ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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Voeux de religion (Page 17:412)

Voeux de religion, sont ceux qu'un novice profere en faisant profession. Ces voeux qu'on appelie solemnels, sont ordinairement au nombre de trois, savoir de chasteté, pauvreté, obéissance. Les religieuses font en outre voeu de clôture; & dans quelques ordres, les voeux comprennent encore certains engagemens particuliers, comme dans l'ordre de Malthe, dont les chevaliers font voeu de faire la guerre aux infideles.

L'âge auquel on peut s'engager par des voeux solemnels ou de religion, a été réglé diversement depuis la puberté où l'on peut contracter mariage, jusqu'à la pleine majorité qui est de 25 ans. Le concile de Trente l'a enfin fixé à 16 ans: ce qui a été adopté & confirmé par l'ordonnance de Blois. Ceux qui font des voeux avant cet âge, ne contractent point d'engagement valable.

Les voeux que fait le profès, doivent être reçus par le supérieur, & il doit en être fait mention dans l'acte de profession.

La formule des voeux de religion n'est pas la même dans toutes les communautés; dans quelques - unes, le religieux promet de garder la chasteté, la pauvreté & l'obéissance; dans d'autres qui sont gouvernées par la regle de S. Benoit, le profès promet la conversion des moeurs & la stabilité sous la regle de S. Benoit selon les usages de la congrégation dans laquelle il s'engage; mais quelle que soit la formule des voeux, elle produit toujours le même effet.

Quelques - uns attribuent l'établissement des voeux de religion à S. Basile, lequel vivoit au milieu du iv. siecle.

D'autres tiennent que les premiers solitaires ne faisoient point de voeux, & ne se consacroient point à la vie religieuse par des engagemens indissolubles: qu'ils n'étoient liés qu'avec eux - mêmes, & qu'il leur etoit libre de quitter la retraite, s'ils ne se sentoient pas en état de soutenir plus long - tems ce genre de vie.

Les voeux du moins solemnels ne furent introduits que pour fixer l'inconstance trop fréquente de ceux qui s'étant engagés trop légérement dans l'état monastique, le quittoient de même: ce qui causoit un scandale dans l'église, & troubloit la tranquillité des familles.

Erasme a cru que les voeux solemnels de religion ne furent introduits que sous le pontificat de Boniface VIII. dans le xiij. siecle.

D'autres prétendent que dès le tems du concile de Chalcedoine tenu en 451, il falloit se vouer à Dieu sans retour.

D'autres au contraire soutiennent qu'avant Boniface VIII. on ne faisoit que des voeux simples, qui obligeoient bien quant à la conscience, mais que l'on en pouvoit dispenser.

Ce qui est de certain, c'est qu'alors l'émission des voeux n'emportoit point mort civile, & que le religieux en rentrant dans le siecle, rentroit aussi dans tous ses droits.

Mais depuis long - tems les voeux de religion sont indissolubles, à moins que le religieux n'ait réclamé contre ses voeux, & qu'il ne soit restitué.

Anciennement il falloit réclamer dans l'année de l'émission des voeux; mais le concile de Trente a fixé le délai à cinq ans; les conciles de France postérieurs, l'assemblée du clergé de 1573, & les ordonnances de 1629, 1657 & 1666 y sont conformes; & telle est la jurisprudence des parlemens.

Les moyens de restitution sont 1°. le défaut de l'âge requis par les saints decrets & par les ordonnances, 2°. le défaut de noviciat en tout ou en partie, 3°. le défaut de liberté.

Ce n'est point devant le pape que l'on doit se pourvoir pour la réclamation, & il n'est pas même besoin d'un rescrit de cour de Rome pour réclamer.

Ce n'est pas non plus devant le supérieur régulier que l'on doit se pourvoir, mais devant l'official du diocèse, par demande en nullité des voeux, ou bien au parlement par la voie de l'appel comme d'abus, s'il y a lieu. Voyez le concile de Trente, l'instit. de M. de Fleuri, les lois ecclésiasliques, Fuet, les mémoires du clergé.

Voeu de résidence (Page 17:412)

Voeu de résidence, est celui qui oblige à demeurer ordinairement dans une maison, sans néanmoins assujettir à une clôture perpétuelle.

Voeu simple (Page 17:412)

Voeu simple, est celui qui se fait secrétement & sans aucune solemnité; il n'oblige cependant pas moins en conscience; mais s'il a été fait trop légérement, ou si par la suite l'accomplissement en est devenu trop difficile, l'évêque en peut dispenser ou commuer une bonne oeuvre en une autre.

Voeu solemnel (Page 17:412)

Voeu solemnel, est celui qui est fait entre les mains d'un supérieur ecclésiastique pour l'entrée en religion. Voyez ci - devant Voeu de religion.

Voeu de stabilité (Page 17:412)

Voeu de stabilité, est celui que l'on fait dans certaines communautés, de vivre sous une telle regle, comme dans l'ordre de S. Benoit.

Voeu de virginité (Page 17:412)

Voeu de virginité, est le voeu de chasteté que fait une personne non encore mariée de garder sa virginité. Voyez Voeu de chasteté. (A)

Voeu conditionnel (Page 17:412)

Voeu conditionnel, (Morale.) c'est un engagement qu'on prend avec Dieu de faire telle ou telle chose qu'on suppose lui devoir être agréable, dans la vûe & sous la condition d'en obtenir telle ou telle faveur. C'est une espece de pacte où l'homme, premier contractant & principal intéressé, se flatte de faire entrer la Divinité par l'appât de quelque avantage réciproque. Ainsi, quand Romulus, dans un combat contre les Sabins, promit à Jupiter de lui bâtir un temple, s'il arrêtoit la fuite de ses gens & le rendoit vainqueur, il fit un voeu. Idoménée en fit un, quand il promit à Neptune de lui sacrifier le premier de ses sujets qui s'offriroit à ses yeux à son débarquement en Crete, s'il le sauvoit du péril imminent où il se trouvoit de faire naufrage.

J'ai dit que l'homme avoit à la chose le principal intérêt: en effet s'il croyoit qu'il lui fût plus avantageux de conserver ce qu'il promet que d'obtenir ce qu'il demande, il ne feroit point de voeu. Romulus ni Idoménée n'en firent qu'après avoir mis dans la balance, l'un les fruits d'une victoire importante avec les frais de construction d'un temple, l'autre la perte d'un sujet avec la conservation de sa propre vie.

Tout homme qui fait un voeu est dès ce moment ce que les Latins appelloient voti reus; si de plus il obtient ce qu'il demande, il devient (selon leur langage) damnatus voti. C'est, pour le dire en passant, une distinction que n'ont pas toujours su faire les interpretes ni les commentateurs; & il leur arrive assez fréquemment de confondre ces deux expressions, dont la seconde emporte néanmoins un sens beaucoup plus fort que la premiere. Elles sont l'une & l'autre empruntées du style usité dans les tribunaux de l'ancienne Rome. Le mot reus n'y étoit pas restraint au sens odieux & exclusif que nous lui prêtons. Tout accusé, ou même tout simple défendeur, étoit ainsi qualifié jusqu'à l'arrêt définitif. Reos appello (dit Ciceron, l. II. de or.) non eos modò qui arguuntur, sed omnes quorum de re disceptatur. C'est ici l'évenement conditionnel qui décide le procès, & tient lieu d'arrêt. Se trouve - t - il conforme à l'intention du voteur? celui - ci est condamné à se dessaisir de la chose promise: y est - il contraire? elle lui est en quelque sorte adjugée, & il ne doit rien. Romulus ne contracta d'obligation effective pour le temple envers Jupiter, que du moment que la victoire se fut déclarée en sa faveur; sa défaite consommée l'eût absous de son voeu. [p. 413]

Les Payens en général avoient de la Divinité des idées trop grossieres, pour sentir toute l'indécence du voeu conditionnel. Qu'est - ce en effet que ce marché insolent que la créature ose faire avec son créateur? c'est comme si elle disoit: « Seigneur, je sais que telle ou telle chose seroit agréable à vos yeux; mais avant que de me déterminer à la faire, composons. Voulez - vous de votre côté m'accorder telle ou telle grace (qui m'importe en effet plus que ce que je vous offre)? c'est une affaire faite; pourvu cependant, pour ne rien donner à la surprise, que vous vous désaisissiez le premier. Autrement, n'attendez rien de moi; je ne suis pas d'humeur à me gêner pour vous complaire, à moins que d'ailleurs je n'y trouve mon compte » ..... Eh! qui es - tu, mortel audacieux, pour oser traiter de la sorte avec ton Dieu, & mettre un indigne prix à tes hommages? Il semble que tu craignes d'en trop faire; mais ce que tu peux n'est - il pas à cet égard la mesure exacte de ce que tu dois? Commence donc par faire sans condition ce que tu sais devoir plaire à l'auteur de ton existence, & lui abandonne le reste. Peut - être que touché de ta soumission il se portera à te refuser l'objet de tes voeux inconsidérés, cette grace funeste qui causeroit ta perte.

Evertere domos totas, optantibus ipsis, Di faciles.

Nous regardons en pitié le stupide africain, qui tantôt prosterné devant son idole, & tantôt armé contre elle, aujourd'hui la porte en triomphe & demain la traîne ignominieusement, lui prodiguant tour - à - tour les cantiques & les invectives, l'encens & les verges; selon que les évenemens le mettent vis - à - vis d'elle de bonne ou de mauvaise humeur. Mais l'homme qui a fait un voeu ne se rend - il pas jusqu'à un certain point coupable d'une extravagance & d'une impiété à - peu près semblables, lorsque n'avant pas obtenu ce qui en étoit l'objet, il se croit dispensé de l'accomplir? N'est - ce pas, aurant qu'il est en lui, punir la Divinité, que de la frustrer d'un acte religieux qu'il savoit lui devoir être agréable, & dont il lui avoit, pour ainsi dire, fait fête? Je ne vois ici d'autre différence entre l'habitant de la zône brûlée & celui de la zône tempérée, que celle qui se remarque entre le paysan grossier & l'homme bien né, dans la maniere de corriger leur enfant. Le premier s'emporte avec indécence & use brutalement de pvines afflictives: l'autre, plus modéré en apparence, y substitue aussi efficacement la privation de quelque plaisir annonce d'avance, & présenté dans une riante perspective.

Je ne prétens pas au reste que ces sentimens soient bien distinctement articulés dans le coeur de tout homme qui fait un voeu: mais enfin ils y sont, en raccourci du - moins & comme repliés sur eux - mêmes; & sa conduite en est le développement. Il faut donc convenir que pour n'y rien trouver d'offensant, il est bien nécessaire que Dieu aide à la lettre; & qu'ici, comme en beaucoup d'autres rencontres, par une condescendance bien digne de sa grandeur & de sa bonté, il se prête à la foiblesse & à l'imperfection de sa créature. Mais ne seroit - ce pas mieux fait de lui sauver cette nécessité?

Tout ce qui peut caractériser un véritable marché se retrouve d'ailleurs dans le voeu conditionnel. On renfle ses promesses, à proportion du prix qu'on attache à la faveur qu'on attend...

Nunc te marmoreum ... fecimus ... Si foetura gregem supplevert, aureus esto.

Il n'est pas non plus douteux que qui avoit promis une hécatombe, se comparant à celui qui pour pareil évenement & en pareilles circonstances n'a<cb-> voit promis qu'un boeuf, n'estimât son espérance d'être exaucé mieux fondée dans la raison de 100 à 1. Peut - on supposer que les dieux n'entendissent pas leur intérêt, ou qu'ils ne sussent pas compter?

Mais si plûtôt on eût voulu supposer (ce qui est très - vrai) que la Divinité n'a besoin de rien pour elle - même & qu'elle aime les hommes, on en eût conclu que les offres les plus déterminantes qu'on puisse lui faire sont celles qui se trouvent liées à quelque utilité réelle pour la société: & le voeu conditionnel, dirigé de ce côté là, eût pu du - moins, à raison de ses suites, trouver grace à ses yeux. Mais ces réflexions étoient encore trop subtiles pour le commun des payens. Accoutumés à prêter à leurs dieux leurs propres goûts & leurs propres passions, il étoit naturel que dans leurs voeux ils cherchassent à les tenter par l'appât des mêmes biens qui sont en possession d'exciter l'humaine cupidité. Et comme entre ceuxci l'or & l'argent tiennent sans contredit le premier rang; delà cet amas prodigieux de richesses dont regorgeoient leurs temples & autres lieux de dévotion, à proportion de leur célébrité. Richesses, qui détournées une fois de la voie de la circulation n'y rentroient plus, & y laissoient pour le commerce un vuide ruineux & irréparable. Delà l'appauvrissement insensible des états, pour enrichir quelques lieux particuliers, où tant de matieres précieuses alloient se perdre comme dans un gouffre; n'y servant toutau - plus qu'à une vaine montre, & à nourrir l'ostentation puérile des ministres qui en étoient les dépositaires souvent infideles.

Peut - être s'imagine - t - on que c'étoit au - moins une ressource toute prête dans les besoins pressans de l'état. Tout porte en effet à le penser; & c'eût été un bien réel qui pouvoit naître de l'abus même: mais malheur au prince qui dans les pays même de son obéissance eût osé le tenter, & faire passer à la monnoie tous ces ex voto, ou seulement partie, pour se dispenier de fouler ses peuples! Toute la cohorte des prêtres n'eût pas manqué de crier aussitôt à l'impie & au sacrilége; on l'eût chargé d'anathèmes; on l'eût menacé hautement de la vengeance céleste; & plus d'un bras armé sourdement d'un fer sacré se fût prêté à l'exécution. Que sait - on? ce même peuple dont il cût cherché à procurer le soulagement, vendu, comme il l'étoit, à la superstition & à ses prêtres, eût peut - être été le premier à rejetter le bienfait, & à se soulever contre le bienfaiteur. Pour en faire perdre l'envie à qui eût pu être tenté de l'entreprendre, on faisoit courir certaines histoires sur les châtimens effrayans qui devoient avoir suivi pareils attentats; on les débitoit ornées de toutes les circonstances qui pouvoient leur assurer leur effet, & la légende payenne insistoit fort sur ces articles. On citoit en particulier l'exemple de nos bons ancêtres les Gaulois, qui, dans une émigration sous Brennus, avoient trouvé bon, en passant par Delphes, de s'accommoder des offrandes du temple d'Apollon; exemple néanmoins des plus mal choisis, puisqu'on ne pouvoit se dissimuler que, malgré leur sacrilége présumé, ils n'avoient pas laissé de se faire en Asie un assez bon établissement. Les Gaulois de leur côté avoient aussi leurs histoires, pour servir d'épouvantail aux impies & de sauve - garde à leurs propres temples. L'or de Toulouse n'étoit - il pas passé en proverbe? Voyez Aul. Gell. l. III. c. ix. Enfin une nouvelle religion ayant paru dans le monde, les princes qui l'avoient embrassée, affranchis par elle de ces vaines terreurs, firent mainbasse indistinctement sur tous les ex voto: leur témérité n'eut aucune mauvaise suite, & il se trouva que cet or étoit dans le commerce d'un aussi bon emploi que tout autre. C'est ainsi qu'une secte amasse & thésaurise, sans le savoir, pour sa plus cruelle ennemie; & souvent dans la même secte, une branche particu<pb->

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