ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"125"> recuire est chauffer quelque tems avec le dernier degré de feu, pour achever de faire prendre au four la retraite dont il est susceptible. Selon ma définition, la recuisson seroit la suite de l'attrempage, l'attrempage à son plus haut degré, en un mot, la perfection & le point définitif de l'attrempage.

On ne sauroit prudemment exposer un four à l'attrempage, sans qu'il soit aussi sec que l'air extérieur peut le sécher à lui seul. Il seroit dans cet état bien moins susceptible des ravages de l'humidité, en contenant beaucoup moins, & celle qui y étoit s'étant évaporée fort lentement.

Il est cependant très - difficile d'avoir un four à ce degré de sécheresse, parce que vu l'épaisseur de sa masse, je suis convaincu qu'un an suffiroit à peine pour le dessécher au point nécessaire à l'attrempage, encore faudroit - il qu'il fut bâti dans un lieu bien sec, sur des fondations bien exemptes d'humidité, & qu'on travaillât sous un climat favorable; car il est clair que toutes ces choses entrent en compte dans les conditions du desséchement d'un four.

On peut dessécher un four artificiellement d'une maniere aussi sûre & bien plus prompte, mais on doit avoir attention de faire long tems à une distance de lùi un feu peu violent, & dont il ne reçoive de chaleur, pour ainsi dire, que celle de la fumée. On sent par les dangers qu'on courroit, en faisant trop de feu, jusqu'à quel point il faut porter le ménagement & le scrupule dans ce desséchement artificiel.

On peut commencer à allumer le feu, dont nous venons de parler, vis - à - vis des deux tonnelles un mois ou six semaines après son entiere confection, & alors un intervalle de trois ou quatre mois suffit, depuis la construction finie jusqu'à la fin de la recuisson. On peut compter, si l'on veut, le tems du desséchement artificiel dans l'attrempage, & alors on sera environ deux mois à attremper ou recuire. Si on avoit à attremper un four bien sec, un attrempage bien soigné pourroit durer une douzaine ou une quinzaine de jours; sa recuisson parfaite seroit l'affaire de cinq ou six jours de plus, & on auroit son four recuit dans les environs de trois semaines.

Voici comme on s'y prend ordinairement pour conduire le feu avec gradation lors de l'attrempage, en supposant le four bien sec. On allume d'abord le feu à l'entrée de deux autres, & même en - dehors avec du gros bois. Après l'avoir laissé long - tems en cet endroit, pour que le four en ait été autant échauffé qu'il est possible qu'un tel feu l'échauffe à cette distance, on l'approche un peu davantage de la tonnelle, & on le laisse en sa nouvelle place encore un certain tems. On l'approche de nouveau, & ainsi de suite, jusqu'à ce qu'il soit sous la tonnelle, c'est - à - dire daus l'intérieur même du four. On chauffe sous la tonnelle toute ouverte encore quelque tems avec du gros bois: après quoi on fait la glaie; mais on chauffe sans mettre le chio par le bas de la glaie, en le bouchant seulement d'une ferrasse: on met le chio, & on chauffe avec du petit bois par le tisar. C'est alors qu'on fait grand feu & qu'on termine la recuisson.

On met les plateaux aux ouvreaux pendant l'attrempage, le feu ne devant pas être violent, & les courans d'air étant conséquemment inutiles; mais à la recuisson, on substitue les tuiles aux plateaux.

Les arches se recuisent très - bien, sans ajouter de nouveaux soins. On n'a qu'à fermer les arches, laisser les lunettes débouchées; & lorsque les arches sont aussi rouges qu'elles peuvent le devenir par le feu des lunettes, on finit par les chauffer quelque tems au moyen du bonnard. Ensuite on les refroidit par gradation, en commençant par supprimer le feu du bonnard, margeant la lunette, & ouvrant enfin le devant des arches.

Toutes les précautions pratiquées lors de la recuisson d'un four, & le tems nécessaire à cette opération reçoivent nécessairement des modifications & des changemens relativement aux especes de terre qu'on emploie aux pays qu'on habite, au climat sous lequel on vit.

Il n'est pas besoin d'ajouter que pour faire un bon attrempage on doit avoir autant de soin d'empêcher que le feu pendant l'opération ne tombe, c'est - à - dire ne passe promptement d'un degré de feu à un moindre; que l'on doit en avoir, de ne pas donner tout - à - coup un feu trop violent, non - seulement par le risque qu'on courroit si le four passoit subitement du chaud au froid, mais encore par le danger où l'on s'exposeroit de nouveau en remontant le feu.

Quelques soins que l'on prenne de ménager l'attrempage, il est impossible d'anéantir totalement l'effet de la retraite des terres, & conséquemment d'éviter tout - à - fait les gerçures; mais il est intéressant de réparer ce désastre le mieux qu'il est possible: le chanvrage & le coulis sont les moyens ufités en pareil cas. On insinue dans les gerçures, avec la lame d'un couteau, des filasses roulées dans l'argille, ce qu'on appelle chanvrer. Si les gerçures sont peu profondes, ou dans une position telle que le coulis qu'on y feroit passer, n'y restât pas, ou n'y restât que très - difficilement, on remplit en entier la gerçure de filasse. Si au contraire la gerçure est telle qu'en en bouchant un côté on pût y retenir du coulis, on place une filasse dans le lieu par où pourroit s'échapper le coulis, & on remplit tout le vuide avec un coulis un peu épais. Telles sont les gerçures des sieges. Comme presque toutes sont les joints des tuiles qui s'ouvrent plus ou moins, on chanvre le talud du siege pour retenir le coulis, & on coule par le dessus du siege. D'autres remplissent les vuides des sieges avec du sable pur, après avoir chanvré le talud: cette maniere a des avantages. Le sable plus coulant remplit mieux les moindres interstices; & n'étant pas susceptible de retraite, la réparation a moins à craindre de l'action du feu. Le seul danger de cette méthode seroit que le contact du verre qui tomberoit sur les sieges, ne disposât le sable à la fusion; mais le risque diminue, si l'on observe combien le sable est insinué profondement dans l'intérieur du siege, & combien il est enveloppé de parties du siege qui, étant argilleuses, lui font un rempart contre le verre.

Tous les artistes conviennent assez généralement de la nécessité de chanvrer, mais ils different beaucoup sur le tems de cette opération. Les uns attrempent leur four & le font rougir, le font ensuite refroidir par gradation, en margeant toutes les ouvertures & le démargeant peu - à - peu, chanvrent & procedent à rechauffer ce qui est vraiment un second attrempage. Voici les raisons sur lesquelles ils fondent leur méthode. Après un grand feu, disent - ils, la terre a pris à - peu - près toute la retraite dont elle est susceptible, & on réparera conséquemment bien mieux les gerçures, puisqu'elles sont toutes déclarées. Leur principe est vrai, mais, pour éviter un inconvénient, ils tombent dans de bien plus considérables; 1°. ils courent le risque de deux attrempages, aulieu d'un seul: 2°. ils perdent du tems; 3°. que font - ils en échauffant & refroidissant leur four plusieurs fois? Ils font passer ses parties successivement d'un état de contraction à un état de dilatation, & vice versâ; ce qui ne peut se faire sans déranger la position relative de ces - mêmes parties, & sans altérer leur union.

D'autres artistes sentant tous ces inconvéniens, ont fait chauffer leur four, mais non jusqu'à le rougir, ont arrêté ensuite leur attrempage, ont chanvré & ont recommencé à attremper. Ils ont eu moins d [p. 126] risque à courir, ayant poussé moins loin le premier attrempage, ils ont perdu moins de tems, & le four a été en un moindre danger. A la vérité leur four eft moins bien réparé & à un plus grand feu, il se déclare des gersures qui n'avoient encore pû paroître: mais c'est une croix du métier qui est bien plus aisée à supporter que les maux auxquels s'exposent les premiers. Le second parti est donc le meilleur: il n'est cependant qu'un palliatif, il laisse subsister les mêmes inconvéniens, & ne fait que les diminuer. On éviteroit tous les inconvéniens de la premiere méthode par une troisieme, qui conserveroit à la vérité le desagrément de la seconde. Ce seroit de prendre pour chanvrer le moment de l'attrempage où un ouvrier pourroit encore entrer & se tenir dans le four, & où il ne pourroit souffrir le moindre degré de chaleur de plus. On chanvreroit sans cesser d'attremper, on ne courroit risque ni de deux attrempages, ni de diverses températures, & on ne perdroit aucun tems (n).

J'ai vu des maîtres de verrerie s'aviser de mettre les pots verds dans le four avant la recuisson de celui - ci, & de les attremper & recuire en même tems qu'ils attrempoient & recuisoient leur four. Cette méthode a réussi à quelques - uns; conséquemment il n'y a pas moyen de douter qu'elle ne soit pratiquable, mais elle expose à des dangers. Lorsque le pot a reçu un certain degré de feu, une diminution de chaleur qui ne feroit rien au four à cause de son épaisseur, causeroit la perte totale du pot. Au reste, quand cette maniere de recuire les pots seroit prouvée être la meilleure, comme on use plus de pots que l'on ne recuit de fours, on seroit forcé d'en mettre une autre en pratique. Voici l'ordinaire. On place les pots dans l'arche, comme on le voit dans la fig. 2. Pl. VI. en faisant attention que les pots soient bien secs, l'arche froide, & la lunette bien bouchée; la disposition & l'arrangement des pots dans l'arche dépendent de la connoissance qu'on a de la manoeuvre usitée, pour tirer les pots de l'arche après leur recuisson. La seule observation que font ceux qui les placent, c'est de pas gêner cette manoeuvre, & en même tems de pas approcher les pots de la clairevoie, de peur que le premier coup de feu sortant de la lunette ne les touche & ne les endommage (o).

Lorsque les pots sont placés dans l'arche, on la laisse quelque tems ouverte; en cas que sa température ne soit pas semblable à celle de laquelle sortent les pots. On bâtit ensuite le devant de l'arche, ce qu'on appelle en terme de métier, faire l'arche, faire la glaie de l'arche. On laisse seulement un espace ouvert au haut de la gueule de l'arche pour établir le courant d'air, lorsqu'on la chauffera: on dispose le bas de la glaie de l'arche, de maniere qu'on puisse aisément y pratiquer une petite ouverture pour voir l'état des pots, lorsqu'on le desire. Après que les pots ont été quelque tems dans l'arche faite, on démarge la lunette; mais il faut le faire avec beaucoup de précaution. On se contente de faire tomber par le bonnard, avec l'instrument qu'on appelle grand mere (Pl. XIX. fig. I.) un peu du mortier qui retient l'espece de plateau nommé margeoir, qui bou<->

(n) On sera peut être étonné que ce soit de filasse qu'on se ferve pour raccommoder l'intérieur d'un four. Il paroit impossible qu'une matiere aussi combustible puisse subsister dans un milieu aussi ardent, mais la terre dont elle est enveloppée se cuisant autour d'elle, elle ne fait que charbonner, ne se consume pas, & on la retrouve dans cet état à la démolition d'un four. Quelques subsistances minérales qu'on mit à cet usage, elles n'y seroient pas à beaucoup - près si propres: il seroit difficile d'en trouver qui ne fussent détruites par la calcination ou par la fusion. (o) On éleve les pots sur des briquetons, pour que le feu puisse toucher le cul en - dehors, comme la fleche, & d'ailleurs pour pouvoir, en ôtant un des briquetons, faire pencher le pot du côté qu'on le veut.
che la lunette; à une autre occasion, on en fait tomber une plus grande partie. On opere de même jusqu'à ce que rien ne retienne le margeoir, & l'on donne par ce moyen le feu le plus doucement qu'il est possible; lorsque le margeoir est tout - à - fait décollé de la lunette, on l'en écarte de maniere, qu'il y ait environ trois lignes entre la lunette & lui, ce qu'on appelle détacher le margeoir. On l'écarte toujours de même, par gradations insensibles, jusqu'à ce qu'il touche la clair - voie; alors on repousse le margeoir plus loin que la lunette, de devant laquelle on l'ôte, c'est à compter de ce moment que la lunette fait sur les pots, tout l'effet qu'on peut en attendre. Lorsque son feu a commencé à faire changer de couleur à l'arche, on allume le bonnard. D'abord on y jette une buche de gros bois, qu'on y laisse prendre seule; on augmente le feu peu - à - peu, & enfin on le pousse le plus fort qu'on peut. On doit avoir attention de suivre le bonnard avec régularité, & de ne pas laisser tomber le feu; encore moins, si par hasard il tombe, doit - on le remonter trop ptécipitamment.

Pendant toute la recuisson des pots, les ferrasses que nous avons dit s'abaisser sur le devant de l'arche, restent abattues. La recuisson totale dure environ sept jours, on peut même la faire en cinq, mais il faut alors des pots bien secs, & beaucoup d'exactitude. La recuisson est d'autant plus parfaite, que la chaleur de l'arche, lorsqu'on en retire les pots, est plus approchante de celle four; ils s'apperçoivent moins du changement de température en entrant dans le four, sur - tout si on a pris la précaution de diminuer un peu le feu de celui - ci. La recuisson se termine en réchauffant le four avec précaution, & le remontant par degrés.

Tous les pots de quelque terre qu'ils soient construits, ont besoin de souffrir un très - grand feu avant qu'on les remplisse de matiere vitrifiable: il est bon qu'ils prennent, sans être genés, la retraite dont ils sont susceptibles. Si on remplissoit le pot, avant qu'il eût pris sa retraite, il ne tendroit pas moins à la prendre, il ne pourroit le faire avec régularité, & également empêché par le verre qu'il contiendroit, & cette retraite gênée occasionneroit sans contredit, dérangement de parties, déchirement, désunion.

Lorsque les pots sont recuits, on ne sait guere leur bon ou mauvais état, que par l'inspection. On cherche cependant à en juger par le son en frappant légerement le haut de la fleche, avec le crochet à tirer les larmes (Pl. XXII. fig. 1.) ce qu'on appelle sonder les pots; c'est ainsi qu'on juge au son, si une cloche est félée ou non. Rien n'est si équivoque que cette indication; des mauvais pots sonnent quelquefois très - bien, & il arrive que des bons pots sonnent mal.

Il en est de la recuisson des cuvettes, comme de celle des pots; on la conduit de même, & elle est sujette aux mêmes inconvéniens. On pratique en farsant la glaie de l'arche à cuvette, une ouverture semblable aux ouvreaux à cuvette, on la tient margée avec une tuile, & c'est par - là qu'on tire les cuvettes de l'arche.

Il faut trois choses pour une bonne recuisson, le ménagement du feu, la sécheresse de l'arche, & la sécheresse des pots.

Le ménagement du feu. On en a déja vû les raisons.

La sécheresse de l'arche. Lorsqu'elle est humide, les vapeurs qui s'élevent du pavé frappant le cul du pot, déja chaud, le détériorent nécessairement, le font gercer, & vont quelquefois même jusqu'à le détacher de la fléche.

La sécheresse des pots. Un pot peu sec peut à toute rigueur se recuire à force de précautions: mais il est

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