ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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VELLEIEN (Page 16:880)

VELLEIEN, adj. (Gramm. & Jurisprud.) ou sénatus - consulte velleïen, est un decret du sénat, ainsi appellé parce qu'il fut rendu sous le consulat de M. Sillanus & de Velleius Tutor, du tems de l'empereur Claude, par lequel on restitua les femmes contre toutes les obligations qu'elles auroient contractées pour autrui, & qu'on auroit extorquées d'elles par violence, par autorité & par surprise, pourvu qu'il n'y eût eu aucune fraude de leur part.

On entend aussi quelquefois par le terme de velleïen simplement, le bénéfice accordé par ce sénatusconsulte.

Les lois romaines n'avoient pas d'abord porté les précautions si loin que ce sénatus - consulte en faveur des femmes & filles.

La loi julia permettoit au mari de vendre les biens dotaux de sa femme, pourvu qu'elle y donnât son consentement; il lui étoit seulement défendu de les hypothéquer, du consentement même de sa femme, parce qu'on pensa qu'elle se prêteroit plus volontiers à l'hypotheque de ses fonds qu'à la vente.

Cette loi n'avoit portéses vues que sur le fonds dotal, & non sur les meubles & choses mobiliaires même apportées en dot, elle ne concernoit d'ailleurs que les fonds dotaux situés en Italie; mais quelques<pb-> [p. 881] uns tiennent que la femme qui étoit sur le point de se marier, pouvoit prendre certaines précautions par rapport à ses sonds dotaux qui étoient situés hors l'Italie.

Quoi qu'il en soit, elle avoit toute liberté de disposer de ses paraphernaux, & conséquemment de s'obliger jusqu'à concurrence de ses biens, bien entendu que l'obligation fût contractée par la femme pour elle - même, & non pour autrui.

En effet, il fut d'abord défendu par des édits d'Auguste & de Claude, aux femmes de s'obliger pour leurs maris.

Cette défense ne fut faite qu'aux femmes mariées, parce que dans l'ancien droit que l'on observoit encore en ces tems - là, toutes les personnes du sexe féminin étoient en tutelle perpétuelle, dont elles ne sortoient que lorsqu'elles passoient sous l'autorité de leurs maris; c'est pourquoi la prohibition de cautionner ne pouvoit concerner que les femmes mariées.

Mais sous l'empereur Claudius, les filles & les veuves ayant été délivrées de la tutelle perpétuelle, tout le sexe feminin eut besoin du même remede, la pratique s'en introduisit sous le consulat de M. Silanus & de Velleïus Tutor, & elle fut confirmée par l'autorité du sénat.

Le decret qu'il fit à cette occasion est ce que l'on appelle le sénatus - consulte velleien.

Il fut ordonné par ce decret que l'on observeroit ce qui avoit été arrêté par les consuls Marcus Silanus & Velleïus Tutor, sur les obligations des femmes qui se seroient engagées pour autrui; que dans les fidéjussions ou cautionnemens & emprunts d'argent que les femmes auroient contractés pour autrui, l'on jugeoit anciennement qu'il ne devoit point y avoir d'action contre les femmes, étant incapables des offices virils, & de se lier par de telles obligations; mais le sénat ordonna que les juges devant lesquels seroient portées les contestations au sujet de ces obligations, auroient attention que la volonté du sénat fût suivie dans le jugement de ces affaires.

Le jurisconsulte Ulpien, qui rapporte ce fragment du sénatus - consulte velleïen, applaudit à la sagesse de cette loi, & dit qu'elle est venue au secours des femmes à cause de la foiblesse de leur sexe, & qu'elles étoient exposées à être trompées de plus d'une maniere; mais qu'elles ne peuvent invoquer le bénéfice de cette loi s'il y a eu du dol de leur part, ainsi que l'avoient décidé les empereurs Antonin le pieux & Sévere.

Cette loi, comme l'observent les jurisconsultes, ne refuse pas toute action contre la femme qui s'est obligée pour autrui; elle lui accorde seulement une exception pour se défendre de son obligation, exception dont le mérite & l'application dépendent des circonstances.

Le bénéfice ou exception du relleïen a lieu en faveur de toutes les personnes du sexe, soit filles, femmes ou veuves, contre toutes sortes d'obligations verbales ou par écrit; mais il ne sert point au débiteur principal, ni à celui pour qui la femme s'est obligée.

Plusieurs jurisconsultes tirent des annotations sur le sénatus - consulte velleïen, ainsi qu'on le peut - voir dans le titre du digeste ad S. C. velleianum.

L'empereur justinien donna aussi deux lois en interprétation du velleïen.

La premiere est la loi 22. au cod. ad S. C. velleianum, par laquelle il ordonne que si dans les deux années du cautionnement fait par la femme, pour autre néanmoins que pour son mari, elle approuve & ratifie ce qu'elle a fait, telle ratification ne puisse rien opérer, comme étant une faute réitérée, qui n'est que la suite & la conséquence de la premiere.

Mais cette même loi veut que si la femme ratifie après deux ans, son engagement soit valable, ayant en ce cas à s'imputer de l'avoir ratifiée après avoir eu un tems suffisant pour la réflexion.

Cette loi de Justinien ne regardoit que les intercessions des femmes faites pour autres que pour leurs maris; car par rapport aux obligations faites pour leurs maris, Justinien en confirma la nullité par sa novelle 134. chap. viij. dont a été formée l'authentique si quoe mulier, insérée au code ad senatus - consult. velleianum.

La disposition de ces lois a été long - tems suivie dans tout le royaume.

Le parlement de Paris rendit le 29 Juillet 1595, un arrêt en forme de réglement, par lequel il fut enjoint aux notaires de faire entendre aux femmes qu'elles ne peuvent s'obliger valablement pour autrui, sur - tout pour leurs maris, sans renoncer expressément au bénéfice du velleïen, & de l'autentique si quoe mulier, & d'en faire mention dans leurs minutes, àpeine d'en répondre en leur nom, & d'être condamnés aux dommages & intérêts des parties.

Mais comme la plupart des notaires ne savoient pas eux mêmes la teneur de ces lois, ou ne les savoient pas expliquer, que d'ailleurs ces sortes de renonciation n'étoient plus qu'un style de notaire, le roi Henri IV. par un édit du mois d'Août 1606, fait par le chancelier de Sillery, abrogea la disposition du sénatus - consulte velleïen de l'autentique si quoe mulier, fit défenses aux notaires d'en faire mention dans les contrats des femmes, & déclare leurs obligations bonnes & valables, quoique la rénonciation au velleïen & à l'autentique n'y fussent point insérées.

Cet édit, quoique général pour tout le royaume, ne fut enregistré qu'au parlement de Paris. Il est observé dans le ressort de ce parlement, tant pour le pays de droit écrit, que pour les pays cotumiers.

Il y a cependant quelques coutumes dans ce parlement, où les femmes ne peuvent s'obliger pour leurs maris; telles sont celles d'Auvergne, de la Marche & du Poitou, dont les dispositions sont demeurées en vigueur, l'édit de 1606 n'ayant dérogé qu'à la disposition du droit, & non à celle des coutumes.

La déclaration du mois d'Avril 1664 déclare, qu'à la vérité les obligations passées sans force ni violence par les femmes mariées à Lyon & dans les pays de Lyonnois, Mâconnois, Forès & Beaujolois, seront bonnes & valables, & que les femmes pourront obliger tous leurs biens dotaux ou paraphernaux mobiliers & immobiliers, sans avoir égard à la loi julia, que cette déclaration abroge à cet égard.

On tient que cette déclaration sut rendue à la sol'icitation du sieur Perrachon, pour - lors fermier général de la généralité de Lyon, qui la demanda pour avoir une plus grande sûreté sur les biens des sousfermiers, en donnant à leurs femmes la liberté d'engager leurs biens dotaux, & en les faisant entrer dans les baux.

Cette déclaration n'ayant été faite que pour les pays du Lyonnois, Forès, Beaujolois & Mâconnois, elle n'a pas lieu dans l'Auvergne, quoique cette province soit du parlement de Paris, la coutume d'Auvergne ayant une disposition qui défend l'aliénation des biens dotaux.

L'édit de 1606 qui valide les obligations des femmes, quoiqu'elles n'ayent point rénoncé au velleïen & à l'autentique si quoe mulier, est observé au parlement de Dijon depuis 1609, qu'il y fut enregistré.

Les renonciations au velleïen & à l'autentique ont aussi été abrogées en Bretagne par une déclaration de 1683, & en Franche - Comté par un édit de 1703.

Le sénatus - consulte velleïen est encore en usage dans tous les parlemens de droit écrit; mais il s'y pratique différemment.

Au parlement de Grénoble la femme n'a pas be<pb-> [p. 882] soin d'avoir recours au bénéfice de restitution pour étre relevée de son obligation.

Dans les parlemens de Toulouse & de Bordeaux, elle a besoin du bénéfice de restitution, mais le tems pour l'obtenir est différent.

Au parlement de Toulouse elle doit obtenir des lettres de rescision dans les dix ans, on y juge même qu'elle ne peut renoncer au sénatus consulte velleïen, ce qui est contraire à la disposition du droit.

Au parlement de Bordeaux, le tems de la restitution ne court que du jour de la dissolution du mariage; néanmoins si l'obligation ne regardoit que les paraphernaux, que le mari n'y fût pas inréressé, les dix ans courroient du jour du contrat.

En Normandie, le sénatus - consulte velleïen n'a lieu qu'en vertu d'un ancien usage emprunté du droit romain, & qui s'y est conservé; car l'édit de 1606 n'a point été régistré au parlement de Rouen; le sénatus - consulte velleïen y est même observé plus rigoureusement que dans le droit romain; en effet, la rénonciation de la femme au bénéfice de cette loi, n'y est point admise, & quelque ratification qu'elle puisse faire de son obligation, même après les dix années, elle est absolument nulle, & on la déclare telle, quoiqu'elle n'ait point pris de lettres de rescision.

Le sénatus - consulte velleïen est considéré comme un statut personnel, d'où il suit qu'une fille, femme, ou veuve domiciliée dans un pays où cette loi est observée, ne peut s'obliger elle ni ses biens pour autrui, en quelque pays que l'obligation soit passée, & que les biens soient situés. Voyez au digeste & au code, les tit. ad senatus - consultum velleïanum, la novelle 134. cap. viij. Pausus, ij. 11. Lucius, Fillau, Duperier, le Brun, Stokmans, Coquille, Lapeyrere, Hevin, Bretonnier Froland, Boulenois, & les mots Femme, Obligation, Dot, Loi julia (A)

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