voies aux brisées; il avancera de dix pas dans ces voies, & s'y arrêtant de pié ferme, il criera à son limier, hau valet hauva, la rigaut après après, hau hau: il aura soin de laisser un peu tâter de la voie au limier, ensuite il le fera appuyer sur le trait & le fera suivre, & lorsqu'il reverra des traces de la bête, il criera à haute voix: veleci aller avant, ve - leci aller, après après valet.

Comme il peut arriver que le sanglier tourne en vermillant dans le sort, quelquefois même près de l'endroit où il veut se mettre à la bauge (ce qui peut faire perdre les voies au limier), il faut le faire re - venir pour les rechercher en prenant de petits de - vans, en lui criant, hourva, hourva hau l'ami va ou - tre. Il est bon aussi de le faire aller devant, pour tâ - cher de lui faire retrouver les voies, en lui disant, hau rigaut hourva hourva, veleci mon petit. Lorsqu'on le voit retomber sur les voies, il faut lui crier: après mon valet, après hou hou. Enfin dès que le piqueur en aura revû, il criera aussi - tôt, veleci aller, veleci al - ler: il répetera souvent ces termes & suivra jusqu'à ce que le sanglier soit lancé. Si le limier menoit jus - qu'à la bauge, aussi - tôt que le veneur le verroit partir, il crieroit, velelau, veleci aller, veleci aller, & tout de suite il appelleroit les chiens au son de la trompe; lorsqu'ils seront arrivés avec les piqueurs, celui qui a laissé courre, sonnera pour faire découpler les chiens; alors tous les piqueurs sonneront aussi & piqueront à la queue des chiens, il les tiendront le plus près qu'ils pourront sans appréhender de passer par les grands forts, ils leur crieront souvent: hou, hou, veleci allez, il dit vrai veleci allez, & ils ne cesseront de sonner pour chiens, de même qu'à la chasse du cerf & du chevreuil; car il n'y a aucune différence. Quant au défaut, lorsque les chiens seront bien ameutés, il faut continuer de sonner encore quelque tems, & ensuite crier aux chiens sans relâche, afin de faire peur au sanglier & l'empêcher par ce moyen de tenir contre les chiens; car autant qu'il en attra - pe, autant il en estropie: c'est pourquoi il faut tou - jours les accompagner & leur crier, hau miraut, à suit la chien, fuit la haha, & lorsqu'on voit passer le san - glier, on crie comme on a dit ci - dessus, velelau, &c.

La chasse du sanglier peut durer plus ou moins de tems selon la qualité du sanglier que l'on courre; car si c'est une bête de compagnie, elle pourra faire durer la chasse six ou sept heures, parce qu'étant poursuivie, elle se mêlera avec toutes les bêtes qu'elle rencontrera, ce qui est très - embarrassant pour les veneurs & pour les chiens qui ont alors plus de peine à en reconnoître: d'ailleurs, les bêtes de compagnie étant fortes & peu pesantes, elles sont en état de faire bien du pays. Il n'en est pas de même d'un grand sanglier; sa pesanteur lui est nuisible, il se fait toujours chasser de près, & les chiens ne le perdent gueres de vûe, ce qui fait qu'on en vient à bout dans l'espace d'environ deux heures. De plus, il ne fait point de grands retours, comme les cerfs & les chevreuils, mais seulement un retour à droite ou à gauche, & il se replie toujours du côté où il veut percer. Quelquefois il va de l'extrémité d'une forêt à l'autre; d'autre fois il va battre de grands forts pour chercher à s'accompagner d'au - tres bêtes, afin de donner le change: ce qui étonne souvent les chiens, mais il y en a toujours parmi eux qui sont fermes dans la voie: ceux - ci ne man - quent point de montrer le change & quoique le sanglier parte du fort en compagnie, ils refusent de chasser d'autres bêtes que la leur. Les piqueurs, dans ces circonstances doivent se conduire très - prudemment & se donner de garde de trop exciter leurs chiens, lorsqu'ils reconnoissent qu'ils remon - trent bien.

Lorsque le sanglier se sent poussé aux dernieres extrémités, il ne fait plus que tourner, cherchant toujours à se mêler avec quelques bêtes de com - pagnie. Lorsqu'on l'en sépare, il va battre un au - tre pays, cherchant toujours à s'accompagner, mais ce n'est que d'une façon assez languissante, parce que sa pesanteur l'accable à la fin; & il s'échauffe, au point que, lorsqu'il rencontre quelque marre, il s'y jette avec ardeur pour s'y rafraîchir. Si par hasard il ne rencontre point d'eau, l'extrème cha - leur l'appesantit, & le met hors d'état de courre; alors il se laisse aboyer de près, & au lieu de cher - cher à fuir, il fait face aux chiens & leur tient tête avec une extrème fureur, il se jette même dessus & les blesse. C'est dans cette occasion que les piqueurs doivent appuyer les chiens & tâcher de faire repar - tir le sanglier, afin de ménager la vie des chiens. Il est bon même d'empêcher que les chiens n'en approchent de trop près, parce que lorsqu'il est sur ses fins, il ne fait plus que tournoyer, présentant sa hure à tout ce qui l'approche. C'est alors que l'on peut se servir du couteau & le lui plonger dans le corps, comme il est représenté dans la vignette, Pl. IV. Mais il faut que le veneur qui lui sert le coup, soit assez alerte, pour s'esquiver à l'instant d'un autre côté, parce que cet animal tourne tou - [p. 2:14] jours ses défenses du côté où il se sent blessé. Si cependant le sanglier étoit furieux, au point qu'il y eût à appréhender pour les veneurs & même pour les chiens, il seroit à propos de lui tirer un coup de fusil. C'est à celui qui commande l'équipage, que cet honneur appartient de droit; & il n'y a rien en cela qui blesse les lois de la chasse, parce que le coup de feu est permis, lorsque la vie des veneurs & des chiens est en danger.

Pour les laies & les bêtes de compagnie qui ne peuvent pas blesser, mais qui ne font que fouler du boutoir, il ne faut se servir que du couteau de chasse, le fusil n'étant de mise que dans les dernieres extrémités.

Les piqueurs sonneront aussi - tôt la mort de la bête, & laisseront fouler les chiens en les caressant, en les appellant par leurs noms, & en les enhardissant en ces termes, hou hou petits veleci, veleci donc mes tou tou. Il faut toujours les flatter de la main, par - ticulierement les jeunes chiens; & en cas que ceux - ci ne voulussent pas en approcher, il faut les pren - dre en les flattant, & les poser sur le sanglier; peu - à - peu ils s'y accoutumeront.

Après que les chiens ont foulé à la tête du san - glier, le premier piqueur leve la trace ou pié droit de devant, & la porte au commandant de l'équipage qui la présente au roi ou au seigneur à qui l'équi - page appartient. Ensuite on sonne la retraite pour rappeller les chiens, & on emporte le sanglier.

Avant que de partir, il faut visiter les chiens pour voir ceux qui sont blessés, & les panser. Il faut pour cet effet que les veneurs fassent toujours porter à la chasse tout ce qui est nécessaire pour panser les chiens, & principalement une aiguille, du fil, & quelques morceaux de lard coupés par petites tran - ches. On met un lardon dans chaque plaie que l'on recoût avec du fil double, & l'on fait un noeud à chaque point: ce lardon humecte la plaie, & lui donne l'onction nécessaire; outre cela le chien, de son côté, co - opere à sa guérison en léchant sou - vent sa plaie. Si, par hasard elle venoit à se r'ou - vrir, soit naturellement, soit parce que le chien au - roit cassé le fil, il faut remettre un autre lardon, & la recoudre de même: mais si la plaie étoit trop enslée pour être recousue, on fait fondre alors du vieux lard piqué d'avoine, & on en frotte la plaie avec une plume, ce que l'on reitere tous les jours jusqu'à ce que la plaie soit guérie. Pour ceux qui ne sont pas considérablement blessés, on peut at - tendre le retour de la chasse pour les panser: il suffit de laver leurs plaies avec du vin un peu chaud; & l'on a soin, lorsqu'ils sont au chenil, de leur don - ner de la paille fraîche & beaucoup d'eau.

De la curée du sanglier.

Voici ce qu'il faut observer à la curée du sanglier.

On rompt d'abord dans des baquets grand nom - bre de morceaux de pain, à proportion de la quan - tité des chiens; on fait ensuite chauffer de l'eau dans une grande chaudiere; on y met trois ou qua - tre livres de graisse au moins; pendant que l'eau chauffe, on dépouille le sanglier, pour en avoir la fressure, & après qu'on en a ôté le fiel, on la coupe par petits morceaux pour les mettre bouillir dans la chaudiere. Lorsque le tout a suf - fisamment bouilli, on le verse de la chaudiere dans les baquets, & on le remue avec des bâ - tons. Puis, quand le pain est bien trempé, on ren - verse les baquets sur le drap qui sert à la curée, & qui est un drap fait exprès de grosse toile de la lon - gueur de cinq ou six aunes. On remue bien cette mouée pour l'étendre sur le drap. Pendant qu'elle refroidit, le maître - valet de chiens apporte nombre de houssines qui sont distribuées par le capitaine ou le lieutenant de l'équipage, selon la qualité des per - sonnes qui assistent à la curée. S'il n'y avoit que le commandant & les piqueurs à la curée, ce seroit au premier piqueur à lui présenter une houssine & une à chacun des autres piqueurs; pour les valets de chiens par quartier, ce sont les petits - valets de chiens qui leur en présentent. Aussi - tôt que la mouée est prête, le commandant sonne de la trom - pe, & tous les piqueurs sonnent en même tems: le valet de chiens commandé pour le chenil, ouvre la porte, aux premiers sons, & laisse sortir tous les chiens, excepté cependant les plus gras, qu'on ne laisse aller à la mouée qu'à la fin de la curée: tout le tems qu'elle dure, on sonne de la trompe autour des chiens, & on les caresse en se servant des mê - mes termes qu'on emploie à la chasse. Il est à ob - server que les chiens ne mangent pas du sanglier avec autant d'avidité que d'autre viande. Il ne faut pas même que ce qu'on leur en donne soit crû, parce que cela pourroit les dégoûter: de sorte que, si dans un certain tems, on veut leur faire manger d'autres endroits du sanglier que la fressure, il faut avoir soin de couper par quartiers ce qu'on leur destine, & le faire bouillir dans de l'eau pour le mêler avec le pain de la mouée.

Comment il faut lever la trace du sanglier.

C'est ordinairement le premier piqueur qui doit lever la trace du sanglier; les jeunes veneurs ne peuvent rien faire de mieux que d'examiner avec at - tention comment il s'y prend, afin de faire de même dans l'occasion. C'est toujours la trace droite qu'on doit lever; pour cela, on perce d'abord avec un couteau au - travers de la jambe, entre l'os & les nerfs au - dessous du genouil; on fend ensuite la peau jusqu'au joint du bas de la jambe au - dessus des gar - des; on coupe dans la jointure tous les petits fila - mens de nerfs qui y sont; après cela on renverse la trace en arriere pour la déboîter. Il faut toujours avoir soin d'y laisser la peau qui couvre le dessus de la jambe & qui va jusqu'au genouil, c'est là qu'il faut la couper. Lorsque la trace est levée, on fend la peau dans le milieu pour y passer les nerfs & la moitié de la peau de dessous qui doit toujours être renversée par - dessus les gardes; on fend ensuite les nerfs & l'autre moitié de la peau qui y tient, & on les passe deux ou trois fois l'un dans l'autre: lors - que cela est fait, la trace est en état d'être pré - sentée.

Maniere de dépouiller le sanglier.

On commence par lever la hure, en faisant une incision par le col au défaut des épaules, & là on coupe le joint entre le col & les épaules. La hure levée, il faut mettre le sanglier sur le dos; on fait des incisions autour des jambes au - dessous du ge - nouil dont on fend la peau au - dedans des jambes de devant jusqu'à la gorge; on fait ensuite une inci - sion depuis la gorge jusqu'à l'entre - deux des cuisses, & une autre à chacune des jambes de derriere au - dessous des genouils, on en fend la peau dans toute la longueur du jarret droit, en montant le long de la culotte jusqu'à la queue; cela fait, on commence à habiller la bête par les cuisses & puis par le ven - tre, jusqu'à ce que les épaules & le corps soient tout dépouillés; on fend ensuite le ventre, on ôte la panse & les dedans, comme la fressure, le coeur & la panne, de laquelle on peut faire de bon boudin en la mêlant avec le sang; on fait ensuite des an - douilles avec les boyaux, mais elles sont plus noi - res que celles de cochon. Si c'est dans le tems de la porchaison, on peut faire de bons jambons des

Next page


The Project for American and French Research on the Treasury of the French Language (ARTFL) is a cooperative enterprise of Analyse et Traitement Informatique de la Langue Française (ATILF) of the Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), the Division of the Humanities, the Division of the Social Sciences, and Electronic Text Services (ETS) of the University of Chicago.

PhiloLogic Software, Copyright © 2001 The University of Chicago.