ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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BUCCIN (Page 2:455)

BUCCIN, buccinum, s. m. (Hist. nat. Conchiolog.) coquillage ainsi nommé, parce qu'il ressemble en quelque façon à un cornet musical; il est allongé; l'ouverture de la coquille est à l'extrémité la plus grosse, & la coquille diminue peu à peu jusqu'à l'autre extrémité qui se termine en pointe. On trouve des buccins sur la terre, dans l'eau douce & dans la mer, d'où est venu la division de ces coquillages en buccins de terre, buccins d'eau douce, & buccins de mer; ceux - ci sont les plus nombreux; Lister on fait vingt - quatre genres, qu'il rapporte à la même classe. Lister, Hist. Jeu synop. much. conch. Voyez Coquillage, Coquille. (I)

* Il y a une espece de buccin commune sur les côtes d'Angleterre, qui fournit la pourpre. Cette propriété a été découverte il y a environ 70 ans, par la société royale. M. de Reaumur en a trouvé une autre sur les côtes de Poitou, qui donne aussi cette couleur. Cette espece est apparemment une de celles que Pline a décrites. Les buccins de Poitou qui dorinent la pourpre, se trouvent ordinairement assemblés autour de certaines pierres ou sables couverts de grains ovales, longs de trois lignes, & gros d'un peu plus d'une ligne, pleins d'une liqueur blanche un peu jaunâtre, assez semblable à celle qui se tire des buccins mêmes, & qui après quelques changemens, prend la couleur de pourpre. Par les expériences de M. de Reaumur, ces grains ne sont point apparemment les oeufs des buccins; ce ne sont point non plus des grains de quelque plante marine, ni des plantes naissantes; il reste que ce soient des oeufs de quelque poisson. Ils ne commencent à paroître qu'en automne.

Ces grains écrasés sur un linge blanc, ne font d'abord que le jaunir presque imperceptiblement; mais en trois ou quatre minutes, ils lui donnent un très beau rouge de pourpre, pourvu cependant que ce linge soit exposé au grand air: car ce qui est bien digne de remarque, & fait bien voir de quelle extrème délicatesse est la génération de cette couleur, l'air d'une chambre, dont même les fenêtres seroient ouvertes, ne suffiroit pas. La teinture de ces grains s'affoiblit un peu par un grand nombre de blanchifsages.

M. de Reaumur a reconnu par quelques expériences, que l'effet de l'air sur la liqueur des grains, consiste, non en ce qu'il lui enleve quelques - unes de ses particules, ni en ce qu'il lui en donne de nouvelles, mais simplement en ce qu'il l'agite, & change l'arrangement des parties qui la composent. Nous avons dans la cochenille une très - belle couleur de rouge, mais qui n'est bonne que pour la laine. Le carthame donne le beau ponceau & le cramoisi, mais ce n'est qu'à la soie. Peut - être, dit M. de Fontenelle, les grains de M. de Reaumur nous fourniront - ils le beau rouge pour la toile.

M. de Reaumur n'a pas manqué de comparer sa nouvelle pourpre avec celle qui se tire de ses buccins de Poitou. Les buccins ont à leur collier un petit réservoir, appellé improprement veine par les anciens, qui ne contient qu'une bonne goutte de liqueur un peu jaunâtre. Les linges qui en sont teints, exposés à une médiocre chaleur du soleil, prennent d'abord une couleur verdâtre, ensuite une couleur de citron, un verd plus clair, & puis plus foncé, de là le violet, & enfin un beau pourpre. Cela se fait en peu d'heures: mais si la chaleur du soleil est fort vive, les changemens préliminaires ne s'apperçoivent point, & le beau pourpre paroît tout d'un coup. Un grand feu fait le même effet, à cela près qu'il le fait un peu plus lentement, & ne produit pas une couleur si parfaite. Sans doute la chaleur du soleil beaucoup plus subtile que celle du feu de bois, est plus propre à agiter les plus fines particules de la liqueur. Le grand air agit auffi, quoique moins vîte, sur la liqueur de buccins, sur - tout si elle est détrempée dans beauco - P [p. 456] d'eau; d'où M. de Reaumur conjecture avec assez d'apparence, que la liqueur des buccins, & celle des grains; sont à - peu - près de même nature, excepté que celle des grains est plus aqueuse. Elles different encore par le goût: celle des grains est salée, & celle des buccins extrèmement poivrée & piquante, peut - être parte qu'elle a moins d'eau.

Si on vouloit les employer dans la teinture, celle des grains seroit d'un usage plus commode, & coûteroit moins, parce qu'il est aisé de la tirer d'une grande quantité de grains qu'on écraseroit à la fois; au lieu que pour avoir celle des buccins, il faut ouvrir le réservoir de chaque buccin en particulier, ce qui demande beaucoup de tems: ou, si pour expédier on écrase les plus petits de ces coquillages, on gâte la couleur par le mêlange des différentes matieres que fournit l'animal.

La Chimie indiqueroit peut - être des moyens qui feroient paroître la couleur plus vîte & plus belle, & qui la rendroient plus ténace. M. de Reaumur a prouvé que le sublimé corrofif produit cet effet sur la liqueur des buccins: mais la pratique, & sur - tout un principe qui viendroit à faire partie d'un métier; demanderoit beaucoup d'autres observations, & des vûes nouvelles. Il y a bien de la différence entre un physicien qui veut connoître, & un artisan qui veut gagner. C'est par cette réflexion que M. de Fontenelle finit son extrait du mémoire de M. de Reaumur. Voyez Hist. de l'acad. 1711. p. 11. Le savant accadémicien le commence par une autre, qui ne me paroit pas aussi vraie; c'est qu'il y a plus de choses trouvées dans ces derniers siecles, qu'il n'y en a de perdues des anciens: mais qu'il ne peut y avoir rien de perdu, que ce qu'on veut bien qui le soit; qu'il ne faut que le chercher dans le sein de la nature, où rien ne s'anéantit, & que c'est même une grande avance pour le retrouver, que d'être sûr qu'il se peut trouver. Mais on peut répondre à M. de Fontenelle, que le sein de la nature est vaste; que proposer à un physicien ce champ à battre pour y retrouver quelque ancienne découverte, c'est lui donner à chercher un diamant tombé dans le fond de la mer. Une décóuverte se fait souvent par hasard; & il peut se passer bien des fiecles avant que le même hasard se représente: en un mot, je croi que quand une invention est perdue, non - seulement on ne la retrouve pas quand on veut, mais qu'il se peut faire qu'avec beaucoup de soins & de travail, on ne la retrouve jamais. Quant au nombre des choses nouvellement trouvées, & à celui des anciennes découvertes perdues, c'est un examen impossible: nous savons très - bien ce qu'il y a de récemment découvert, mais nous ne savons point tout ce que nous avons perdu des anciens; & sans l'une & l'autre de ces connoissances, il n'y a point de comparaison à faire.

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