ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"927"> tre de belle paille & de l'eau fraiche, qu'il y ait une cour qui ferme bien, de crainte qu'il ne sorte quelques chiens; on fait porter ordinairement le pain pour le souper des chiens, on le leur fait casser dans des vanettes, & on le leur porte dans l'endroit, on leur en donne autant qu'ils en veulent manger; il n'y auroit pas grand mal quand on leur casseroit le matin quelques pains sur la paille un peu avant de les coupler, ils en feroient mieux la route. Pour ne pas retarder la marche de l'équipage, il faut faire mener doucement les vieux chiens. Les limiers sont conduits par un valet de limier, un valet de chien à cheval & un valet de chien à pié, quand il y en a beaucoup, s'il y en a peu, un valet de chiens à cheval, & un à pié suffisent: en passant des forêts, si l'on fait bien, on les prend à la harde de peur qu'ils n'échappent, parce qu'ils sont moins dociles que les chiens de la meute; on prévient encore par - là bien d'autres accidens. Les lices sont menées par un valet de chien à pié la veille du départ: le boulanger part deux jours avant l'équipage, pour préparer le pain, la mouée, & tout ce qui concerne son état, afin que rien ne manque à l'arrivée de la meute. Le roi donne les voitures nécessaires pour porter dans les voyages les ustenciles du fourni, du chenil, & les bagages des officiers & autres de service.

Tous les officiers de la venerie doivent accompagner la meute en habit d'ordonnance, il doit y avoir un valet de limier devant l'équipage avec un fusil chargé pour tirer sur les chiens qui se trouveroient seuls sans maître, & qui auroient mauvaise mine, ou avertir ceux à qui les chiens appartiendroient de les prendre, les attacher, & s'éloigner du chemin; de même avertir les voitures de s'arrêter avant d'arriver à la meute: quand la route est longue, & qu'il n'y a point de bois à passer, on doit laisser les vieux chiens & les plus sages en liberté, & les autres doivent être couplés en arrivant; à l'entrée de quelque forêt il faut tout coupler, & que les chiens soient bien environnés de cavaliers, le fouet haut de crainte qu'ils n'éventent ou n'aient connoissance de voyes qui ne feroient que passer, ou des animaux; on ne fait faire à l'équipage que huit à dix lieues par jour, quelquefois douze, quand on va de Versailles à Compiegne; on a été coucher à la Chapelle, partir à minuit, rafraîchir à Garche, donner du pain & de l'eau aux chiens, envoyer les vieux chiens quatre heures devant la meute, le lendemain faire dix lieues, & tout arriver en bon état: cela s'est pratiqué dans les chaleurs du mois de Juin en 1764. A la moitié de la route, on fait rafraichir les valets de chiens, & donner du pain aux chiens; ceux de l'équipage qui veulent boir un coup, le font: tout cela est sur le compte du roi.

Meutes. Les meutes n'étoient pas si considérables anciennement, en nombre de chiens, qu'elles le sont aujourd'hui. Phoebus faisoit mener à la chasse plusieurs especes de chiens, outre les chiens courans, il avoit des levriers, des allans qui servoient à arrêter & terrasser les animaux, apparament qu'il les faisoit donner avec les levriers dans des détroits, plaines ou futayes.

Fouilloux, & Charles IX. ne disent rien de positif sur le nombre des chiens dont les meutes étoient composées; on faisoit six relais chacun d'environ six chiens, ils étoient conduits chacun par un gentilhomme & son domestique à l'endroit qu'on leur destinoit: il y avoit, selon les apparences, autant de meutes de chiens que de relais, ce qui pouvoit aller environ à soixante chiens à la chasse; suivant cet état, il falloit que la meute fût composée de quatre - vingt chiens; il y en a toujours de boiteux d'une chasse à l'autre, des malades, fatigués, & lices en chaleur; c'est aussi le nombre que Salnove donne à<cb-> peu - près aux meutes de son tems; on faisoit de même six relais. Il dit, ch. 9. qu'il a vu plusieurs années dans la meute du Roi jusqu'au nombre de trente chiens découplés ou laissés courre, n'y ayant qu'un seul valet de chien devant eux qui tenoit deux houssines en ses mains, suivant celui qui laissoit courre avec son limier qui chassoit de gueule, en renouvellant de voies lancer le cerf & sonner pour donner les chiens qui pourtant ne passoient pas que le valet de chien ne se fût détourné à droit ou à gauche, & qu'il n'eût laissé tomber ces houssines à terre, ou au - moins fort bas. Du tems de Salnove on menoit donc à la chasse environ 60 chiens, puisqu'il y en avoit trente de meute, & six relais qui ne doivent pas moins être que de cinq ou six chiens chacun. Ligniville dit que le nombre de vingt - cinq chiens suffit pour forcer ce qu'ils ameutent & chassent.

Le même dit aussi avoir dressé & ajusté des meutes de cinquante à soixante chiens par les regles de vénerie qui étoient très - bien au commandement & obéissans à la voix des veneurs.

Toutes les meutes bien dressées dont il parle, n'étoient que de cinquante à soixante chiens, entre autres celle de M. le prince de Conti, & celle du cardinal de Guise, qu'il avoit vues les premieres, & qui chassoient si juste qu'elles prenoient par tout pays un cerf. Les meutes de M. de Soissons & de M. le duc de Vendôme, qui avoient été dressées par messieurs de S. Cer, & M. de Carbignac, veneurs d'Henri IV. prenoient quelquefois 50 à 60 cerfs sans en manquer un.

Il a vu en Angleterre les chiens de sa majesté britannique prendre un cerf qui se mêloit avec plus de 2 ou 300 dains, & avec plus de 100 cerfs, desquels les chiens le séparoient partout, & pas un chien ne tournoit au change. Ils séparoient l'animal qu'ils chassoient également à vûe, comme par les voies.

Avec les mêmes chiens, il a vu le lendemain attaquer un dain, le chasser, se mêler avec des hardes de cerfs & de dains, le séparer partout, & le prendre.

Ils chassoient tous les jours, hors le dimanche, le cerf ou le dain. Ils ne faisoient point de relais; on attaquoit avec toute la meute, sans en manquer un. Ils avoient la précaution en Angleterre de les faire porter où le roi vouloit chasser, dans des carrosses faits exprès; on les rapportoit de même. Les veneurs en Angleterre, n'alloient point aux bois pour y détourner le cerf; ils ne s'appliquoient point à avoir les connoissances du pié, ni des fumées, & ne se servoient point de limiers; ils menoient leur meute dans les parcs; attaquoient un cerf ou un dain dans les hardes d'animaux, où le gros des chiens tournoit les autres, s'y rallioient & ne se séparoient plus.

Le roi Jacques demanda à Henri IV. de lui envoyer des plus habiles de ses veneurs, pour montrer aux siens les connoissances du pié du cerf, & la maniere de le détourner & le laisser courre avec le limier, afin qu'il pût courre dans les forêts de ses états, & plus dans des lieux fermés comme ses parcs, où jusque - là il avoit toujours couru, & n'avoit pu connoître les cerfs qu'en les voyant. Le roi y envoya messieurs de Baumont, du Moustier, & quelques valets de limiers: depuis de S. Ravy & plusieurs autres bons chasseurs, y sont allés.

Les veneurs que Ligniville a connus en Angleterre, étoient des plus habiles pour dresser des meutes; il en fait un grand éloge, & si les jeunes veneurs faisoient quelques fautes volontaires, ou par ignorance, que le roi en eût connoissance, il donnoit aussitôt des ordres pour y remédier. Il assure avoir beaucoup appris en ayant vu chasser la meute du roi d'Angleterre pendant 4 ou 5 mois, avec tout l'ordre & regles de chasses possibles, & que les veneurs anglois distinguoient le cerf qu'ils avoient attaqué, quand [p. 928] il se mêloit dans des hordes d'autres cerfs, à ne s'y pas tromper.

Salnove, ch. ix. dit que la meute du roi étoit de chiens blancs, qui étoient d'une sagesse & hardiesse admirables; que dans les forêts de S. Germain, de Fontainebleau & de Mouceaux, où il y avoit une quantité de cerfs innombrable; ils chassoient un cerf quatre ou cinq heures. Quand il se mêloit avec 5 ou 600 cerfs, ils le séparoient, le maintenoient parmi tout ce change jusqu'à ce qu'ils l'eussent porté par terre.

Aucun auteur n'a écrit avec tant de détail pour former de bons veneurs & dresser les meutes, que M. de Ligniville: ce qu'il en dit est très - instructif.

Pour faire une bonne meute, il observoit de n'avoir que 50 à 60 chiens, tous du même pié. Quand il avoit un chien qui étoit - trop vîte, qui avoit toujours la tête bien loin devant les autres, il lui faisoit mettre un collier avec trois plates longes traînantes, sur lesquelles le chien en courant mettoit les piés de derriere; il lui faisoit baisser le col, & arrêtoit sa grande vîtesse, & le faisoit aller du même pié que les autres. Il y en a eu a qui l'on a mis des colliers de plomb de trois à quatre livres; mais cela fatigue trop un chien (j'adopterois plutôt la plate longe). Quand un chien coupoit par ambition pour être à la tete, il ne le gardoit pas dans sa meute; il vouloit que ses chiens chassassent toujours ensemble: pour peu qu'il remarquât qu'ils fissent une file, il faisoit arrêter la tête, & attendoit les autres jusqu'au dernier, cela arrive souvent dans la chasse, comme quand le maître étoit éloigné, ou à attendre un relais qui avançoit. Il vouloit que ses veneurs fussent toujours collés aux chiens, sans les presser; quand les chiens étoient à bout de voie à un retour, ils remarquassent s'il n'y en avoit pas quelqu'un qui trouvât le retour plutôt que le gros de la meute, & qui s'en allât, pour lors il envoyoit l'arrêter jusqu'à ce que tous fussent ralliés. Il y a des chiens qui sentent la voie double, qui ne se donnent pas la peine d'aller jusqu'au bout du retour, qui abregent par ce moyen, & s'en vont seuls. Mais pour faire de belles chasses il faut que tous les chiens soient ensemble, ils en chassent bien mieux & à plus grand bruit; & jamais ne chassent si bien quand ils sentent la voie foulée par d'autres qui sont devant eux, cela les décourage. Le veneur étant bien à ses chiens, remarque quand le cerf est accompagné, les bons chiens balancent, les timides demeurent; c'est pour lors qu'il doit les laisser faire, sans trop les échauffer, ni intimider, jusqu'à ce que le cerf soit séparé du change, ce qu'il remarquera à ses bons chiens qui renouvellent de gaieté, & crient bien mieux.

Si le cerf étant accompagné, pousse le change & fait un retour, les chiens qui ne sont point encore sages percent en avant, & emmenent les autres; mais le veneur attentif au mouvement de ses chiens, observera que les bons chiens tâtent les branches, pissent contre, si on ne les anime pas trop, croyant que le cerf perce; vous les verrez revenir chercher la voie de leur cerf. Pour lors il faut envoyer rompre les chiens qui s'en vont en avant après le change. Pendant ce tems vous retournez dans vos voies juste, jusqu'à ce qu'avec vos bons chiens vous ayez trouvé la voie, ou ayez relancé. Quand vos chiens sont bien juste dans le droit, vous les arrêtez pour attendre qu'on vous rallie ceux qui ont tourné au change; & quand tout est bien rallié, vous laissez chasser vos chiens bien ensemble; on les appuie; on parle aux bons; on sonne: cela fait la chasse belle, & accoutume les chiens à chasser ensemble, les rend obéissans, les fait sages, & les dresse. Les vieux & les bons apprennent aux jeunes, à bout de voie, à retourner dans les chemins, routes ou plaines; à mettre le nez à terre pour être juste à la voie. Je dis que les vieux apprennent aux jeunes, c'est quand la meute est à bout de voie, les vieux retournent la chercher dans les chemins, mettent le nez à terre & crient, les jeunes vont à eux; apprennent que quand on est à bout de voie il faut retourner pour la retrouver, l'ayant vu faire aux bons chiens, & dans les routes ou chemins qu'un cerf aura longé, les vieux s'en rabattent, chassent & crient, les jeunes mettent aussi le nez à terre, & s'accoutument à chasser dans tous les endroits, & se forment ainsi.

Il faut une distance convenable pour parler & appuyer les chiens, les tenir en obéissance, les faire chasser ensemble; ne jamais attendre qu'ils soient trop éloignés; il les faut tenir dans la justesse de vénerie; ne les pas trop presser; les appuyer à côté de la voie. Si les veneurs vont dans la voie du cerf, ils courent risque de passer sur le corps des derniers chiens, de les rouler & de les estropier (ce que j'ai vu arriver); & les chiens qui viennent derriere dans la voie, ne chassent plus avec le même plaisir, sentant la voie foulée par les cavaliers.

Il faut observer que quand on découple la meute dans la voie du cerf, il y faut être bien juste; car au - dessus ou au - dessous, les chiens s'en vont de fougue, sans voie, & attaquent tout ce qui leur part, & l'on a de la peine à les y remettre. Cela fait le commencement d'une vilaine chasse, les veneurs ne se doivent mettre à la queue de leurs chiens qu'après que le dernier sera découplé.

Ligniville dit qu'il a été plus de dix ans à avoir peu de plaisir à la chasse, pour trop mettre de jeunes chiens dans sa meute, & qu'il s'en revenoit souvent sans rien prendre. Le tems, l'expérience & l'exercice lui ont dessillé les yeux; depuis il n'en a mis que ce que la nécessité exige, & lesquels ont été mieux dressés & ajustés à ceux du petit nombre: la quantité nuit beaucoup.

Il en mettoit tous les ans la sixieme partie de sa meute; dans une meute composée de 60 chiens, il en mettoit 10 de la même taille, même race & même vîtesse.

Il dit encore que pour forcer un cerf il falloit science de veneur & force de chiens; qu'il ne faut pas laisser soustraire sa meute en donnant par trop ses chiens, sous espérance d'avoir force jeunesse à mettre au chenil; ne jamais se défaire de la tête de la meute, ni des chiens de confiance: il faut peu de chose pour mettre une meute en désordre. Il faut l'âge, la vie, le soin & le travail d'un vrai bon veneur pour la rendre excellente.

Il ajoute qu'il faut exercer les chiens deux ou trois fois la semaine; que ceux qui ont besoin de repos doivent être à la discrétion du veneur; combien de jours de repos il leur faut pour être en corps raisonnable, pour avoir force, haleine & sentiment dans les chaleurs. S'ils sont par trop défaits, ils n'ont pas assez de force; s'ils sont trop pleins, ils manquent d'haleine & de sentiment.

Des lices ouvertes pour en tirer race. Si vous voulez avoir de beaux chiens, dit Fouilloux, ch. vij. ayez une bonne lice qui soit de bonne race, forte & proportionnée de ses membres, ayant les côtés & les flancs grands & larges. Pour la faire venir en chaleur; prenez deux têtes d'aulx, un demi rognon du dehors d'un castor, avec du jus de cresson alénois, une douzaine de mouches cantharides; faites bouillir le tout ensemble dans un pot tenant une pinte, avec de la chair de mouton, & faites en boire deux ou trois fois en potage à la lice, elle deviendra en peu de tems en chaleur, & faites - en autant au chien pour le réchauffer; il faut tâcher de la faire couvrir s'il est possible, dans le pleins cours de la lune Le même auteur prétend, que si l'on donne pendant neuf

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