ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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Vers enjambé (Page 17:160)

Vers enjambé. (Poésie françoise) vers dont le sens n'est point achevé, & ne finit qu'au milieu ou au commencement de l'autre; c'est en général un défaut dans la poésie françoise, parce qu'on est obligé de s'arrêter sensiblement à la fin du vers pour faire sentir la rime, & qu'il faut que la pause du sens & celle de la rime concourrent ensemble. Pour cet effet, notre poésie veut qu'on termine le sens sur un mot qui serve de rime, afin de satisfaire l'esprit & l'oreille; on trouve cependant quelquefois des exemples de vers enjambés dans les pieces dramatiques de nos plus grands poëtes; mais l'enjambement se permet dans les fables, & y peut être agréablement placé.

Quelqu'un fit mettre au cou de son chien qui mordoit Un bâton en travers: - lui se persuadoit Qu'on l'en estimoit plus, - quand un chien vieux & grave, Lui dit: on mord en traître aussi souvent qu'en brave.

La Fontaine en fournit aussi cent exemples qui plaisent, & entr'autres celui - ci:

Un astrologue un jour se laissa cheoir Au fond d'un puits. On lui dit: pauvre bête, Tandis qu'à peine à tes piés tu peux voir, Penses - tu lire au - dessus de ta tête?

Quoique ce soit une faute en général de terminer au milieu du vers le sens qui a commencé dans le vers précédent, il y a des exceptions à cette regle qui ne partent que du génie; c'est ainsi que Despreaux fait dire à celui qui l'invite à dîner, Sat. 3.

N'y manquez pas du moins, j'ai quatorze bouteilles D'un vin vieux . . . . . . Boucingo n'en a point de pareilles.

La poésie dramatique permet que la passion suspende l'hémistiche, comme quand Cléopatre dit dans Rodogune.

Où seule & sans appui contre mes attentats, Je verrois ..... mais, seigneur, vous ne m'écoutez pas.

L'exception a encore lieu dans le dialogue dramatique, lorsque celui qui parloit est coupé par quelqu'un, comme dans la même tragédie de Rodogune, elle dit à Antiochus, act. IV. sc. 1.

Est - ce un frere! Est - ce vous dont la témérité S'imagine . . . . .

Antiochus.

Appaisez ce courroux emporté.

Quand le dialogue est sur la scène, chaque récit doit finir avec un vers entier, à moins qu'il n'y ait occasion de couper celui qui parle, ou que le tronçon de vers, par où l'on finit, ne comprenne un [p. 161] sens entier & séparé par un point de tout ce qui a précédé. Ainsi dans la scène III. du quatrieme acte d'Andromaque, Oreste acheve un récit de cette sorte:

De Troie en ce pays réveillons les miseres, Et qu'on parle de nous, ainsi que de nos pères. Partons, je suis tout pèt.

Cet hémistiche ne tient à rien; & Ilermone finissant, sa réponse est interrompue avant la fin du vers.

Courez au temple, il faut immoler . . . . . Oreste. Qui? Hermione. Pyrrhus.

Tout cela non - seulement est dans les regles, mais c'est un dialogue plein de beautés. (D. J.)

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