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CABINET (Page 2:488)
CABINET, s. m. (Architect.) sous ce nom on peut entendre les pieces destinées à l'étude, ou dans lesquelles l'on traite d'affaires particulieres, ou qui contiennent ce que l'on a de plus précieux en tableaux, en bronzes, livres, curiosités, &c. On appelle aussi cabinet, les pieces où les dames font leur toilette, leur oratoire, leur méridienne, ou autres qu'elles destinent à des occupations qui demandent du recueillement & de la solitude. On appelle cabinet d'aisance, le lieu où sont placées les commodités, connues aujourd'hui sous le nom de lieux à soupape.
Les premieres especes de cabinets doivent être pour plus de décence, placés devant les chambres à coucher & non après, n'étant pas convenable que les étrangers passent par la chambre à coucher du maitre pour arriver au cabinet, cette derniere piece chez un homme d'un certain rang, lui servant à conférer d'affaires particulieres avec ceux que son état ou sa dignité amenent chez lui; par ce moyen le maître, au sortir du lit, peut aller recevoir ses visites, parler d'affaires sans être interrompu par les domestiques, qui pendant son absence entrent dans la chambre à coucher par des dégagemens particuliers, & y font leur devoir, sans entrer dans le lieu qu'habitent les maîtres, à moins qu'on ne les y appelle. Je parle ici d'un cabinet faisant partie d'un appartement destiné à un très - grand seigneur, à qui pour lors il faut plusieurs de ces pieces, qui empruntent leur nom de leurs différens usages, ainsi que nous venons de le dire ci - dessus. On a une piece qu'on appelle le grand cabinet de l'appartement du maître; elle est consacrée à l'usage dont nous venons de parler; c'est dans son cabinet paré qu'il rassemble ce qu'il a de tableaux ou de curiosités; son arriere - cabinet contient ses livres, son bureau, & c'est là qu'il peut recevoir en particulier, à la faveur des dégagemens qui l'environnent, les personnes de distinction qui demandent de la préférence: un autre lui sert de serre - papiers, c'est là que sont conservés sous sa main & en sûreté ses titres, ses contracts, son argent: enfin il y en a un destiné à lui servir de garde - robe & à contenir des lieux à soupape, où il entre par sa chambre à coucher, & les domestiques par un dégagement. Ce detail nous a paru nécessaire.
Il y a encore d'autres cabinets; on en a un du côté de l'appartement de société, qui a ses usages particuliers; il peut servir pour un concert vocal; les lieux pour les concerts composés de beaucoup d'instrumens devant être plus spacieux, alors on les appelle salle de concert; dans ce même cabinet on peut tenir jeu, pendant que la salle d'assemblée, qui est à côté, serviroit ainsi que celle de compagnie, à recevoir une plus nombreuse société. Un petit sallon peut aussi servir de cabinet au même usage: mais sa forme elliptique, la maniere dont il est plafonné, & principalement les pieces qui l'environnent, lui ont fait donner le nom de sallon, pendant que la piece qui lui est opposée peut recevoir le nom de cabinet, par rapport à l'appartement dont elle fait partie; cependant il faut avoüer qu'il est, pour ainsi dire, des formes consacrées à l'usage de chaque piece en particulier: [p. 489]
Il n'y a personne qui ne sente la nécessité qu'il y a de faire précéder les chambres à coucher par les cabinets, sur - tout dans les appartemens qui ne sont composés que d'un petit nombre de pieces.
On appelle aussi cabinets, certains meubles en forme d'armoire, faits de marqueterie, de pieces de rapport & de bronze, servant à serrer des médailles, des bijoux, &c. Ces cabinets étoient fort en usage dans le dernier siecle: mais comme ils ne laissoient pas d'occuper un espace assez considérable dans l'intérieur des appartemens, on les y a supprimés. Il s'en voit encore cependant quelques - uns dans nos anciens hôtels, exécutés par Boule, ébeniste du roi, ainsi que des bureaux, des secrétaires, serre - papiers, bibliotheques, &c. dont l'exécution est admirable, & d'une beauté fort au - dessus de ceux qu'on fait aujourd'hui.
On appelle aussi cabinets, de petits bâtimens isolés
en forme de pavillons, que l'on place à l'extrémité
de quelque grande allée, dans un parc, sur une terrasse
ou sur un lieu éminent; mais leur forme étant
presque toûjours sphérique, elliptique ou à pans couverts,
en calotte, & souvent percés à jour, le nom
de sallons leur convient davantage; & lorsque ces
pieces sont accompagnées de quelques autres, comme
de vestibules, d'anti - chambres, garde - robes, &c.
on les nomme belvederes. Voyez
On appelle cabinets de treillage, de petits sallons quarrés, ronds, ou à pans, composés de barreaux de fer maillé d'échalats peints en verd, >els qu'il s'en voit un à Clagny, d'un dessein & d'une élégance très estimable, & plusieurs à Chantilly, d'une distribution tres - ingénieuse. (P)
Cabinet d'Histoire naturelle (Page 2:489)
Nous ne savons pas si les anciens ont fait des cabinets d'Histoire naturelle. S'il y en a jamais eu un seul, il aura été établi chez les Grecs, ordonné par Alexandre, & formé par Aristote. Ce fameux naturaliste voulant traiter son objet avec toutes les vûes d'un grand philosophe, obtint de la magnificence d'Alexandre des sommes très - considérables, & il les employa à rassembler des animaux de toute espece, & à les faire venir de toutes les parties du monde connu. Ses livres sur le regne animal, prouvent qu'il avoit
La science de l'Histoire naturelle fait des progrès à proportion que les cabinets se completent; l'édifice ne s'éleve que par les matériaux que l'on y employe, & l'on ne peut avoir un tout que lorsqu'on a mis ensemble toutes les parties dont il doit être composé. Ce n'a guere été que dans ce siecle que l'on s'est appliqué à l'étude de l'Histoire naturelle avec assez d'ardeur & de succès pour marcher à grands pas dans cette carriere. C'est aussi à notre siecle que l'on rapportera le commencement des établissemens les plus dignes du nom de cabinet d'Histoire naturelle.
Celui du jardin du Roi est un des plus riches de l'Europe. Pour en donner une idée il suffira de faire ici mention des collections dont il est composé, en suivant l'ordre des regnes.
Regne animal. Il y a au cabinet du Roi différens squeletes humains de tout âge, & une très - nombreuse collection d'os remarquables par des coupes, des fractures, des difformités, & des maladies: des pieces d'anatomie injectées & desséchées; des foetus de différens âges, & d'autres morceaux singuliers conservés dans des liqueurs: de très - belles pieces d'anatomie représentées en cire, en bois, &c. quelques parties de momies & des concrétions pierreuses tirées du corps humain. Voyez la description du cabinet du Roi, Hist. nat. tome III. Quantité de vêtemens, d'armes, d'ustenciles de sauvages, &c. apportés de l'Amérique & d'autres parties du monde.
Par rapport aux quadrupedes, une très - grande suite de squeletes & d'autres pieces d'ostéologie, & quantité d'animaux & de parties d'animaux conservées dans des liqueurs, des peaux empaillées, une collection de toutes les cornes des quadrupedes, des bézoards, des égagropiles, &c.
De très - beaux squeletes des oiseaux les plus gros & les plus rares; des oiseaux entiers conservés dans des liqueurs, & d'autres empaillés, &c.
Une nombreuse collection de poissons de mer & d'eau douce desséchés ou conservés dans des liqueurs.
Un très - grand nombre d'especes différentes de serpens, de lésards, &c. recueillis de toutes les parties du monde.
Une très - grande suite de coquilles, de crustacées, &c.
Enfin quantité d'insectes de terre & d'eau, entr'autres une suite de papillons presque complette, & une très - grande collection de fausses plantes marines de toutes especes.
Regne vêgétal. Des herbiers très - complets faits par M. de Tournefort & par M. Vaillant; de nombreuses suites de racines, d'écorces de bois, de semences & de fruits de plantes; une collection presqu'en<pb-> [p. 490]
Regne minéral. Des collections de terres, de pierres communes & de pierres figurées, de pétrifications, d'incrustations, de résidus pierreux, & de stalactites: une très - belle suite de cailloux, de pierres sines, brutes, polies, façonnées en plaques, taillées en vases, &c. & de pierres précieuses, de crystaux; toutes sortes de sels & de bitumes, de matieres minérales & fossiles, de demi - métaux & de métaux. Enfin une très - nombreuse collection de minéraux du royaume, & de toutes les parties de l'Europe, surtout des pays du nord, des autres parties du monde, & principalement de l'Amérique.
Toutes ces collections sont rangées par ordre méthodique, & dist>ibuées de la façon la plus favorable à l'étude de l'Histoire naturelle. Chaque individu porte sa dénomination, & le tout est placé sous des glaces avec des étiquettes, ou disposé de la maniere la plus convénable. (I)
* Pour former un cabinet d'Histoire naturelle, il
ne suffit pas de rassembler sans choix, & d'entasser
sans ordre & sans goût, tous les objets d'Histoire naturelle
que l'on rencontre; il faut savoir distinguer
ce qui mérite d'être gardé de ce qu'il faut rejetter,
& donner à >haque chose un arrangement convenable.
L'ordre d'un cabinet ne peut être celui de la
nature; la nature affecte par - tout un desordre sublime.
De quelque côté que nous l'envisagions, ce
sont des masses qui nous transportent d'admiration,
des groupes qui se font valoir de la maniere la plus
surprenante. Mais un cabinet d'Histoire naturelle est
fait pour instruire; c'est - là que nous devons trouver
en detail & par ordre, ce que l'univers nous présente
en bloc. Il s'agit d'y exposer les thrésors de la nature
selon quelque distribution relative, soit au plus
ou moins d'importance des êtres, soit à l'intérêt que
nous y devons prendre, soit à d'autres considérations
moins savantes & plus raisonnables peut - être, entre
lesquelles il faut préférer celles qui donnent un arrangement
qui plait aux gens de goût, qui intéresse
les curieux, qui instruit les amateurs, & qui inspire
des vûes aux savans. Mais satisfaire à ces différens
objets, sans les sacrifier trop les uns aux autres;
accorder aux distributions scientifiques autant qu'il
faut, sans s'éloigner des voies de la nature, n'est pas
une entreprise facile; & entre tant de cabinets d'Histoire naturelle formés en Europe, s'il doit y en avoir de
bien rangés, il doit aussi y en avoir beaucoup d'autres
qui peut - être auront le mérite de la richesse, mais qui
n'auront pas celui de l'ordre. Cependant qu'est - ce
qu'une collection d'êtres naturels sans le mérite de
l'ordre? A quoi bon avoir rassemblé dans des édifices, à grande peine & à grands frais, une multitude
de productions, pour me les offrir confondues pêlemêle
& sans aucun égard, soit à la nature des choses,
soit aux principes de l'histoire naturelle?
Nous n'aurions jamais fait, si nous entreprenions
la critique ou l'éloge de toutes les collections d'Histoire naturelle qui sont en Europe; nous nous arrêterons
seulement à la plus florissante de toutes, je veux
dire le cabinet du Roi. Il me semble qu'on n'a rien négligé,
soit pour faire valoir, soit pour rendre atile
ce qu'il renferme. Il a commencé dès sa naissance à
interesser le public par sa propreté & par son élegance: on a pris dans la suite tant de soins pour le compléter,
que les acquisitions qu'il a faites en tout genre,
sont surprenantes, sur - tout si on les compare avec
le peu d'années que l'on compte depuis son institution.
Les choses les plus belles & les plus rares y ont
afflué de tous les coins du monde; & elles y ont heureusement
rencontré des mains capables de les réunir
avec tant de convenance, & de les mettre ensemble
avec tant d'ordre, qu'on n'auroit aucune peine
à y rendre à la nature un compte clair & fidele de
ses richesses. Un établissement si considérable & si
bien conduit, ne pouvoit manquer d'avoir de la célébrité,
& d'attirer des spectateurs; aussi il en vient de
tous états, de toutes nations, & en si grand nombre,
que dans la belle saison, lorsque le mauvais tems n'empêche
pas de rester dans les salles du cabinet, leur espace
y suffit à peine. On y reçoit douze à quinze cents
personnes toutes les semaines: l'accès en est facile;
chacun peut à son gré s'y introduire, s'amuser, ou
s'instruire. Les productions de la nature y sont exposées
sans fard, & sans autre apprêt que celui que le
bon goût, l'élegance, & la connoissance des objets
devoient suggérer: on y répond avec complaisance
aux questions qui ont du rapport à l'Histoire naturelle.
La pédanterie qui choque les honnêtes gens, &
la charlatanerie qui retarde les progrès de la science,
sont loin de ce sanctuaire: on y a senti par une impulsion
particuliere aux ames d'un certain ordre,
quelle bassesse ce seroit à des particuliers qui auroient
quelques collections d'Histoire naturelle, de prétendre
s'en faire un mérite réel, & de travailler à enfler
ce mérite, soit en les étalant avec faste, soit en les
vantant au - delà de leur juste prix, soit en mettant
du mystere dans de petites pratiques qu'il est toûjours
assez facile de trouver, lorsqu'on veut se donner la
peine de les chercher. On a senti qu'une telle conduite
s'accorderoit moins encore avec un grand établissement, où l'on ne doit avoir d'autres vûes que le
bien de l'établissement, où en rendant le public témoin
des procédés qu'on suit, on en tire de nouvelles
lumieres, & l'on répand le goût des mêmes occupations.
C'est le but que M. d'Aubenton, garde & démonstrateur
du cabinet du Roi, s'est proposé, & dans
son travail au cabinet même qu'il a mis en un si bel
ordre, & dans la description qu'on en trouve dans
l'Histoire naturelle. Nous ne pouvons mieux faire
que d'insérer ici ses observations sur la maniere de
ranger & d'entretenir en général un cabinet d'Histoire
naturelle; elles ne sont point au - dessous d'un aussi
grand objet.
Cet arrangement paroît si avantageux, que l'on
devroit naturellement s'attendre à le voir dans tous
les cabinets; cependant il n'y en a aucun où l'on
ait pû le suivre exactement. Il y a des especes &
même des individus qui, quoique dépendans du
même genre & de la même espece, sont si disproportionnés
pour le volume, que l'on ne peut
pas les mettre les uns à côté des autres; il en est
de même pour les genres, & quelquefois aussi pour
les classes. D'ailleurs on est souvent obligé d'interrompre
l'ordre des suites; parce qu'on ne peut pas
concilier l'arrangement de la méthode avec la convenance
des places. Cet inconvénient arrive souvent,
lorsque l'espace total n'est pas proportionné
au nombre des choses qui composent les collections: mais cette irrégularité ne peut faire aucun
obstacle à l'étude de l'Histoire naturelle: car il n'est
pas possible de confondre les choses de différens regnes
& de différentes classes; ce n'est que dans le
détail des genres & des especes, que la moindre
équivoque peut causer une erreur.
L'ordre méthodique qui, dans ce genre d'étude,
plait si fort à l'esprit, n'est presque >amais celui qui
est le plus avantageux aux yeux. D'ailleurs, quoiqu'il ait bien des avantages, il ne laisse pas d'avoir
plusieurs inconvéniens. On croit souvent connoître
les choses, tandis que l'on n'en connoît que les
numeros & les places: il est bon de s'éprouver
quelquefois sur des collections, qui ne suivent que
l'ordre de la symmétrie & du contraste. Le cabinet du
Roi étoit assez abondant pour fournir à l'un & à
l'autre de ces arrangemens; ainsi dans chacun des
genres qui en étoit susceptible, on a commencé par
choisir une suite d'especes, & même de plusieurs
individus, pour faire voir les variétés aussi bien
que les especes constantes; & on les a rangés méthodiquement
par gemes & par classes. Le surplus de
chaque collection a été distribué dans les endroits
qui ont paru le plus favorables, pour en faire un
ensemble agréable à l'oeil, & varié par la différence
des formes & des couleurs. C'est - là que les objets
les plus importans de l'Histoire naturelle sont
présentés à leur avantage; on peut les juger sans
être contraint par l'ordre méthodique, parce qu'au
moyen de cet arrangement, on ne s'occupe que des
qualités réelles de l'individu, sans avoir égard aux
caracteres arbitraires du genre & de l'espece. Si on
avoit toûjours sous les yeux des suites rangées méthodiquement,
il seroit à craindre qu'on ne se laissât
prevenir par la methode, & qu'on ne vînt à négliger
l'étude de la nature, pour se livrer à des con<cb->
Tant qu'on augmente un cabinet d'Histoire naturel, on n'y peut maintenir l'ordre qu'en déplaçant
continuellement tout ce qui y est. Par exemple,
lorsqu'on veut faire entrer dans une suite une espece
qui y manque, si cette espece appartient au
premier genre, il faut que tout le reste de la suite
soit déplacé, pour que la nouvelle espece soit mise
en son lieu. . . . . Quoique ce genre d'occupation
demande de l'attention, & qu'il emporte toûjours
beaucoup de tems, ceux qui font des collections
d'histoire naturelle ne doivent point le négliger: on ne le trouvera point ennuyeux ni même
infructueux, si on joint au travail de la main l'esprit
d'observation. On apprend toûjours quelque
chose de nouveau en rangeant méthodiquement
une collection; car dans ce genre d'étude plus on
voit, plus on sait. Les arrangemens qui ne sont faits
que pour l'agrément, supposent aussi des tentatives
inutiles; ce n'est qu'après plusieurs combinaisons
qu'on trouve un résultat satisfaisant dans les
choses de goût: mais on est bien dédommagé de la
peine qu'on a eue par le plaisir qu'on ressent, lorsqu'on croit avoir réussi. Ce qu'il y a de plus désagréable
sont les soins que l'on est obligé de prendre
pour conserver certaines pieces sujettes à un
prompt dépérissement; l'on ne peut être trop attentif
à tout ce qui peut contribuer à leur conservation,
parce que la moindre négligence peut être
préjudiciable. Heureusement toutes les pieces d'un
cabinet ne demandent pas autant de soins les unes
que les autres, & toutes les saisons de l'année ne
sont pas également critiques.
Les minéraux en général ne demandent que d'être
tenus proprement, & de façon qu'ils ne puissent
pas se choquer les uns contre les autres; il y en a
seulement quelques - uns qui craignent l'humidité,
comme les sels qui se fondent aisément, & les pyrites
qui se fleurissent, c'est - à - dire qui tombent en
poussiere. Mais les animaux & les végétaux sont
plus ou moins sujets à la corruption. On ne peut
la prévenir qu'en les desséchant le plus qu'il est
possible, ou en les mettant dans des liqueurs préparées;
dans ce dernier cas, il faut empêcher que
la liqueur ne s'évapore ou ne se corrompe. Les
pieces qui sont desséchées demandent encore un
plus grand soin; les insectes qui y naissent & qui
y trouvent leurs alimens, les détruisent dans l'intérieur
avant qu'on les ait apperçûs. Il y a des vers,
des scarabées, des teignes, des papillons, des mites,
&c. qui s'établissent chacun dans les choses qui
leur sont le plus convenables; ils rongent les chairs,
les cartilages, les peaux, les poils, & les plumes;
[p. 492]
Il suffit en général de garantir l'intérieur d'un cabinet du trop grand froid, de la trop grande chaleur,
& sur - tout de l'humidité. Si les animaux desséchés,
particulierement ceux de la mer, qui restent toûjours
imprégnés de sel marin, étoient exposés à l'air
extérieur dans les grandes gelées, apres avoir été
imbibés de l'humidité des brouillards, des pluies,
ou des dégels, ils seroient certainement altérés &
décomposés en partie, par l'action de la gelée &
par de si grands changemens de température. Aussi
pendant la sin de l'automne & pendant tout l'hyver,
on ne peut mieux faire que de tenir tous les cabinets bien fermés; il ne faut pas craindre que l'air
devienne mauvais pour n'avoir pas été renouvellé: il ne peut avoir de qualité plus nuisible que celle
de l'humidité. D'ailleurs les salles des cabinets sont
ordinairement assez grandes pour que l'air y circule
aisément: au reste en choisissant un tems sec, on
pourroit les ouvrir au milieu du jour. Pendant l'été
on a moins à craindre de l'humidité: mais la chaleur
produit de mauvais effets, qui sont la fermentation
& la corruption. Plus l'air est chaud, plus les
insectes sont vigoureux; plus leur multiplication
est facile & abondante, plus les ravages qu'ils font
sont considérables: il faut done parer les rayons du
soleil par tous les moyens possibles, & ne jamais
donner l'entrée à l'air du dehors, que lorsqu'il est
plus frais que celui du dedans. Il seroit à souhaiter
que les cabinets d'Histoire naturelle ne fussent ouverts
que du côté du nord; cette exposition est celle
qui leur convient le mieux, pour les préserver
de l'humidité de l'hyver, & des chaleurs de l'été.
Enfin par rapport à la distribution & aux proportions
de l'intérieur, comme les planchers ne doivent
pas être fort élevés, on ne peut pas faire de
très - grandes salles; car si l'on veut décorer un cabinet avec le plus d'avantage, il faut meubler les
murs dans toute leur hauteur, & garnir le platfond
comme les murs, c'est le seul moyen de faire
un ensemble qui ne soit point interrompu; & même
il y a des choses qui sont mieux en place étant suspendues
que partout ailleurs. Mais si elles se trouvent
trop élevées, on se fatigueroit inutilement à
les regarder sans pouvoir les bien distinguer. En
pareil cas, l'objet qu'on n'apperçoit qu'à demi, est
toûjours celui qui pique le plus la curiosité: on ne
peut guere voir un cabinet d'Histoire naturelle, sans
une certaine application qui est déjà assez fatiguan<cb->
Par rapport à la maniere de placer & de présenter
avantageusement les différentes pieces d'Histoire naturelle, je crois que l'on a toujours à choisir.
Il y en a plusieurs qui peuvent être aussi convenables
les unes que les autres pour le même objet;
c'est au bon goùt à servir de regle ».
Me sera - t - il permis de finir cet article par l'exposition d'un projet qui ne seroit guere moins avantageux qu'honorable à la nation? Ce seroit d'élever à la nature un temple qui sût digne d'elle. Je l'imagine composé de plusieurs corps de bâtimens proportionnés à la grandeur des êtres qu'ils devro>ent renfermer: celui du milieu seroit spatieux, immense, & destiné pour les monstres de la terre & de la mer: de quel étonnement ne seroit - on pas frappé à l'entrée de ce lieu habité par les crocodiles, les éléphans & les baleines? On passeroit de - là dans d'autres salles contiguës les unes aux autres, où l'on verroit la nature dans toutes ses variétés & ses dégradations. On entreprend tous les jours des voyages dans les différens pays pour en admirer les raretés; croit - on qu'un pareil édifice n'attireroit pas les hommes curieux de toutes les parties du monde, & qu'un étranger un peu lettré pût se résoudre à mourir, sans avoir vû une sois la nature dans son palais? Quel spectacle que celui de tout ce que la main du toutpuissant a répandu sur la surface de la terre, exposé dans un seul endroit! Si je pouvois juger du goût des autres hommes par le mien, il me semble que pour joüir de cè spectacle, personne ne regretteroit un voyage de cinq ou six cents lieues; & tous les jours ne fait - on pas la moitié de ce chemin pour voir des morceaux de Raphael & de Michel - Ange? Les millions qu'il en coûteroit à l'état pour un pareil établissement seroient payés plus d'une fois par la multitude des étrangers qu'il attireroit en tout tems. Si j'en crois l'histoire, le grand Colbert leur fit autrefois acquitter la magnificence d'une fête pompeuse, mais passagere. Quelle comparaison entre un carrousel & le projet dont il s'agit? & quel tribut ne pourrions - nous pas en espérer de la curiosité de toutes les nations?
Cabinets secrets (Page 2:492)
Les endroits fameux par cette propriété étoient la prison de Denys à Syracuse, qui changeoit en un [p. 493]
Le cabinet de Denys à Syracuse étoit, dit - on, de
forme parabolique; Denys ayant l'oreille au foyer
de la parabole, entendoit tout ce qu'on disoit en bas;
parce que c'est une propriété de la parabole, que
toute action qui s'exerce suivant des lignes paralleles
à l'axe, se réfléchit au foyer. Voyez
Ce qu'il y a de plus remarquable sur ce point, en Angleterre, c'est le dome de l'église de S. Paul de Londres, où le battement d'une montre se fait entendre d'un côté à l'autre, & où le moindre chuchotement semble faire le tour du dome. M. Derham dit que cela ne se remarque pas seulement dans la galerie d'en - bas, mais au - dessus dans la charpente ou la voix d'une personne qui parle bas est portée on rond au - dessus de la tête juiqu'au sommet de la voute, quoique cette voute ait une grande ouverture dans la partie supérieure du dome.
Il y a encore à Glocester un lieu fameux dans ce
genre, c'est la galerie qui est au - dessus de l'extrémité
orientale du choeur, & qui va d'un bout à l'autre
de l'église. Deux personnes qui parlent bas, peuvent
s'entendre à la distance de 25 toises. Tous les
phénomenes de ces différens lieux dépendent à peu - pres
des mêmes principes. Voyez
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