ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"831"> cependant cassante, & comme coriace à l'extérieur. La pulpe qui est en dedans, est roussâtre, remplie d'une infinité de petits grains, noirs, luisans; elle est un peu âcre, grasse, aromatique, ayant l'odeur agréable du baume du Pérou: on nous l'apporte du Pérou & du Méxique; elle vient dans les pays les plus chaux de l'Amérique, & principalement dans la nouvelle Espagne; on la prend sur des montagnes accessibles aux seuls Indiens, dans les lieux où il se trouve quelque humidité.

Ses especes. On distingue trois sortes principales de vanilles; la premiere est appellée par les Espagnols, pompona ou bova, c'est à - dire enflée ou bouffie; celle de leq, la marchande ou de bon aloi; la simarona ou bâtarde; les gousses de la pompona sont grosses & courtes; celles de la vanille de leq, sont plus déliées & plus longues; celles de la simarona sont les petites en toute façon.

La seule vanille de leq est la bonne; elle doit être d'un rouge brun foncé, ni trop noire, ni trop rousse, ni trop gluante, ni trop desséchée; il faut que ses gousses quoique ridées, paroissent pleines, & qu'un paquet de cinquante pese plus de cinq onces; celles qui en pese huit est la sobrebuena, l'excellente. L'odeur en doit être pénétrante & agréable; quand on ouvre une de ces gousses bien conditionnée & fraîche, on la trouve remplie d'une liqueur noire, huileuse & balsamique, où nagent une infinité de petits grains noirs, presque absolument imperceptibles, & il en sort une odeur si vive, qu'elle assoupit, & cause une sorte d'ivresse. La pompona a l'odeur plus forte, mais moins agréable; elle donne des maux de tête, des vapeurs, & des suffocations. La liqueur de la pompona est plus fluide, & ses grains plus gros, ils égalent presque ceux de la moutarde. La simarona a peu d'odeur, de liqueur & de grains.

On ne vend point la pompona, & encore moins la simarona, si ce n'est que les Indiens en glissent adroitement quelques gousses parmi la vanille de leq. On doute si les trois sortes de vanilles en question, sont trois especes, ou si ce n'en est qu'une seule, qui varie selon le terroir, la culture & la saison où elle a été cueillie.

Dans toute la nouvelle Espagne, ou ne met point de vanille au chocolat; elle le rendroit mal sain, & même insupportable; ce n'est plus la même chose quand elle a été transportée en Europe. On a envoyé à nos curieux des échantillons d'une vanille de Caraca & de Maracaybo, villes de l'Amérique méridionale; elle est plus courte que celle de leq, moins grosse que la pompona, & paroît de bonne qualité; c'est apparemment une espece différente: on parle aussi d'une vanille du Pérou, dont les gousses sechées sont larges de deux doigts, & longues de plus d'un pié; mais dont l'odeur n'approche pas de celles des autres, & qui ne se conserve point.

Lorsque les vanilles sont mûres, les Méxiquains les cueillent, les lient par les bouts, & les mettent à l'ombre pour les faire sécher; lorsqu'elles sont féches & en état d'être gardées, ils les oignent extérieurement avec un peu d'huile pour les rendre souples, les mieux conserver, empêcher qu'elles ne se séchent trop, & qu'elles ne se brisent. Ensuite ils les mettent par paquets de cinquante, de cent, ou de cent cinquante, pour nous les envoyer.

Prix & choix de la vanille. Le paquet de vanille composé de cinquante gousses, se vend à Amsterdam depuis dix jusqu'à vingt florins, c'est - à - dire depuis vingt & une jusqu'à quarante - deux livres de notre monnoie, suivant la rareté, la qualité, ou la bonté: on donne un pour cent de déduction pour le prompt payement. On choisit les vanilles bien nourries, grosses, longues, nouvelles, odorantes, pesantes, un peu molles, non trop ridées ni trop huileuses à l'ex<cb-> térieur; il ne faut pas qu'elles ayent été mises dans un lieu humide, car alors elles tendroient à se moisir, ou le seroient déjà; elles doivent non - seulement être exemptes du moisi, mais être d'une agréable odeur, grasses & souples. Il faut encore prendre garde qu'elles soient égales, parce que souvent le milieu des paquets n'est rempli que de petites vanilles seches & de nulle odeur; la graine du dedans qui est extrêmement petite, doit être noire & luisante: on ne doit pas rejetter la vanille qui se trouve couverte d'une fleur saline, ou de pointes salines très - fines, entierement semblables aux fleurs de benjoin: cette fleur n'est autre chose qu'un sel essentiel dont ce fruit est rempli, qui sort au - dehors quand on l'apporte dans un tems trop chaud.

Quand on laisse la vanille mure trop long - tems sur la plante sans la cueillir, elle creve, & il en distille une petite quantité de liqueur balsamique, noire & odorante, qui se condense en baume: on a soin de la ramasser dans de petits vases de terre, qu'on place sous les gousses: nous ne voyons point en Europe de ce baume, soit parce qu'il ne se conserve pas dans le transport, soit parce que les gens du pays le retiennent pour eux, soit parce que les Espagnols se le réservent.

Falsification de la vanille. Dès qu'il n'en sort plus de liqueur balsamique, il y a des Méxiquains qui connoissant le prix qu'on donne en Europe à la vanille, ont soin, après avoir cueilli ces sortes de gousses, de les remplir de paillettes & d'autres petits corps étrangers, & d'en boucher les ouvertures avec un peu de colie, ou de les coudre adroitement; ensuite ils les font sécher, & les entremêlent avec la bonne vanille. Les gousses ainsi falsifiées, n'ont ni bonté ni vertu. & nous ne manquons pas d'en rencontrer quelquefois de telles, avec les autres bonnes siliques.

Noms botaniques de la plante à vanille. Cette plante a les noms suivans dans les livres de botanique.

Volubilis, siliquosa, mexicana, foliis plantaginis, Raii, hist. 1330.

Aracus aromaticus... Tlixochitl, seu flos niger, mexicanis dictus, Hermand 38.

Lathyrus mexicanus, siliquis longissimis, moschatis, nigris, Ammon. char. plant. 436.

Lobus oblongus, aromaticus. Cat. jam. 70.

Lobus aromaticus, subfuscus, terebenthi corniculis similis. C. B. P. 404.

Lobus oblongus, aromaticus, odore ferè belzuini, J. B. I. 428.

Descriptions de cette plante. Nous n'avons point encore de description exacte de la plante qui fournit la vanille du Méxique, de ses caracteres, & de ses especes.

Les uns la rangent parmi les lierres; selon eux, sa tige a trois ou quatre lignes de diametre, & n'est pas tout - à fait ronde. Elle est assez dure, sans être pour cela moins liante & moins souple; l'écorce qui la couvre est fort mince, fort adhérente, & fort verte; la tige est partagée par des noeuds éloignés les uns des autres de six à sept pouces; c'est de ces noeuds que sortent les feuilles toujours couplées; elles ressemblent beaucoup pour la figure à celles du laurier, mais elles sont bien plus longues, plus larges, plus épaisses, & plus charnues; leur longueur ordinaire est de cinq à six pouces, sur deux & demi de large; elles sont fortes & pliantes comme un cuir, d'un beau verd vif, & comme vernissées par - dessus, & un peu plus pâles par - dessous.

Hermandez, dont le témoignage paroît être ici d'un grand poids, prétend que cette herbe est une sorte de liseron, qui grimpe le long des arbres, & qui les embrasse; ses feuilles ont, suivant lui, onze pouces de longueur ou de largeur, sont de la figure [p. 832] des feuilles de plantin, mais plus grosses, plus longues, & d'un verd plus foncé; elles naissent de chaque côté de la ligne alternativement; ses fleurs sont noirâtres.

Plusieurs autres botanistes soutiennent que la plante de la vanille ressemble plus à la vigne qu'à aucune autre; du moins, c'est ce qui a été certifié par le pere Fray Ignatio de sancta Theresa de Jesus, carme déchaussé, qui ayant long - tems résidé dans la nouvelle Espagne, arriva à Cadix en 1721, pour passer à Rome; ce religieux plus éclairé & plus curieux en physique que ses compatriotes, se fit apporter par quelques valets indiens un grand sep de la plante où croit la vanille.

Comme il avoit déjà quelques connoissances sur cette plante, il appliqua son sep à un grand arbre, & entrelaça dans les branches de cet arbre tous les rejettons ou pampres du sep. Il en avoit laissé le bout inférieur élevé de 4 ou 5 doigts de terre, & l'avoit couvert d'un petit paquet de mousse seche pour le défendre de l'air. En peu de tems la seve de l'arbre pénétra le sep, & le fit reverdir; au bout d'environ deux mois il sortit à travers le paquet de mousse, 5 ou 6 filamens qui se jetterent en terre: c'étoient des racines qui devinrent grosses comme des tuyaux de plumes au plus. Au bout de deux ans le sep produisit des fleurs, & puis des vanilles qui mûrirent.

Les feuilles sont longues d'un demi - pié, larges de trois doigts, obtuses, d'un verd assez obscur; les fleurs sont simples, blanches, marquetées de rouge & de jaune.

Quand elles tombent, les petites gousses ou vanilles, commencent à pousser; elles sont vertes d'abord, & quand elles jaunissent on les cueille. Il faut que la plante ait trois ou quatre ans pour produire du fruit.

Les sarmens de la plante rampent sur la terre comme ceux de la vigne, s'accrochent de même, s'entortillent aux arbres qu'ils rencontrent, & s'élevent par leurs secours. Le tronc avec le tems devient aussi dur que celui de la vigne; les racines s'étendent & tracent au loin dans la terre; elles poussent des rejettons qu'on transplante de bouture au pié de quelque arbre, & dans un lieu convenable: cette plantation se fait à la fin de l'hiver, & au commencement du printems.

Ce qu'il y a de singulier, c'est que, comme on a déjà vu que le pratiqua le P. Ignatio, on ne met pas le bout du sarment en terre, il s'y pourriroit. La plante reçoit assez de nourriture de l'arbre auquel elle est attachée, & n'a pas besoin des sucs que la terre fourniroit. La seve des arbres dans ces pays chauds de l'Amérique, est si forte & si abondante, qu'une branche rompue par le vent & jettée sur un arbre d'espece toute différente, s'y collera & s'y entera elle - même comme si elle l'avoit été par tout l'art de nos jardiniers; ce phénomène y est commun.

C'en est un autre commun aussi, que de gros arbres qui de leurs plus hautes branches, jettent de longs filamens jusqu'à terre, se multiplient par le moyen de ces nouvelles racines, & font autour d'eux une petite forêt, où le premier arbre, pere ou aïeul de tous les autres, ne se reconnoît plus; ces sortes de générations répétées, rendent souvent les bois impraticables aux chasseurs.

Description de la plante de vanille de S. Domingue. Cependant la plante de la vanille qui croît dans l'île de S. Domingue, que le R. P. Plumier décrit dans sa Botanique M. S. C. d'Amérique, n'est pas différente de celle dont Hermandez fait la description; mais celle du botaniste françois est aussi bien détaillée que l'autre l'est mal.

Ce pere l'appelle vanilla flore viridi & albo, fructu nigrescente, Plum. nov. plant. amer. 25. Les racl<cb-> nes de cette plante sont presque de la grosseur du petit doigt, longues d'environ deux piés, plongées dans la terre au loin & au large; d'un roux - pâle; tendres & succulentes; jettant le plus souvent une seule tige menue, qui comme la clématite, monte fort haut sur les grands arbres, & s'étend même au - dessus. Cette tige est de la grosseur du doigt, cylindrique, verte, & remplie intérieurement d'une humeur visqueuse; elle est noueuse, & chacun de ses noeuds donne naissance à une feuille.

Ces feuilles sont molles, un peu âcres, disposées alternativement, & pointues en forme de lance; longues de neuf ou dix pouces, larges de trois, lisses, d'un verd - gai, creusées en gouttiere dans leur milieu, & garnies de nervures courbées en arc. Lorsque cette plante est déjà fort avancée, des aisselles des feuilles supérieures il sort de longs rameaux garnis de feuilles alternes; lesquels rameaux donnent naissance à d'autres feuilles beaucoup plus petites.

De chaque aisselle des feuilles qui sont vers l'extrémité, il sort un petit rameau différemment genouillé; & à chaque genouillure se trouve une très - belle fleur, polypétale, irréguliere; composée de six feuilles, dont cinq sont semblables & disposées presqu'en rose. Ces feuilles de la fleur sont oblongues, étroites, tortillées, blanches en - dedans, verdâtres en - dehors. La sixieme feuille, ou le nectarium, qui occupe le centre, est roulée en maniere d'aiguierre, & portée sur un embryon charnu, un peu tors, semblable à une trompe. Les autres feuilles de la fleur sont aussi posées sur le même embryon, qui est long, verd, cylindrique, charnu. Il se change ensuite en fruit, ou espece de petite corne molle, charnue, presque de la grosseur du petit doigt; d'un peu plus d'un demi - pié de longueur; noirâtre lorsqu'il est mûr, & enfin rempli d'une infinité de très - petites graines noires. Les fleurs & les fruits de cette plante sont sans odeur.

On la trouve dans plusieurs endroits de l'île de S. Domingue: elle fleurit au mois de Mai. Cette vanille de S. Domingue ne paroit différer de celle du Mexique, dont Hermandez a fait la description, que par la couleur des fleurs, & par l'odeur des gousses: car la fleur de celle - là est blanche & un peu verte, & la gousse est sans odeur; mais la fleur de celle du Mexique, suivant la description d'Hermandez, est noire, & la gousse d'une odeur agréable.

Description de la plante de vanille de la Martinique. Le P. Labat assure dans ses voyages d'Amérique, qu'il a trouvé à la Martinique une autre espece de vanille, qu'il décrit ainsi. La fleur qu'elle produit est presque jaune, partagée en cinq feuilles, plus longues que larges, ondées & un peu découpées dans leur milieu. Il s'éleve du centre un petit pistil rond & assez pointu, qui s'alonge & se change en fruit. Cette fleur est à - peu - près de la grandeur & de la consistance de celle des pois; elle dure tout au plus cinq ou six jours, après lesquels elle se fanne, se seche, tombe & laisse le pistil tout nud, qui devient peu - à - peu une silique de cinq, six & sept pouces de long, plus plate que ronde, d'environ cinq lignes de large, & deux lignes d'épaisseur, de la figure à - peu - près de nos cosses d'haricots.

Cette silique est au commencement d'un beau verd, elle jaunit à mesure qu'elle mûrit, & devient tout àfait brune lorsqu'elle est seche; le dedans est rempli de petites graines rondes, presque imperceptibles & impalpables, qui sont rouges avant d'être mûres, & toutes noires dans leur maturité. Avant ce tems - là elles n'ont aucune odeur fort sensible, que celle de sentir le verd; mais quand elles sont mûres & qu'on les froisse entre les mains, elles rendent une petite odeur aromatique fort agréable.

Le même sait a été mandé à l'académie des Scien<pb->

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