ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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VAUD, paysde (Page 16:861)

VAUD, paysde, (Géog. mod.) en latin du moyen âge, comitatus Waldensis; & en Almand, Wath; contrée de la Suisse, dépendante du canton de Berne. Ce pays où le peuple parle le françois ou le roman, & non pas l'Allemand, s'étend depuis le lac de Genève, jusqu'à ceux d'Yverdun & de Morat. Il touche à l'orient au pays de Cex, & le mont Jura le sépare de la Franche - Comté vers l'occident. Il est assez probable, que ce pays a à - peu - près les mêmes bornes que le pagus Urbigenus de César, dont la ville d'Orbe, en latin Urba, retient le nom.

Quoi qu'il en soit, le pays de Vaud fit partie de la province nommée maxima sequanorum; & sous les Bourguignons & les Francs, après la ruine de l'empire Romain, il fut de la Bourgogne tranjurane. Les empereurs allemands ayant succédé aux rois de Bourgogne, donnerent le pays de Vaud aux princes de Zéringen. Dans la suite des tems, il fut partagé entre trois seigneurs; savoir, l'évêque de Lausanne, le duc de Savoye, & les deux cantons de Berne & de Fribourg comptés pour un seigneur.

Le premier étoit seigneur de la ville de Lausanne, des quatre paroisses de la Vaux, d'Avenche & de Vevay. Les cantons de Berne & de Fribourg possédoient en commun les trois bailliages d'Orbe, de Granson & de Morat. Le duc de Savoye possédoit tout le reste, qu'il gouvernoit par un grand - bailli joint aux états du pays qui s'assembloient à Moudon. Ces états contenoient quatorze villes ou bourgs, dont les principaux étoient Moudon, Yverdun, Morges, Nyon, Romont, Payerne, Estavayer & Cossonay. Mais tout le pays de Vaud passa sous la puissance de Berne dans le tems de la réformation.

Le duc de Savoye s'avisa pour son malheur, de commencer par chagriner les Genevois, au sujet de leur changement de religion. La ville de Berne lui envoya des députés pour le prier de laisser à Genève, le libre exercice de la religion qu'elle avoit choisie. Les députés n'ayant rien pû obtenir, les Bernois leverent des troupes, entrerent en armes sur les terres du duc, & dans moins de cinq semaines, ils s'emparerent, non - seulement de ce qu'il possédoit dans le pays de Vaud, mais pénétrerent encore dans l'inrérieur de la Savoye. Cette conquête se fit en 1536 sur Charles, duc de Savoye, qui avoit été dépouillé de ses états par François I. Enfin par la médiation des autres cantons Suisses, les Bernois remirent au duc tout ce qu'ils lui avoient pris au - delà du lac de Genève, à condition qu'ils demeureroient à perpétuité possesseurs du reste, dont ils sont encore aujourd'hui souverains. Comme ils s'étoient aussi emparés de la ville & de l'évêché de Lausanne, ils en garderent la possession, & abolirent généralement le culte de l'Eglise romaine dans toutes leurs conquêtes.

Rien de plus agréable que les deux quartiers du pays de Vaud, qui sont à droite & à gauche du lac de Zurich, ainsi que la partie qui est située proche du lac de Genève. « On admire ses riches & charmantes rives où la quantité de villes, le peuple nombreux qui les habite, les côteaux verdoyans & parés de toutes parts forment un tableau ravissant, terminé par une plaine liquide d'une eau pure comme le crystal; pays où la terre par - tout cultivée, & par - tout féconde, offre aux laboureurs, aux pâtres, aux vignerons, le fruit assuré de leurs peines, que ne dévore point l'avide publicain. On voit le Chablais sur la côte opposée, pays nonmoins favorisé de la nature, & qui cependant n'offre aux regards qu'un spectacle de misere. On distingue sensiblement les différens effets de deux gouvernemens pour la richesse, le nombre & le bonheur des hommes. C'est ainsi que la terre ouvre son sein fertile, & prodigue ses trésors aux heureux peuples qui la cultivent pour eux - mêmes. Elle semble sourire & s'animer au doux spectacle de la liberté; elle aime à nourrir des hommes. Au contraire, les tristes masures, la bruyere, les ronces & les chardons qui couvrent une terre à demi - serte, annoncent de loin qu'un maître absent y domine, & qu'elle donne à regret à des esclaves, quelques maîgres productions, dont ils ne profitent pas ».

On connoît à cette peinture, brillante & vraie, l'Auteur d'Emile, d'Héloise, & de l'Egalité des conditions. (D. J.)

VAUDEMONT (Page 16:861)

VAUDEMONT, (Géog. mod.) en latin Vadani mons, bourg du duché de Lorraine, au département du Barrois. Il a été long - tems le chef - lieu du comté de Vaudemont, mais il a dépuis cédé cet honneur à la petite ville de Vezelize. (D. J.)

VAUDEVILLE (Page 16:861)

VAUDEVILLE, s. m. (Poésie.) le vaudeville est une sorte de chanson, faite sur des airs connus, auxquels on passe les négligences, pourvû que les vers en soient chantans, & qu'il y ait du naturel & de la saillie.

Despréaux dans son art Poëtique, a consacré plusieurs beaux vers à rechercher l'origine, & à exprimer le caractere libre, enjoué & badin, de ce petit poëme, enfant de la joie & de la gayeté.

Si on l'en croit, le vaudeville a été en quelque sorte démembré de la satyre; c'est un trait mordant & malin, plaisamment enveloppé dans un certain nombre de petits vers coupés, & irréguliers, plein d'agrément & de vivacité: Voici comme il en parle, après avoir peint l'esprit du poëme satyrique.

D'un trait de ce poëme, en bons mots si fertile Le François né malin, forma le vaudeville Agréable, indiscret, qui conduit par le chant Passe de bouche en bouche, & s'accroît en marchant. La liberté françoise en ces vers se déploie; Cet enfant de plaisir veut naître dans la joie.

Cependant le vaudeville ne s'abandonne pas toujours à une joie boufonne, il a quelquefois autant de délicatesse qu'une chanson tendre, témoin le vaudeville suivant qui fut tant chanté à la cour de Louis XIV, & dont Anacréon pourroit s'avouer l'auteur.

Si j'avois la vivacité Qui fit briller Coulange; Si j'avois la beauté Qui fit régner Fontange; Ou si j'étois comme Conti Des graces le modele; Tout cela seroit pour Crequi, Dût - il m'être infidele!

On dit qu'un Foulon de Vire, petite ville de Normandie, inventa les vaudevilles, qui furent d'abord nommés vaudevires, parce qu'on commença à les chanter au Vau de Vire.

André du Chesne, après avoir parlé de ce pays, dans ses antiquités des villes de France, dit que « d'icelui ont pris leur origine ces anciennes chansons qu'on appelle communément vaudevilles pour vaudevires, desquels, ajoute - t - il, fut auteur un Olivier Basselin, ainsi que l'a remarqué Belleforest ».

M. Ménage, qui a cité ces paroles, cite aussi celles de Belleforest, qui se trouvent au II. Vol. de sa cosmographie; & il conclut de ce passage, & de quelques autres qu'il rapporte, que ceux - là se sont trompés, qui ont cru que ces chansons sont appellées vaudevilles, parce que ce sont des voix de ville, ou qu'elles vont de ville en ville. De ce premier sentiment ont été Jean Chardavoine, de Beaufort, en Anjou, dans un livre intitulé: Recueil des plus belles & des plus excellentes Chansons, en forme de voix de ville; & Pierre de Saint - Julien, dans ses mélanges historiques. M. de Callieret est pour le second senti<pb-> [p. 862] ment, car il fait dire à son commandeur dans ses mots à la mode, que les Espagnols appellent passecaille, une composition en musique, qui veut dire passe - rue, comme, dit - il, nous appellons en France des vaudevilles, certaines chansons qui courent dans le public.

M. d'Hamilton, si connu par les mémoires du comte de Grammont, s'est amusé à quelques vaudevilles, dans lesquels régnent le sel, l'agrément, & la vivacité. Haguenier (Jean) bourguignon, mort en 1738 en a répandu dans le public qui sont gais & amusans; mais Ferrand (Antoine) mort en 1719, âgé de quarante - deux ans, a particulierement réussi à faire des vaudevilles spirituels, & pleins de la plus fine galanterie. La plûpart ont été mis sur les airs de clavessin de la composition de Couperin. On trouve dans les vaudevilles de M. de Chaulieu, comme dans ses autres poésies négligées, des couplets hardis & voluptueux; tous ces poëtes aimables n'ont point eu de successeurs en ce genre.

Je crois cependant que notre nation l'emporte sur les autres dans le goût & dans le nombre des vaudevilles; la pente des François au plaisir, à la satyre, & souvent même à une gaieté hors de saison, leur a fait quelquefois terminer par un vaudeville les affaires les plus sérieuses, qui commençoient à les lasser; & cette niaiserie les a quelquefois consolés de leurs malheurs réels.

Au reste, dit l'auteur ingénieux de la nouvelle Héloïse; quand les François vantent leurs vaudevilles pour le goût & la musique, ils ont raison; cependant à d'autres égards, c'est leur condamnation qu'ils prononcent; s'ils savoient chanter des sentimens, ils ne chanteroient pas de l'esprit; mais comme leur musique n'est pas expressive, elle est plus propre aux vaudevilles qu'aux opéra; & comme l'italienne est toute passionnée, elle est plus propre aux opéra qu'aux vaudevilles. (Le chevalier de Jaucourt.)

VAUDEVRANGE (Page 16:862)

VAUDEVRANGE, (Géog. mod.) ville de Lorraine, dans le baillage allemand, sur la Saare. Voyez Valdervange. (D. J.)

VAUDOIS (Page 16:862)

VAUDOIS, s. m. pl. (Hist. ecclés.) sectaires qui parurent dans le christianisme au commencement du douzieme siecle; nous ne pouvons mieux tracer en peu de mots leur origine, leurs sentimens, & leurs persécutions, que d'après l'auteur philosophe de l'essai sur l'histoire générale.

Les horreurs, dit - il, qui se commirent dans les croisades; les dissensions des papes & des empereurs, les richesses des monasteres, l'abus que tant d'évêques faisoient de leur puissance temporelle, révolterent les esprits, & leur inspirerent dès le commencement du douzieme siecle, une secrete indépendance, & l'affranchissement de tant d'abus. Il se trouva donc des hommes dans toute l'Europe, qui ne voulurent d'autres lois que l'Evangile, & qui précherent à - peu - près les mêmes dogmes que les Protestans embrasserent dans la suite. On les nommoit Vaudois, parce qu'il y en avoit beaucoup dans les vallées de Piémont; Albigeois, à cause de la ville d'Albi; Bonshommes, par la régularité & la simplicité de leur conduite; enfin Manichéens, nom odieux qu'on donnoit alors en général à toutes sortes d'hérétiques. On fut étonné vers la fin de ce même siecle, que le Languedoc fût tout rempli de Vaudois.

Leur secte étoit en grande partie composée d'une bourgeoisie réduite à l'indigence, tant par le long esclavage dont on sortoit à peine, que par les croisades en terre sainte. Le pape Innocent III. délegua en 1198. deux moines de Citeaux pour juger les herétiques, & nomma un abbé du même ordre pour faire à Toulouse les fonctions de l'évêque. Ce procedé indigna le comte de Foix & tous les seigneurs du pays, qui avoient déja goûté les opinions des réformateurs, & qui étoient également irrités contre la cour de Rome. L'abbé de Citeaux parut avec l'équipage d'un prince; ce qui ne contribua que davantage à soulever les esprits. Pierre de Castelnau, autre inquisiteur, fut accusé de se servir des armes qui lui étoient propres, en soulevant secrétement quelques voisins contre le comte de Toulouse, & en suscitant une guerre civile; cet inquisiteur fut assassiné en 1207, & le soupçon tomba sur le comte.

Le pape forma pour lors la croisade contre les Vaudois ou Albigeois; on en sait les événemens. Les croisés égorgerent les habitans de la ville de Béziers, réfugiés dans une église: on poursuivit par le fer & le feu les Vaudois qui oserent se défendre; au siege de Lavaur on fit prisonniers quatre - vingt gentils - hommes que l'on condamna tous à être pendus; mais les fourches patibulaires étant rompues, on abandonna les captifs aux croisés qui les massacrerent; on jetta dans un puits la soeur du seigneur de Lavaur, & on brula autour du puits trois cens habitans qui ne voulurent pas renoncer à leurs opinions. Les évêques de Paris, de Lizieux, de Bayeux, étoient accouru au siege de Lavaur pour gagner des indulgences.

Rien n'est si connu des amateurs de recherches, que les vers provençaux sur les Vaudois de ce temslà.

Que non volia maudir, ne jurar, ne mentir, N'occir, ne avourar, ne prenre de altrui, Ne stavengar de li suo ennemi, Los dizons qu'és Vaudez, & los fezons morir.

Ces vers sont d'autant plus curieux, qu'ils nous apprennent les sentimens des Vaudois. Enfin la fureur de la croisade s'éteignit, mais la secte subsista toujours, foible, peu nombreuse, & cachée dans l'obscurité, pour renaître quelques siecles après, avec plus de force & d'avantage.

Ceux qui resterent ignorés dans les vallées incultes qui sont entre la Provence & le Dauphiné, défricherent ces terres stériles, & par des travaux incroyables, les rendirent propres au grain & au pâturage. Ils prirent à cens les héritages des environs, & enrichirent leurs seigneurs. Ils furent pendant deux siecles dans une paix tranquille, qu'il faut attribuer uniquement à la lassitude de l'esprit humain, après qu'il s'est long - tems emporté au zèle affreux de la persécution.

Les Vaudois jouissoient de ce calme, quand les réformateurs de Suisse & d'Allemagne apprirent qu'ils avoient des freres en Languedoc, en Dauphiné, & dans les vallées de Piémont; aussi - tôt ils leur envoyerent des ministres, on appelloit de ce nom les desservans des églises protestantes: alors ces Vaudois furent trop connus, & de nouveau cruellement persécutés, malgré leur confession de foi qu'ils dédierent au roi de France.

Cette confession de foi portoit qu'ils se croyoient obligés de rejetter le baptême des petits - enfans, parce qu'ils n'ont pas la foi; de penser qu'il ne faut point adorer la croix, puisqu'elle avoit été l'instrument de la passion de Jesus - Christ; que dans l'eucharistie le pain demeuroit pain après la consecration, & que l'on fait tort à Dieu quand l'on dit que le pain est changé au corps de Christ; qu'ils ne reconnoissoient que deux sacremens, savoir le baptême & la cêne; qu'ils ne prioient point pour les morts; que le pape ni les prêtres n'ont point la puissance de lier & de délier; qu'il n'y a d'autre chef de la foi que notre Sauveur; qu'il est impie à tout homme sur la terre de s'attribuer ce privilege; enfin qu'aucune église n'a le droit de maîtriser les autres.

La réponse qu'on fit à cette confession de foi fut d'en traiter les sectateurs d'hérétiques obstinés, & de les condamner au feu. En 1540, le parlement de

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