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CAILLOU (Page 2:533)
CAILLOU, silex, (Hist. nat.) matiere vitrifiable
produite par l'argille & analogue au sable vitrifiable,
grès, granit, &c. Il y a des carrieres de cailloux
où cette matiere est disposée en grandes masses &
par couches; il y a aussi dans différens pays des cailloux en petite masse & répandus en très - grande quantité,
soit à la surface, soit à l'intérieur de la terre.
Ainsi la matiere du caillou est une de celles qui tombent
le plus rouvent sous les yeux, & qu'il importe
par conséquent de connoitre le mieux. Or pour la
considerer sous deux aspects; l'un relatif à l'Histoire
naturelle, l'autre à la Chimie: nous allons commencer
par le premier. Voici comment M. de Busson
explique la formation du caillou, Hist. nat. tome I.
p. 259.
Ces mêmes sables dont les parties constituantes,
s'unissent par le moyen du feu, s'assimilent & deviennent
un corps dur très - dense, & d'autant plus
transparent, que le sable est plus homogene; exposés
au contraire long - tems à l'air, ils se décomposent
par la desunion & l'exfoliation des petites
lames dont ils sont formés, ils, commencent à devenir
terre; & c'est ainsi qu'ils ont pû former les
glaises & les argilles. Cette poussiere, tantôt d'un
jaune brillant, tantôt semblable à des paillettes
d'argent, dont on se sert pour sécher l'écriture,
n'est autre chose qu'un sable très - pur, en quelque
façon pourri, presque réduit en ses principes, &
qui tend à une décomposition parfaite; avec le
tems ces paillettes se seroient attenuées & divisées
au point, qu'elles n'auroient plus eu assez d'épaisseur
& de surface pour refléchir la lumiere, & elles
auroient acquis toutes les propriétés des glaises.
Qu'on regarde au grand jour, un morceau d'argille,
on y appercevra une grande quantité de ces paillettes
talqueuses, qui n'ont pas encore entierement
perdu leur forme. Le sable peut donc avec le tems
produire l'argille, & celle - ci en se divisant acquiert
de même les propriétés d'un véritable limon, matiere
vitrifiable comme l'argille, & qui est du même
genre.
Cette théorie est conforme à ce qui se passe tous
les jours sous nos yeux; qu'on lave du sable sortant
de sa miniere, l'eau se chargera d'une assez
grande quantité de terre noire, ductile, grasse, de
véritable argille. Dans les villes où les rues sont
pavées de grès, les boues sont toûjours noires &
très - grasses; & desséchées, elles forment une terre
de la même nature que l'argille. Qu'on détrempe
& qu'on lave de même l'argille prise dans un terrein
où il n'y a ni grès ni cailloux, il se précipitera
toûjours au fond de l'eau une assez grande quantité
de sable vitrifiable.
Mais ce qui prouve parfaitement que le sable, &
même le caillou & le verre existent dans l'argille,
& n'y sont que déguisés, c'est que le feu en réunissant
les parties de celle - ci, que l'action de l'air
& des autres élémens avoit peut - être divisées, lui
rend sa premiere forme. Qu'on mette de l'argille
dans un fourneau de réverbere échaussé au degré de
la calcination, elle se couvrira au - dehors d'un
émail très - dur; si à l'extérieur elle n'est point encore
vitrifiée, elle aura cependant acquis une très grande
dureté; elle résistera à la lime & au burin;
elle étincellera sous le marteau; elle aura enfin
toutes les propriétés du caillou: un degré de chaleur
de plus la fera couler, & la convertira en un
véritable verre.
L'argille & le sable sont donc des matieres parfaitement
analogues & du même genre. Si l'argille
en se condensant peut devenir du caillou, du
verre, pourquoi le sable en se divisant ne pourroit - il pas devenir de l'argille? le verre paroît être
la véritable terre élémentaire, & tous les mixtes un
verre déguisé; les métaux, les minéraux, les sels,
&c. ne sont qu'une terre vitrescible; la pierre ordinaire,
les autres matieres qui lui sont analogues,
& les coquilles des testacées, des crustacées, &c.
sont les seules substances qu'aucun agent connu n'a
pû jusqu'à présent vitrifier, & les seules qui semblent
faire une classe à part. Le feu en réunissant
les parties divisées des premieres, en fait une ma<pb->
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Dans les terreins où le caillou est la pierre dominante,
les campagnes en sont ordinairement jonchées;
& si le lieu est inculte, & que ces cailloux
ayent été long - tems exposés à l'air sans avoir été
remués, leur superficie est toûjours très - blanche,
tandis que le côté opposé qui touche immédiatement
la terre, est très - brun & conserve sa couleur
naturelle. Si on casse plusieurs de ces cailloux, on
reconnoîtra que la blancheur n'est pas seulement
au dehors, mais qu'elle pénetre dans l'intérieur
plus ou moins profondément, & y forme une espece
de bande, qui n'a dans de certains cailloux
que très - peu d'épaisseur; mais qui dans d'autres occupe
presque toute celle du caillou. Cette partie
blanche est un peu grenue, entierement opaque,
aussi tendre que la pierre; & elle s'attache à la langue
comme les bols, tandis que le reste du caillou
est lisse & poli, qu'il n'a ni fil ni grain, & qu'il a
conservé sa couleur naturelle, sa transparence &
sa même dureté. Si on met dan un fourneau ce même
caillou à moitié décomposé, sa partie blanche
deviendra d'un rouge couleur de tu>le, & sa partie
brune d'un très - beau blanc. Qu'on ne dise point
avec un de nos plus célebres naturalistes, que ces
pierres sont des cailloux imparfaits de différens
âges, qui n'ont point encore acquis leur perfection;
car pourquoi seroient - ils tous imparfaits?
pourquoi le seroient - ils tous d'un même côté, &
du côté qui est exposé à l'air? il me semble qu'il est
aisé au contraire de se convaincre que ce sont des
cailloux altérés, décomposés, qui tendent à reprendre
la forme & les propriétés de l'argille & du bol,
dont ils ont été formés.
Si c'est conjecturer que de raisonner ainsi, qu'on
expose en plein air le caillou le plus caillou (comme
parle ce fameux naturaliste) le plus dur & le plus
noir, en moins d'une année il changera de couleur
à la surface; & si on a la patience de suivre cette expérience,
on lui verra perdre insensiblement & par
degrés sa dureté, sa transparence & ses autres caracteres
spécifiques, & approcher de plus en plus
chaque jour de la nature de l'argille.
Ce qui arrive au caillou arrive au sable; chaque
grain de sable peut être considéré comme un petit
caillou, & chaque caillou comme un amas de grains
de sab e extrémement fins & exactement engrénés.
L'exemple du premier degré de décomposition du
sable se trouve dans cette poudre brillante, mais
opaque, mica, dont nous venons de parler, & dont
l'argille & l'ardoise sont toûjours parsemées; les
cailloux entierement transparens, les quartz produisent,
en se décomposant, des talcs gras & doux
au toucher, aussi paitrissables & ductiles que la
glaise, & vitrifiables comme elle, tels que ceux de
Nous avons dit qu'on pouvoit diviser toutes les
matieres en deux grandes classes, & par deux caracteres
généraux; les unes sont vitrifiables, les
autres sont calcinables; l'argille & le caillou, la
marne & la pierre, peuvent être regardées comme
les deux extrèmes de chacune de ces clases,
dont les intervalles sont remplis par la variété
presque infinie des mixtes, qui ont toûjours pour
base l'une ou l'autre de ces matieres.
Les matieres de la premiere clase ne peuvent
jamais acquérir la nature & les propriétés de celle
de l'autre, la pierre quelqu'ancienne qu'on la
suppose, sera toûjours aussi éloignée de la nature
du caillou, que l'argille l'est de la marne: aucun
agent connu ne sera jamais capable de les faire soitir
du cercle de combinaisons propres à leur nature;
les pays où il n'y a que des marbres & de la
pierre, aussi certainement que ceux où il n'y a que
du grès, du caillou, & du roc vif, n'auront jamais
de la pierre ou du marbre.
Si l'on veut observer l'ordre & la distribution
des matieres dans une colline composée de matieres
vitrifiables, comme nous l'avons fait tout à
l'heure dans une colline composée de matieres calcinables,
on trouvera ordinairement sous la premiere
couche de terre végétale un lit de glaise ou
d'argille, matiere vitrifiable & analògue au caillou,
& qui n'est, comme je l'ai dit, que du sable vitrifiable
décomposé; ou bien on trouve sous la terre
végétale, une couche de sable vitrifiable; ce lit
d'argille ou de sable répond au lit de gravier qu'on
trouve dans les collines composées de matieres calcinables;
après cette couche d'argille ou de sable,
on trouve quelques lits de grès, qui, le plus souvent
n'ont pas plus d'un demi pié d'épaisseur, &
qui sont divisés en petits morçeaux par une infinité
de fentes perpendiculaires, comme le moellon du
troisieme lit de la colline, composée de matieres calcinables;
sous ce lit de grès on en trouve plusieurs
autres de la même matiere, & aussi des couches
de sable vitrifiable, & le grès devient plus dur, &
se trouve en plus gros blocs à mesure que l'on descend.
Au - dessous de ces lits de grès, on trouve une
matiere très - dure, que j'ai appellée du roc vif, ou
du caillou en grande masse: c'est une matiere très dure,
très - dense, & qui résiste à la lime, au burin,
à tous les esprits acides, beaucoup plus que n'y résiste
le sable vitrifiable, & même le verre en poudre,
sur lesquels l'eau - forte paroît avoir quelque
prise; cette matiere frappée avec un autre corps
dur jette des étincelles, & elle exhale une odeur
de soufre très - pénétrante. J'ai crû devoir appeller
cette matiere du caillou en grande masse; il est ordinairement
stratifié sur d'autres lits d'argille, d'ardoise,
de charbon de terre, de sable vitrifiable
d'une très - grande épaisseur, & ces lits de cailloux
en grande masse, répondent encore aux couches de
matiere dures, & aux marbres qui servent de base
aux collines composées de matieres calcinables.
L'eau, en coulant par les fentes perpendiculaires
& en pénétrant les couches de ces sables vitrifiables,
de ces grès, de ces argilles, de ces ardoises,
se charge des parties les plus fines & les plus
homogenes de ces matieres, & elle en forme plusieurs
concrétions différentes, telles que les talcs,
les amiantes, & plusieurs autres matieres, qui ne
sont que des productions de ces stillations de matieres
vitrifiables.
Le caillou, malgré son extrème dureté & sa gran<pb->
[p. 535]
Les cailloux en petite masse, dont les couches sont
ordinairement concentriques, sont aussi des stalactites
& des pierres parasites du caillou en grande
masse, & la plûpart des pierres fines opaques ne
sont que des especes de caillou. Les matieres du
genre vitrifiable produisent, comme l'on voit, une
aussi grande variété de concrétions, que celle du
genre calcinable; & ces concretions produites par
les cailloux, sont presque toutes des pierres dures
& précieuses; au lieu que celles de la pierre calcinable
ne sont guere que des matieres tendres & qui
n'ont aucune valeur ».
Nous allons ajoûter ici plusieurs observations & conjectures sur le caillou, qui se trouvent répandues dans les opuscules minéralogiques de M. Henckel, & dans le commentaire de M. Zimmermann sur ces opuscules, ouvrages Allemands, qui n'ont jamais paru en François; laissant au lecteur à decider de ce qu'elles peuvent avoir de favorable au systeme de M. de Buffon.
M. Henckel pense que le caillou, dans sa premiere origine, a été formé par de la marne, fondé sur ce que la marne sans addition a la propriété de se durcir dans le feu, au point de donner des etincelles lorsqu'on la frappe avec l'acier, ce qui fait une des principales propriétés du caillou: mais il ne peut pas croire que dans sa formation le feu doive etre regardé comme agent extérieur. Il est vrai, dit - il, que le caillou est vitreux, ainsi qu'il est visible quand il a la pureté & la transparence du crysial: mais il ne se trouve point dans les entrailles de la terre un feu assez violent pour vitrifier, a l'exception des volcans qui jettent des fl>mmes, & dont le feu destructif n'est qu'accidentel & incapable de produire aucun être, & que d'ailleurs la nature est lente dans toutes ses opérations: d'où l'on voit que M. de Buffon & M. Henckel ont été portés l'un & l'autre à croire, par l'inspection du caillou, que c'etoit une matiere donnée par le feu; mais que M. Henckel ne s'est écarté de cette idée, que parce qu'il ne rencontroit point dans les entrailles de la terre un principe de vitrification, ce que M. de Buffon lui accordera fort volontiers, puisqu'il remonte beaucoup plus loin pour trouver ce principe, & le déduit du systeme général.
M. Zimmermann dit que si l'on vient à casser un caillou, on le trouvera feuilleté & tranchant à l'endroit ou il aura été cassé; que les cailloux sont toûjours plus durs, plus purs, & plus transparens vers le milieu on le centre, ce qu'il appelle le grain interieur, qu'à l'enveloppe; de maniere que ce grain central se distingue toûjours des autres parties environnantes, qui sont plus molles & moins compactes; qu'il a rencontré dans plusieurs cailloux deux, trois, & même davantage de ces grains ou centres, à côté les uns des autres, & separés seulement par la partie molle & rare du caillou, de sorte qu'un grand caillou à plusieurs grains lui parut être un assemblage de cailloux petits, sondus ensemble, & réunis de quelque façon que ce fût; que quand on polit les cailloux, ils deviennent transparens, mais qu'ils le deviennent encore plus, quand on n'en polit que les grains; que s'étant informé des lapidaires, s'il étoit vrai, ainsi qu'on le disoit & qu'Henckel conseilloit de le recher<cb->
Voilà ce que les Naturalistes pensent du caillou;
voici maintenant le sentiment des Chimistes sur la
même substance. Le caillou est une pierre qui est
dans la classe des terres ou pierres vitrifiables, non
pas qu'il se vitrifie tout seul & sans addition, mais
il faut pour cela qu'il soit mêlé avec suffisante quantité
de sel alkali. Voyez l'article
Les cailloux ont bien des formes & couleurs différentes: les blancs sont regardés comme les meilleurs dans l'usage de la verrerie. Les taches ou veines rouges qu'on y remarque, ne sont autre chose que du fer qui s'y est attaché extérieurement; mais lorsqu'en veut les employer dans l'art de la verrerie, il faut avoir soin d'en séparer la partie métallique, de peur qu'elle ne donne une couleur au verre.
M. Henckel dit avoir trouvé des cailloux de riviere qui devenoient plus pesans au feu; sur quoi son commentateur remarque que si le fait étoit bien prouvé, ce seroit un triomphe pour ceux qui, comme Boyle, pensent que les particules ignées ont du [p. 536]
Becher se vante d'avoir reduit les cailloux en une substance grasse, huileuse, & mucilagineuse, semblable à de la gélée, & qui pouvoit se pêtrir comme de la cire, en les faisant rougir au feu, & en en faisant l'extinction dans l'eau. Le même auteur prétend tirer de cette liqueur un sel verd & une huile rougeâtre, qui a, selon lui, la propriété de précipiter le mercure, & de le fixer en partie beaucoup mieux que ne peut faire l'huile de vitriol. Mais ces grandes promesses ont bien l'air d'être du genre merveilleux de celles que tous les Alchimistes affectent de faire sans jamais les tenir.
Si on mêle deux ou trois parties de sel de tartre avec une partie de caillou bien pulverisé, qu'on mette ce mêlange dans une cornue tubulée toute rouge, il se fait une effervescence très - considérable, & il passe à la distillation un esprit acide, d'une odeur sulphureuse; c'est ce qu'on appelle liquor silicum, ou liqueur de caillou; les Alchimistes lui ont attribué des vertus tout extraordinaires, & l'ont même regardée comme le vrai alkahest ou dissolvant universel. Glauber va plus loin, & dit qu'en y mettant en digestion des métaux dissous, il se formera des végétations métalliques.
M. Lemery donne une autre maniere de faire le liquor silicum, c'est de mêler 4 onces de cailloux calcinés & réduits en une poudre impalpable, avec 24 onces de cendre gravelée, de vitrifier ce mêlange dans un creuset, & lorsque la vitrification est faite, de mettre ce verre à la fraîcheur de la cave où il se résout en eau. Si on mêle à cette eau une dose égale de quelque acide corrosif, il se formera une espece de pierre. ( - )
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