ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"737"> tes leurs graces allumées paroissent sur leurs joues. L'âge avancé fournit ici sa tâche; la main même des enfans traine le rateau: surchargés du poids odorisérant, ils tombent, & roulent sur le fardeau bienfaisant: la graine de l'herbe s'éparpille tout - au - tour. Les faneurs s'avancent dans la prairie, & étendent au soleil la récolte qui exhale une odeur champêtre. Ils retournent l'herbe séchée: la poussiere s'envole au long du pré; la verdure reparoît; la meule s'éleve epaisie & bien rangee. De valion en vallon, les voix réunies par un travail heureux, retentissent de toutes parts; l'amour & la joie sociable perpétuent gaiment le travail jusqu'au soir prét à commencer.

Le d eu qui doioit nos campagnes Va se dérober à nos yeux; Il fuit, & son char radieux Ne dore plus que les montagnes. Les nymphes sortent des forêts Le front couronne d'amaranthes; Un air plus doux, un vent plus frais Raniment les roses mourantes; Et descendant du haut des monts, Les bergeres plus vigilantes Rassemblent leurs brebis bélantes Qui s'egaroient dans les vallons.

Je perce en ces momens dans la profonde route des forêts voisines, où les arbres sauvages agitent sur la montagne leurs cimes élevées. A chaque pas grave & lent, l'ombre est plus épaisse; l'obsourité, le silence, tout devient impotant, auguste, & majestueux; c'est le palais de la réflexion, le séjour où les anciens poetes sentoient le souffle inspirateur.

Reposons - nous pres de cette bordure baignée de la fraicheur de l'air humide. Là, sur un rocher creux & bisarrement taillé, je trouve un siége vaste & commode, double de mousse, & les fleurs champêtres ombragent ma tête. Ici le disque baissé du soleil éclaire encore les nuages, ces belles robes du ciel qui roulent sans cesse dans des formes vagues, changeantes, & semblables aux rêves d'une imagination éveillée.

La terre sera bien - tôt couverte de fruits: l'année est dans sa maturité. La fécondité suivie de ses attributs, portera la joie dans toute l'étendue de ce beau climat; mais les douces heures de la promenade sont arrivées pour celui qui, comme moi, se plait solitairement à chercher les collines. Là, il s'occupeà faire passer dans son ame par un chant pathétique, le calme qui l'environne. Des amis réciproquement unis par les liens d'une douce société, viennent le joindre. Un monde de merveilles étale ses charmes à leurs yeux éclairés, tandis qu'elles échappent à ceux du vulgaire. Leurs esprits sont remplis des riches trésors de la Philosophie, lumiere supérieure! La vertu brûle dans leurs coeurs, avec un enthousiasme que les fils de la cupidite ne peuvent concevoir. Invités à sortir pour jouir du déclin du jour, ils dirigent ensemble leurs pas vers les portiques des bois verds, vaste lycée de la nature. Les épanchemens du coeur fortifient leur union dans cette douce école, où nul maître orgueilleux ne regne. Maintenant aussi les tendres amans quittent le tumulte du monde, & se retirent dans des retraites sacrées. Ils répandent leurs ames dans des transports que le dieu d'amour entend, approuve, & confirme.

Enfin:

Le soleil finit sa carriere, Le tems conduit son char ardent, Et dans des torrens de lumiere, Le précipite à l'occident: Sur les nuages qu'il colore Quelque tems il se reproduit; Dans leurs flots azurés qu'il dore, Il rallume le jour qui suit.

L'astre de la nature s'abaissant, semble s'élargir par degrés; les nuages en mouvement entourent son trône avec magnificence, tandis que l'air, la terre, & l'océan sourient. C'est en cet instant, si l'on en croit les chantres fabuleux de la Grece, que donnant relâche à ses coursiers fatigués, Phoebus cherche les nymphes, & les bosquets d'Amphitrite. Il baigne ses rayons, tantôt à moitié plongé, tantôt montrant un demi - cercle doré; il donne un dernier regard lumineux, & disparoit totalement.

Ainsi passe le jour, parcourant un cercle enchanté, trompeur, vain, & perdu pour jamais, semblable aux visions d'un cerveau imaginaire; tandis qu'une ame passionnée, perd en desirs les momens, & que l'instant même ou elle desire, est anéanti. Fatale vérité, qui ne présente à l'oisif speculateur qu'une vie inutile, & une vue d'horreur au coupable, qui consume le tems dans des plaisirs honteux! Fardeau à charge à la terre; il dissipe bassement avec ses semblables, ce qui auroit pû rendre l'être à une famille languissante, dont la modestie ensevelit le mérite.

Les nuages s'obscurcissent lentement; la tranquille soirée prend son poste accoutume au milieu des airs. Des millions d'ombres sont à ses ordres: les unes sont envoyées sur la terre; d'autres d'une couleur plus foncee, viennent doucement à la suite; de plus sombres encore succedent en cercle, & se rassemblent tout autour pour fermer la scene. Un vent frais agite les bois & les ruisseaux; son souffle vacillant fait ondoyer les champs de blés, pendant que la caille rappelle sa compagne. Le vent rafraîchissant augmente sur la plaine, & le serein chargé d'un duvet végétal, se repand agréablement; le soin universel de la nature ne dédaigne rien. Attentive à nourrir ses plus foibles productions, & à orner l'année qui s'avance, elle envoie de champ en champ, le germe de l'abondance sur l'aile des zéphirs.

Le berger lestement vétu, revient content à sa cabane, & ramene du parc son tranquille troupeau; il aime, & soulage la laitiere vermeille qui l'accompagne; ils se prouvent leur amour par des soins & des services reciproques. Ils marchent ensemble sans soucis sur les collines, & dans les vallons solitaires, lieux où sur la fin du jour, des peuples de fées viennent en foule passer la nuit d'été dans des jeux nocturnes, comme les histoires des villages le racontent. Ils évitent seulement la tour deserte, dont les ombres tristes occupent les voûtes; vaine terreur que la nuit inspire à l'imagination frappée! Dans les chemins tortueux, & sur chaque haie de leur route, le ver - luisant allume sa lampe, & fait étinceler un mouvement brillant à - travers l'obscurité.

La Soirée cede le monde à la Nuit qui s'avance de plus en plus, non dans sa robe d'hiver d'une trame massive, sombre & stygienne, mais négligemment vêtue d'un manteau sin & banchâtre. Un rayon foible & trompeur, réfléchi de la surface imparfaite des objets, présente à l'oeil borné les images à demi, tandis que les bois agités, les ruisseaux, les rochers, le sommet des montagnes qui ont plus longtems retenu la lumiere expirante, offrent une seene nageante & incertaine.

Les ombres, du haut des montagnes, Se répondent sur les côteaux; On voit fumer dans les campagnes Les toits rustiques des hameaux.

Sous la cabane solitaire Des Philémons & des Baucis, Brûle une lampe héréditaire, Dont la flamme incertaine éclaire La table où les dieux sont assis.

Rangés sur des tapis de mousse; Le vent qui rafraîchit le jour, [p. 738] Remplit d'une lumiere douce Tous les arbustes d'alentour.

Le front tout couronné d'étoiles, La Nuit s'avance noblement, Et l'obscurité de ses voiles Brunit l'azur du firmament.

Les Songes trainent en silence Son char parsemé de saphirs; L'Amour dans les airs se balance Sur l'aile humide des zéphirs.

La douce Vénus, brillante au ciel de ses rayons les plus purs, amene en faveur de ce cher fils, les heures my sterieuses, qu'elle consacre à ses plaisirs. Son lever joyeux, du moment où le jour s'efface, jusqu'à l'instant où il renait, annonce le regne de la plus belle lampe de la nuit. Je considere, j'admire sa clarté tremblante; ces lumieres errantes, feux passagers que le vulgaire ignorant regarde comme un mauvais présage, descendent du firmament, ou scintillent horisontalement dans des formes merveilleuses.

Du milieu de ces orbes radieux, qui non - seulement ornent, mais encore animent la voûte céleste, paroît dans des tems calculés, la comete rapide, qui se précipite vers le soleil; elle revient de l'immensité des espaces avec un cours accéléré; tandis qu'elle s'abaisse & ombrage la terre, sa criniere redoutable est lancée dans les cieux, & fait trembler les nations coupables. Mais au - dessus de ces viles superstitions, qui enchaînent le berger timide, livré à la crédulité & à l'étonnement aveugle; vous, sages mortels, dont la philosophie éclaire l'esprit, dites à ce glorieux étranger, salut. Ceux - là éprouvent une joie ravissante, qui jouissant du privilege du savoir, ne voient dans cet objet effrayant que le retour fixe d'un astre qui, comme tos les autres objets les plus familiers, est dans l'ordre d'une providence bienfaisante. Qui sait si sa queue n'apporte pas à l'univers une humidité nécessaire sur les orbes que décrit son cours elliptique; si ses flammes ne sont pas destinées pour renouveller les feux toujours versés du soleil, pour éclairer les mondes, ou pour nourrir les feux éternels?

Comètes que l'on craint à l'égal du tonnerre, Cessez d'épouvanter les peuples de la terre; Dans une ellipse immense achevez votre cours, Remontez, descendez près de l'astre des jours; Lancez vos feux, volez, & revenant sans cesse, Des mondes épuisés ranimez la vieillesse.

Dés (Page 17:738)

Dés que le signe de la vierge disparoît, & que la balance pese les saisons avec égalité, le fier éclat de l'été quitte la voûte des cieux, & un bleu plus serain, mêlé d'une lumiere dorée, enveloppe le monde heureux.

Le Soleil, dont la violence Nous a fait languir quelque tems, Arme de feux moins éclatans Les rayons que son char nous lance, Et plus paisible dans son cours, Laisse la céleste Balance Arbitre des nuits & des jours.

L'Aurore, désormais stérile Pour la divinité des fleurs, De l'heureux tribut de ses pleurs Enrichit un dieu plus utile; Et sur tous les côteaux voisins, On voit briller l'ambre fertile Dont elle dore nos raisins.

C'est dans cette saison si belle Que Bacchus prépare à nos yeux, De son triomphe glorieux La pompe la plus solemnelle. Il vient de ses divines mains Sceller l'alliance éternelle Qu'il a faite avec les humains.

Autour de son char diaphane, Les ris voltigeant dans les airs, Des soins qui troublent l'univers, Ecartent la foule profane. Tel sur des bords inhabités, Il vint de la chaste Ariane, Calmer les esprits agités.

Les Satyres, tous hors d'haleine, Conduisant les Nymphes des bois, Au son du fifre & du haut - bois, Dansent par troupes dans les plaines; Tandis que les sylvains lassés, Portent l'immobile Sylène Sur leurs thyrses entrelacés.

L'astre du jour temperé s'éleve maintenant sur notre hémisphere, avec ses plus doux rayons. La moisson étendue & mùre sur la terré, soutient sa tête pesante; elle est riche, tranquille & haute; pas un souffle de vent ne roule ses vagues légeres sur la plaine; c'est le calme de l'abondance. Si l'air agité sort de son équilibre, & prépare la marche des vents, alors le manteau blanc du firmament se dechire, les nuages fuyent épars, le soleil tout - à - coup dore les champs éclairés, & par intervalle semble chasser sur la terre des flots d'une ombre noire. La vue s'étend avec joie sur cette mer incertaine; l'oeil perce aussiloin qu'il peut atteindre & s'égaie dans un fleuve immense de blé. Puissante industrie, ce sont - là tes bienfaits! tout est le fruit de ses travaux, tout lui doit son lustre & sa beauté, nous lui devons les délices de la vie.

Aussi - tôt que l'aurore matinale vacille sur le firmament, & que sans être apperçue elle déploie le jour incertain sur les champs féconds, les moissonneurs se rangent en ordre, chacun à côté de celle qu'il aime, pour alléger son travail par d'utiles services; ils se baissent tous à la fois, & les gerbes grossissent sous leurs mains. Le maître arrive le dernier, plein des espérances flatteuses de la moisson; témoin de l'abondante recolte, ses regards se portent de toutes parts, son oeil en est rassasié, & son coeur peut à peine contenir sa joie. Les glaneurs se répandent tout - au - tour; le rateau succède au rateau, & ramasse les reste épars de ces trésors. O vous, riches laboureurs, évitez un soin trop avare! laissez tomber de vos mains libérales quelques épis de vos gerbes; c'est le vol de la charité! offrez ce tribut de reconnoissance au dieu de la moisson qui verse ses biens sur vos champs, tandis que vos semblables, privés du nécessaire, viennent comme les oiseaux du ciel pour ramasser quelques grains épars, & requiérent humblement leur portion! Considerez que l'inconstance de la fortune peut forcer vos enfans à demander eux - mêmes quelque jour, ce que vous donnez aujourd'hui si foiblement & avec tant de répugnance!

On voit en effet quelquefois le sud brûlant, armé d'un souffle pernicieux, ravager par des grêles la récolte de l'année; cruel désastre qui détruit en un clin - d'oeil les plus belles espérances! dans cet événement fatal, le cultivateur désolé gémit sur le malheureux naufrage de tout son bien; il est accablé de douleur; les besoins de l'hiver s'offrent en cet affreux moment à sa pensée tremblante; il prévoit, il croit entendre les cris de ses chers enfans affamés. Vous, maîtres, soyez occupés alors de la main rude & laborieuse qui vous a fourni l'aisance & l'élégance dans laquelle vous vivez; donnez des vêtemens à ceux

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