ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

RECHERCHE Accueil Mises en garde Documentation ATILF ARTFL Courriel

Previous page

"803"> me le précédent, par une prudence & par une expérience vulgaire; car il ne suffit pas que l'artiste connoisse l'énergie d'une seule substance, qu'il a actuellement sous les sens, il faut qu'il prévoye tous les produits & les événemens divers de l'opération qu'il va exécuter, & qu'il emploie des vaisseaux tellement constitués, s'il est permis de s'exprimer ainsi, & tellement appareillés, qu'ils reçoivent & retiennent ces produits, qu'ils supportent & qu'ils moderent même ces événemens de la maniere la plus avantageuse qu'il est possible. Au reste, il y a sur ceci une espece de tradition dans l'art, & même des lois écrites qui laissent rarement l'artiste dans le cas de méditer ou de tenter beaucoup pour imaginer ou pour choisir la meilleure matiere des vaisseaux & le meilleur appareil. Ce n'est que dans les expériences nouvelles où il pourra avoir ce soin, dont il sera exempt encore, moyennant l'habitude des travaux chimiques & un peu de sagacité de talent, par la considération des travaux analogues sur des sujets analogues; & il n'arrivera point à un chimiste de distiller, comme M. Hales, du vitriol dans un canon de susil, sur - tout pour estimer l'air qui se dégorgera de ce corps par ce moyen, parce qu'il se souviendra que l'acide vitriolique, qui s'échappe dans cette opération, attaque le fer avec effervescence, c'est - à - dire émission d'air, & par conséquent porte nécessairement de l'erreur dans l'estimation de l'air réputé entierement fourni par la substance distillée. On trouvera dans différens articles de ce Dictionnaire, & nommément dans les articles particuliers de stines aux diverses opérations chimiques, les principales connoissances de détail nécessaires pour diriger convenablement cette partie de la pratique ou du manuel chimique. Il seroit inutile de répéter ici l'énumération de tous ces différens vaisseaux, dont on trouvera d'ailleurs un tableau, une distribution réguliere dans les planches de chimie. Voyez les Planches avec leur explication: on trouvera encore un article particulier pour chaque vaisseau.

Les Chimistes se sont des vaisseaux de terre cuite de poterie, comme les creusets, les têts à rôtir, des cornues, des cucurbites, &c. de verre, tels que des cornues, des alembics, toutes les especes de récipiens les plus employés, &c. de fer sondu, savoir des bassines & des cornues de diverses especes; de cuivre, comme grands alambics les plus ordinaires, des bassines, des réfrigérants, &c. de plomb, qui fournit les tuyaux des serpentins; d'étain, savoir les cucui bites pour le bain - marie avec leur chapiteau, &c. d'argent, des cucurbites, des bassines, &c. qu'on substitue avec avantage aux vaisseaux de cuivre qui sont beaucoup plus exposés que ceux d'argent à être entamés par divers sujets chimiques qu'on traite dans ces vaisseaux. Il y a telle opération pour laquelle les vaisseaux d'or seroient très - commodes, par exemple, une cloche à retenir l'acide du soufre, un serpentin pour la distillation des acides minéraux, &c. mais j'ai observé déjà dans quelque autre endroit de ce Dictionnaire, que la pauvreté chimique ne permettoit pas qu'on employât au - moins une fois ce précieux métal à un usage déduit de ses propriétés réelles; enfin les vaisseaux de bois peuvent servir à traiter les sujets chimiques même par l'application du feu; le tonneau distillatoire représenté dans les tables de chimie, & dont il est fait mention à l'article Distillation, en est l'exemple & la preuve.

Outre la considération principale qui détermine le choix de la matiere des vaisseaux, & dont nous avons parlé plus haut, savoir leur insolubilité par les matieres à l'action desquelles ils sont exposés dans chaque opération; outre cette considération, dis - je, il y en a deux autres très - générales pour les opérations qui s'exécutent par le moyen du feu, savoir que le vaisseau résiste au feu, qu'il ne s'y fonde ni éclate, ni se fêle, &c. & 2°. qu'il puisse suporter l'alternative du chaud & du froid qu'occasionnent l'abord libre de l'air, ou l'application faite à dessein d'un corps froid; voyez Réfrigérant & Distillation. Les vaisseaux de bonne terre sont ceux qui résistent le mieux au feu, & sur - tout lorsqu'ils sont lutés; voyez Lut. Le célebre M. Potte a donné sur cette partie importante de manuel chimique, une dissertation dont tous les objets de détail sont trop intéressans pour qu'elle soit susceptible d'extrait. Les artistes ne peuvent se dispenser de la connoître toute entiere; elle se trouve dans le quatrieme volume de la collection françoise de ses dissertations, sous ce titre: Essai sur la maniere de préparer des vaisseaux plus solides qui puissent soutenir le feu le plus violent, & qui soient les plus propres à contenir les corps en fusion.

Les vaisseaux de métal sont éminemment propres à supporter le rafraîchissement. Les vaisseaux de fer fondu supportent quelquefois le plus grand feu. Les vaisseaux de verre ont besoin d'être lutés pour résister au grand feu, & ils doivent être raffraîchis avec beaucoup de circonspection; enfin il y a encore une considération particuliere déduite de l'effort que des matieres très - expansibles, l'eau & l'air principalement, font quelquefois au - dedans des vaisseaux, qu'elles peuvent briser, faire sauter en éclat. Pour prévenir cet inconvénient on donne issue à cette matiere expansive, comme on le pratique dans les distillations, au moyen du petit trou du balon; voyez Distillation. Ou on emploie des vaisseaux capables de résister aux efforts de la vapeur engendrée au - dedans d'eux, comme lorsqu'on emploie un matras vigoureusement cuirassé, à la préparation de l'éther nitreux (voyez Ether nitreux); ou un vaisseau d'un métal fort épais, comme la machine ou digesteur de Papin. Voyez Digesteur. (b)

Vaisseaux (Page 16:803)

Vaisseaux, (Marine.) c'est un bâtiment de charpente construit d'une maniere propre à floter & à être conduit sur l'eau.

On distingue vaisseaux de guerre & vaisseaux marchands; la force & la grosseur des vaisseaux, & le nombre de canons qu'ils portent, distinguent les vaisseaux de guerre, des vaisseaux marchands.

Pour connoître l'ensemble & les principales parties d'un vaisseau, il faut voir la pl. I. de la Marine; fig. 1. & fig. 2. qui sont suffisantes, pour toutes les parties antérieures, & la Pl. IV. fig. 1. pour les parties intérieures. Voyez aussi les mots Construction & Rang. On ajoutera cependant ici quelques remarques particulieres sur la construction des vaisseaux en général.

Méthode générale des constructeurs. L'expérience est la base de toute les regles des constructeurs. Cette expérience consiste à comparer la bonté de différens bâtimens de divers gabarits, & à choisir une moyenne forme qui réunisse les diverses qualités de ces bâtimens. Ils se reglent encore sur les poissons, & ils s'imaginent que de tous les poissons, celui qui va le mieux, doit avoir la forme convenable à un parfait vaisseau. Ce poisson est selon eux le maquereau: ce sont les portions de cet animal que l'on doit suivre. Ainsi l'a du - moins fait un des plus fameux constructeurs françois: c'est M. Hendrick; & tel est son raisonnement. Le maquereau est cinq fois plus long que large, & sa partie la plus grosse est aux deux premieres parties de sa longueur, & les trois autres vont en diminuant jusqu'à la queue, d'où il conclud que les vaisseaux ayant cette proportion, doivent avoir la même légereté. Comme ce poisson est rond & assez épais, il veut qu'on n'épargne pas les façons aux vaisseaux; qu'on tienne son estime ronde, & qu'on lui donne beaucoup de hauteur. L'avantage qu'on retire de - là, selon lui, [p. 804] est que le sillage en est plus grand, parce que l'eau passe au - dessous des façons, & ne les choque pas. Outre cela, le plat & la rondeur des étains empêche un grand tangage ou roulis; ce qui est une qualité essentielle à la bonté d'un bâtiment. Ceux qui font les façons de derriere en poire, n'ont point, dit encore ce constructeur, ces précieux avantages.

D'après ces principes, M. Hendrick a établi ces proportions pour trouver la hauteur de l'étrave; partagez la quille en cinq parties égales; prenez - en une; joignez - là a la hauteur de la quille; ce sera la hauteur de l'étrave.

Pour déterminer sa quête, il faut partager la quille en douze parties égales, & en prendre une pour la quête.

Pour déterminer la hauteur de l'étambord, partagez la quille en neuf parties égales; deux de ces parties donneront cette hauteur sur la quille, en y comprenant celle de la mortaise faite sur cette quille, pour ce même étambord. La quête de cette partie du vaisseau doit être la huitiéme partie de sa propre hauteur.

On trouve la largeur du maître couple de dehors en - dehors, en partageant la longeur du vaisseau de dedans en - dedans, par le haut en sept parties égales, dont deux donneront la largeur du maître couple, de dehors en - dehors.

Pour avoir la hauteur du fond de cale, partagez le maître couple, de dehors en - dehors, en cinq parties égales.

Deux de ces parties donneront cette hauteur depuis la quille jusqu'au - dessus des baux, en ligne droite.

La hauteur du fond de cale, à prendre dessous la quille, donne la hauteur des façons.

Enfin, pour avoir la longueur de la lisse de hourdi, partagez le maître couple, de dehors en - dehors en trois parties égales, & prenez deux de ces parties.

L'auteur de ces regles a aussi prescrit les dimensions des principales pieces d'un vaisseau; savoir la quille, l'étambord, l'étrave, les varangues de fond, & les baux du premier pont.

La quille aura autant de pouces en largeur, qu'elle aura de fois sept piés & demi dans sa longueur; & sa hauteur en avant sera égale à une fois & demie sa largeur. A l'égard de sa hauteur en - arriere, on la détermine en partageant sa hauteur en - avant en quatre parties égales, & on en prend trois.

L'épaisseur de l'étrave est égale à la largeur de la quille; sa largeur a deux fois son épaisseur, & on augmente le haut d'un ¼ de sa largeur d'en - bas.

On donnera à l'épaisseur de l'étambord la largeur de la quille à son ordinaire; sa largeur d'en - bas aura trois fois son épaisseur, & sa largeur d'en - haut sera la moitié de celle d'en - bas.

La varangue de fond aura autant de largeur & d'épaisseur que la quille.

Et les baux du premier pont auront autant de quarré, que la varangue du fond a d'épaisseur.

Voici un exemple pour rendre sensible l'application de ces regles; je suppose qu'on veut bâtir un vaisseau de soixante pieces de canon.

La quille sera de 125 piés portant sur terre; sa largeur sera de 16 pouces ½, & sa hauteur de 24 pouces en - avant, & de 18 ½ en - arriere.

L'étrave aura 25 piés 3 pouces de hauteur, & 18 piés ½ de quête.

L'étambord aura 27 piés trois pouces de hauteur, & 3 piés 3 pouces de quête.

La longueur de l'étrave à l'étambord par haut dededans en - dedans sera de 133 piés.

La largeur du maître couple de - dehors en - dehors, sera de 38 piés 4 pouces.

La longueur de la lisse de hourdi sera de 25 piés & quelques lignes.

Quinze piés quatre pouces sont la hauteur du fond de cale.

La varangue de fond aura de hauteur 16 pouces ½ 2 piés 8 pouces d'acculement, jusqu'à la premiere lisse, & 12 pouces & quelques lignes d'épaisseur.

Et le ban du premier pont sera de 16 pouces ½ en quarré.

Comme tout l'art de la construction proprement dite consiste à bien placer la premiere lisse, M. Hendrick donne une regle particuliere à cet égard; c'est de partager la longueur de l'étrave en - de dans en trois parties égales, dont il prend la premiere, où il cloue la lisse qu'il conduit jusqu'au bout de la maîtresse varangue, & qu'il fait suivre jusqu'au bas de l'estive.

Ce constructeur ne manque pas de raisons pour appuyer ces regles; il prétend que les vaisseaux ainsi proportionnés, portent bien la voile; qu'ils sillent bien; qu'ils ont un grand fond de cale, capable de contenir beaucoup de vivres, & par - là propres aux voyages de long cours; que les batteries étant sort élevées au - dessus de l'eau, rendent le tangage plus doux, enfin qu'ils ne craignent point tant l'échouement que les autres vaisseaux.

Ces qualités sont sans doute excellentes; mais pour savoir si elles sont réunies par les regles ci - dessus prescrites, il faut lire les articles Construction & Tangage.

Mais quelle est la grandeur que doit avoir un vaisseau? C'est sur quoi M. Hendrick n'a pas jugé à - propos de s'expliquer.

La proportion que j'ai suivie dans cet ouvrage, est celle que les constructeurs ont adoptée d'apres l'expérience qui est la moins susceptible des fautes qu'on peut faire dans la construction. Un grand bâtiment a pourtant des avantages dont ne jouit pas un vaisseau médiocre. Premierement, il porte une grande charge, & ce qu'on y met est plus assûré que ce qu'on embarque dans un vaisseau médiocre. En second lieu, il résiste mieux à la tempête; & par ces deux raisons, il est très - utile pour les voyages de long cours. Enfin, dans un combat il peut, & par son équipage, & par son artillerie, qui sont nombreux, écarter aisément l'ennemi. Ainsi il est en état de se défendre quand un gros tems l'a séparé des autres vaisseaux, avec lesquels il formoit une flotte.

Voilà son beau côté: ses inconvéniens sont, 1°. d'être difficile à loger, parce qu'il y a peu de havre où il puisse entrer & y demeurer à l'abri des vents, & hors de l'insulte & des ennemis; 2°. d'être plus sensible à une mauvaise construction, les fautes augmentant à proportion de la grandeur du bâtiment; 3°. de tirer une grande quantité d'eau; de sorte qu'il est dangereux de siller la nuit près des côtes ou dans des lieux inconnus. Aussi les Anglois, les Hollandois, &c. qui estiment les grands vaisseaux, ne les ramenent jamais chez eux qu'en été, tems où les nuits sont courtes, & où l'on peut par conséquent reconnoître de loin les terres. A tout prendre, je ne serois pas partisan des grands vaisseaux: quelques avantages qu'ils ayent, l'architecture navale est encore trop imparfaite, pour s'exposer aux périls d'une mauvaise construction, qui est inévitable, comme on l'a éprouvé dans l'usage qu'on a fait de ces vaisseaux.

Des rangs des vaisseaux. On distingue les vaisseaux suivant leur grandeur, le nombre de leurs ponts, leur port, & la quantité de canons dont ils sont montés, & on les divise par rangs. Il y en a cinq en France: par deux ordonnances du roi de 1670 & de 1688, ces vaisseaux sont caractérisés de la maniere suivante.

Vaisseaux du premier rang. Ils ont depuis 130 jusqu'à 163 piés de long, 44 piés de large, & 20 piés

Next page


The Project for American and French Research on the Treasury of the French Language (ARTFL) is a cooperative enterprise of Analyse et Traitement Informatique de la Langue Française (ATILF) of the Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), the Division of the Humanities, the Division of the Social Sciences, and Electronic Text Services (ETS) of the University of Chicago.

PhiloLogic Software, Copyright © 2001 The University of Chicago.