ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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TREVE (Page 16:603)

TREVE, s. f. (Droit polit.) la treve est une convention, par laquelle on s'engage à suspendre pour quelque tems les actes d'hostilité, sans que pour cela la guerre finisse, car alors l'état de guerre subsiste toujours.

La treve n'est donc point une paix, puisque la guerre subsiste; mais si l'on est convenu, par exemple, de certaines contributions pendant la guerre, comme on n'accorde ces contributions que pour se racheter des actes d'hostilité, elles doivent cesser pendant la treve, puisqu'alors ces actes ne sont pas permis; & au contraire, si l'on a parlé de quelque chose, comme devant avoir lieu en tems de paix, l'intervalle de la treve ne sera point compris là - dedans.

Toute treve laissant subsister l'état de guerre, c'est encore une conséquence, qu'après le terme expiré, il n'est pas besoin d'une nouvelle déclaration de guerre; la raison en est, que ce n'est pas une nouvelle guerre que l'on commence, c'est la même que l'on continue.

Ce principe, que la guerre que l'on recommence après une treve, n'est pas une nouvelle guerre, peut s'appliquer à divers autres cas. Dans un traité de paix conclu entre l'évêque & prince de Trente, & les Vénitiens, il avoit été convenu que chacun seroit renus en possession de ce qu'il possédoit avant la précédente & derniere guerre.

Au commencement de cette guerre, l'évêque avoit pris un château des Vénitiens, que ceux - ci reprirent depuis; l'évêque refusoit de le céder, sous prétexte qu'il avoit été repris après plusieurs treves, qui s'étoient faites pendant le cours de cette guerre; la question devoit se décider évidemment en faveur des Vénitiens.

On peut faire des treves de plusieurs sortes.

1°. Quelquefois pendant la treve, les armées ne laissent pas de demeurer sur pié avec tout l'appareil [p. 604] de la guerre, & ces sortes de treves sont ordinairement de courte durée.

2°. Il y a une treve générale pour tous les pays de l'un & de l'autre peuple, & une treve particuliere restreinte à certains lieux, comme par exemple, sur mer, & non pas sur terre, &c.

3°. Enfin, il y a une treve absolue, indéterminée & générale, & une treve limitée & déterminée à certaines choses; par exemple, pour enterrer les morts, ou bien si une ville a obtenu une treve seulement pour être à l'abri de certaines attaques, ou par rapport à certains actes d'hostilité, comme pour le ravage de la campagne.

Il faut remarquer encore qu'à proprement parler, une treve ne se fait que par une convention expresse, & qu'il est très - difficile d'établir une treve sur le fondement d'une convention tacite, à - moins que les faits ne soient tels en eux - mêmes & dans leurs circonstances, qu'ils ne puissent être rapportés à un autre principe, qu'à un dessein bien sincere de suspendre pour un tems les actes d'hostilité.

Ainsi, de cela seul qu'on s'est abstenu pour quelque tems d'exercer des actes d'hostilité, l'ennemi auroit tort d'en conclure que l'on consent à une treve.

La nature de la treve fait assez connoître quels en sont les effets.

1°. En général, si la treve est générale & absolue, tout acte d'hostilité doit cesser, tant à l'égard des personnes, qu'à l'égard des choses; mais cela n'empêche pas que l'on ne puisse pendant la treve, lever de nouvelles troupes, faire des magasins, réparer des fortifications, &c. à - moins qu'il n'y ait quelque convention formelle au contraire; car ces sortes d'actes ne sont pas en eux - mêmes des actes d'hostilité, mais des précautions défensives, & que l'on peut prendre même en pleine paix.

Ce seroit aussi une chose contraire à la treve, que de s'emparer d'une place occupée par l'ennemi, en corrompant la garnison; il est bien évident que l'on ne peut pas non plus innocemment s'emparer pendant la treve, des lieux que l'ennemi a abandonnés, mais qui lui appartiennent, soit qu'il ait cessé de les garder avant la treve, soit après.

3°. Par conséquent, il faut rendre les choses appartenantes à l'ennemi, qui pendant la treve sont par quelque hasard tombées entre nos mains, encore même qu'elles nous eussent appartenu auparavant.

4°. Pendant la treve, il est permis d'aller & de venir de part & d'autre, mais sans aucun train, ni aucun appareil, d'où il puisse y avoir quelque chose à craindre.

A cette occasion, on demande si ceux qui par quelque accident imprévû & insurmontable, se trouvent malheureusement sur les terres de l'ennemi après la treve expirée, peuvent être retenus prisonniers, ou si l'on doit leur accorder la liberté de se retirer: Grotius & Puffendorf après lui, décident que l'on peut à la rigueur du droit, les retenir prisonniers de guerres; mais, ajoute Grotius, il est sans doute plus humain & plus généreux de se relâcher d'un tel droit; pour moi, il me semble que c'est une suite du traité de treve, que l'on laisse aller ces gens - là en liberte; car puisqu'en vertu de la treve, on étoit obligé de laisser aller & venir en liberté pendant tout le tems de la treve, on doit aussi leur accorder la même permission après la treve même, s'il paroît manifestement qu'une force majeure, ou un cas imprévû les a empêché d'en profiter durant l'espace reglé; autrement, comme ces sortes d'accidens peuvent arriver tous les jours, une telle permission deviendroit souvent un piege pour faire tomber bien des gens entre les mains de l'ennemi: tels sont les principaux effets d'une treve absolue & générale.

Pour ce qui est d'une treve particuliere ou détermi<cb-> née à certaines choses, ses effets sont proportionnés à la convention, & limités par la nature de l'accord.

1°. Ainsi, si l'on a accordé une treve seulement pour enterrer les morts, on n'est pas pour cela en droit d'entreprendre tranquillement quelque chose de nouveau, qui apporte quelque changement à l'état des choses: on ne peut, par exemple, pendant ce tems - là, se retirer dans un port plus sûr, ni se retrancher, &c. car premierement, celui qui a accordé une courte treve pour enterrer les morts, ne l'a accordée que pour cela, & il n'y a nulle raison de l'étendre au - delà du cas dont on est convenu; d'où il s'ensuit, que si celui à qui on l'a accordée, vouloit en profiter pour se retrancher, par exemple, ou pour quelqu'autre chose, l'autre seroit en droit de l'empêcher par la voie des armes: le premier ne sauroit s'en plaindre, car on ne sauroit prétendre raisonnablement qu'une treve conclue pour enterrer les morts & restrainte à ce seul acte, donne droit d'entreprendre & de faire tranquillement quelqu'autre chose; tout ce à quoi elle oblige celui qui l'a accordée, c'est à ne point s'opposer par la force à l'enterrement des morts, il n'est tenu à rien de plus; cependant Puffendorf est dans un sentiment contraire.

C'est en conséquence des mêmes principes, que l'on suppose que par la treve, on ait seulement mis les personnes à couvert des actes d'hostilité, & non pas les choses; en ce cas - là, si pour défendre ses blens on fait du mal aux personnes, on n'agit point contre l'engagement de la treve; car par cela même qu'on a accordé de part & d'autre une sûreté pour les personnes, on s'est aussi réservé le droit de défendre ses biens du dégât ou du pillage; ainsi la sûreté des personnes n'est point générale, mais seulement pour ceux qui vont & viennent sans dessein de rien prendre à l'ennemi, avec qui on a fait cette treve limitée.

Toute treve oblige les parties contractantes, du moment que l'accord est fait & conclu; mais à l'égard des sujets de part & d'autre, ils ne sont dans quelque obligation à cet égard, que quand la treve leur a été solemnellement notifiée. Il suit de là, que si avant cette notification, les sujets commettent quelque acte d'hostilité, ou font quelque chose contre la treve, ils ne seront sujets à aucune punition; cependant les puissances qui auront conclu la treve doivent dedommager ceux qui auront souffert, & rétablir les choses dans le premier état, autant que faire se pourra.

Enfin, si la treve vient à être violée d'un côté, il est certainement libre à l'autre des parties de reprendre les armes, & de recommencer la guerre sans aucune déclaration préalable; que si l'on est convenu d'une peine payable par celui qui violeroit la treve, si celui - ci offre la peine, ou s'il l'avoit subie, l'autre n'est point en droit de recommencer les actes d'hostilité avant le terme expiré; bien entendu qu'outre la peine stipulée, la partie lésée est en droit de demander un dédommagement de ce qu'elle a souffert par l'infraction de la treve; mais il faut bien remarquer que les actions des particuliers ne rompent point la treve, à - moins que le souverain n'y ait quelque part, ou par un ordre donné, ou par une approbation, & le souverain est censé approuver ce qui a été fait, s'il ne veut ni punir, ni livrer le coupable, ou s'il refuse de rendre les choses prises pendant la suspension d'armes. Principes du Droit politique, tom. II. (D. J.)

Treve (Page 16:604)

Treve, (Jurisprud.) ce terme a dans cette matiere différentes significations.

Treve, du latin trivium, signifie dans les anciens titres un carrefour où aboutissent trois chemins.

Treve, en quelques pays, comme en Bretagne, signifie une église qui est succursale d'une paroisse.

Treve est pris quelquefois pour sauvegarde, liber<pb-> [p. 605] té, franchise; il en est parlé en ce sens pour ceux qui alloient à certaines foires, les débiteurs avoient huit jours de treve avant la fête & huit jours après. Voyez le Gloss. de Ducange au mot trevioe immunitas.

Treve brisée ou enfreinte, c'étoit lorsque l'une des parties faisoit quelque hostilité au préjudice de la treve. Voyez le Gloss. de Ducange au mot treuga, treugarum infractio. (A)

Treve de Dieu (Page 16:605)

Treve de Dieu ou Treve du Seigneur, treva, treuca seu treuga Domini, étoit une suspension d'armes qui avoit lieu autrefois pendant un certain tems par rapport aux guerres privées.

C'étoit anciennement un abus invétéré chez les peuples du Nord, de venger les homicides & les injures par la voie des armes.

La famille de l'homicidé en demandoit raison aux parens de celui qui avoit commis le crime; & si l'on ne pouvoit parvenir à un accommodement, les deux familles entroient en guerre l'une contre l'autre.

Cette coutume barbare fut apportée dans les Gaules par les Francs lorsqu'ils en firent la conquête; nos rois ne purent pendant long - tems arrêter les désordres de ces guerres privées qui se faisoient sans leur permission.

Cette licence dura pendant tout le cours de la premiere & de la seconde race, & même encore sous les premiers rois de la troisieme; on peut voir sur ces premiers tems Grégoire de Tours, Frédégaire Warnefrid, de Thou.

Cependant en attendant que l'on pût entierement remédier au mal, on chercha quelques moyens pour l'adoucir.

Le premier fut que l'homicide ou sa famille payeroit au roi une somme pour acheter la paix, ce qui s'appelloit fredur; ils payoient aussi aux parens du mort une somme qui, selon quelques - uns, s'appelloit faidum ou faidam; d'autres prétendent que faida signifioit une inimitié capitale.

Le second moyen étoit que les parens du meurtrier pouvoient affirmer & jurer folemnellement qu'ils n'étoient directement ni indirectement complices de son crime.

Le troisieme moyen étoit de renoncer à la parenté & de l'abjurer.

Charlemagne fut le premier qui fit une loi générale contre les guerres privées; il ordonna que le coupable payeroit promptement l'amende ou composition, & que les parens du défunt ne pourroient refuser la paix à celui qui la demanderoit.

Cette loi n'étant pas assez rigoureuse, ne fit point cesser l'abus, d'autant même que l'autorité royale fut comme éclipsée sous les derniers rois de la seconde race & sous les premiers rois de la troisieme, les seigneurs, tant ecclésiastiques que temporels, s'étant arrogé le droit de faire la guerre; de sorte que ce qui n'étoit jusque - là que des crimes de quelques particuliers qui étoient tolérés, devint en quelque maniere un droit public.

Les évêques défendirent, sous des peines canoniques, que l'on usât d'aucune violence pendant un certain tems, afin que l'on pût vaquer au service divin; cette suspension d'hostilité fut ce que l'on appella la treve de Dieu, nom commun dans les conciles depuis le onzieme siecle.

Le premier reglement fut fait dans un synode tenu au diocèse d'Elne en Roussillon le 16 Mai 1027, rapporté dans les conciles du pere Labbe. Ce reglement portoit que dans tout le comté de Roussillon personne n'attaqueroit son ennemi depuis l'heure de none du samedi, jusqu'au lundi à l'heure de prime, pour rendre au dimanche l'honneur convenable; que personne n'attaqueroit, en quelque maniere que ce fût, un moine ou un clerc marchant sans armes, ni un homme allant à l'église ou qui en reve<cb-> noit, ou qui marchoit avec des femmes; que personne n'attaqueroit une église ni les maisons d'alentour, à trente pas, le tout sous peine d'excommunication, laquelle au bout de trois mois seroit convertie en anathème.

Au concile de Bourges tenu en 1031, Jourdain de Limoge prêcha contre les pillages & les violences; il invita tous les seigneurs à se trouver au concile le lendemain & le troisieme jour, pour y traiter de la paix, il les exhorta de la garder en venant au concile pendant le séjour, & après le retour sept jours durant, ce qui n'étoit encore autre chose que ce qu'on appelloit la treve de Dieu, & non paix proprement dite, la paix étant faite pour avoir lieu à perpétuité, quoique souvent elle dure peu de tems.

Cette treve étoit regardée comme une chose si essentielle, que pour y engager tout le monde, le diacre qui avoit lû l'évangile lut une excommunication contre les chevaliers du diocèse de Limoges qui refusoient de promettre à leur évêque par serment la paix & la justice comme il l'exigeoit; cette excommunication étoit accompagnée de malédictions terribles, & même les évêques jetterent à terre les cierges qu'ils tenoient allumés & les éteignirent; le peuple en frémit d'horreur, & tous s'écrierent ainsi: « Dieu éteigne la joie de ceux qui ne veulent pas recevoir la paix & la justice ».

Sigebert rapporte sous l'an 1032, qu'un évêque d'Aquitaine, dont on ignore le nom, publia qu'il avoit reçu du ciel un écrit apporté par un ange, dans lequel il étoit ordonné à chacun de faire la paix en terre pour appaiser la colere de Dieu qui avoit affligé la France de maladies extraordinaires & d'une stérilité générale, ce qui donna lieu à plusieurs conciles nationaux & provinciaux de défendre à toutes personnes de s'armer en guerre privée pour venger la mort de leurs parens, ce que les évêques de France prescrivirent chacun aux fideles de leur diocèse.

Mais cette paix générale ne dura qu'environ sept ans, & les guerres privées ayant recommencé, on tint en 1041 divers conciles en France au sujet de la paix qui y étoit desirée depuis si long - tems, & la crainte & l'amour de Dieu firent conclure entre tous les seigneurs une treve générale, qui fut acceptée d'abord par ceux d'Aquitaine, & ensuite peu - à - peu par toute la France.

Cette treve duroit depuis les vêpres de la quatrieme ferie, jusqu'au matin de la seconde, c'est - à - dire depuis le mercredi au soir d'une semaine jusqu'au lundi matin, ce qui faisoit un intervalle de tems dans chaque semaine d'environ quatre jours entiers, pendans lequel toutes vengeances & toutes hostilités cessoient.

On crut alors que Dieu s'étoit déclaré pour l'observation de cette treve, & qu'il avoit fait un grand nombre de punitions exemplaires sur ceux qui l'avoient violée.

C'est ainsi que les Neustriens ayant été frappés de la maladie des ardens, qui étoit un feu qui leur dévoroit les entrailles, ce fléau fut attribué à ce qu'ils n'avoient pas d'abord voulu recevoir la treve de Dieu; mais bien - tôt après ils la reçurent, ce qui arriva principalement du tems de Guillaume - le - Conquérant, roi d'Angleterre & duc de Normandie.

En effet, Edouard - le - Consesseur, roi d'Angleterre, qui désigna Guillaume - le - Conquérant pour son successeur, reçut dans ses états en l'année 1042, la treve de Dieu, avec cette addition, que cette paix ou treve auroit lieu pendant l'avent & jusqu'à l'octave de l'Epiphanie, depuis la Septuagesime jusqu'à Pâques; depuis l'Ascension jusqu'à l'octave de la Pentecôte, pendant les quatre - tems, tous les samedis depuis neuf heures jusqu'au lundi suivant, la veille des fêtes [p. 606] de la Vierge, de saint Michel, de saint Jean - Baptiste, de tous les apôtres & de tous les saints dont la solemnité étoit annoncée à l'église, de la Toussaint, le jour de la dédicace des églises, & le jour de la fête du patron des paroisses, &c.

Le reglement des rois Edouard & Guillaume II. sur la paix ou treve de Dieu, fut depuis confirmé dans un concile tenu à Lillebonne l'an 1080.

Plusieurs grands seigneurs adopterent aussi la treve de Dieu, tels que Raimond Berenger, comte de Barcelone en 1066, & Henri, évêque de Liege en 1071.

Ce que les évêques avoient ordonné à ce sujet à leurs diocésains, fut confirmé par Urbain II. au concile de Clermont en 1095.

Il y eut nombre d'autres conciles qui confirmerent la treve de Dieu; outre le synode d'Elne en 1027, & le concile de Bourges en 1031, dont on a dejà parlé, on en fit aussi mention dans les conciles de Narbonne en 1054, d'Elne en 1065, de Troye en 1193, de Rouen en 1096, de Northausen en 1105, Reims en 1119 & 1136, de Rome dans la même année, de Latran en 1139, au troisieme concile de Latran en 1179, de Montpelier en 1195, & plusieurs autres.

On voit aussi par le chapitre premier du titre de treuga & pace aux décrétales, qui est tiré du concile de Latran de l'an 1179, sous Alexandre III. que la treve de Dieu, avec une partie des augmentations qu'Edouard - le - Confesseur y avoit faites, devint une regle générale & un droit commun dans tous les états chrétiens.

Cependant Yves de Chartres dit que cette treve étoit moins fondée sur une loi du souverain que sur un accord des peuples confirmé par l'autorité des évêques & des églises.

On faisoit jurer l'observation de cette treve aux gens de guerre, aux bourgeois, & aux gens de la campagne, depuis l'âge de quatorze ans & au - dessus; le concile de Clermont marque même que c'étoit dès douze ans.

Ce serment fut la cause pour laquelle Gérard, évêque de Cambray, s'opposa si fortement à l'établissement de la treve de Dieu; il craignoit que chacun ne tombât dans le cas du parjure, comme l'événement ne le justifia que trop.

La peine de ceux qui enfreignoient la treve de Dieu étoit l'excommunication, & en outre une amende, & même quelquefois une plus grande peine.

Cependant les treves étoient mal observées, & les guerres privées recommençoient toujours.

Pour en arrêter le cours, Philippe - Auguste fit une ordonnance, par laquelle il établit une autre espece de treve appellée la quarantaine le roi; il ordonna que depuis le meurtre ou l'injure, jusqu'à quarante jours accomplis, il y auroit de plein droit une treve de par le roi, dans laquelle les parens des deux parties seroient compris; que cependant le meurtrier ou l'agresseur seroit arrêté & puni; que si dans les quarante jours marqués quelqu'un des parens étoit tué, l'auteur de ce crime seroit réputé traître & puni de mort.

Cette treve eut plus de succès que les précédentes, elle fut confirmée par saint Louis en 1245, par Philippe III. en 1257, par Philippe - le - Bel en 1296, 1303, & 1314, par Philippe - le - Long en 1319, & par le roi Jean en 1353, lequel en prescrivant l'observation ponctuelle de la quarantaine le roi, sous peine d'être poursuivi extraordinairement, mit presque fin à cet abus invétéré des guerres privées. Voyez le Glossaire de Ducange & celui de Lauriere, le Recueil des ordonnances de la troisieme race, & les mots Assurement, Guerre privée, Paix, Quarantaine le roi, Sauvegarde . (A)

Treve enfreinte (Page 16:606)

Treve enfreinte ou brisée, c'étoit la même chose. Voyez ci - devant Treve brisée. (A)

Treve pêcheresse (Page 16:606)

Treve pêcheresse, est la faculté qu'une puissance souveraine accorde aux pêcheurs de quelque autre nation, de pêcher en toute liberté dans les mers de sa domination, nonobstant la guerre qui subsiste entre les deux nations.

Les puissances voisines qui ont pour limites des mers qui leur sont communes, ayant un égal intérêt de favoriser la pêche de leurs sujets respectifs en quelque tems que ce soit, rien ne seroit plus naturel que de convenir entr'elles de cette liberté de la pêche, au moins pour le poisson qui se mange frais, laquelle ne peut être faite que jour par jour. On devroit déroger en cette partie au droit de la guerre, suivant lequel les pêcheurs sont de bonne prise comme les autres navigateurs.

Aussi ces sortes de traités étoient ils anciennement d'une pratique assez commune: c'est ce qu'on appelloit treve pêcheresse.

De la part de la France, l'amiral étoit autorisé à les conclure: c'étoit une des prérogatives de sa charge; il en est fait mention dans les ordonnances du mois de Février 1543 & Mars 1584. L'amiral avoit le droit d'accorder en tems de guerre de telles treves pour la pêche du hareng & autres poissons aux ennemis & à leurs sujets, pourvu que les ennemis la voulussent accorder de même aux sujets du roi; & si la treve ne se pouvoit accorder de part & d'autre, l'amiral pouvoit donner aux sujets des ennemis des saufs - conduits pour la pêche, sous telles & semblables cautions, charges & précis que les ennemis les accordoient aux sujets du roi. L'amiral pouvoit en tems de guerre armer des navires pour conduire en sûreté les sujets du roi & autres marchands alliés & amis de la France.

Cet ordre a subsisté jusqu'en 1669, que la charge d'amiral qui avoit été supprimée en 1626, fut rétablie. Depuis ce tems il n'a plus été fait aucun traité, soit pour la liberté de la pêche ou autre cause, qu'au nom du roi; de même aussi les escortes pour la liberté de la pêche n'ont été données que par ordre du roi. Le droit dont jouissoit l'amiral par rapport à ces deux objets n'ayant point été rappellé lors du rétablissement de cette charge, & ayant même été révoqué implicitement, tant par le dernier article du réglement du 12 Novembre 1669, que par l'ordonnance de la marine tit. de la liberté de la pêche, art. 14.

Au reste ces treves pêcheresses n'ont presque plus été pratiquées, même pour la pêche journaliere du poisson frais, depuis la fin du dernier siecle, par l'infidélité de nos ennemis qui enlevoient continuellement nos pêcheurs, tandis que les leurs faisoient leurs pêches en toute sûreté. Voyez l'ordonnance de la marine, liv. V. tit. 7, & le commentaire de M. Valin. (A)

Treve du seigneur (Page 16:606)

Treve du seigneur, voyez ci - devant Treve de Dieu.

Treve et paix (Page 16:606)

Treve et paix, (Hist. mod.) nom que l'on donna vers l'an 1020, à un decret porté contre les violences qui se commettoient alors publiquement de particulier à particulier. Les lois étoient alors si peu respectées, & les magistrats si foibles, que chaque citoyen prétendoit avoir droit de se faire justice à soi - même par la voie des armes, sans épargner le fer ni le feu contre les maisons, les terres & les personnes mêmes de ses ennemis. Pour remédier à ces désordres, les évêques & les barons, premierement en France, puis dans les autres royaumes, firent un decret par lequel on mettoit absolument à couvert de ces violences les églises, les clercs ou ecclésiastiques séculiers, les religieux & leurs monasteres, les femmes, les marchands, les laboureurs & les moulins: ce qu'on comprit sous le nom de paix. A l'égard de [p. 607] toutes autres personnes, on défendit d'agir offensivement depuis le mercredi au soir jusqu'au lundi matin, par le respect particulier, disoit - on, qu'on devoit a ces jours que Jesus - Christ à consacrés par les derniers mysteres de sa vie, & c'est ce qu'on appella treve. On déclara excommuniés les violateurs de l'un ou l'autre de ces decrets, & l'on arrêta ensuite qu'ils seroient bannis ou punis de mort, selon la qualité des violences qu'ils auroient commises. Divers conciles approuverent ces résolutions, & entr'autres celui de Clermont en Auvergne tenu en 1095, qui aux quatre jours de la semaine affectés à la treve, ajouta tout le tems de l'avent jusqu'après l'octave de l'épiphanie, celui qui est compris entre la septuagesime & l'octave de pâques, & celui qui commence aux rogations & finit à l'octave de la pentecôte; ce qui joint aux autres jours prescrits pour la treve dans les autres saisons, faisoit plus de la moitié de l'année. Il est étonnant que les évêques qui avoient intimidé les peuples par le motif de la religion pour les engager à suspendre leur vengeance pendant la moitié de chaque semaine & des intervalles assez considérables de l'année, ne pussent en obtenir la même chose ni pour la semaine ni pour l'année entiere, & il ne l'est pas moins que les peuples crussent tolérée & même permise à certains jours une vengeance qu'ils n'osoient prendre dans d'autrés. Ce qu'il y a de certain, c'est que l'usage de ces petites guerres qui désoloient toutes les provinces du royaume, dura jusqu'au tems de Philippe - le - bel. Voyez Treve de Dieu.

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