ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"506"> ment une terre, ou du moins qu'il y a une terre qui lui sert de base.

Mais on est à présent détrompé de cette erreur par l'examen analytique qui a été fait des principes du cachou; premierement en Allemagne par Hagendorn, Wedelius, & autres, & ensuite en France par M. Bouldue.

Les expériences, les dissolutions, & les différentes analyses de ce mixte, ont prouvé démonstrativement que c'est un suc de végétal épaissi: car 1°. au lieu de jetter comme toutes les autres terres un limon dans l'humidité, il s'y dissout entierement, à quelques parties grossieres près; & non - seulement dans les liqueurs aqueuses, mais encore dans les spiritueuses: 2°. il se dissout facilement dans l'eau commune, s'incorpore avec elle, & lui communique une teinture rouge, de même qu'un grand nombre d'extraits & de sucs de végétaux épai: 3°. la filtration ne l'en sépare point ainsi qu'elle fait les terres; mais il passe par le filtre avec l'eau: 4°. en le filtrant on n'y trouve jamais de terre, si ce n'est lorsqu'il est mal - propre: 5°. il s'enflamme, brûle dans le feu, & ne donne que peu de cendres: 6°. mis dans la bouche il ne laisse sur la langue aucun goût de terre, & s'y fond totalement: 7°. on en tire par la chimie beaucoup d'huile & de sels essentiels, pareils à ceux qu'on tire des plantes.

Le cachou n'est point une substance viriolique. Ces raisons étant décisives, d'autres Physiciens ont imaginé de placer le cachou dans la classe des vitriols, c'est - à - dire, de le regarder comme une substance composée, qui tient de leur nature: mais cette imagination n'a pas fait fortune; les expériences la détruient, & prouvent que le cachou n'a rien de vitriolique: en effet, 1°. on n'en sépare aucun sel de cette nature; 2°. si on le mêle avec un alkali, il ne produit ni effervescence ni précipitation; 3°. sa solution fait l'encre, avec une addition de quelques substances vitrioliques.

C'est une substance végétale. Il seroit inutile de m'étendre davantage sur de pures fictions: d'ailleurs tout le monde convient aujourd'hui qu'il faut mettre le cachou dans le rang des substances végétales; personne n'oeroit le contester; c'est un fait dont on est pleinement convaincu.

Sa définition. Par conséquent on peut hardiment le définir un suc gommeux, résineux, sans odeur, fait & duri par art, d'un roux noirâtre extérieurement, & d'un roux brun intérieurement; son gout est astringent, amer quand on le met dans la bouche,, ensuite plus doux & plus agréable. Voilà ce qu'on connoit du cachou: mais on n'est point encore assûré si c'est un suc qu'on tire de la décoction de diverses plantes, ou le fruit d'une seule; & si notre cachou est la même chose que le lycium Indien de Dioscoride.

Il ne faut pas le confondre avec le cajou. Quelques-uns se fondant sur l'affinité des noms, ont avancé que le cachou est l'extrait ou le suc épaissi du fruit que nous appellons noix d'acajou; car ce fruit se nomme catzu ou cajou: mais ceux qui ont eu cette idée ne connoissoient pas l'acajou, qui contient dans sa sustance un suc acre, mordicant, brûlant les levres & la langue, & qui est d'une saveur bien différente de celle du cachou.

Arbre dont on tire le cachou suivant Garcie. Si nous nous en rapportons à Garcie, l'arbre dont on tire le cachou est de la hauteur du frêne: il a des feuilles très - petites, & fort semblables à celle de la bruyere ou du tamaris: il est toûjours verd, & hérissé de beaucoup d'épines. Voici comment il rapporte la maniere de le tirer. On coupe par petits morceaux les branches de cet arbre, on les fait bouillir, ensuite on les pile; après cela on en forme des pastilles & des tablettes avec la farine de nachani, & avec la sciure d'un certain bois noir qui naît dans le pays. On fait sécher ces pastilles à l'ombre: quelquefois on n'y mêle pas cette sciure.

Description de cet arbre suivant, Bontius. Bontius, un des premiers voyageurs qui en ait parlé, dit que cet arbre est tout couvert d'épines sur le tronc & sur les branches, ayant des feuilles qui sont presque comme celles de la sabine, ou de l'arbre que l'on appelle l'arbre de vie, hormis qu'elles ne sont pas si grosses ni si épaisses. Il porte, dit - il, des feves rondes de couleur de pourpre, dans lesquelles sont renfermées trois ou quatre noix tout au plus, & qui sont si dures que l'on ne peut les casser avec les dents. On en fait bouillir les racines, l'écorce & les feuilles, pour en faire un extrait que l'on appelle care; extrait, pour le dire en passant, que ces deux auteurs, Garcie & Bontius, croyent être le lycium Indien de Dioscoride.

Suivant Hebert de Jager. Mais Hebert de Jager, dans les Ephemérides des curieux de la nature, décad. II. an. 3. écrit que le lyeium des Indes, ou le cate de Garcias, ou le kaath, comme les Indiens l'appellent, & le reng des Perses, est un suc tiré non d'un arbre, mais de presque toutes les especes d'acacia qui ont l'écorce astringente & rougeâtre, & de beaucoup d'autres plantes dent on peut tirer par l'él ullition un suc semblable. Tous ces sucs sont designés, ajoûtet - il, dans ces pays - là sous le nom de kaath, quoiqu'ils soient bien différens en benté & en vertu.

Il parle cependant d'un arbre qui porte le plus excellent & le meilleur kaath: cet arbre est nommé khier par les Indiens, khadira par les Brachmanes, tsaanra par les Golcondois, karanggalli fatti par les Malabares.

C'est une espece d'acacia épineux, branchu, dont les plus grandes branches sont couvertes d'une écorce blanchâtre cendrée. Les rameaux qui produisent des feuilles sont couverts d'une peau roussâtre, & ils sortent des plus grandes branches entre les petites épines, placées deux à deux, crochues & opposées. Les feuilles ailées, portées sur une côte, sont semblables à celles de l'acacia, mais plus petites. Cet auteur n'a pas vû les fleurs ni le fruit. On retire de cet arbre par la décoction, dans le royaume de Pégu, un suc dont on fait le kaath, si recherché dans toutes les Indes orientales.

L'arbre qui fournit le cachou est sur - tout l'Areca. En effet, quoi qu'en dise Hebert de Jager, l'arbre qu'on nomme areca est le plus célebre parmi ceux qui donnent l'extrait de kaath ou le cachou; & c'est même le seul qui fournisse le vrai cachou, si l'on en croit les voyageurs qui méritent le plas de créance, & en particulier Jean Othon Helbigius, homme très versé dans la connoissance des plantes orientales, & qui a fait un très - long séjour dans le pays.

Synonymes de cet arbre. Voilà donc la plante que nous cherchions: c'est un grand arbre des Indes orientales, qui croit seulement sur les bords de la mer & dans les terres sabloneuses, une espece de palmier qui porte les noms suivans dans nos ouvrages de Botanique; palma cujus fructus sessilis Fausel dicitur, C. B. P. 510. Filfil & Fufel Avicen. Faufel, sive areca palmoe foliis, J. B. 1. 389. areca, sive Fauvel, Clus. Exot. 188. Pinung. Bont. caunga hort. Malab. où l'on en trouvera la figure très - exacte.

Sa description. Sa racine est noirâtre, oblongue, épaisse d'un empan, garnie de plusieurs petites racines blanchâtres & rousses; son tronc est gros d'un empan près de la racine, & un peu moins vers son sommet; son écorce est d'un verd gai, & si unie, qu'on ne peut y monter à moins qu'on n'attache à ses piés des crochets & des cordes, ou qu'on ne l'entoure par intervalles de liens faits de nattes, ou de quelqu'autre matiere semblable. [p. 507]

Les branches feuillées sortent du tronc en sautoir deux a deux; celles qui sont au - dessus sortent de l'entre - deux des inférieures; elles enveloppent par leur base le sommet du tronc, comme par une gaine ou une capsule ronde & fermée; elles forment par ce moyen une tête oblongue au sommet, plus grosse que le tronc de l'arbre même.

Le pié des branches feuillées extérieurement se send & se rompt, & elles tombent successivement l'une après l'autre: les branches feuillées sont composées d'une côte un peu creuse en - dessus, arrondie en - dessous, & de feuilles placées deux à deux & opposées, longues de trois ou quatre piés, larges de trois ou quatre pouces plus ou moins, pliées comme un éventail, veites, & luisantes: au haut du tronc il sort de chaque aisselle de feuille une capsule en forme de gaîne, longue de quatre empans, plus ou moins, qui renferme les tiges chargées de fleurs & de fruits, concaves par où elles se rompent & s'ouvrent, d'un verd blanchâtre d'abord extérieurement, jaunâtre ensuite, & blanches en - dedans.

Les tiges qui sont renfermées dans ces gaînes sont les unes plus grosses, & chargées vers le bas de fruits tendres; les autres sont plus grêles, & garnies des deux côtés de boutons de fleurs: ces boutons sont petits, anguleux, blanchâtres, s'ouvrant en trois pétales, roides, pointus, & un peu épais; ils contiennent dans leur milieu neuf étamines grêles, dont trois sont plus longues, d'un jaune blanchâtre, qui sont entourées des six autres plus petites & plus jaunes.

Description du fruit arec. Les fruits encore tendres & mous sont blancs & luisans, attachés à des pédicules blancs, de figure anguleuse & non arrondis, renfermes pour la plus grande partie dans les feuilles du calice, qui sont ovalaires & entrelacées les unes avec les autres: ils contiennent beaucoup de liqueur limpide, d'un goût astringent, placée au milieu de la pulpe, qui s'augmente avec le tems; & la liqueur diminue jusqu'à ce qu'il n'en reste plus: ensuite il naît une moelle blanchâtre, tandis que la pulpe s'endurcit, & l'écorce acquiert enfin la couleur de jaune doré.

Les fruits devenus assez gros, & n'étant pas encore secs, sont ovalaires, & ressemblent fort à des dattes: ils sont plus serrés aux deux bouts, & composés d'une écorce épaisse, lisse, membraneuse, & d'une pulpe d'un brun rougeâtre, qui devient en séchant fibreuse ou cotonneuse, & jaunâtre: la moelle, ou plûtôt le noyau ou la semence qui est au milieu, est blanchâtre.

Lorsque le fruit est sec, le novau se sépare aisément de la pulpe fibreuse; il est de la grosseur d'une aveline ou d'une muscade, le plus souvent en forme de poire, ou applati d'un côté & sans pédicule, convexe de l'autre, ridé, cannelé extérieurement; d'une couleur rousse ou de canelle, d'une matiere dure, difficile à couper, panaché de veines blanchâtres, rousses & rougeâtres; d'un goût un peu aromatique, & légerement astringent. C'est ce fruit que nous nommons proprement arec, & les Arabes fauvel.

Usages que les Indiens font de ce fruit. L'usage que les Indiens en font tous les jours, lui a donné une très grande réputation. Ils le mâchent continuellement, soit qu'il soit mou, soit qu'il soit dur, avec le lycium indien, ou le kaath, les feuilles de betel, & très peu de chaux. Ils avalent le suc ou la salive teinte de ces choses, & ils crachent le reste; leur bouche alors paroît toute en sang, & fait peur à voir.

Ils ne manquent pas de l'employer comme une espece de régal dans les visites qu'ils se font. Leur maniere de le servir, est de le présenter en entier, ou coupé en plusieurs tranches. Lorsqu'on le prénte entier, on sert en même tems un instrument propre à le couper, qui est une espece de ciseau, composé de deux branches mobiles arrêtées par une de leurs exrémités, & qui s'ouvre de l'autre. C'est par l'extrémité par laquelle le ciseau s'ouvre, que l'on presse l'arec, que l'on met entre ces deux branches pour le couper en autant de parties que l'on veut: & de ces deux branches il n'y en a qu'une, qui est la supérieure, destinée à couper; l'inférieure ne sert que d'appui pour soûtenir cette semence dans le tems de l'effort que l'on fait par l'abaissement de la partie supérieure du ciseau.

Lorsqu'on le sert coupé en tranches, c'est ordinairement sur des feuilles de betel dans lesquelles on enveloppe ces morceaux, apres les avoir auparavant couverts d'une couche légere de chaux, propre à se charger du suc de l'arec & du betel, quand on les mâche, pour en faire conserver plus longtems dans la bouche une saveur agréable.

Préparations du cachou. Je viens à la maniere de préparer l'extrait d'areca; la voici, selon que le rapporte Hebert de Jager dans les Ephémeides des curieux de la nature, decur. II. an. 3.

On coupe en deux ou en trois morceaux la noix d'areca ou faufel avant qu'elle soit tout - à - fait mûre, & lorsqu'elle est encore verte, & on la fait bouillir dans de l'eau, en y ajoûtant un peu de chaux de coquillages calcinés pendant l'espace de quatre heures, jusqu'à ce que les morceaux de cette noix ayent contracté une couleur d'un rouge obscur. La chaux y sert beaucoup. Alors on passe cette décoction encore chaude; & lorsqu'elle est refroidie, on la sépare un peu de la matiere épaisse & de la lie qui va au fond du vaisseau. Cette lie étant épaisse, s'appelle aussi kaath, & on l'employe de la même maniere que l'extrait appellé cate. Mais pour rendre cet extrait plus excellent, ils y ajoûtent l'eau de l'écorce encore verte du tsianra, ou de l'acacia, dont nous avons parlé, qu'ils pilent & font macérer pendant trois jours. Enfin, lorsque ce suc est épaissi, ils l'exposent au soleil sur des nattes, & ils le réduisent en petites masses ou en pastilles.

Les grands du pays & les riches ne se contentent pas de ce cachou: ils y mêlent du cardamome, du bois d'aloès, du musc, de l'ambre, & d'autres choses, pour le rendre plus agréable & plus flatteur au goût. Telle est la composition de quelques pastilles que l'on prépare dans les Indes, qui sont rondes, plates, de la grosseur d'une noix vomique, que les Hollandois apportent en Europe sous le nom de siri gata gamber.

Telles sont aussi des pastilles noires qui ont différentes figures, tantôt rondes comme des pilules, tantôt comme des graines, des fleurs, des fruits, des mouches, des insectes, tantôt comme des crotes de souris, &c. que les Portugais sont dans la ville de Goa, & que les François méprisent à cause de leur violente odeur aromatique. Mais comme les nations qui fabriquent ces pastilles, sont fort trompeuses, il leur arrive souvent d'y mêler d'autres corps étrangers, pour en augmenter le poids & le volume; desorte qu'il est rare d'en voir sortir de pures de leurs mains.

Pour ce qui est du cachou simple, naturel, & sans aromates, qui passe en Europe, & que nous recherchons le plus; c'est un pur extrait de l'arec fait sur les lieux, & rendu solide par l'évaporation de toute l'humidité que cet extrait contenoit.

On coupe les graines d'arec vertes, en tranches; on les met bouillir dans l'eau, jusqu'à ce que cette eau soit chargée d'une forte teinture rouge - brune; on passe cette décoction, qu'on fait évaporer jusqu'à consistance d'extrait, auquel on donne telle forme que l'on veut, & qui se durcit bientôt après.

Effets de l'arec quanà il est verd. Garcias & Bontius assûrent que si l'on mâche l'arec verd, il cause une espece de vertige & d'ivresse semblable à celle

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