ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"374"> retranche le haut, où sont les feuilles desséchées, & on n'emploie que les racines pour cette teinture.

Comme la toile y a été plongée entierement, & qu'elle a dû être imbibée de cette couleur, il faut la retirer, sans craindre que les couleurs rouges soient endommagées par les opérations suivantes. Elles sont les mêmes que celles dont nous avons déjà parlé; c'est - à - dire qu'il faut laver la toile dans l'étang, la battre dix ou douze fois sur la pierre, la blanchir avec des crottes de mouton, & le troisieme jour la savonner, la battre, & la faire sécher en jettant légerement de l'eau dessus de tems - en - tems. On la laisse humide pendant la nuit; on la lave encore le lendemain, & on la fait sécher comme la veille: enfin à midi on la lave dans de l'eau chaude pour en retirer le savon & toutes les ordures qui pourroient s'y être attachées, & on la fait bien sécher.

La couleur verte qu'on veut peindre sur la toile demande pareillement des préparations: les voici. Il faut prendre un palam, ou un peu plus d'une once de fleur de cadou, autant de cadou, une poignée de chaïaver; & si l'on veut que le verd soit plus beau, on y ajoute une écorce de grenade. Après avoir réduit ces ingrédiens en poudre, on les met dans trois bouteilles d'eau, que l'on fait ensuite bouillir jusqu'à diminution des trois quarts; on verse cette teinture dans un vase en la passant par un linge: sur une bouteille de cette teinture on y met une demi - once d'alun en poudre: on agite quelque tems le vase, & la couleur se trouve préparée.

Si l'on peint avec cette couleur sur le bleu, on aura du verd; c'est pourquoi quand l'ouvrier a teint sa toile en bleu, il a eu soin de ne pas peindre de cire les endroits où il avoit dessein de peindre du verd, afin que la toile teinte d'abord en bleu, fût en état de recevoir le verd en son tems: il est si nécessaire de peindre sur le bleu, qu'on n'auroit qu'une couleur jaune, si on le peignoit sur une toile blanche.

Mais on doit savoir que ce verd ne tient pas comme le bleu & le rouge; ensorte qu'après avoir lavé la toile quatre ou cinq fois, il disparoit, & il ne reste à sa place que le bleu sur lequel on l'avoit peint. Il y a cependant un moyen de fixer cette couleur, ensorte qu'elle dure autant que la toile même: le voici. Il faut prendre l'oignon du bananier, le piler encore frais, & en tirer le suc. Sur une bouteille de teinture verte on met quatre ou cinq cuillerées de ce suc, & le verd devient adhérent & ineffaçable; l'inconvénient est que ce suc fait perdre au verd une partie de sa beauté.

Il reste à parler de la couleur jaune qui ne demande pas une longue explication. La même couleur qui sert pour le verd en peignant sur le bleu, sert pour le jaune en peignant sur la toile blanche. Mais cette couleur n'est pas fort adhérente; elle disparoît après avoir été lavée un certain nombre de fois: cependant quand on se contente de savonner légerement ces toiles, ou de les laver dans du petit - lait aigri, mélé de suc de limon, ou bien encore de les faire tremper dans de l'eau, où l'on aura délayé un peu de bouse de vache, & qu'on aura passée au - travers d'un linge; ces couleurs passageres durent bien plus longtems. Observat. sur les cout. d'Asie. (D. J.)

Toiles peintes (Page 16:374)

Toiles peintes imitées des indiennes qui se fabriquent en Europe. Les toiles peintes ou les indiennes, sont des toiles de coton empreintes de diverses couleurs; on en fait en plusieurs endroits en Europe, mais les plus belles viennent de Perse & des Indes orientales. On croit communément qu'on ne peut en faire en Europe de la beauté de celles des Indes, ni qui se lavent de la même maniere sans s'effacer, parce qu'on croit que dans l'Inde on y fait les teintures avec des sucs d'herbes qui ne croissent pas dans ce pays - ci: mais c'est une erreur qu'il est facile de détruire, en faisant voir que nous avons ici de quoi faire des couleurs aussi variées, aussi belles, & aussi ineffaçables qu'aux Indes; il est vrai cependant que les toiles peintes qu'on fabrique en Hollande & ailleurs, ne sont pas de la beauté de celles des Indes; mais voici quelle est la raison. Le travail des ouvriers ne coûte presque rien en Perse & aux Indes; aussi le tems qu'on met à ces sortes d'ouvrages n'est pas un objet à considérer: ici au contraire, le tems est ce qu'il y a de plus précieux, les matieres qu'on emploie ne sont rien en comparaison, il faut donc chercher à épargner le tems pour pouvoir faire quelque profit; c'est ce que l'on fait, & c'est aussi pour cela que nos ouvrages sont inférieurs à ceux des Indes, car ils ne leur céderoient en rien s'il étoit possible d'y employer le tems nécessaire.

Il y a plusieurs manieres de travailler la toile peinte suivant l'espece & le nombre des couleurs qu'on y emploie, quoiqu'il semble qu'on doive commencer par celles qui ne sont imprimées que d'une seule couleur; nous ne le ferons pas cependant, parce que chaque couleur employée seule, demande une pratique différente qui sera plus facile à déduire lorsque l'on sera au fait de celles où il entre plusieurs couleurs.

Maniere de faire une toile peinte à fond blanc où il y a des fleurs de deux ou trois nuances, des fleurs violettes & gris - de - lin, des fleurs bleues, des fleurs jaunes, le trait des tiges noir, les tiges & les feuilles vertes. Préparation de la toile. Il faut d'abord ôter avec soin la gomme ou l'apprêt qu'il y a dans presque toutes les toiles, ce qui se fait en la faisant tremper dans l'eau tiede, la frottant bien, la tordant, la lavant ensuite dans l'eau froide bien claire, & la faisant sécher.

Engallage. La toile étant bien dégommée, il la faut engaller, & pour cela on mettra, par exemple, pour dix aunes de toile de coton, environ deux seaux d'eau froide dans un baquet où l'on jettera quatre onces de noix - de - galle bien pilées; on y mettra en même tems la toile qu'on remuera un peu, afin qu'elle soit mouillée par - tout; on la laissera ainsi environ une heure & demie; on la retirera ensuite, on la tordra, & on la laissera sécher à l'ombre.

Précaution à prendre. Lorsque la toile sera bien séche, on verra qu'elle a contracté un oeil jaunâtre; il faudra prendre garde alors qu'il ne tombe quelque goutte d'eau par - dessus, ce qui feroit une tache; & dans tout le cours du travail, il faut avoir une grande attention à la propreté, parce que les moindres taches sont irrémediables. Si l'on veut de l'ouvrage fin, il faut calandrer la toile lorsqu'elle sera engallée, afin que cela soit plus fini; on posera alors sur la toile le dessein que l'on jugera à propos, & on le dessinera à la plume ou au pinceau avec les couleurs ou les mordans dont nous parlerons dans la suite.

Maniere d'imprimer la toile. Si l'on veut un ouvrage plus commun, on l'imprimera avec des planches en cette sorte: on étendra la toile engallée & séchée, sur une grande table bien solide, sur laquelle il y aura de gros drap en double, afin que les planches s'impriment plus également, & on prendra avec une planche gravée, de la couleur noire sur un coussinet: on appliquera la planche sur la toile, on frappera dessus à plusieurs endroits, si elle est grande, afin qu'elle marque par - tout: on imprimera de suite & de la même maniere, tout ce qui doit être en noir, après quoi on fera la même chose avec le rouge foncé, que l'on appliquera avec une contreplanche, c'est - à - dire, une seconde planche, qui est la contrepartie de la premiere, & qui ne porte que sur les endroits où il doit y avoir du rouge, & où la premiere planche n'a pas porté, parce qu'à ces endroits - là il y avoit des lieux reservés à dessein.

Quoique cette operation paroisse jusque - là assez [p. 375] simple, il y a cependant bien des remarques à faire.

Maniere d'employer la couleur. Voici premierement ce qui est commun à toutes les couleurs en général, & qu'il faut observer pour les pouvoir employer, soit avec la planche, soit à la plume ou au pinceau. Lorsque la couleur ou le mordant sera fait, de la maniere que nous le décrirons dans la suite, il faudra dissoudre de la gomme arabique pour l'épaissir (le mordant), & pour le mettre en consistance de sirop épais, si l'on veut l'employer à la planche; si c'est à la plume ou au pinceau, il le faut un peu moins épais, ensorte qu'il puisse couler plus facilement; lorsqu'on voudra imprimer, on en prendra environ une cuillerée, que l'on étendra avec un morceau de coton sur un coussinet de crin, couvert d'un gros drap: on appliquera à plusieurs reprises la planche sur ce coussinet, pour la bien enduire de couleur: on la frottera avec une brosse, on la rappliquera de nouveau sur le coussinet, & on l'imprimera sur la toile comme nous l'avons dit.

S'il y a quelques endroits dans les angles des bordures ou ailleurs, où on ne veuille point que la planche porte, on y mettra une feuille de papier, qui recevra dans ces endroits l'impression de la planche & les épargnera sur la toile: on reprendra ensuite de la couleur avec la planche, & on imprimera à côté de la premiere impression, & ainsi de suite, prenant chaque fois de nouvelle couleur sur le coussinet, qu'on aura soin d'en fournir à mesure.

La planche est de poirier ou de tilleul, on la grave avec des gouges, des cizeaux & autres pareils instrumens: on voit bien que les traits qui impriment sur la toile, doivent être de relief, comme dans l'impression ordinaire qui se fait en planche de bois.

On n'imprime ordinairement sur la toile que le simple trait en noir ou en rouge, avec les deux premieres planches; s'il y a des places un peu grandes où il doive y avoir du gros rouge ou du noir, cette premiere planche le porte, ou on le met au pinceau après l'impression.

Composition du noir. La composition pour le noir se fait en faisant bouillir de la limaille de fer avec partie de vinaigre & d'eau; lorsque le mélange aura bouilli un quart - d'heure, on le retirera du feu & on le laissera reposer vingt - quatre heures: on versera ensuite la liqueur par inclination, pour la garder dans des bouteilles; elle se conserve autant que l'on veut, & lorsqu'on souhaite s'en servir, on l'épaissit avec de la gomme. Cette liqueur est couleur de rouille de fer, & sur la toile qui n'est point engallée, elle ne fait que du jaune; mais comme dans l'opération présente on l'imprime sur la toile engallée, elle fait sur le champ un noir foncé qui ne s'en va pas.

Maniere d'appliquer le rouge. Le rouge ne s'applique pas de la même maniere: on ne le met pas immédiatement sur la toile, mais on imprime une composition appellée mordant, qui n'a presque aucune couleur, & qui est différente, selon les différentes nuances de rouge ou de violet. Cette composition sert à faire attacher dans les endroits où elle a été mise, la couleur dans laquelle on plonge & on fait bouillir toute la toile, & à lui donner les différentes nuances dont on a besoin, depuis le couleur de rose, jusqu'au violet foncé.

Premiere composition de mordant pour le rouge foncé. Le mordant pour le beau rouge un peu foncé, se fait en cette sorte: on prend huit parties d'alun de rome, deux parties de soude d'alicante, & une d'arsenic blanc: on pilera toutes ces matieres, on les mettra dans une suffisante quantité d'eau, & on l'épaissira avec la gomme; il est bon que l'eau dans laquelle on dissout ces matieres soit colorée avec du bois de Bresil, afin de voir sur la toile les endroits où le mordant pourroit n'avoir pas pris, pour les réparer avec la plume ou le pinceau.

Autre mordant pour un beau rouge. On fait un autre mordant, qui donne aussi un très - beau rouge: on met une once & demie d'alun de rome, un gros & demi de sel de tartre, & un gros d'eau forte, dans une pinte d'eau; il faut toujours des épreuves de ces différens mordans, sur des petits morceaux de toile, pour voir si la couleur est belle.

Lorsque la toile sera imprimée de la sorte, c'est à - dire avec le noir & le mordant pour le rouge, on mettra au pinceau ou avec des contre - planches le même mordant, aux endroits qui doivent être entierement rouges foncés: on les laissera sécher l'un & l'autre pendant douze heures au - moins, après quoi il faut bien laver la toile pour emporter toute la gomme qui y a été mise, avec le mordant & le noir.

Maniere de laver la toile. La maniere de laver la toile est très - importante, car c'est de là qu'en dépend la propreté & la beauté, & c'est ce qui empêche les couleurs de s'étendre & de couler. Si l'on a beaucoup de toile à laver, il faut nécessairement avoir une grande quantité d'eau, & que ce soit de l'eau courante si cela est possible, ou tout au - moins un très - grand bassin, afin que la petite quantité de mordant & de couleur qui s'enleve avec la gomme, soit extrémement étendue & ne puisse pas s'attacher sur le fond de la toile & la tacher: pour cela il faut beaucoup remuer la toile & la brasser en la lavant, & prendre garde lorsqu'il s'y fera des plis, qu'ils n'y soient pas long - tems sans être défaits; c'est principalement quand on commence à laver la toile qu'il faut avoir ces attentions: car lorsque la premiere gomme est emportée, il n'y a plus rien à craindre. Si on travailloit une petite quantité de toile, & qu'on la lavât dans un seau, ou quelque chose de semblable, il faudroit la laver dans trois ou quatre eaux successivement: on peut être assuré qu'il n'y a nul inconvénient à la trop laver: lorsqu'elle le sera suffisamment, on la tordra, & on la laissera sécher, ou si l'on veut on la bouillira de la maniere suivante.

Maniere de faire bouillir la toile en grappe ou grappée; Sitôt qu'on en a bien exprimé l'eau, & avant qu'elle foit seche, on met dans un chaudron de l'eau suivant la quantité de toile que l'on a à teindre; lorsqu'elle commence à tiédir, on y jette de la bonne garance légerement broyée avec les mains; ou ne peut pas fixer exactement la dose, parce que cela dépend de la bonté de la garance, & de la couleur plus ou moins foncée que l'on veut donner: on peut seulement dire qu'il faut pour quinze aunes de toile, une livre & demie de garance & douze pintes d'eau; si l'on veut une plus belle couleur, on mêlera de la cochenille avec la garance, à proportion de la beauté de l'ouvrage, & du prix qu'on veut y mettre. Lorsque la garance sera bien mêlée, & que l'eau sera chaude à n'y pouvoir souffrir la main qu'avec peine, on y mettra la toile, on la plongera & on la retirera à plusieurs reprises, afin qu'elle soit teinte bien également. Après cela on la plongera dans l'eau froide, & on la lavera le plus qu'il sera possible, en changeant d'eau très souvent, jusqu'à ce qu'elle en sorte claire: on fera bouillir ensuite quelques poignées de son dans de l'eau claire, & après qu'elle aura bouilli, on la retirera du feu, on la passera par un linge afin d'en ôter le son, & on lavera bien dans cette eau encore chaude, la toile dont le fond perdra encore par ce moyen un peu de la couleur: on la tordra ensuite, & on la laissera bien sécher: on verra pour lors que le fond sera d'un rouge foncé, & que le noir est devenu encore plus beau; c'est alors qu'avec des contre - planches, si c'est de l'ouvrage commun, ou avec le pinceuu, si on le veut plus fini, on mettra le mordant pour le rouge clair, & celui pour le violet.

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